DEUXIÈME SECTION. Requête n o 21903/05 présentée par Vahti KAHVECİ contre la Turquie introduite le 31 mai 2005 EXPOSÉ DES FAITS
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1 8 mars 2010 DEUXIÈME SECTION Requête n o 21903/05 présentée par Vahti KAHVECİ contre la Turquie introduite le 31 mai 2005 EXPOSÉ DES FAITS EN FAIT Le requérant, M. Vahti Kahveci, est un ressortissant turc, né en 1947 et résidant à Ankara. Il est représenté devant la Cour par M e B. Doğan, avocat à Ankara. A. Les circonstances de l espèce Les faits de la cause, tels qu ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit. Le 16 décembre 1999, le requérant fit un dépôt d un montant de de livres turques sur un compte auprès d un établissement bancaire privé, Egebank A.Ş. Le 22 décembre 1999, Egebank A.Ş ne pouvant plus honorer ses engagements, son contrôle et son administration furent transférés au Fonds de garantie des dépôts bancaires (Tasarruf Mevduatı Sigorta Fonu, ci-après «le Fonds de garantie») sur décision du Conseil de régulation et de contrôle bancaire (Bankacılık Düzenleme ve Denetleme Kurulu, ci-après «le Conseil de régulation»). Par la suite, l établissement fut assaini et ses actifs furent cédés à un autre établissement bancaire, Oyakbank. A la suite de la prise de contrôle en 1999, le Conseil de régulation annonça que les titulaires de comptes au sein de cet établissement n avaient rien à craindre dans la mesure où leurs dépôts étaient garantis par l Etat.
2 2 EXPOSÉ DES FAITS KAHVECİ c. TURQUIE Toutefois, lorsque le requérant réclama la restitution de ses fonds, il lui fut indiqué que ceux-ci ne se trouvaient pas sur un compte au sein d Egebank A.Ş., mais sur un compte off shore au sein d Ege Off Shore Bank Ltd., un établissement financier étranger situé à Chypre, et qu ils n étaient dès lors pas couvert par la garantie étatique. Le 21 décembre 2000, le requérant assigna devant le tribunal de commerce d Ankara, le Fonds de garantie, Oyakbank ainsi que Yahya Murat Demirel, l ancien propriétaire d Egebank A.Ş., afin d obtenir le remboursement, avec intérêts, des sommes qu il avait déposées dans cette même banque. Lors de la procédure, le Fonds de garantie présenta une copie de l ordre de virement vers le compte off shore signé par le requérant le jour de l ouverture de son compte. Le 17 mai 2001, le tribunal ordonna une expertise. Le 19 septembre 2001, l expert remit son rapport. Il releva que la banque turque n avait pas facturé ses services ni même réclamé les droits de timbre au requérant alors même qu elle avait procédé à un transfert international de fonds. En outre, il observa que l ordre de virement signé par le requérant n avait pas été établi de manière conforme à la pratique bancaire turque. Il en conclut qu il existait un lien organique entre la banque turque et l établissement chypriote, et que la première n avait pas agi comme un simple intermédiaire entre le second et le requérant, mais que les deux constituaient une seule et même entité. Il affirma à cet égard que l existence réelle d Egebank Off Shore n avait pas été démontrée. Le 24 septembre 2001, le Fonds de garantie contesta la validité des conclusions de l expert et demanda une nouvelle expertise. Il indiqua notamment que l expert ne s était pas donné la peine d examiner l ensemble des documents se trouvant à la succursale depuis laquelle les opérations d ouverture de compte et de virement avaient été effectuées. Il précisa par ailleurs, qu Ege Offshore Bank Ltd était un établissement financier figurant de manière régulière sur les registres des autorités publiques de la RCTN et qu elle avait par conséquent, contrairement à ce qu affirmait l expert, une existence réelle. Le 1 er novembre 2002, le tribunal décida d ordonner une nouvelle expertise. Dans son rapport du 7 juin 2003, l expert releva que le requérant avait ouvert, le 16 décembre 1999, un compte auprès d Ege Offshore Bank Ltd, établissement financier relevant du droit de la «République turque de Chypre nord» (ci-après «RTCN») et disposant d une personnalité juridique distincte d Egebank A.Ş., que, contrairement à ce que prétendait le requérant, le livret de compte qui lui avait été remis ce jour était celui de cet établissement, qu il faisait clairement apparaître son nom, et qu il indiquait explicitement qu il s agissait d un compte off shore. Le même jour, le requérant avait passé un ordre de virement vers ce compte off shore depuis son compte à Egebank A.Ş. en vue d un placement pour une durée d un mois et une rémunération de 78 %. Le 3 juillet 2002, le tribunal débouta le requérant. Selon lui, le requérant avait déposé ses fonds auprès d Egebank A.Ş. et ouvert un compte auprès d Ege Off Shore Bank Ltd, un établissement financier ayant une personnalité juridique distincte relevant de la RCTN. Il avait ensuite passé
3 EXPOSÉ DES FAITS KAHVECİ c. TURQUIE 3 un ordre de transfert de son dépôt vers ce compte. Le livret de compte de l établissement chypriote et l ordre de transfert qui lui avaient été remis portaient sa signature. Dès lors, le requérant, qui n avait pas dénoncé et donc approuvé cette opération, n était pas fondé à réclamer le remboursement des sommes versées en alléguant avoir été trompé par Egebank A.Ş. Conformément aux règles de droit commercial, il devait d abord se tourner vers l établissement chypriote qui avait reçu les fonds avant de pouvoir actionner les défendeurs. Le tribunal rappela en outre que le Fonds de garantie couvrait exclusivement les sommes se trouvant sur les comptes auprès d établissements bancaires habilités à collecter des fonds sur le territoire national, ce qui n était pas le cas d Ege Off Shore Bank Ltd. Le requérant forma un pourvoi contre ce jugement. A l appui de son recours, il indiqua qu un rapport du Conseil de régulation et de contrôle bancaire affirmait que l actionnaire majoritaire d Egebank, Yahya Murat Demirel, avait crée un établissement financier off shore en RTCN, dans le but lever des fonds auprès de particuliers en Turquie, tout en échappant au contrôle des autorités publiques turques, et d utiliser ses fonds dans son intérêt personnel. Les sommes ainsi collectées, dont le montant avoisinait les quatre vingt millions de dollars américains avaient finalement été rapatriées en Turquie par l intermédiaire de deux sociétés off shore situées aux Iles Vierges britanniques. La 11 ème chambre civile de la Cour de cassation confirma le jugement du tribunal du commerce, dans un arrêt du 5 octobre 2004, et rejeta la demande de rectification d arrêt du requérant, le 4 février B. Autres éléments soumis par le requérant - Jugement du tribunal de grande instance de Trabzon du 12 juin 2002 (Esas 2000/302 Karar 2002/174) accueillant favorablement les prétentions du demandeur qui avait déposé des fonds auprès d Ege Off Shore Bank Ltd par l intermédiaire d Egebank A.Ş. Le tribunal observa que les témoins entendus avaient affirmé que conformément à la politique générale d Egebank, le personnel de cet établissement avait pour instruction d inciter les clients à verser leurs fonds sur des comptes off shore en leur indiquant que la rémunération était bien plus élevé et qu elle était non imposable. Le tribunal considéra qu il existait un lien organique entre les deux établissements, que ce lien avait été utilisé de manière volontaire et planifié au détriment des clients de la banque. Il condamna le Fonds de garantie au remboursement de la somme versée par le demandeur. Ce jugement fut confirmé par un arrêt de la 11 ème chambre civile de la Cour de cassation le 10 mars Jugement de la 6 ème section du tribunal commercial du 21 janvier 2000 (Esas 2000/997 Karar 2002/95) accueillant favorablement les prétentions du demandeur qui avait déposé des fonds auprès de Yurt Security Off Shore Ltd, un établissement financier situé en RTCN, par l intermédiaire de Yurtbank A.Ş., un établissement bancaire turc dont le contrôle avait été transféré au Fonds de garantie. Au cours de la procédure, les défendeurs avaient relevé que les documents bancaires (livret d ouverture de compte et ordre de virement) remis au demandeur indiquait de manière non équivoque
4 4 EXPOSÉ DES FAITS KAHVECİ c. TURQUIE que les sommes déposées étaient virées vers un compte auprès de la Yurt Security Off Shore Ltd. Se fondant sur un rapport du Conseil de régulation et de contrôle bancaire et sur divers documents concernant une procédure pénale diligentée contre des responsables de Yurtbank A.Ş., le tribunal considéra que le demandeur avait été trompé par le personnel de la banque dans le but de lui faire virer son dépôt vers un compte situé à l étranger. Elle considéra que l existence d un lien organique entre les deux établissements était établie. A cet égard, elle observa que la manière dont l ordre de virement avait été établi n était pas conforme à la pratique bancaire et que la banque turque n avait pas facturé ses services ni même réclamé les droits de timbres au demandeur alors même qu elle avait procédé à un transfert international de fonds. Aucune information n a été fournie sur les suites de ce jugement. GRIEFS Invoquant l article 6, le requérant conteste la manière dont les juridictions civiles ont apprécié les preuves et soutient que sa cause n a pas été tranchée équitablement. Il se plaint de la durée excessive de la procédure. Invoquant l article 14, il soutient avoir été l objet d une discrimination dans la mesure où les juridictions civiles aurait favorablement accueilli des actions strictement similaires intentées par d autres personnes. Invoquant l article 1 du Protocole n o 1, il soutient que la perte des sommes qu il avait déposées consiste en une atteinte à son droit de propriété et se plaint de ce que les autorités publiques n aient offert aux individus aucune protection contre certaines banques privées. Il soutient en outre, que ces fonds étaient le fruit de trente cinq années de travail et que leur constitue dès lors une forme d esclavage au sens de l article 4 de la Convention. Invoquant en outre l article 2 du Protocole n o 1, il allègue que cette perte l a empêché de permettre à ces enfants de faire des études dans des conditions convenables. QUESTIONS AUX PARTIES 1. Le requérant disposait-il d une voie de recours adéquate, au sens de l article 35 1 de la Convention, pour soulever son grief relatif à la prétendue contradiction jurisprudentielle? Dans l affirmative, en a-t-il fait usage? 2. La cause du requérant a-t-elle été entendue équitablement, comme l exige l article 6 1 de la Convention? A cet égard, le requérant est-il fondée à soulever un défaut de sécurité juridique ou un manque d égalité devant la loi, lorsqu il évoque la contradiction notamment entre l arrêt de la 11 ème chambre civile de la Cour de cassation du 12 juin 2002 et celle rendue par cette même chambre dans la cause du requérant au sujet de la responsabilité pour les fonds versés sur des comptes au sein
5 EXPOSÉ DES FAITS KAHVECİ c. TURQUIE 5 d établissements financiers off shore situés en «République turc de Chypre Nord»? 3. Y a-t-il eu atteinte au droit du requérant au respect de ses biens, au sens de l article 1 du Protocole n o 1? En particulier, les exigences procédurales de cette disposition, et notamment l obligation d offrir aux parties en conflit des procédures judiciaires présentant les garanties procédurales requises, de manière à permettre aux juridictions nationales de statuer de manière effective et équitable, ont-elles été respectés en l espèce?
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