Les notes de la D2PE N 15

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1 Dossier suivi par Grégory MARLIER Poste Les notes de la D2PE N 15 Niveaux de vie et pauvreté en Nord Pas de Calais Résumé Cette note résume les différentes études sur les inégalités et la pauvreté menées par la Direction de la Prospective, de la Planification et de l'evaluation. Celle-ci est engagée dans un vaste travail de mesure des différentes dimensions de la pauvreté et des inégalités. Une étude sur les revenus des ménages et le potentiel fiscal des territoires montre que des disparités importantes apparaissent d'une commune à l'autre : si des communes apparaissent "doublement riches" ou "doublement pauvres", d'autres ont la particularité d'être dans des situations contrastées selon la mesure retenue de la richesse. L'étude "Pauvreté et Territoires en Nord Pas de Calais" permet d'avoir une vision multidimensionnelle et infra-territoriale de la pauvreté et de structurer l'espace autour de 8 grandes classes de communes. Le calcul de l'indicateur de Pauvreté Humaine offre une vision synthétique de la pauvreté multidimensionnelle : la pauvreté régionale, selon cet indicateur synthétique, est supérieure de 14% à la pauvreté nationale. Enfin, la régionalisation du Baromètre des Inégalités et de la Pauvreté permet de mesurer l'évolution des inégalités et de pauvreté. Comparé aux performances sociales moyennes françaises, le Nord - Pas de Calais apparaît dans une moins bonne posture, surtout sur la deuxième partie de la décennie étudiée ( ). Plan 1/ Introduction 2/ Revenus des ménages et potentiel fiscal des territoires : une double approche 3/ Pauvretés et Territoires en Nord Pas de Calais : une approche multidimensionnelle de la pauvreté 4/L'Indicateur de Pauvreté Humaine : une vision synthétique de la pauvreté multidimensionnelle 5/ Le Baromètre des Inégalités et de la Pauvreté (BIP 40) : une vision pluridimensionnelle et évolutive de la pauvreté et des inégalités sociales 6/ Conclusion 7/ Documents de référence 1

2 1/ Introduction Débattre aujourd'hui des inégalités et de la pauvreté, dans nos sociétés contemporaines, débute souvent par un chiffrage. Selon une récente étude nationale de l INSEE 1, la moitié des français vivant en ménage ordinaire dispose d'un niveau de vie 2 inférieur à par an. En France métropolitaine, seuls 26 départements, se situent au-dessus de ce seuil. Le niveau de vie médian des 96 départements varie entre dans le Pas de Calais et dans les Yvelines. Le Nord-Pas de Calais est la région ayant le revenu médian, c'est-à-dire le revenu qui partage exactement en deux la population, le plus faible ( contre pour la région Ile de France). Le rapport entre le niveau de vie plancher des 10% d'individus les plus aisés et le niveau de vie plafond des 10% les plus pauvres montre qu'en Nord Pas de Calais, comme en Corse et en Languedoc-Roussillon, les disparités en termes de revenus disponibles sont amplifiées par rapport aux autres régions par le poids important des revenus les plus faibles. Le niveau de vie des 10% d individus les plus aisés est égal à 3,1 fois celui des 10% les plus pauvres. Mais c est en Ile de France que ces inégalités sont les plus fortes du fait des hauts revenus plus élevés qu ailleurs. Le taux de pauvreté monétaire est de 16,5% dans le Nord Pas de Calais, la pauvreté, plus concentrée dans les zones urbaines, frappant plus particulièrement les familles nombreuses. La région est également caractérisée par un taux de pauvreté des enfants de 0 à 17 ans très élevé : environ un enfant sur quatre vit sous le seuil de pauvreté, contre 16,4% au niveau national. Les inégalités et la pauvreté ne peuvent cependant faire l'économie d'une représentation multidimensionnelle : le recours à une ou deux variables monétaires est au minimum réducteur du multiple regard qu'il est nécessaire de poser sur les inégalités et la pauvreté. La direction de la Prospective, de la Planification et de l'evaluation est engagée depuis quelques années dans un large travail visant à mesurer les différentes dimensions de la pauvreté et des inégalités. Différentes études menées avec l'insee permettent d'avoir une vision multidimensionnelle de la pauvreté et des évaluations quantifiées sur la pauvreté. Ces études développent notamment les pauvretés infra-territoriales. Elles abordent plusieurs mesures de la pauvreté afin de mieux rendre compte de la diversité du phénomène en Nord Pas de Calais. Dans le cadre du projet "Indicateurs 21", lancé en juin 2003 lors des Deuxièmes Assises Nationales du Développement Durable, de nouveaux indicateurs de richesse, complémentaires 1 «Niveaux de vie et pauvreté en France : les départements du Nord et du Sud sont les plus touchés par la pauvreté et les inégalités», Insee première N 1162, octobre Le niveau de vie correspond au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation (UC). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d'un même ménage. Le nombre d'unités de consommation est calculé selon le principe suivant : le premier adulte compte pour 1, les autres personnes de plus de 14 ans pour 0,5 et les enfants de moins de 14 ans pour 0,3. 2

3 du PIB, ont été mis en place, permettant de mesurer le développement régional dans toutes ses dimensions, le progrès social mais également la pression exercée par l'homme sur les ressources naturelles 3. Deux de ces indicateurs synthétiques fournissent notamment une vision synthétique de la pauvreté multidimensionnelle : l'indicateur de Pauvreté Humaine et le Baromètre des Inégalités et de la Pauvreté. Ce dernier permet également de porter un jugement sur l'évolution des inégalités dans le temps mais aussi de comparer les performances de la région Nord Pas de Calais à l'aune de celles de la France. Cette note vise à résumer ces différentes études. 2/ Revenus des ménages et potentiel fiscal des territoires : une double approche L'étude "Revenus des ménages et potentiel fiscal des territoires : une lecture communale", menée par l'insee et le Conseil Régional Nord Pas de Calais, montre que la richesse d'un territoire revêt plusieurs visages : elle s'appuie tantôt sur les revenus dont disposent les habitants, et tantôt sur les ressources fiscales issues des taxes locales. Au sein de la région, des disparités importantes apparaissent d'une commune à l'autre : si des communes apparaissent "doublement riches" ou "doublement pauvres", d'autres ont la particularité d'être dans des situations contrastées selon la mesure retenue de la richesse. Le niveau médian des revenus que les ménages déclarent au fisc partage la population d'un territoire en deux groupes également nombreux, le premier composé des ménages disposant d'un revenu imposable inférieur à ce seuil, le second un revenu supérieur. En 2004, la moitié de la population du Nord Pas de Calais vit dans un ménage qui déclare au fisc un revenu imposable inférieur à par unité de consommation. ANALYSE COMMUNALE DES REVENUS IMPOSABLES DE 2004 DÉCLARÉS PAR LES MÉNAGES 3 Notes de la D2PE n 3 : «le projet Indicateurs 21», mars

4 D'une commune à l'autre, la richesse des ménages s'établit toutefois à des niveaux très différents : dans une centaine de communes régionales, le revenu fiscal médian des habitants dépasse par unité de consommation, comme par exemple à Bondues ou Duisans. A l'inverse, il n'atteint pas par unité de consommation dans une centaine d'autres communes, comme à Roubaix ou Sallaumines. La seule analyse des ressources des habitants ne permet pas cependant de restituer pleinement la richesse ou la pauvreté des territoires, dans la mesure où elle ne prend pas en compte la valeur ajoutée créée par l'ensemble des activités humaines. Ces dernières apportent des ressources aux communes à travers les quatre taxes directes locales : la taxe professionnelle qui porte sur les entreprises, la taxe d'habitation et les taxes du foncier bâti et du foncier non bâti, qui portent essentiellement sur les ménages. Le "potentiel fiscal normé", qui correspond au calcul du produit que les collectivités locales pourraient retirer des taxes en appliquant les taux moyens d'imposition observés France entière, permet de mieux identifier la richesse des communes 4. Le potentiel fiscal en Nord Pas de Calais est proche de 490 par habitant en 2004, contre 565 en France de province et 625 sur l'ensemble de la France métropolitaine. Cette relative faiblesse reflète une richesse mobilisable auprès des ménages plus faible qu'ailleurs, tandis que la richesse mobilisable auprès des entreprises, à travers la taxe professionnelle, est comparable à la moyenne métropolitaine. Croiser la richesse fiscale des territoires et les revenus fiscaux des ménages conduit à porter un nouveau regard sur les communes de la région Potentiel fiscal normé des communes du Nord -Pas de Calais en C'est en effet un montant "potentiel" obtenu dans l'hypothèse où les taux de taxes retenus seraient ceux observés en moyenne nationale, et un montant "normé" puisqu'il prend en compte la taille des communes. 4

5 Pour 667 communes, la population dispose de revenus imposables dans la moyenne régionale, tandis que le potentiel fiscal des quatre taxes locales est faible. Il s'agit en particulier des petites communes en milieu rural. Si les petites communes rurbaines situées dans les espaces ruraux les plus proches des grandes villes ont également de faibles ressources fiscales issues des taxes locales, ces dernières accueillent une population plus aisée grâce à leur cadre de vie de qualité. Dans la région, 252 communes correspondent à ce profil. Se dégagent ensuite des territoires "doublement pauvres", où les ressources propres des ménages comme le potentiel fiscal des communes sont parmi les plus faibles de la région. Cet ensemble compte 172 communes et correspond à des espaces variés : de grandes villes comme Roubaix ou Boulogne sur Mer ou des communes urbaines de l'arc minier ou de l'avesnois. A l'inverse, 106 communes de la région apparaissent "doublement riches", bénéficiant d'une population en partie aisée et d'une base fiscale importante. C'est le cas de la proche périphérie de Lille et d'arras. 105 communes se démarquent par une base fiscale relativement élevée, alors qu'une part importante de leur population perçoit de bas revenus. Sont dans cette situation de grandes villes de la région comme Lille, Dunkerque, Calais, Maubeuge, Arras, grâce à la présence d'un tissu productif dense. Un dernier ensemble regroupe 117 communes où le potentiel fiscal comme le revenu imposable des ménages sont dans la moyenne régionale. Outre les espaces ruraux de l'artois- Ternois ou de l'avesnois, ce groupe comporte également des grandes villes avec la présence conjointe de ménages à bas revenus et de ménages aisés, comme à Tourcoing, Cambrai ou Armentières. La prise en compte de la fiscalité locale renouvelle l'analyse de la pauvreté des territoires en Nord Pas de Calais. Ainsi, si les grandes villes de la région comptent toutes une part importante de leur population aux ressources faibles, la base fiscale sur laquelle elles peuvent appuyer leur développement local diffère sensiblement. La "double pauvreté" de Roubaix, Boulogne sur Mer ou Lens diffère de l'importante richesse fiscale qui peut être mobilisée sur Lille, Dunkerque ou Maubeuge. La même approche a été développée pour les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Pour près de la moitié des communautés de communes, la population dispose de revenus imposables proches de la moyenne régionale, tandis que le potentiel fiscal est relativement faible. Ces EPCI sont situés en milieu rural et correspondent le plus souvent à des communautés de communes de petite taille. Peu d'epci de la région apparaissent comme "doublement riches". Il s'agit exclusivement de communautés de communes rurales peu peuplées. La majorité des communes identifiées comme "doublement riches" appartiennent aux CU de Lille et d'arras et sont ainsi regroupées avec des communes aux populations dont les ressources sont faibles. 5

6 3/ «Pauvretés et territoires en Nord Pas de Calais : une vision multidimensionnelle des pauvretés» L'INSEE a récemment publié avec le Conseil Régional Nord Pas de Calais, le Conseil Général du Nord, le Conseil Général du Pas de Calais et la Mission Bassin Minier, un rapport sur "Pauvretés et territoires dans le Nord Pas de Calais" 5. Celui-ci présente une vision multidimensionnelle des pauvretés et met en évidence une hétérogénéité de l'intensité des situations et des formes de pauvreté au sein des territoires du Nord Pas de Calais. Deux approches de la pauvreté sont développées dans cette étude : une approche institutionnelle et une approche monétaire. L'approche institutionnelle de la pauvreté consiste à analyser la population bénéficiant des minima sociaux, attribués sous conditions de ressources et en fonction de certains critères économiques et sociaux. La région compte près de allocataires du Revenu Minimum d'insertion (RMI) en En tenant compte des familles des allocataires, près de 6,9 % de la population régionale âgée de moins de 65 ans vit dans un foyer concerné par ce soutien financier contre 4,1% en moyenne nationale métropolitaine. Les populations les plus concernées habitent dans l'exbassin minier, l'avesnois et les grandes agglomérations. A l'inverse, la Flandre-Lys, la grande couronne de la métropole lilloise et celle d'arras comportent peu d'allocataires. Le Nord Pas de Calais regroupe plus de allocataires de l'allocation Spécifique de Solidarité (ASS), destinée aux chômeurs ayant épuisé leurs droits au régime d'assurance chômage, après avoir travaillé au moins 5 ans dans les 10 ans précédant leur entrée au chômage. Ces allocataires représentent 1,8% de la population active régionale contre une moyenne nationale de 1,3%. L'Allocation de Parent Isolé (API) vise à apporter une aide temporaire aux personnes qui assument seules la charge d'au moins un enfant ou aux femmes enceintes seules. En prenant en compte les enfants, la population couverte par l'api représente, en Nord Pas de Calais, 1,8% des habitants de moins de 65 ans, une proportion près de 2 fois plus élevée qu'en moyenne nationale (0,97%). La progression du nombre d'allocataires en Nord Pas de Calais de l'allocation aux Adultes Handicapés (AAH), allocation qui a pour objet d'assurer l'autonomie financière des personnes handicapées, a été de moindre ampleur qu'en moyenne nationale, en raison de la jeunesse de la population régionale. En 2004, près de personnes touchent l'aah en Nord Pas de Calais. 5 "Pauvretés et territoires en Nord Pas de Calais", Les dossiers de Profils de l'insee, n 82, Juin

7 L'Allocation Supplémentaire du minimum Vieillesse (ASV) est versée aux personnes âgées ne relevant d'aucun régime de retraite ou percevant de faibles pensions. Le nombre d'allocataires a diminué de plus de moitié sur les vingt dernières années : parmi les habitants de la région âgés de plus de 65 ans, la part des allocataires du minimum vieillesse est passée de plus de 10% en 1984 à 4,5% en 2004, ce qui représente personnes. Nombre Graphique 1 : Évolution du nombre d'allocataires des cinq minima sociaux étudiés, en Nord-Pas-de-Calais Source : Cnaf, CCMSA, CNAVTS, Unedic Revenu minimum d'insertion Allocation aux adultes handicapés Minimum vieillesse Allocation de parent isolé Allocation spécifique de solidarité La seconde approche de la pauvreté, l'approche monétaire, prend en compte l'ensemble des ressources dont un foyer peut disposer : les revenus d'activité, les allocations familiales, les aides au logement et les minima sociaux. Selon cette approche, le Nord Pas de Calais apparaît comme une région fortement concernée par la précarité financière : allocataires de moins de 65 ans connus des caisses d'allocations familiales et des mutualités sociales agricoles ont des ressources inférieures au seuil de bas revenus retenu conventionnellement, soit 735 en Avec les éventuels conjoints et enfants à charge, les allocataires à bas revenus représentent près de personnes, soit un cinquième de la population âgée de moins de 65 ans. Trois profils de foyers à bas revenus ont été identifiés en Nord-Pas de Calais : Le premier profil est caractérisé par une grande précarité financière des personnes liée à l'absence totale de revenus d'activité, la dépendance au minimum social perçu (RMI ou AAH),et à l'isolement. Ce profil qui regroupe environ 18% des allocataires à bas revenus est davantage présent dans les territoires localisés en banlieue des grandes villes, comme autour de l'agglomération lilloise, d'arras, de Calais ou de Boulogne-sur-Mer. Le deuxième profil est composé de familles monoparentales bénéficiant de l'api ou du RMI et recevant aussi les autres types de prestations (allocations familiales et allocations de logement). Ce profil qui rassemble environ 26% des allocataires à bas revenus est plus particulièrement représenté dans les grandes villes et dans l'ensemble du bassin minier. 7

8 Le troisième profil regroupe des foyers moins dépendants aux prestations sociales dont les ressources sont proches du seuil de bas revenus. Il se compose de couples avec ou sans enfants, disposant de revenus d'activités modestes pour la taille du ménage, qui constituent l'essentiel de leurs ressources. Ce profil qui regroupe 56% des allocataires à bas revenus est davantage présent dans l'arrière-pays dunkerquois et en Flandre-Lys. Une approche par les conditions de vie, logement et santé en particulier, relativise un peu l'ampleur et les conséquences de la pauvreté dans la région. Elle met en avant l'effet positif d'un certain nombre d'aides "en nature" qui améliorent notablement le confort de vie des plus défavorisés. Les conditions de logement des ménages à bas revenus se sont nettement améliorées au cours des années quatre-vingt dix, le nombre de logements indécents ayant très largement diminué. Si en 1992 près de 16% des ménages à bas revenus habitaient un logement sans installation sanitaire ni WC intérieurs, seuls 4% sont dans ce cas aujourd hui. La quasi-totalité des habitants du Nord Pas de Calais déclare bénéficier d'une couverture de sécurité sociale en cas de maladie, d'hospitalisation ou de soins. Cette couverture est facilitée par l'existence de la CMU de base. De plus, près de 80% des ménages à bas revenus possèdent une couverture complémentaire, dont près de 20% en adhérant à la CMU complémentaire. Cette étude permet enfin de structurer l'espace autour de 8 grandes classes de communes. Typologie des communes du Nord-Pas-de-Calais vis à vis des situations de pauvreté Situations de pauvreté rares ou inexistantes Situations de pauvreté très fréquentes Groupes de communes Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3 Groupe 4 Groupe 5 Groupe 6 Groupe 7 Groupe 8 Limite de département Secret statistique IGN - Insee 2006 Sources: CAF, MSA, DGI - revenus fiscaux, Insee - recensements de la population 1990,1999 8

9 PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DES 8 GROUPES DE COMMUNES Le premier type de communes se distingue par la relative absence des situations de pauvreté : environ 8% des habitants âgés de moins de 65 ans appartiennent à un ménage à bas revenus contre environ 20% à l'échelle régionale. Les deuxième et troisième groupes se caractérisent par des situations de pauvreté également peu fréquentes : environ 12% de leur population appartiennent à un ménage à bas revenus. Dans le groupe 2, la pauvreté est plutôt synonyme d'isolement et d'absence de revenus du travail alors que dans le groupe 3, les situations de pauvreté sont plutôt synonymes de familles nombreuses avec des revenus d'activités modestes pour le nombre de personnes à charge. Le quatrième groupe identifie des communes avec un parc social développé pour accueillir des familles parfois confrontées à la pauvreté. Le cinquième groupe se compose de communes rurales ou touristiques, où la pauvreté touche des personnes isolées avec le RMI ou l'aah. Le sixième groupe identifie des communes en première couronne des grandes villes, avec une relative mixité sociale. Les deux derniers groupes se composent de communes à pauvreté très importante : plus du quart de la population âgée de moins de 65 ans habite dans un foyer à bas revenus. D'un côté, se distinguent les communes au cœur du bassin minier, la mixité sociale y étant moindre qu'ailleurs (septième groupe). D'un autre côté, se détachent les pôles urbains des agglomérations, avec les principales villes de la région (huitième groupe). Ces espaces montrent des polarités plus marquées, entre ménages aisés et ménages pauvres. 9

10 Les communes de ces deux derniers groupes réunissent la moitié de la population régionale et environ 70% des personnes à bas revenus en Nord Pas de Calais. 4/L'Indicateur de Pauvreté Humaine : une vision synthétique de la pauvreté multidimensionnelle L initiative «Indicateurs 21» a notamment abouti aux estimations par Jean Gadrey, professeur à l'université de Lille 1, des indicateurs de Développement humain du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) à l'échelle de la Région Nord - Pas de Calais : l'indicateur de Développement Humain (IDH), l'indicateur de Pauvreté Humaine (IPH) et l'indicateur de Participation des Femmes à la vie économique et politique (IPF) 6. Ce travail de régionalisation des indicateurs du PNUD était une première en France et en Europe. L'idée qui préside à la construction de l'indice de Pauvreté Humaine (IPH) est que la pauvreté est multidimensionnelle : elle ne se réduit pas à la pauvreté monétaire. Quatre dimensions de la pauvreté figurent dans l'iph : - la probabilité à la naissance de décéder avant soixante ans ; - le taux d'illettrisme des adultes ; - le pourcentage de pauvres au sens de leur revenu monétaire (% de personnes vivant avec moins de la demi-médiane du revenu disponible des ménages) ; - le pourcentage de chômeurs de longue durée dans la population active. Le choix de ces 4 variables a pour objectif de tenir compte de "manques graves" en matière de santé, d'éducation, d'argent et d'emploi. Chacune de ces variables prend des valeurs entre 0 et 100 : ce sont des pourcentages. En faisant une moyenne de ces pourcentages, on obtient une idée synthétique de la proportion de pauvres, dans une acception multidimensionnelle du terme. En 2001, l'iph du Nord Pas de Calais est de 12,5 contre 10,9 pour la France. La pauvreté régionale, selon cet indicateur synthétique, est supérieure de 14% à la pauvreté nationale. En 2001, le Nord Pas de Calais n'avait toujours pas rejoint le niveau d'iph de la France de 1990 (11,6). 5/ Le Baromètre des Inégalités et de la Pauvreté (BIP 40) : une vision pluridimensionnelle et évolutive de la pauvreté et des inégalités sociales Dans le cadre de la démarche "Indicateurs 21", la Région a confié, en 2006, à Florence Jany- Catrice, maître de conférence à l'université de Lille 1 et co-auteur avec Jean Gadrey de l ouvrage "Les nouveaux indicateurs de richesse", et à son équipe une mission visant à calculer à l'échelle de la région Nord - Pas de Calais, le Baromètre des Inégalités et de la Pauvreté, appelé BIP 40 et à produire un rapport sur la pauvreté et les inégalités en Nord Pas 6 Région Nord Pas de Calais [2006], "Des indicateurs régionaux de développement humain dans le Nord Pas de Calais et en Wallonie", Etudes Prospectives Régionales, n 10, juin. 10

11 de Calais. Ce travail est complémentaire de celui de l INSEE, "Pauvretés et Territoires", cité précédemment. La construction d un baromètre régionalisé des inégalités et de la pauvreté et l étude qui l accompagne ont pour objectif de nourrir le débat politique et citoyen sur les inégalités dans la région Nord - Pas de Calais à partir d une vision pluridimensionnelle et évolutive de la pauvreté et des inégalités sociales. Le baromètre des inégalités et de la pauvreté est un indicateur synthétique mis au point au niveau français par le Réseau d'alerte sur les Inégalités (RAI), réseau composé de militants associatifs, de chercheurs et d'universitaires. Il vise à résumer les grands problèmes sociaux contemporains de la France en étant orienté sur la question des inégalités. Le BIP 40 comporte 6 grandes dimensions : éducation, justice, logement, santé, revenus, travail et emploi. Ces deux dernières dimensions, importantes aux yeux de leurs concepteurs, sont elles-mêmes décomposées en sous dimensions : consommation, inégalités et fiscalité, pauvreté, salaires pour la dimension revenus ; chômage, conditions de travail, précarité, relations professionnelles pour la dimension travail et emploi. Trois variantes du baromètre des inégalités et de la pauvreté ont été appliquées à la région Nord - Pas de Calais : - un baromètre réduit (BIP réduit) à partir des 45 variables disponibles dans la base de données régionales (soit un taux de couverture de 75% du BIP40 national) ; - un baromètre régionalisé (BIP régionalisé), dans lequel les variables manquantes sont remplacées par des proxys nationaux. 15 variables nationales complètent, dans cette variante, le baromètre régional. - un baromètre régional constitué à partir de 29 variables identifiées pour leur disponibilité et leur pertinence par rapport au projet. Ce BIP régional vise à être un outil facilitant les comparaisons inter-régionales si d autres régions françaises venaient à s engager dans ce type de construction d un indicateur synthétique des inégalités et de la pauvreté. Quelles que soient les conventions retenues, en particulier le choix des variables, à l'aune des performances sociales françaises, le Nord Pas de Calais apparait dans une moins bonne posture, surtout sur la période Cette comparaison met en évidence qu'après une période de relative régression de la pauvreté, la tendance générale à la hausse des inégalités constatée en France semble plus marquée dans la région Nord - Pas de Calais. 11

12 Figure 1 : Baromètre régional des inégalités et de la pauvreté dans le Nord - Pas de Calais : comparaison avec la France, (29 variables) de Florence Jany-Catrice [2007] Source : Inégalité s et Pauvreté dans la Région Nord - Pas de Calais, Rapport pour le Conseil Régional Nord - Pas de Calais De très fortes divergences de niveau et de tendance sont identifiées dans les dimensions éducation et logement, où la région est dans une situation préoccupante comparée à la moyenne nationale. Une différence notable est cependant à constater entre les 2 dimensions : les inégalités d'éducation semblent s'accroître dans la région au-delà de la situation française, alors qu'en matière de logement, les inégalités régionales s'accroissent sans pour autant atteindre les niveaux moyens des inégalités en France. Concernant la justice, la consommation et la précarité (ces 2 dernières étant des sousdimensions de la dimension revenus), les tendances sont relativement convergentes mais les inégalités sont supérieures en région Nord - Pas de Calais. Pour les dimensions inégalités de revenus, salaires, relations professionnelles et santé, les courbes de tendances apparaissent relativement corrélées, mais les inégalités sont moindres dans la région Nord - Pas de Calais. Enfin, concernant les sous dimensions pauvreté et chômage, les différences sont moins nettes, aussi bien en termes de niveau que de tendance, entre le Nord - Pas de Calais et la France. 6/ Conclusion et perspectives Quelle que soit l'approche retenue, l'analyse de la pauvreté révèle une hétérogénéité de l'intensité des situations et des formes de pauvreté au sein des territoires du Nord Pas de Calais. La mise en perspective et les contrastes entre mesures de la santé sociale d'un territoire ont permis d'insister sur le fait que : - la multiplicité des points de vue et des mesures provoque le débat public ; 12

13 - le caractère multidimensionnel des inégalités et de la pauvreté ne peut pas se traduire par une unique variable, en particulier monétaire, en guise d'expression de la réalité sociale. Etant donné l'état actuel de la statistique publique, de nombreux phénomènes, comme celui de la très grande pauvreté, demeurent mal connus. L'Indicateur de Pauvreté Humaine et le Baromètre des Inégalités et de la Pauvreté peuvent être envisagés, si les acteurs se l'approprient, comme des supports de débats et de controverse permettant de replacer davantage la problématique de la pauvreté et des inégalités au cœur des débats politiques et économiques. Dans le cadre du travail sur la régionalisation du Baromètre des Inégalités et de la Pauvreté, la Direction de la Prospective, de la Planification et de l Evaluation a décidé de mettre en place plusieurs groupes de travail thématiques (éducation, justice, logement, revenus, santé, travail et emploi) constitués de représentants de l institution régionale, d universitaires, de représentants de la société civile, de représentants des organismes producteurs et diffuseurs de données afin d analyser les variables composant le baromètre et de déterminer les facteurs explicatifs des évolutions observées. Cela permettra également aux personnes participant à ces groupes de s approprier l outil et d en développer l usage. 7/ Documents de référence Jany-Catrice F. (coord.) [2007], «Pauvretés et Inégalités dans la Région Nord Pas de Calais, Baromètres, Rapport pour le Conseil Régional Nord Pas de Calais (250 pages). Gadrey J. et Jany-Catrice F. [2007], "Les nouveaux indicateurs de richesse", collection Repères, Edition La découverte, Paris. INSEE Nord - Pas de Calais [2006], "Pauvretés et territoires en Nord Pas de Calais", Les Dossiers de Profils n 82, juin. INSEE Nord Pas de Calais [2007], "Revenus des ménages et potentiel fiscal des territoires : une lecture communale", Pages de Profils N 20, février. INSEE Nord Pas de Calais [2007], "Revenus des ménages et potentiel fiscal des territoires : une lecture intercommunale", Pages de Profils N 21, février. INSEE Première [2007], "Niveaux de vie et pauvreté en France : les départements du Nord et du Sud sont les plus touchés par la pauvreté et les inégalités», N 1162, octobre. Région Nord - Pas de Calais [2006], "Des indicateurs régionaux de développement humain dans le Nord Pas de Calais et en Wallonie", Etudes Prospectives Régionales, n 10, juin. 13