Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil Olivier Viret

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1 JOURNÉE du VIGNOBLE VAUDOIS Changins, le 31 octobre 2013 Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil Olivier Viret Communication lors de la journée du vignoble FVV du 6 novembre 2013 à Vufflens-le-Château 2013 : une année viticole très nuancée 1. Introduction 2013, année de tous les malheurs? Après un hiver interminable, un débourrement tardif, une grêle dévastatrice avant la floraison, une floraison en juillet dans de mauvaises conditions avec pour conséquence du millerandage et une faible récolte, localement et en partie détruite par un deuxième, puis un troisième orage de grêle, du mildiou et de l oïdium, une maturation de l espoir et des vendanges en partie mouillées sous la contrainte de la pourriture. De mémoire de vignerons, la vigne a rarement subi une telle pression environnementale qui doit tout de même être nuancée en fonction des régions. L Ouest du Bassin lémanique, les vignobles de Genève, de Neuchâtel et du lac de Bienne ont été particulièrement touchés par la grêle du 20 juin qui a provoqué des dégâts sur près de 1000 hectares de vignes, soit 6% de la vendange nationale ou une perte estimées à près de 6 millions de litres de vins. Les ceps ont été endommagés à divers degrés, dont certains à 100%. Dans les vignobles épargnés par ce fléau, le débourrement tardif et la floraison en conditions fraîches et humides ont provoqués une importante coulure et ont mené à de faibles rendements dans l ensemble de la Suisse. De manière générale, l été chaud et humide a été favorable et à la vigne, mais également au mildiou et à l oïdium qui ont nécessité une attention particulière et laissé peu de marge de manœuvre aux viticulteurs dans l usage des produits phytosanitaires. L été chaud a permis à la vigne de rattraper en partie son retard initial et les conditions de maturation ont été dans un premier temps favorables. Au Tessin, les vendanges du Merlot se sont déroulée dans des conditions optimales entre la fin septembre et le début octobre. Dans les autres régions de Suisse, la phase finale de maturation a été nettement plus nuancée avec localement d importantes précipitations sous l influence de courants dominants du Sud et Sud-Ouest entrecoupés de jours secs et chauds. En Valais, dans le Chablais et en Suisse alémanique, le föhn a permis d atteindre de bonnes maturités, alors que les sondages ont été plus stagnants à l Ouest du pays, pour finalement atteindre généralement un bon niveau. Il est intéressant de constater que la situation dans les autres vignobles d Europe centrale est pratiquement identique. En Alsace, au Sud de l Allemagne, la Bourgogne, le Beaujolais et même les Côtes du Rhône et le Bordelais ont également subi des conditions très nuancées en fonction des cépages et des terroirs, avec un printemps froid, un débourrement et une floraison tardive, une mauvaise nouaison et une pression extraordinaire des maladies fongiques. Les vendanges ont souvent été dictées par l état sanitaire des raisins, avec des degrés de maturité moyens. En terme de climatologie, il convient de relever qu à partir du premier janvier 2013, les normes de 30 ans de Météosuisse ne sont plus basées sur les valeurs moyennes de 1961 à 1990, qui correspond à une période relativement fraîche comparé au trente années 1

2 suivantes. La nouvelle période de référence se base dorénavant sur les données mesurées de 1981 à Les périodes de références sont définies par l Organisation météorologique mondiale (OMM) et sont valables jusqu au début de la prochaine période standard. La période est de 0.5 à 1 degré plus chaude, les précipitations annuelles pratiquement identiques avec des conditions nettement plus sèches en février, surtout au Sud des Alpes et nettement plus humides en septembre et octobre et la durée d ensoleillement a augmenté de 5 à 10% sur le Plateau par rapport à la période Toutes les figures et les tableaux présentés ci-dessous se réfèrent aux nouvelles normes disponibles sur le site Internet de Météosuisse. 2. Climat 2013 Le climat de l année 2013 dans le Bassin lémanique se résume par une première période humide et froide qui s est étendue de janvier à mai, suivie par une période estivale chaude avec un excédent de pluie en juillet, nettement plus sèche en août et une période automnale également chaude et humide, surtout en octobre sous l influence de courants dominants du Sud et du Sud-Ouest. Ces régimes de föhn ont par contre été favorables à la maturation des raisins en Valais et en Suisse alémanique avec nettement moins de précipitations. En résumé, les températures de janvier étaient dans la norme avec en général un léger déficit de précipitations. Février se caractérise par des températures nettement en-dessous de la norme et des précipitations importantes au Nord des Alpes. Mars a été trop froid (le plus froid depuis 1987) et mouillé sur le Plateau romand et dans le sud des Alpes. Les températures en avril ont été dans la norme avec un net excédent de pluie. En mai les températures ont été inférieures à la norme de l'ordre de 1.5 à 3.5 degrés avec un déficit thermique plus marqué en Suisse romande. Il s'agit du mois de mai le plus froid depuis De plus, mai 2013 a été humide dans tout le pays où l'équivalent de 130 à 200% de la norme des précipitations a été mesuré. Le mois de juin a également été frais (0.8 C en-dessous de la norme à Pully) et en général normalement arrosé et restera en mémoire pour son terrible orage de grêle du 20 juin qui a traversé la Suisse en détruisant plus de 1000 ha de vigne de Genève au Lac de Bienne. En juillet, l été s est installé avec un net excédent thermique. 27 jours estivaux avec des maxima de températures au-dessus de 25 C ont été enregistrés à Pully, un raccord absolu, accompagné d un excédent de précipitations de plus de 60% et une deuxième chute de grêle localement dévastatrice pour la vigne le 28 juillet à Changins. Août a été légèrement plus chaud que la norme et généralement sec avec localement de violents orages et un troisième orage de grêle le 8 août à Changins. En septembre les températures moyennes ont été légèrement plus chaudes que la norme avec des précipitations habituelles en Suisse romande offrant en général de bonne conditions de maturation aux raisins. Octobre, le mois des vendanges s est montré plus capricieux avec d importantes précipitations dans le Bassin lémanique (près du double de la norme Pully) et des températures plus chaudes que la norme, favorable à la pourriture grise Températures En Suisse romande, les six premiers mois de l année ont été plus froid ou proche de la norme, les températures moyennes mensuelles ont par contre été plus chaudes de juillet à octobre (tableau 1). 53 jours estivaux (température max 25 C) ont été enregistrés de juin à août et 10 jours tropicaux (température max 30 C) concentrés en juillet et au début août (tableau 2). Tableau 1. Pully, températures moyennes mensuelles de janvier à octobre 2013 par rapport à la référence de 30 ans ( ) et écart. Pully Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept. Oct. moyenne écart

3 Tableau 2. Somme du nombre de jours estivaux (température maximale 25 C) et de jours tropicaux (température maximale 30 C) de 2000 à 2013 et normes de 30 ans ( et ) à Pully. PULLY Nombre de jours estivaux 25 C Nombre de jours tropicaux 30 C Précipitations Dans le Bassin lémanique, les précipitations ont été largement excédentaires en 2013 avec un excédents de pluie cumulé de janvier à fin octobre de plus de 220 mm à Pully par rapport à la norme de 30 ans. Du 1 er janvier à fin octobre, il a plu 1016 mm (770 mm en 2012) à Changins (moyenne de 30 ans: 813 mm) et 1188 mm (912 mm en 2012) à Pully (moyenne 30 ans: 967 mm). Seul le mois d août a été sec et les mois de juin et septembre légèrement en-dessous de la norme (Figure 1). Figure 1. Somme des précipitations mensuelles en 2013 comparées à la moyenne de 30 ans ( ) à Pully. 3

4 3. Comportement de la vigne Il y a longtemps que la vigne n avait pas fleuri aussi tardivement: le mois de mai a été glacial et la dernière décade de juin caractérisée par un dernier et vigoureux retour de froid. Ce développement printanier laborieux a d autant plus frappé les esprits que l année 2013 succède à une série presque ininterrompue de millésimes très précoces depuis plus de vingt ans. La série d observations sur le Chasselas à Pully depuis 1925 constitue une référence unique en Suisse par sa longueur (89 ans) et le relevé systématique des dates des principaux stades de développement de la vigne: l entrée en végétation (débourrement, BBCH 09), le début et la fin de la floraison (BBCH 61 et 67-69) et le début de la maturation du raisin (véraison, BBCH 81). La maturation du raisin elle-même est suivie depuis 1933 au centre de Pully, ce qui permet de déterminer la précocité de l année, en comparant notamment la teneur en sucres des raisins à date fixe, en l occurrence le 20 septembre (Tabl. 3). La date du début de la véraison montre dans cette série d observations de longue durée à Pully que le millésime 2013 n est pas aussi tardif que l on aurait pu imaginer suite au débourrement tardif de la vigne (Figure 2). Début de saison laborieux En 2013, le mois de mars assez froid a retardé le débourrement de la vigne, enregistré le 23 avril, soit exactement 10 jours plus tard que la moyenne de 1925 à Après un mois d avril relativement normal, mai a été très froid et humide, bloquant presque totalement le développement de la vigne. A la première quinzaine de juin, chaude, a rapidement succédé un retour de froid marqué, dans les dix derniers jours du mois. Ces conditions météorologiques ont entraîné un retard notable de la floraison, qui n a commencé que le 1 er juillet, tandis que la moyenne se fixe au 15 juin, et même au 12 juin pour les 20 dernières années, particulièrement précoces. Changement de décor dès juillet A ce printemps vraiment maussade a succédé un été chaud en juillet et août, entrecoupé de quelques violents épisodes orageux accompagnés de grêle qui ont touché certains vignobles. Meteosuisse signale même qu il s agit du septième été le plus chaud depuis le début des mesures en 1864 sur le plan national. La floraison amorcée le 1 er juillet s est terminée le 8 du même mois, ce qui est très court. Le retard de deux semaines enregistré au début de la floraison n atteignait déjà plus que 9 jours en fin de floraison. Dans ce contexte favorable, la maturation a débuté le 18 août, le retard se réduisant encore à 5 jours par rapport à la moyenne , ou à 11 jours si l on considère les vingt dernières années. A ce stade, 2013 se rapproche des millésimes 1942, 1954, 1961, 1967, 1969, 1973, 1974, 1984 et 1987 (Figure 2), dont certains (1942, 1961, 1967, 1969) constituent de très bonnes années viticoles. Bonnes conditions pour le début de la maturation Le mois de septembre a été favorable à la maturation, offrant notamment de très belles conditions au début et à la fin du mois. La teneur en sucre du raisin contrôlée le 20 septembre était de 65,2 Oe contre 68,8 Oe en moyenne , valeur d ailleurs rattrapée 3 jours plus tard par le raisin, soit le 23 septembre. Le retard important d une quinzaine de jours noté à la floraison s est ainsi pratiquement résorbé à fin septembre. Depuis 1933, un quart des millésimes ont présenté au 20 septembre des teneurs en sucre des moûts significativement inférieures à celle de Ce millésime n est donc pas comparable avec d autres très tardifs comme 1935, 1963, 1972, 1977, 1978 dont les moûts n atteignaient pas 55 Oe à cette date et encore moins avec 1939, 1965 et 1980, de triste mémoire, dont les sondages stagnaient au-dessous de 50 Oe. Une fin de maturation et des vendanges entre les gouttes La fin du mois de septembre et le début du mois d octobre ont été particulièrement arrosés et doux. Ces conditions ont malgré tout permis aux sondages du Chasselas de progresser pour atteindre 73 Oe sur notre domaine de Pully comme dans les années précédentes. L acidité totale quant à elle est restée plus haute que d habitude et le poids moyen des baies a 4

5 excédé les 3.5 g. Pour le Pinot noir et le Gamay, la situation était similaire avec toutefois un important développement de pourriture grise qui a défini le date des vendanges. Pour ces deux cépages, les sondages n ont que très peu progressés pour atteindre 89.7 Oe le 7 octobre et les acidités sont également restées plus haute que les années précédentes. Les importantes amplitudes thermiques et de fortes vigueurs durant l été chaud et pluvieux ont provoqué localement du dessèchement de la rafle et le folletage des grappes qui ont nécessité des tris rigoureux aux vendanges. Dans la vallées du Rhin, la neige tombée le 11 octobre jusqu en plaine a provoqué d importants dégât dans les vignes recouvertes de filets de protection contre les oiseaux. Cette première neige n a par chance pas résisté au föhn des jours suivants qui a permis d atteindre de très bon niveaux de maturation, avec des Pinot noir autour de 100 Oe. Tableau 3. Date moyenne des principaux stades phénologiques du Chasselas à Pully et des sondages le 20 septembre (moyenne ) et observations en Stades de développement Date moyenne Différence Stades BBCH Pointe verte 13 avril 23 avril -10 jours 09 Début floraison 15 juin 1 juillet -16 jours 61 Fin floraison 29 juin 8 juillet -9 jours Début véraison 14 août 18 août -4 jours 81 Récolte 9 octobre 15 octobre -6 jours Sondage moyen 20 septembre 68.8 Oe 65.2 Oe 89 5

6 Figure 2. Evolution de 1925 à 2013 de la date du stade début véraison (BBCH 81) du Chasselas à Pully. La courbe noire correspond à la moyenne mobile de 5 ans, la ligne bleu à la date moyenne pour toute la période, soit le 13 août. Les jours courants correspondent aux dates: 200 = 19 juillet; 263 = 20 sept. En 2013, la véraison à débuter le 18 août (étoile bleue) Maladies fongiques et ravageurs Le mildiou et l oïdium ont été particulièrement virulents. Les conditions pluvieuses des six premiers mois de l année ont été favorables au développement des œufs d hiver du mildiou qui étaient à pleine maturité le 30 avril avec globalement un grand nombre de sporanges primaires produits et la première feuille étalée (BBCH 11, 6 mai). A Changins, les premières infections primaires ont été indiquées le 15 mai par Agrometeo. Les premières taches d huile sont apparues le 17 mai sur des feuilles proches du sol recouvert de feuilles infectées de l année précédente, indiquant que les contaminations primaires ont eu lieu au début mai à un moment où la vigne n avait pratiquement pas encore de feuilles. Dans le Dézaley une première tache d huile a été observée le 15 mai dans une situation précoce avec un feuillage bien développé. Dans les autres régions viticoles, aucune tache d huile n est apparue avant le début juin. Les observations déposées dans par les instances officielles sont une source d information très précieuse, permettant de confirmer les indications des modèles de prévision. En juillet, les conditions pratiquement tropicales ont été très favorables au développement du mildiou qui ne s est calmé qu une courte période en août pour reprendre de l importance en fin de saison. Dans ces conditions, aucune souplesse dans l usage des produits phytosanitaires n a été possible, surtout que l oïdium, profitant des fortes amplitudes thermiques du début juillet s est également montré très virulent. Les deux maladies ont localement provoqués d impressionnants symptômes et nous ont rappelé la nécessité d une lutte préventive et la limite des effets curatifs des produits phytosanitaires. La pourriture grise à en partie dicté la date des vendanges du Pinot noir et du Gamay. Les pluies abondantes et les températures élevées de septembre et d octobre ont provoqué l éclatement de baies. Ces baies blessées ont rapidement été colonisées par la pourriture grise qui était localement déjà présente sous forme de foyers dans le courant de septembre. 6

7 Le vol des vers de la grappe a débuté au début mai et comme ces dernières années, la première génération a été très discrète, conditionnant de très faibles populations en deuxième génération. Le drosophile du cerisier (Drosophila suzukii), n a pas provoqué de dégâts bien que l insecte soit omniprésent sur le territoire suisse. La cicadelle vectrice de la flavescence dorée (Scaphoideus titanus) s étend progressivement en Suisse romande avec une présence dans de nouvelles communes du Bassin lémanique et pour la première fois en Valais. La flavescence dorée reste toutefois confinée au Tessin et aucun foyer n a jusqu à présent été détecté dans les autres régions viticoles de Suisse. Olivier Viret Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil Département de recherche protection des végétaux grandes cultures et vigne / Viticulture et œnologie Route de Duillier Nyon Domaine de Caudoz Av. Rochettaz Pully Tél olivier.viret@agroscope.admin.ch 7