2, 7a Alors le Seigneur Dieu modela l homme avec la glaise du sol.

Transcription

1 2, 4b-6 Au temps où le Seigneur Dieu fit le ciel et la terre, il n y avait encore aucun arbuste des champs sur la terre et aucune herbe des champs n avait encore poussé, car le Seigneur Dieu n avait pas encore fait pleuvoir sur la terre et il n y avait pas d homme pour cultiver le sol. Toutefois, un flot montait de la terre et arrosait toute la surface du sol Au début, il y a la terre et le ciel. Ce qu ils sont est défini par ce qu ils n ont pas et qui viendra s ajouter à eux par la suite. La terre est donc une masse indifférenciée. Rien ne vient accrocher le regard. Rien ne se distingue. Tout est du pareil au même. Il y a bien deux éléments : le flot et la terre, mais ils ne sont pas vraiment distincts puisque l eau recouvre toute la surface de la terre. 2, 7a Alors le Seigneur Dieu modela l homme avec la glaise du sol. Ici commence un début de distinction, de séparation. Dieu, pour modeler l homme, prend de la glaise, littéralement, de la poussière. Mais cette distinction est encore relative puisque l homme n est que glaise. L homme est présenté comme une extension du sol. Il appartient à la matière. L homme restera toujours marqué dans sa vie par ces forces cosmiques obscures. Le véritable respect de la création ne passe jamais par une volonté d éliminer, de dénier ces forces qui travaillent l homme et qui l invitent parfois à régresser. 2, 7b Il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l homme devint un être vivant. L haleine insufflée par Dieu distingue l homme de la terre. Il n appartient plus à la glaise du sol mais à l ordre des vivants. L homme est à la fois autonome, il a sa propre respiration, mais c est une autonomie réceptive, puisque c est Dieu qui, gratuitement, communique son haleine à la nature humaine inanimée. Sur la croix, on dit que «Jésus rendit l esprit» Et Jésus ressuscité souffle sur les apôtres en leur disant : «Recevez l Esprit Saint». La résurrection, le huitième jour, est donc une nouvelle création, une nouvelle naissance dans l Esprit Saint. De même, la Pentecôte, est l acte créateur de l Eglise qui reçoit l Esprit Saint. L homme vivant est donc solidement enraciné dans la terre tout en recevant le souffle de vie créateur de Dieu. Il n est pleinement lui-même qu en s ouvrant à son origine créatrice, à l Esprit Saint. 2, 8a Le Seigneur Dieu planta un jardin en Eden, à l Orient. Et il y mit l homme qu il avait modelé Il y a un jardin, un lieu particulier, délimité, qui se distingue du reste de la terre. Ce lieu reçoit un nom propre : Eden. Nommer, c est distinguer. Il est situé à l Orient. Ce jardin est orienté, situé. Ce jardin devient le lieu de vie de l homme.

2 2, 9 Le Seigneur Dieu fit pousser du sol toute espèce d arbres séduisants à voir et bons à manger, et l arbre de vie au milieu du jardin, et l arbre de la connaissance du bien et du mal. Ce jardin produit toute sorte d arbres. Deux de ces arbres se distinguent des autres : l arbre de vie, et l arbre de la connaissance du bien et du mal. Nous voyons donc que jusqu à maintenant la création apparaît comme la<mise en œuvre d un principe de distinction, dont l arbre est le symbole. 2, Un fleuve sortait d Eden pour arroser le jardin et de là il se divisait pour former quatre bras. Le premier s appelle le Pishom : il contourne tout le pays de Havila, où il y a de l or ; l or de ce pays est pur et là se trouve le bdéllium et la pierre d onyx. Le deuxième fleuve s appelle le Gihon : il contourne tout le pays de Kush. Le troisième fleuve s appelle le Tigre : il coule à l orient d Assur. Le quatrième fleuve est l Euphrate. On a longtemps cherché à localiser ce «paradis perdu». Ne serait-il pas plutôt une annonce du paradis à venir? 2, Le Seigneur Dieu prit l homme et l établit dans le jardin d Eden pour le cultiver et le garder. Et le Seigneur Dieu fit à l homme ce commandement : «Tu peux manger de tous les arbres du jardin. Mais de l arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement. L homme reçoit de Dieu sa mission : cultiver et garder le jardin. L homme n est pas propriétaire du jardin mais il en est le gérant. Il peut jouir de tous les arbres du jardin, les manger, c est-à-dire les assimiler, sauf de l arbre de la connaissance du bien et du mal. L homme n est pas le maître absolu, tout-puissant, sur le jardin. Un interdit met de l ordre dans le jardin, il ordonne l homme à sa fin. Le commandement est structurant en ce qu il situe clairement ce qui est de Dieu et ce qui est de l homme. (Torah = chemin). Dieu indique à l homme un chemin d humanisation. La limite assignée à l humanité ouvre un espace pour l exercice de la liberté ; elle rend possible cette liberté. Refuser l interdit, rester dans la toute puissance, c est mourir, c est-à-dire, retourner à la glaise, dans l indistinction. L interdit fondateur porte sur la fonction orale : «Tu ne mangeras pas». La fonction orale est le siège des structurations les plus archaïques de la personnalité, et il n est pas étonnant que les tentations dans la Bible portent sur ce type de tentation (peuple de Dieu dans la désert, Jésus lui aussi dans le désert ). Aimer, nous dit Gn 2, vivre et vivre bien, c est travailler et c est désirer dans un monde marqué par les différences (entre arbres autorisés et arbres interdits) et par le manque. La connaissance du bien et du mal Il s agit de la capacité à décider seul de ce qui est bien ou mal pour moi. L homme se pose alors comme la norme, le fondement de sa vie et de l univers : il se fait Dieu. Or, la norme est du côté du créateur. Le peuple a la vie quand il accueille la norme qui vient de Dieu.

3 Cet arbre est porteur de fruits qui donnent la maîtrise de secrets qui dépassent l homme. Dieu castre donc l homme dans son souhait de tout savoir, de tout maîtriser. 2, 18 Le Seigneur Dieu dit : «Il n est pas bon que l homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie». Il y avait un homme. Or, au niveau de l humanité, Dieu veut établir la pluralité. Il veut que l homme sorte de sa solitude, de sa fixation sur lui-même, du narcissisme qu entraîne toute solitude. Il veut séparer l homme de lui-même. 2, 19 Le Seigneur Dieu modela encore du sol toutes les bêtes sauvages et tous les oiseaux du ciel. Et il les amena à l homme pour voir comment celui-ci les appellerait : chacun devait porter le nom que l homme lui aurait donné. Dieu donne à l homme pouvoir sur les animaux, qu il place sous sa dépendance. Nommer, c est distinguer ; c est aussi pour l homme donner une place aux animaux dans son univers. En nommant, l homme devient créateur avec Dieu 2, 21 Alors le Seigneur Dieu fit tomber un profond sommeil sur l homme qui s endormit. Il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place. Quelque chose vient d être enlevé à l homme. Quelque chose qu il avait, qui était de lui et qui est maintenant séparé de lui. La chair refermée cache un manque, un vide, une absence. Cette absence est désormais gravée dans son corps. L homme est blessé. 2, Puis, de la côte qu il avait tirée de l homme, le Seigneur Dieu façonna une femme et l amena à l homme. Alors celui-ci s écria : «A coup sûr, c est l os de mes os et la chair de ma chair. Celle-ci sera appelée femme (Ishsha), car elle fut tirée de l homme (Ish), celle-ci». La totalité de l homme qui s exprimait jusqu à maintenant dans un être unique s exprime maintenant dans une dualité Ce qui a été enlevé de l homme est devenu un autre être devant lui. Dieu a opéré une distinction en l homme. La femme est désormais l objectivation de ce qui manque en l homme, ce à quoi il doit se rapporter pour être homme. Le sommet de l acte créateur est la reconnaissance joyeuse de la différence sexuelle. 2, C est pourquoi l homme quitte son père et sa mère et s attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair. Or, tous deux étaient nus, l homme et la femme, et ils n avaient pas honte l un devant l autre. La nudité fait apparaître leur différence. Celle-ci est visiblement inscrite en leur chair. Ils n ont pas honte de cette différence. Dieu fait toutes choses bonnes. Après la création de l homme et de la femme, Dieu se retire. Il crée l homme en se retirant. Humilité de Dieu qui veut un homme libre.

4 3, 1 Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que Dieu avait faits. Il dit à la femme : «Alors, Dieu a dit : vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin» Alors que Dieu met en œuvre dans la création un principe de distinction et de discernement, le serpent va s ingénier à répandre la confusion. Il commence par semer la confusion dans les esprits en brouillant la parole de Dieu et en faisant comme si Dieu avait fait porter l interdiction sur tous les arbres du jardin. Le serpent En Orient, le serpent est lié aux cultes de fécondité : le seigneur de l arbre de vie. Il est l image de l immortalité, une divinité sans cesse renaissante (mue : il fait sans cesse peau neuve). Dans le texte, il est une créature de Dieu. On dit qu il est rusé, non pas le mal. Trois significations au serpent, à tenir ensemble : - L objectivation de quelque chose qui se passe en l homme : la convoitise qui s insinue dans le cœur. Jc 1, ; Sg 2, 24 - L homme n est pas le commencement absolu du mal. Si le péché entre dans le monde, c est qu il y a déjà une cause extérieure à l homme : le serpent rusé, Satan? Sg 2, 24 ; Ap 12, 9 - Le serpent est une créature de Dieu. La création est tentante en elle-même. Elle suscite la convoitise, le désir chez l homme de saisir plutôt que de recevoir (vouloir prendre plutôt que d accueillir). Cet aspect de la création n est pas un mal. Le péché arrive quand l homme succombe à la convoitise. Le serpent reste néanmoins une énigme dans le texte. Enigme de la présence du mal. Que sait-on du diable? 3, 2-3 La femme répondit au serpent : «Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin. Mais du fruit de l arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : «Vous n en mangerez pas, vous n y toucherez pas, sous peine de mort». Devant les insinuations du serpent, la femme commence à céder à la manœuvre dont elle est l objet, puisqu elle élargit aussi l interdit divin : vous n y toucherez pas. Or, le toucher n était pas interdit par Dieu. On perçoit dans cette réaction d Ève une réaction psychologique classique : quand on sent que l on est habité par un désir de transgression, on a tendance, pour fuit cette transgression, à accentuer l interdit. On se protège ainsi, de façon relativement fausse, de soimême ; du coup, en ne parlant plus vraiment avec ses désirs, on risque un jour de mener finalement la transgression plus loin que voulu. 3, 4-5 Le serpent répliqua : «Pas du tout, vous ne mourrez pas. Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s ouvriront et vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal». Le serpent introduit la suspicion entre l homme et son créateur. Il les érige en concurrents. Dieu devient celui qui asservit, qui castre l homme en l empêchant d être tout puissant. C est le refus de la condition de créature, radicalement différente de Dieu.

5 «Vos yeux s ouvriront». Jésus viendra justement pour ouvrir les yeux des aveugles : «Ils ont des yeux et ne voient pas». Le serpent, loin d ouvrir les yeux, aveugle l homme, l empêchant de se recevoir tel qu il est des mains de Dieu, dans l action de grâce. Il sème doute et amertume dans le cœur de l homme. 3, 6 La femme vit que l arbre était bon à manger et séduisant à voir, et qu il était, cet arbre, désirable pour acquérir l entendement. Elle prit de son fruit et en mangea. Elle en donna aussi à son mari, qui était avec elle, et il mangea. Fascination, séduction, désir, acquisition, prendre, manger : autant de mots qui viennent abolir la distinction. Solidaires dans l amour, l homme et la femme le sont dans le péché : conséquences sociales du péché. 3, 7 Alors leurs yeux à tous les deux s ouvrirent et ils connurent qu ils étaient nus ; ils cousirent des feuilles de figuier et se firent des pagnes. La manducation du fruit est suivie d un moment de discernement. Mais cette lucidité va les conduire très vite à ne plus pouvoir accepter, supporter ce qu ils perçoivent, c est-à-dire ce qui les distingue. La dissimulation de la différence, de l altérité est le premier pas du retour à la non distinction. 3, 8-11 Ils entendirent le pas du Seigneur Dieu qui se promenait dans le jardin à la brise du jour, et l homme et sa femme se cachèrent devant Dieu parmi les arbres du jardin. Le Seigneur Dieu appela l homme : «Où es-tu?», dit-il. «J ai entendu ton pas dans la jardin, répondit l homme, j ai eu peur parce que je suis nu et je me suis caché». Il reprit : «Et qui t a appris que tu étais nu? Tu as donc mangé de l arbre dont je t avais défendu de manger?» Dieu cherche l homme : où es-tu? Il fait toujours le premier pas face à l homme pécheur. Et l homme a peur, parce qu il est nu La confiance est brisée entre l homme et son Dieu. L homme se cache. 3, L homme répondit : «C est la femme que tu as mise auprès de moi qui m a donné de l arbre, et j ai mangé». Yahvé Dieu dit à la femme : «Qu as-tu fait là?» Et la femme répondit : «C est le serpent qui m a séduite, et j ai mangé». L homme renvoie la responsabilité sur Dieu, créateur de la femme, le péché. Puis il se désolidarise de la femme, c est-à-dire de ses semblables. La femme, elle, renvoie au serpent. Chacun se déclare dépendant de l autre.on voit bien que le péché divise. C est la rupture d harmonie entre homme et femme, homme t création. Cela conduit l homme appelé à dominer la terre à se déclarer dépendant d un animal, et de quel animal! Celui qui se confond le plus avec la terre. Quelle régression par rapport au mouvement de création. On peut parler ici de décréation où chacun, plutôt que de se distinguer de l autre, essaie de se fondre en lui et de se cacher derrière lui. L homme, ou la femme, est incapable d assumer sa responsabilité, et sa culpabilité. «C est pas moi, c est l autre!»

6 3, 14 Alors le Seigneur Dieu dit au serpent : «Parce que tu as fait cela, maudit sois-tu entre tous les bestiaux et toutes les bêtes sauvages. Tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la terre tous les jours de ta vie. Le serpent est renvoyé à son appartenance au sol. 3, 15 Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il t écrasera la tête et tu l atteindras au talon. Un premier rapport conflictuel est évoqué. Les Pères reliront la vie de la Vierge Marie à la lumière de ce passage. Marie est la nouvelle Eve, celle qui écoute la parole de Dieu et la met en pratique. Marie incarne l humanité réconciliée. 3, 16 A la femme, il dit : «Je multiplierai les peines de tes grossesse ; dans la peine, tu enfanteras tes fils. Ta convoitise te poussera vers ton mari et lui dominera sur toi». La distinction homme/femme devient elle aussi polémique. Chacun, à sa manière, tentera d absorber l autre : la femme par la convoitise, l homme par la domination. L accouchement, comme séparation du fruit du ventre, sera douloureux. 3, A l homme, il dit : «Parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé de l arbre que je t avais interdit de manger, maudit soit le sol à cause de toi. A force de peine, tu en tireras ta subsistance tous les jours de ta vie. Il produira pour toi épines et chardons et tu mangeras l herbe des champs. A la sueur de ton visage, tu mangeras ton pain, jusqu à ce que tu retournes au sol, puisque tu en fus tiré. Car tu es glaise et tu retourneras à la glaise». L homme appela sa femme «Eve» parce qu elle fut la mère de tous les vivants. La relation de l homme avec la nature devient, elle aussi, conflictuelle. Si l homme ne s impose pas à force de travail pénible, c est la nature qui s imposera. Au terme de ce dur combat pour que la terre devienne un jardin, la seule perspective offerte à l homme est le retour à la glaise, autrement dit à la situation d avant l acte de création car il n est plus que glaise. Il n a plus en lui le souffle vivifiant qui vient de Dieu. On est là au point ultime de dé création engendré par le péché de l homme. La femme n est plus désignée comme ce qui manque à l homme pour qu il s accomplisse mais comme mère. C est l homme qui la nomme comme il avait nommé précédemment les animaux. 3, 21 Le Seigneur Dieu fit à l homme et à la femme deux tuniques de peau et les en vêtit. Dieu prend acte de l impossibilité des hommes à accepter leur différence. Il les habille et continue de prendre soin d eux. 3, 22 Puis le Seigneur Dieu dit : «Voilà que l homme est devenu comme l un de nous pour connaître le bien et le mal. Qu il n étende pas maintenant la main, ne cueille aussi de l arbre de vie, n en mange et ne vive pour toujours.

7 L homme doit accepter de devoir mourir. C est dans le refus de la mort que résiderait donc la perte définitive de l homme. 3, Et le Seigneur Dieu le renvoya du jardin d Eden pour cultiver le sol d où il avait été tiré. Il bannit l homme et il posta devant le jardin d Eden les chérubins et la flamme du glaive fulgurant pour garder le chemin de l arbre de vie. Dieu prend acte également de l impossibilité pour l homme de se tenir avec lui dans le même lieu. Accepter de devoir mourir, ne pas se considérer comme la source de vie, l accueillir comme donnée, voilà qui peut sauver l homme et un jour, peut-être, lui faire retrouver le jardin. La croix de Jésus sera regardée comme l arbre de vie qui rétablit l homme dans l ordre de la création, dans l harmonie. (Ap 22, 14) Genre littéraire du récit Ce récit, de la tradition Yahviste, date de 950 ans avant Jésus-Christ. Il ne cherche pas à décrire un évènement historique réel. Le récit cherche à «concétiser l universel» (Ricoeur). Monsieur Adam, c est Monsieur tout-le-monde. C est pourquoi chacun peut retrouver quelque chose de sa propre expérience quand il lit ce texte environ 3000 ans après son élaboration. Un récit mythique? Un mythe cherche à donner une explication à une situation humaine ou à un aspect de la condition humaine. Il trouve une réponse en se projetant dans le monde des dieux. Il cherche ici à répondre aux questions de toujours : Pourquoi le mal? D où vient-il? Or, ici, l origine du mal ne se trouve pas du côté de Dieu mais de l homme. Dieu ne crée pas le mal. Il y a donc une sorte de sécularisation du mal. Paul Ricoeur parle de «mythe adamique». Le mythe exprime une réalité valable pour tous les hommes à travers une histoire particulière, celle d Adam et Eve. La forme du mythe est donc le récit. Le mythe a un commencement et une fin. Il y a un sens donné par le récit à ce que vit l homme : «D où venons-nous? Où allons-nous? Quel est le sens de ce que je vis?» Synthèse théologique Dieu crée toutes choses bonnes : il crée un monde harmonieux, sans conflit, avec des choses organisées, délimités, séparées. Perfection de l action créatrice de Dieu. Par contre, il n est pas fait de récit d une histoire de l homme ou de l humanité connaissant la perfection. Cela invite à la discrétion quant à l histoire d une perfection primitive. Ce n est pas le récit d une chute. Dieu crée l homme pour qu il atteigne l état de justice et de sainteté auxquels il est appelé et qu il atteint par le Christ.

8 Dieu n est pas l origine du mal. C est l homme : tout change à partir du moment où il mange le fruit. Le serpent n est pas un dieu du mal. Il est lui-même créature de Dieu. Pourtant, il se situe face à la femme comme Dieu lui-même, dans l autorité de sa parole. C est là le péché originel. Il n y a donc pas deux puissances créatrices : celle du bien et celle du mal. Adam Ce n est pas un nom propre. C est monsieur tout le monde : l humanité tirée de la glaise ( Le glaiseux traduit Chouraqui). Sortir du rapport homme/femme dans ce texte. Adam n est pas le mâle. La figure d Adam reviendra peu dans l Ancien testament. Dans la pensée des juifs, Adam n est pas une figure historique. La personnalisation de la figure d Adam vient de Paul. Rm 5, 12. Pour Paul, le Christ est le second Adam, l homme selon le cœur de Dieu, celui qui inaugure la création nouvelle dans laquelle tout homme est appelé à renaître. Or, si tous les hommes sont sauvés en Christ, c est que tous avaient péchés. Adam est la personnalisation de l humanité pécheresse : Tous les hommes ont péché en Adam et tous sont sauvés en Christ, second Adam. Gn 3 nous dit davantage sur le péché en nous, sur la qualité native de pécheurs, que sur le premier des péchés et le premier pécheur. Les conséquences du péché d Adam. Un état de tension généralisée, la perte de l harmonie des relations (décréation) : - Entre l homme et Dieu. L homme ne peut plus se tenir face à Dieu. Il se cache, il a peur. La familiarité avec Dieu est perdue. - Dénaturation du rapport de l homme à lui-même : il est mal dans sa peau. Il a honte de sa nudité, de sa faiblesse. - Entre l homme et la femme : convoitise de la femme à l égard de son mari. Domination de l homme sur la femme et non plus reconnaissance joyeuse de leur différence. - Dénaturation des relations sociales (voir Gn 4)) - Entre l homme et la nature. L homme éprouve péniblement la résistance de la nature. Le destin qui s ouvre à lui, c est le retour à la poussière du sol dont il avait été distingué. - L enfantement devient pénible. La mise hors du jardin est l acte symbolique qui exprime la sortie de l ordre harmonieux voulu par Dieu. Conclusions C est par l homme que le péché entre dans l histoire. Tous les maux ont pour origine le choix désastreux de l homme de vouloir s ériger comme un dieu. Hors le péché, les limites dues à la finitude humaine ne sont pas vécues comme désastreuses. Dire cela ne résoud pas l énigme de l origine du mal.

9 Le péché consiste dans le refus de la condition de créature. L homme refuse la limite. Il veut être à soi sa propre norme, être le centre à partir duquel il peut décider ce qui est bon ou mauvais pour lui. Adam renvoie plus à l humanité entière qu au premier homme. Si toute l humanité est concernée, les premiers hommes aussi sont pécheurs. Le péché commence avec l histoire de l homme et il s agrave. Aussi Dieu, en son Fils, devra combattre le péché de l histoire de cette humanité. Le jardin des origines est tout autant une réalité à venir qu une réalité des commencements. Plus originel que le péché, il y a l amour de Dieu.