Andrée Borillo. ERSS UMR Université Toulouse le Mirail QUELQUES STRUCTURES PARTICIPIALES DE VALEUR TEMPORELLE EN PREDICATION SECONDE

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1 Andrée Borillo ERSS UMR Université Toulouse le Mirail QUELQUES STRUCTURES PARTICIPIALES DE VALEUR TEMPORELLE EN PREDICATION SECONDE Un grand nombre de constructions syntaxiques sont susceptibles de marquer un ordre temporel 1 entre des suites d éventualités 2 participant au développement d un discours. Cette relation peut être établie entre deux phrases mais aussi entre une phrase et un simple prédicat, donnant lieu selon le cas à des constructions de type parataxique (juxtaposition et coordination) ou de type hypotaxique (subordination et prédication seconde). Pour les constructions parataxiques, la simple juxtaposition peut suffire (1), mais il est plus courant d avoir un relateur 3 temporel placé en tête de la deuxième phrase, qui indique l ordre relatif d occurence des deux situations. Rôle que joue un simple adverbe 4 temporel relationnel 5 : auparavant, ensuite, puis, entre-temps, après quoi, etc. ou découpant un certain intervalle : trois jours après, le lendemain, dans un an, etc. (1) Il grimpa l escalier quatre à quatre. Il s arrêta à la porte du 3ème étage. Il entra sans sonner 6 (2) Il sonna trois coups puis il poussa la porte de l appartement (3) Elle ne ferma guère l oeil cette nuit-là, et le lendemain, la frayeur la 1 Relation d ordre que nous appellerons ici tout simplement relation temporelle ou relation aspectuo-temporelle. 2 Le terme éventualité sera utilisé ici pour couvrir toutes les situations de type dynamique, i.e. événements, actions, procès. 3 Nous évitons volontairement ici le terme trop précis de connecteur. 4 Etant entendu que le terme adverbe renvoie aussi bien à un adverbe simple qu à un syntagme nominal ou prépositionnel de fonction adverbiale. 5 La coordination et pouvant être considérée comme un relateur temporel marquant la successivité (Il sonna trois coups et il poussa la porte de l appartement). 6 La plupart des exemples proposés dans cette étude appartiennent à des textes pris dans la base Frantext.

2 2 ANDREE BORILLO reprit presque aussi fort Pour ce qui est des structures hypotaxiques, les cas de figure sont plus nombreux et plus variés, mais on peut facilement isoler trois grandes catégories : les structures subordonnées conjonctives, les structures corrélatives et les structures de prédication seconde. C est cette dernière catégorie qui nous intéresse ici, ou plutôt, ce qui nous intéresse à l intérieur de cette dernière catégorie, c est un type de structure à base de participe passé (en abrégé structure participiale Vé ) qui remplit dans la phrase une fonction de prédicat second. Mais avant d examiner ce type particulier de subordination, nous nous arrêterons rapidement sur les structures conjonctives et les structures corrélatives ( 1) car, nous voudrions montrer que ces trois catégories sont syntaxiquement et sémantiquement liées et qu en particulier, les structures participiales Vé dont nous privilégions ici l étude, peuvent en grande partie s expliquer à partir des deux autres types. 1. Les subordonnées conjonctives et corrélatives de valeur temporelle 1.1 Les structures subordonnées conjonctives sont, comme on le sait, explicitement marquées par la présence d une conjonction temporelle de forme et de sens très variés, ex. avant que, depuis que, dès que, quand, lorsque, sitôt que, une fois que, etc.. Placée en tête de l une des deux phrases, la conjonction marque sa dépendance syntaxique par rapport à la seconde, que celle-ci soit dans un ordre de précédence ou de succession : (4) Dès que les premières gouttes sont tombées, on s est repliés vers la baraque (4a) Les rectifications ne peuvent changer le résultat d un vote, une fois que celui-ci a été proclamé. 1.2 Les structures corrélatives ont des formes beaucoup moins variées. Elles sont marquées par la présence d une conjonction temporelle telle que à peine que et pas plutôt que /quand qui imposent à la phrase des contraintes plus strictes, chacune selon ses propres règles de construction : à peine... introduit le premier terme de la construction corrélative (protase) en entraînant le plus souvent l inversion du sujet et du verbe. La relation exprimée est celle d une succession rapide entre les deux éventualités, la forme composée du verbe marquant l antériorité de l éventualité par rapport à celle contenue dans l apodose : (5) A peine avait-on abordé un sujet que déjà on sautait sur un autre Ce même marqueur à peine peut ne pas occuper la position initiale et

3 STRUCTURES PARTICIPIALES EN PREDICATION SECONDE 3 prendre place dans le prédicat entre l auxiliaire et le verbe, mais sans entraîner d inversion : (5 ) On avait à peine abordé un sujet que déjà on sautait sur un autre pas plus tôt, à la différence de à peine, figure difficilement en tête de phrase 7. Sans entraîner d inversion, il se place dans le prédicat entre l auxiliaire et le verbe, se rapprochant ainsi d une expression négative; au point qu il peut être remplacé par la seule négation ne pas comme en (6a) ci-dessus. La relation temporelle de succession rapide qu il exprime se double là aussi d un couplage adéquat des temps verbaux, celui de la protase marquant l antériorité par rapport à celui de l apodose : (6) La cloche n avait pas plutôt sonné, que les gamins s échappaient, dégringolant le perron,... (6a) Il n était pas entré dans l appartement qu il entendit le téléphone sonner Dans ces deux types de construction corrélative, on peut noter que contrairement aux constructions conjonctives, l ordre protase-apodose est contraint, reproduisant l ordre chronologique des deux éventualités mises en relation. 2. Les structures participiales Vé de valeur temporelle, comme cas particulier de prédication seconde Les structures participiales Vé appartenant à cette même famille sont de deux types : ce sont, d une part, des structures qui portent encore une marque explicite de leur caractère subordonné et qui peuvent donc être considérées comme des formes réduites des subordonnées conjonctives (nous les appelerons structures subordonnées réduites ) : (7) Une fois le texte rédigé, il fallut le taper sur un stencil ce sont, d autre part, des structures dont rien ne traduit la relation temporelle qu elles expriment en tant que complément, sinon leur caractère détaché dans la phrase qui les héberge ( phrase d accueil ). Pour les distinguer des précédentes, nous les identifierons comme des participiales temporelles Vé de prédication seconde : (8) La porte refermée, je restai un instant sur le perron (9) Enfilant un maillot de bain, je suis allé piquer une tête dans la piscine Nous ferons au 2.1 une rapide présentation de ces deux formes, puis nous les confronterons, surtout pour ce qui est de la forme sans marqueur, à d autres types de structures temporelles de prédication seconde ( 2.2). Ensuite nous reprendrons plus en détail les structures 7 Encore qu il puisse exister des formes de ce type.

4 4 ANDREE BORILLO participiales Vé dans cette même fonction ( 3), en nous attachant à décrire certaines des propriétés syntaxiques et sémantiques qui les caractérisent par rapport aux autres structures, dont elles restent pourtant proches à la fois par la forme et par le sens. 2.1 Des structures subordonnées réduites aux temporelles Vé de prédication seconde Les subordonnées réduites font appel à un tout petit nombre de marqueurs temporels : sitôt, aussitôt, une fois, dès 8 à mettre en correspondance avec un véritable conjonctif ou corrélatif, respectivement sitôt que, aussitôt que, une fois que, dès que, à peine que. Le participe passé qui, on le sait, ne peut avoir une valeur temporelle absolue, doit dans ce cas lier temporellement l éventualité qu il représente à celle contenue dans le reste de la phrase. Il doit appartenir à un verbe dont les temps composés se construisent avec être et qui s interprète avec une valeur passive s il est transitif comme en (10) ou (11), avec une valeur active s il est inaccusatif (ex. : arriver, sortir, retourner, remonter, disparaître, parvenir 9 ) comme en (12) : (10) A peine une calomnie détruite, on en invente une autre (11) Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient (12) Sitôt leurs hôtes repartis, P. était monté se remettre au lit Ces marqueurs temporels sont placés de préférence en tête du syntagme mais ils peuvent également s appliquer directement au verbe 10, le sujet passant alors éventuellement à sa suite : (13) La guerre à peine terminée, P. se jeta dans le plaisir avec beaucoup d ardeu. (14) Mais sitôt le déjeuner commencé, sitôt servi le potage à la tortue, le père se lève Quant au syntagme lui-même, il est le plus souvent détaché en tête de phrase, parfois à la suite d un connecteur ou d un adverbial temporel luimême détaché, mais se place également en incise ou détaché en finale de phrase : (15) Le Président, sitôt la dernière bouchée avalée, se lève. (16) Mais l important était de savoir ce qu on fait, une fois la guerre finie 8 L emploi de dès est devenu assez rare mais on peut trouver des exemples tels que : Dès le vin versé, je l avale.. Dès le repas terminé, Riter quitta la table. 9 Sauf aller et d autres verbes de déplacement tels que descendre, monter, etc. qui, bien que se construisant avec être peuvent difficilement apparaît dans ce type de structure : *à peine leurs hôtes montés 10 Ce déplacement entraîne peut-être une légère différence de sens mais c est un point que nous n aborderons pas ici.

5 STRUCTURES PARTICIPIALES EN PREDICATION SECONDE 5 Parce que à peine 11 et plus particulièrement sitôt, aussitôt et une fois supposent l occurence d une éventualité ou d un état qui en résulte, on peut maintenir la notion de phrase et considérer ce type de participiale avec marqueur temporel comme la forme réduite de la phrase conjonctive ou corrélative correspondante. Ainsi, à (7) et (10) ci-dessus, on peut faire corrrespondre : (7 ) Une fois que le texte fut rédigé, il fallut le taper (10 ) A peine une calomnie est-elle détruite qu on en invente une autre Cependant, comme on le précisera ultérieurement ( 3) le passage à ce type de subordonnée réduite, est soumis à des conditions qui portent aussi bien sur la nature du verbe que sur celle du sujet qui l accompagne Les subordonnées réduites sans sujet ne constituent qu une sous-catégorie parmi les subordonnées réduites : elles expriment elles aussi une relation temporelle d antériorité par rapport au contenu du reste la phrase mais font la preuve que le sujet du participe passé ne peut être présent si une coréférence peut être reconstruite avec le sujet ou le complément de la phrase d accueil (que le Vé s interprète comme actif ou comme passif) : (17) Sitôt informé, il a donné l ordre d arrêter l amiral. (18) A peine arrivée, on vient l arracher à ses jeux Ces structures participiales sans sujet peuvent se rencontrer, comme les autres, en incise à divers endroits dans la phrase : (19) Sa mère, à peine relevée de couches, la porta elle-même à Rome (20) Je sais qu ils vont les oublier sitôt rentrés dans leur appartement bourgeois Les structures participiales Vé sans marqueur temporel peuvent être considérées à leur tour comme une sous-catégorie particulière à l intérieur des précédentes. En effet, on peut constater que l absence du marqueur temporel est parfois possible sans réelle modification du sens de l énoncé, si ce n est que sitôt, aussitôt et à peine ajoutent effectivement une précision d immédiateté et que une fois souligne de manière explicite la relation d antériorité d une première éventualité par rapport une autre cf. la phrase (7) donnée plus haut : (7) Une fois le texte rédigé, il fallut le taper sur un stencil (7 ) Le texte rédigé, il fallut le taper sur un stencil Sans marqueur temporel, le sens reste très proche, de même que les règles de construction : le participe passé est celui d un verbe construit avec l auxiliaire être, qui doit être interprété avec une valeur passive si le 11 à peine, on le sait, peut également avoir le sens quantitatif de un peu, presque pas, ce qui parfois peut provoquer quelque ambigüité (ex. : son geste, à peine esquissé, s arrêta).

6 6 ANDREE BORILLO verbe est transitif, avec une valeur active si le verbe est inaccusatif : (21) La guerre venue, il s était battu très bravement (22) Le soleil disparu, 12 je restai un instant accoudé à la balustrade Dans les mêmes conditions que les subordonnées réduites sans sujet, le Vé peut constituer à lui seul, c est-à-dire sans sujet, le prédicat apposé en tête de phrase; surtout si par ailleurs il est accompagné d un complément de localisation spatiale. Pour les distinguer, nous donnerons à ces participiales sans sujet le nom de participiales temporelles nues : (23) Arrivée chez elle, elle songea longuement à cette rencontre (24) Rentrée à la maison, je jetai mes plaquettes de pilules roses et mes boîtes de boules Quies Qu elles soient avec ou sans sujet, ces participiales Vé sans marqueur temporel seront présentées plus en détail dans leur foncttion de prédication seconde au 3 ci-après. Mais étant donné que ce ne sont pas les seules structures qui, en l absence de marqueur et sous la forme d un syntagme prédicatif détaché, établissent une relation temporelle implicite avec le reste de la phrase, nous indiquerons tout d abord de quelles autres structures elles peuvent être rapprochées Autres structures de valeur temporelle en prédication seconde Cet ensemble plus large dans lequel nous replaçons les structures participiales Vé, comprend d autres types de constructions qui en tant que prédicat second, instaurent elles aussi une relation temporelle avec le reste de la phrase. Tout d abord, nous évoquerons brièvement au la structure assez proche des participiales à base de participe présent et de gérondif (en abrégé participiales Vant et participiales en Vant ) dont l étude devrait venir très naturellement compléter celle des participiales Vé. Puis, au 2.2.2, et 2.2.4, nous ferons état de quelques types de structures à base de nom, d adjectif et de complément de lieu qui, elles aussi, mériteraient un examen détaillé, mais que nous ne ferons que mentionner très rapidement ici Structures participiales à base de participe présent (Vant) ou de gérondif (en Vant) Le participe présent, comme le participe passé, peut quand il est 12 Un verbe comme disparaître accepte à la fois être et avoir. On note que là aussi, le verbe aller ainsi que d autres verbes de déplacement ne peuvent pas entrer dans cette construction.

7 STRUCTURES PARTICIPIALES EN PREDICATION SECONDE 7 détaché en tête de phrase, lier temporellement l éventualité constituée par le prédicat second à celle contenue dans le reste de la phrase. Il s agit normalement d une relation de concomitance ou d inclusion, mais dans certains cas, on n est pas loin d une relation d antériorité, même si les deux éventualités ne peuvent pas être disjointes et doivent être vues comme formant un tout à l intérieur d un espace temporel donné : (9) Enfilant un maillot de bain, je suis allé piquer une tête dans la piscine Si l on admet que le participe présent dénote le fait qu une situation se prolonge imperceptiblement dans une autre (cf. Herslund 1993), l éventualité représentée par le verbe dans la participiale Vant, peut constituer la phase initiale d une situation plus large dénotée par le reste de la phrase, et de ce fait peut parfois satisfaire à l idée d antériorité : (25 Quittant la route, il traversa les labours givrés jusqu à la forêt (26) Repoussant draps et couvertures, il rampa vers l échelle, glissa au pied du lit. (27) Louvoyant parmi les tables, il atteignit la cheminée, et buta sur un obstacle invisible. (28) Longeant la façade, il vint se tapir sous sa fenêtre et colla son oeil entre les persiennes. L effet de décalage temporel que produit le participe présent est lié en grande partie à la catégorie sémantique des verbes du prédicat second et de la phrase d accueil, ainsi qu à la valeur aspectuelle fournie par le temps verbal à cette dernière. Dans les exemples ci-dessus, chacun des couples est constitué d un verbe de type duratif (activité 13 ou accomplissement) et d un verbe de type non duratif (achèvement), c està-dire chaque fois, de verbes exprimant des actions ou des déplacements qui ne peuvent pas être concomittants vu la valeur aspectuelle que donne le passé simple à la phrase. L effet est différent lorsque les deux verbes sont tous les deux duratifs, en particulier si celui de la participiale est de nature non-télique. C est le cas par exemple de (29) ci-dessous, dans lequel traîner les bottes est à analyser comme une activité. Dans ce cas, l interprétation est celle d une relation de simultanéité qui pourrait trouver un sens assez proche dans la forme gérondive tout en Vant : (29) Traînant les bottes, Mike traversa la rue jusqu à l épicerie-tabacbistrot (Tout en traînant les bottes ) Déjà sous la forme en Vant, le gérondif dénote très naturellement la concomitance et/ou l inclusion temporelle de l éventualité exprimée par la participiale avec celle représentée par le reste de la phrase : (30) En approchant de la frontière, nous vîmes des chars et des soldats. (31) En continuant à marcher à son allure, je me suis retourné vers lui pour lui adresser la parole. 13 Cf. la terminologie de Vendler (1987).

8 8 ANDREE BORILLO Mais ceci est particulièrement vrai lorsqu il est accompagné de tout 14 : (32) Tout en saluant quelques personnes connues, il se dirigea vers le buffet (33) Tout en montant l escalier il fit sauter les ficelles et ouvrit le volume à la page de garde car sous la forme en Vant, le gérondif peut, comme le participe présent, rendre compte d un décalage dans le temps si des facteurs comme la catégorie sémantique des verbes mis en relation et la valeur aspectuelle introduite par le temps verbal s y prêtent (notamment, si l un des deux verbes renvoie à une activité ou un accomplissement, l autre à un achèvement) : (34) En revenant de l école, Nicolas faisait ses devoirs ou jouait avec son petit frère (35) En arrivant à la maison, il est allé tout droit à la chambre de sa fille (36) En sortant du cinéma, ils se promenèrent au hasard dans les vieilles rues de Dijon (37) En contournant la mairie, on finit par atteindre la mer Structures nominales Certains noms dénotent des phases 15 qui jalonnent l existence d un être vivant (Riegel 1985), phases qui pour les êtres humains correspondent aux étapes de la vie : enfant, adolescent, adulte, vieillard, mais aussi aux états et fonctions de la vie professionnelle, institutionnelle, sociale des individus : étudiant, maire, député, médecin, comédien, prêtre, etc.. L une des propriétés de ce type de nom est précisément est de pouvoir être affecté d un complément de temps 16 : maire pendant trente ans, député à vie, académicien de fraîche date, etc. De tels noms peuvent se construire avec les mêmes marqueurs temporels que les participes passés, à savoir à peine, une fois, sitôt. Ils introduisent là aussi un décalage temporel, cette fois un décalage entre le passage à un état représenté par le nom et une éventualité qui lui est postérieure, mentionnée dans la phrase d accueil : (38) Il s était engagé, à peine ministre, à faire représenter la pièce de ses trois amis. (39) Une fois professeur, je préparerai ma licence et aurai toutes chances d être reçu Ces noms peuvent également s utiliser seuls, détachés, généralement 14 On pense alors à des paraphrases possibles avec une subordonnée circonstancielle: alors que P, en même temps que P, tandis que P. 15 ou encore des rôles dans la terminologie de Fauconnier (1984). 16 ou d un adjectif de type intérimaire, temporaire, provisoire, etc. (ex. : facteur intérimaire, gouverneur provisoire).

9 STRUCTURES PARTICIPIALES EN PREDICATION SECONDE 9 en tête de phrase. Ils fonctionnent alors comme un prédicat second dans lequel s instancie une relation temporelle qui s interprète comme une concomitance ou une antériorité selon la nature du verbe et du temps verbal qui lui est appliqué : (40) Sa vie avait été honnête et laborieuse. Vieillard, les forces lui ont manqué pour le travail, puis la maladie est venue (41) Enfant, il était déjà le souffre-douleur de ses camarades d école Leur sens se rapproche alors de celui d une subordonnée conjonctive de type quand P : (42) (Ces idées)...député, je les ai combattues ; ministre, je les soutiendrai (=> quand j étais député je les ai combattues, quand je serai ministre, je les soutiendrai) Ces noms peuvent également figurer une sorte d état résultatif supposant un certain décalage temporel, quand ils sont en construction avec le participe passé de verbes tels que devenir, passer, arriver ou avec l adverbe enfin : (43) Devenu soldat, je sollicitai les postes les plus dangereux, espérant me faire tuer pour en finir vite,... (44) Enfin spectatrice, je pouvais rire en regardant les autres se prendre au sérieux En revanche, aucun décalage temporel n est introduit avec un verbe comme rester ou un adverbe comme toujours, encore, qui marquent au contraire la rémanence dans un état donné : (45) Un de ses oncles, resté garçon, le prit chez lui Structures adjectivales De même qu il y a des noms renvoyant à des phases (ou à des rôles), il y a des adjectifs qui caractérisent des états liés à des intervalles de temps (adjectifs dits temporaires tels que vieux, seul, malade, majeur, etc) ou qui caractérisent des états résultant d une action ou d un processus (adjectifs dits résultatifs tels que mûr, rance, sec, vide, victorieux, etc). Détachés en position initiale, ils peuvent constituer un prédicat second et introduire un espace temporel comme le ferait un marqueur temporel tel que une fois, à peine, sitôt ou une subordonnée conjonctive du type quand P (ou maintenant que P, selon le temps verbal de la phrase principale) : (46) Vivant, on le comptait pour rien, mort, on parlait de lui sans cesse (46 ) Quand il était vivant, on le comptait pour rien, maintenant qu il était mort, on parlait de lui sans cesse Comme les noms, ces adjectifs peuvent être accompagnés des verbes statifs ou résultatifs rester, devenir (resté seul, devenu riche,tombé malade) et des adverbes enfin, toujours, encore, etc. :

10 10 ANDREE BORILLO (47) Devenu riche, Antonio se mettait à la recherche de ses anciens compagnons de bagne Les structures à base d adverbiaux de localisation spatiale En position détachée en tête de phrase, un adverbial de localisation spatiale (en abrégé ALS) contribue à créer un enchaînement sur le plan temporel s il introduit une relation d ordre entre une éventualité qui a été préalablement décrite ou évoquée dans un segment de discours qui précède et l éventualité présente dans la phrase d accueil : (48) Ils descendirent la rue en courant. En bas, Victor s aplatit de tout son long en butant contre un pavé. Les ALS ainsi détachés en tête de phrase appartiennent à des catégories différentes. Il peut s agir de véritables adverbes spatiaux, identifiés comme tels sur le plan grammatical, simples, ou de SN à base de préposition : plus loin, tout près, devant, dehors, en haut, en bas, au fond, à l intérieur, etc. : (49) P. dégringola l escalier dans le noir. Dehors, il s adossa au mur de la maison. Il respira plusieurs fois à fond Cela peut être des syntagmes prépositionnels de sens spatial (en abrégé SPS) introduits par une préposition spatiale simple ou composée : à, dans, sur, devant, sous, au bord de, à côté de, etc. : (50) Il gravit sans bruit l escalier de pierre. Sur le palier, il s arrêta, approcha son oreille de la porte (Quand il fut sur le palier,..) (51) Elle s enfuit, devant moi, vers la rivière... Au bord de l eau, elle prit son élan, et plongea sans une éclaboussure. (Quand elle fut au bord de l eau,...) Comme nous le verrons au 3, il est facile d établir un lien entre ces ALS détachés en tête de phrase et les structures participiales Vé nues uniquement constituées d un verbe de déplacement et de son complément spatial Structures participiales temporelles Vé en prédication seconde Comme cela a été dit au 2.1.1, une structure participiale Vé instaurant une relation temporelle avec le reste de la phrase peut être introduite par un marqueur temporel tel que sitôt, à peine, une fois et constituer ainsi une subordonnée réduite : 17 Ces structures participiales pouvant être mises comme les autres en correspondance avec des subordonnées conjonctives temporelles avec quand, dès que, une fois que, etc.

11 STRUCTURES PARTICIPIALES EN PREDICATION SECONDE 11 (7) Une fois le texte rédigé, il fallut le taper sur un stencil Il a été dit également que ce marqueur peut être absent sans que cela change sensiblement l énoncé, si ce n est que sa présence ajoute une idée d immédiateté et explicite la relation d antériorité entre l éventualité représentée par la participiale et le reste de la phrase : (7 ) Le texte rédigé, il fallut le taper sur un stencil (8 ) La porte refermée, je restai un instant sur le perron Nous donnerons quelques caractérisations de ces participiales Vé sans marqueur temporel, rapidement mentionnées au : 3.1 Catégorie des verbes Les verbes qui peuvent entrer dans ce type de structure participiale sont des verbes construits aux temps composés avec l auxiliaire être. En général, ils apparaissent sous la forme simple Vé 18, cf (7 ) et (8 ) cidessus, mais ils peuvent également apparaître sous la forme composée étant Vé : (52) Le repas étant achevé, le père se leva, prit la clef de la grille et alla fermer Cependant, nous ne ferons pas de différence ici entre les deux formes; nous considèrerons simplement que dans ce type de structure il est des cas où elles sont toutes les deux possibles : Vé que l on peut considérer ici comme la forme réduite de étant Vé, prend sa place dans la majeure partie des cas 19. Cependant, Vé doit remplacer obligatoirement étant Vé dès lors que s ajoute un marqueur temporel de type une fois, à peine, sitôt, car aucun d eux ne peut entrer en construction avec étant Vé: (52 ) Une fois le repas *étant achevé, le père se leva, prit la clef de la grille et alla fermer (52 ) Une fois le repas achevé, le père se leva, prit la clef de la grille et alla fermer Nous n incluons pas ici les verbes qui se construisent avec l auxiliaire avoir et qui, transitifs ou non transitifs, peuvent apparaître dans une participiale nue détachée sous la forme composée ayant Vé : (53) Il espéra même un instant devenir tyran de Carthage. Ayant échoué, il retourna en Espagne (54) Il descendit lentement la pente du vignoble et gravit le versant opposé. Ayant atteint le sommet de la colline, il s appuya contre un muret de pierres moussues Car il faut voir qu avec ces formes ayant Vé, nous sommes renvoyés vers la catégorie des structures participiales Vant (cf 2.2.1), qui n ont 18 Voir plus haut la note 9 sur aller et d autres verbes. 19 Si on compare les occurences de l un et de l autre dans Frantext, on peut voir que étant Vé est bien moins utilisé que Vé.

12 12 ANDREE BORILLO pas d équivalent dans des structures à marqueur temporel du type une fois, à peine, sitôt. Les participiales Vé dont le verbe se construit avec l auxiliaire être sont seules susceptibles d être mises en correspondance avec ces structures et dans ce cas, selon qu il est transitif ou inaccusatif, il s interprète avec une valeur passive ou active, voir respectivement (7 )-(8 ) et (21)-(22) au Position dans la phrase Sans marqueur temporel, la structure participiale Vé détachée se place normalement en tête de phrase, mais elle peut éventuellement apparaître ailleurs en incise : (55) La guerre venue, il s était battu très bravement (56) les deux fauteuils sur lesquels, la chasse terminée, il aimait à somnoler (57) Je renouvelai ma promesse de la renvoyer, sa mission accomplie, chez elle au Caucase 3.3 Nature et place du sujet dans la participiale Sans marqueur temporel, si le sujet est représenté par un pronom ce qui est rare celui-ci ne peut apparaître qu à la forme tonique (moi, toi, lui, eux, etc.) et ne peut avoir de coréférent dans la phrase d accueil (lui, elle, eux doivent trouver leur coréférence dans la phrase ou dans le fragment de discours qui précède) : (58) Moi parti, mes manuscrits (trois malles maintenant) restent dans la maison (59) C. promit de revenir. Lui parti, on éteignit quelques bougies Pour ce qui est de la place du sujet, son déplacement après le verbe est possible lorsque la participiale comporte un marqueur temporel, sans doute parce que grâce à lui la fonction du Vé est assez clairement établie : (14) Mais sitôt le déjeuner commencé, sitôt servi le potage à la tortue, le père se lève En l absence de marqueur temporel, le rejet du sujet après le verbe ne semble pas possible, même si quelques exemples de phrases contenant le verbe passer ou finir pourraient le laisser croire : (60) Passé le pont du chemin de fer, il ralentit le pas Mais dans ce cas, il ne semble pas qu on puisse considérer passé comme la forme passive du verbe (Une fois que le pont du chemin de fer fut passé ) car les exemples avec un nom féminin montrent qu il n y a pas d accord à l intérieur du prédicat : (61) Passé la barrière, on se trouvait dans un très grand jardin et même, avec ce verbe, il n y a pas de coréférence requise avec un

13 STRUCTURES PARTICIPIALES EN PREDICATION SECONDE 13 constituant de la phrase d accueil comme c est le cas pour les autres (cf. 3.4 infra) : (62) Passé le porche, c était un étalage de marché aux puces. 3.4 Absence du sujet Comme pour les participiales comportant un marqueur temporel, la règle veut que le Vé d une participiale sans marqueur apparaisse seul, sans sujet, si celui-ci est interprété comme coréférent avec le sujet de la phrase principale : (23) Arrivée chez elle, elle songea longuement à cette rencontre (63) Sorti du bureau de tabac, il se demanda s'il prendrait un verre dans un café Cependant, sans marqueur, la coréférence s établit plus rarement avec un complément, même si quelques exemples relevés dans Frantext témoignent de cette possibilité : (64) Arrivé au premier étage, un maître d hôtel me demanda d entrer Il faut bien préciser que ces structures sans marqueur temporel contiennent des participes passés et non des adjectifs temporaires ou des adjectifs résultatifs (tels que nous les avons définis au ci-dessus). Pour la plupart, il s agit de verbes qui à la forme active expriment l idée de changement : changement d état, de statut, de position mais aussi et surtout changement de lieu, autrement dit de verbes de déplacement. Ce qui explique qu ils soient assez couramment accompagnés d adverbiaux de temps ou de localisation spatiale : (65) Rentré un peu avant minuit, Belgrand avait vu un filet de lumière sous la porte de la chambre de sa femme. (66) Z leur emboîta le pas pour remonter à l auberge. Arrivé à l angle de la halle, il obliqua et qu à ces structures participiales sans marqueur temporel, on puisse faire correspondre une forme plus réduite ne comportant que le seul complément de localisation adverbe ou SP qui dans cette configuration peut s interpréter comme un prédicat de valeur temporelle (cf ) : (50) Il gravit sans bruit l escalier de pierre. Sur le palier, il s arrêta, approcha son oreille de la porte (=> Parvenu sur le palier, il s arrêta...) (66 ). Z... leur emboîta le pas pour remonter à l auberge. A l angle de la halle, il obliqua (67) Il poussa la porte, entra dans la maison et monta l escalier. Au premier étage, il fit une pause. Dans tous les exemples de structures participiales Vé donnés jusqu ici, on interprète effectivement le participe passé comme établissant une relation temporelle d antériorité entre la proposition réduite détachée et le reste de la phrase. Cependant, toutes les participiales Vé sans

14 14 ANDREE BORILLO marqueur temporel qui se trouvent ainsi détachées en tête de phrase n expriment pas nécessairement une relation temporelle, loin s en faut. En effet, dans la majeure partie des cas, les Vé en position détachée sont à considérer comme de simples appositions qu on ne peut en aucune façon mettre en correspondance avec une subordonnée temporelle exprimant l antériorité même dans le cas optimal où la participiale est placée en tête de phrase : (68) Accompagné de la petite fille, le peintre pénètre dans la maison et découvre la victime. (69) Accoudé à la rampe du petit balcon, je l écoutais (70) Enveloppé dans un drap, je courus à la fenêtre De fait, des conditions portant sur la nature sémantique du verbe ainsi que sur le temps utilisé dans la phrase sont nécessaires pour que l on puisse interpréter un Vé détaché comme introduisant une relation temporelle d antériorité. Dans la plupart des cas, il est à interpréter comme un état, comme une manière d être induisant une relation de concomitance ou de recouvrement. Il est en cela proche d un adjectif et comme lui, peut s accompagner d un adverbe de manière, en particulier un adverbe orienté vers le sujet tels que tranquillement, confortablement, nonchalamment, calmement, etc. (69a) Tranquillement accoudé à la rampe du petit balcon, je l écoutais (71) Confortablement assise à la table de la cuisine, elle agitait maladroitement la cuillère Ce n est que dans les cas bien précis que nous avons présentés, dans lesquels interviennnent de fortes contraintes portant sur la catégorie du verbe de la participiale, sur le temps et l aspect du verbe de la phrase d accueil, etc., que la participiale Vé de prédication seconde introduit une relation temporelle d antériorité lui conférant par là-même un statut bien particulier. Conclusion Ainsi, toutes ces structures détachées que nous venons de présenter, qu elles soient constituées de participes passés, de participes présents, de noms, d adjectifs ou d ALS (adverbiaux de localisation spatiale), peuvent, dans des conditions assez bien établies, s interpréter comme temporellement liées par une relation d antériorité ou une relation de concomitance à l éventualité représentée par le reste de la phrase. Cette propriété temporelle qui les distingue de la grande masse des appositions n est pas un facteur qui les empêche de remplir une fonction de prédication seconde par rapport à la phrase d accueil ; bien au contraire, cette propriété renforce en quelque sorte leur aptitude à remplir cette fonction. En effet, concernant les appositions dans leur ensemble, certains

15 STRUCTURES PARTICIPIALES EN PREDICATION SECONDE 15 travaux récents (en particulier Forsgren 1996, 1998, Herslund 2000) tendent à montrer qu il y a dans la structure de l apposition un mécanisme de prédication qui permet son rattachement et même son intégration au reste de la phrase. 20 Ensemble, ils dénotent une seule situation, le rôle du prédicat second étant d en développer une phase ou une facette particulière, notamment quand il est antéposé. Ici, pour les structures de phrases que nous avons dégagées, la situation d ensemble renvoie à un même espace temporel, ou même parfois spatio-temporel. Toutes ces structures représentent une phase particulière, qui, sur la plan chronologique peut se trouver en décalage c est clairement le cas le structure participiale Vé et sur le plan logique, peut avoir un effet de déclenchement. Car il est assez fréquent qu une participiale Vé ou Vant détachée, interprétable avec un sens temporel d antériorité, ait de plus un sens causal : (72) Alertés par la sirène, les touristes qui habitaient l hôtel mirent le nez aux fenêtres (73) Découvrant l intrus, le conducteur pila net Mais ceci sera l objet d une autre étude Références bibliographiques AMOURETTE C. (2004) L expression du temps et de l aspect dans les formes non conjuguées du français. Thèse, Université de Rouen BLANCHE-BENVENISTE C. (1998) L usage prédicatif secondaire des participes passés in M. Forsgren, K. Jonasson, H. Kronning (eds) Prédication, assertion, information. Uppsala, Acta Universitatis Upsaliensis. pages? BORILLO, A. (à paraître) Place et portée des Adverbes de temps dans la structure de phrase et dans la structure de discours. Colloque sur l Adverbe, Arras, mai BORILLO A. (à paraître) Les Adverbes temporels et la structuration de discours. Actes du Colloque Chronos 5, Groningen, juin BORILLO A. (2005) Les Adverbes temporels et la structuration de discours in A. Molendijk, C. Vet (eds) Temporalité et attitude: structuration du discours et expression de la modalité, Amsterdam, Rodopi. pages? BORILLO A. (à paraître) Quand les adverbiaux de localisation spatiale 20 On peut se reporter aux récents travaux de Herslund pour l examen de la différence faite entre prédication seconde absolue et relative ou greffée (Herslund 2000 : 86).

16 16 ANDREE BORILLO constituent desfacteurs d enchaînement spatio-temporel dans le discours. Actes du Colloque Chronos 6, Genève, septembre COMBETTES, B. (1998) Les constructions détachées en français, Ophrys FORSGREN M. (1996) Subordination syntaxique-subordination sémantico-pragmatique : le cas de l apposition adnominale in C. Muller (éd.) Dépendance et intégration syntaxique. Subordination, coordination, connexion.tübingen, Niemeyer : FORSGREN M., JONASSON K., KRONNING H. (eds) (1998) Prédication, assertion, information, Uppsala, Acta Universitatis Upsaliensis. GETTRUP H. (1977) Le gérondif, le participe présent et la notion de repère temporel. Revue Romane 12 : GOES (1999) L Adjectif: entre nom et verbe. Bruxelles, Duculot. GUIMIER C. (1999) La thématisation dans les langues. Berne, Peter Lang: HERSLUND M. (2000) Le participe présent comme co-verbe. Langue française 27 : KLEIBER G. (1999) MULLER C. (1998) Prédicats et prédication : quelques réflexions sur les bases de l assertion in M. Forsgren, K. Jonasson, H. Kronning (eds) Prédication, assertion, information. Uppsala, Acta Universitatis Upsaliensis : MULLER C. ( 2002) Les bases de la syntaxe. Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux NØLKE H. (1994) Linguistique modulaire. Louvain, Peeters, NØLKE H. (2001) Le regard du locuteur 2. Paris, Editions Kimé. RIEGEL M. (1985) L Adjectif attribut. Paris, PUF. WILMET M. (1998) Essai de typologie de la prédication in M. Forsgren, K. Jonasson, H. Kronning (eds) Prédication, assertion, information. Uppsala, Acta Universitatis Upsaliensis :