CA34 Fertirrigation d entretien raisonnée comparée à une fertilisation traditionnelle
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- Jules Beaupré
- il y a 7 ans
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1 Action régionale concertée : Stratégies de fertirrigation pour optimiser l alimentation minérale des vignes : fertilisation de correction de carences et fertilisation d entretien CA34 Fertirrigation d entretien raisonnée comparée à une fertilisation traditionnelle Préambule : suite à l abandon unilatéral du viticulteur chez qui l expérimentation «fertirrigation» était implantée au départ, une nouvelle parcelle d essai a été mise en place en 21, après une année de transition au cours de laquelle d autres observations ont été faites. Ce compte-rendu présente les résultats puis il fait la synthèse des 2 années initiales, de l année de transition et des 2 années finales. 1. Objectif de l essai Avec la généralisation de l irrigation des vignes de cuve, il devient possible d optimiser la fertilisation en apportant, avec l eau d irrigation, les nutriments dont la vigne a besoin au moment où elle sera à même de les utiliser au mieux. Si les connaissance théoriques existent en la matière, il reste à apprendre comment piloter cette fertirrigation, c est-à-dire : quelle dose de nutriments à apporter et quand les apporter pour une efficacité maximale? L objectif de la présente étude est de comparer : - une fertilisation classique au sol dont la dose a été raisonnée à une fertirrigation raisonnée sur la même base ; - la fertirrigation empirique du viticulteur à la fertirrigation raisonnée ; - une fertirrigation raisonnée apportée en un arrosage et une fertirrigation fractionnée en 2 apports. 2. Matériels et méthodes 2.1 Parcelle expérimentale L essai est conduit sur une parcelle viticole de,33 ha située sur la commune de Villeveyrac, sous AOP Languedoc. Il s agit d un grenache greffé sur Ru14, planté en 22 à une densité de 2,25x1,1 m (36 ceps/ha), conduit en cordon de Royat double. Le sol de la parcelle est argilo-limoneux, relativement superficiel, avec des symptômes de sécheresse réguliers. La parcelle est équipée en goutte-à-goutte tous les rangs. Les rampes (1 goutteur par mètre) sont posées au sol, avec une vannette en tête de ligne pour condamner les rangs individuellement. Les goutteurs sont de type auto-régulant, d un débit de 1,6 l/h. En tête de réseau, le fertirrigation est assurée par un dispositif de type «mélangeur». La fertilisation est de type «minérale». Quatre modalités de fertilisation sont comparées : - TEM : absence de fertilisation ; - Ferti1 : fertirrigation en 1 apport rapproché de la floraison, dont le dosage est raisonné par analyse pétiolaire ; - Ferti2 : fertirrigation en 2 apports, le premier rapproché de la floraison et le second avec le premier arrosage ou, au plus tard, à véraison ; le dosage est également raisonné par analyse pétiolaire ; - Sol : fertilisation traditionnelle par granulés au sol à la même dose que Ferti1, appliquée en fin d hiver, selon le calendrier viticole habituel en région méditerranéenne. Chambre d'agriculture de l'hérault Contrat de Projet Service Intervention Viticulture Janvier 212 1
2 2.2 Mesures et protocole Doses de fertilisation ; prélèvements de contrôle La fertilisation est raisonnée à partir des analyses pétiolaires réalisées à véraison pour les éléments P, K et éventuellement Mg. En l état actuel des connaissances, il est difficile de raisonner la dose d azote ; par conséquent, l azote a été apporté à la dose systématique de 3 U/an (préconisation inter-régionale pour une production de 5 hl/ha environ en sol peu fertile). L azote assimilable dans les baies mûres permettra de vérifier qu aucune carence n est induite par cette stratégie. La première analyse a eu lieu en 29. Il a été choisi d appliquer la même fertilisation à toutes les modalités. Les analyses pétiolaires portent sur 5 pétioles prélevés sur l ensemble de chaque modalité à la mivéraison et envoyés au laboratoire de la Chambre d Agriculture de l Aude. Les analyses d azote assimilable sont faites sur l échantillon de 2 baies prélevé à maturité Mesures La météo est enregistrée quotidiennement. Les stades phénologiques sont suivis en moyenne sur la parcelle et ne sont pas distingués modalité par modalité. La maturation du raisin est suivie à partir de 1 jours après véraison, jusqu à maturation. La vendange et la taille sont réalisées sur 4 souches témoin par modalité. L échantillonnage spatial a été choisi avant la saison de mesure par une cartographie des périmètres des troncs de la parcelle (figure 1). 12 Périmètre des souches 1 16 cm 15 cm 14 cm 13 cm 12 cm 11 cm m tres 8 6 Sens des rangs Figure 1 : Distribution spatiale des périmètres des troncs des souches sur la parcelle expérimentale et localisation des modalités (traits bleus) : de gauche à droite, Ferti1, Sol, Témoin et Ferti2. 1 cm 9 cm mètres L état de croissance des apex est également suivi toutes les semaines, suivant la méthodologie mise au point par le Syndicat des Côtes du Rhône et la Chambre d Agriculture du Vaucluse. Cette méthode observe une trentaine d apex par modalité et les classe en fonction de l état de leur pousse. Ces comptages sont convertis en Indice d Arrêt de Croissance (formule de la Chambre d Agriculture de l Hérault) variant entre (croissance active) et 1 (arrêt total de croissance). Chambre d'agriculture de l'hérault Contrat de Projet Service Intervention Viticulture Janvier 212 2
3 3. Résultats 3.1 Climat Pluie et -ETP (mm/j) P -ETP Cumul P-ETP cumulé (mm) -25 oct 21 nov 21 déc 21 janv févr mars avr mai juin juil sept -9 Figure 2 : Evolution du bilan hydrologique mensuel simplifié et de ses éléments constitutifs au cours de la saison hydrologique 21- sur Villeveyrac. Les précipitations, l'etp et le bilan hydrologique mensuel simplifié sur la période octobre 21 septembre sont illustrés sur la figure 2. Cette année est marquée par un mois de mars très arrosé suivi d un printemps sec. La fin du printemps a été plus humide que la moyenne et l été, frais, est resté sec. 3.2 Irrigations Il a été procédé à 4 apports d eau (hors fertirrigation) pendant la saison, sur toute la parcelle. Ces apports ont eu lieu les 5 juin, 5 et 25 juillet, et 15. Ils sont reportés dans le tableau 1, avec le bilan hydrique simplifié par période. Les arrosages ont été relativement généreux et auraient peutêtre pu être réduits par un pilotage adapté. Grâce à eux, la vigne n a présenté aucun symptôme de sécheresse (perte de feuilles ) Période Pluies Irrigations ETP P+I-ETP Débourrement-Floraison 14,5 218,8-24,3 Floraison-Véraison 72, , -273, Véraison-Récolte 14, ,5-168, Tableau 1 : Bilans hydriques simplifiés par période au cours du cycle de la vigne en. 3.3 Phénologie La phénologie de la parcelle est montrée figure 3. Elle est comparée à 21. Si l ensemble du cycle a été très en avance sur 21, la période de maturation a été 1 jours plus longue, en raison de températures plus fraîches, si bien que l ensemble du cycle a duré globalement plus longtemps (158 j contre 147 j en 21). Chambre d'agriculture de l'hérault Contrat de Projet Service Intervention Viticulture Janvier 212 3
4 Nb de jours depuis le 1 er janvier Repos Déb.-Flo. Flo.-Vér. Vér.-Récolte Figure 3 : Phénologie de la parcelle d essai de fertirrigation comparée à celle de Analyses pétiolaires et fertilisation La fertilisation a été décidée à la lumière des analyses pétiolaires de 21, en fonction des objectifs de production de la parcelle. Cette fertilisation est reportée dans le tableau 2. Témoin Sol Ferti1 Ferti2 N P K Date(s) 26 mai 26 mai 26 mai 23 juillet Tableau 2 : Apports de fertilisants en. Toutes les modalités ont reçu un apport de 16 U de Mg en mai. Les teneurs en nutriments dans les feuilles et les raisins sont représentées par la figure 4. 5, 4,5 Teneur (en % de MS ou mg/l ou g) 4, 3,5 3, 2,5 2, 1,5 1,,5 Ferti1 Ferti2 Sol Témoin, Phosphore (x1) Calcium Magnésium Potassium K/Mg Azote ass. (/1) Poids 1 pétiole Figure 4 : Analyses pétiolaires à la véraison (P, K, Mg) et analyse d azote dans les moûts à la vendange. La zone verte correspond aux valeurs souhaitables selon le référentiel inter-régional sur la fertilisation des vignes. Pour l azote, le seuil de 12 mg/l a été choisi comme seuil de carence relative. Par rapport à l année dernière, la modalité Ferti1, ayant reçu le fertilisant par l irrigation à une seule date (floraison) semble avoir mieux assimilé le potassium, d où un meilleur équilibre K/Mg. Les autres modalités sont très proches pour les éléments principaux (N, Mg et K). L analyse du phosphore montre plus d hétérogénéité, sans qu une carence ou un excès soit mis en évidence. Chambre d'agriculture de l'hérault Contrat de Projet Service Intervention Viticulture Janvier 212 4
5 La fertirrigation en 1 apport a permis aux vignes d avoir une alimentation potassique satisfaisante (seule modalité dans ce cas), tout en restant surfertilisée en magnésium. En parallèle, l alimentation azotée est très bonne, même si elle semble limite pour les modalités témoin et fertirriguée en 2 apports. Pour la prochaine campagne, les apports potassiques resteront les mêmes pour continuer à compenser le déséquilibre K/Mg et les apports azotés resteront les mêmes. Il a été demandé à l exploitant de ne plus fertiliser sa parcelle en magnésium pour rétablir l équilibre nutritionnel. 3.5 Evolution de la nutrition L évolution des paramètres analytiques liés à l alimentation en N, P et K est montrée figure 5. Les courbes ont été ramenées en base 1 sur 21 afin de s abstraire de la variabilité intraparcellaire Nass Témoin Sol Pds 1 pétiole (g) P K Fertirrig. 1 apport 2 Fertirrig. 2 apports Figure 5 : Evolution des indicateurs de la nutrition des vignes depuis 21 (base 1) : azote assimilable dans les moûts, poids d un pétiole (lié également à la nutrition azotée), teneurs pétiolaires en phosphore et potassium. La modalité témoin (sans apport) voit ses indicateurs baisser, quel que soit le nutriment. Le fractionnement de la fertilisation (Ferti2 comparé à Ferti1) a un impact négatif sur l azote assimilable des moûts mais permet des pétioles légèrement plus lourds (probablement pas significatif). Le phosphore est également mieux assimilé mais le potassium profite plutôt aux vignes lorsqu il n est apporté qu en 1 fois. La fertirrigation provoque des effets souvent proches de ceux de l apport au sol (Ferti1 comparé à Sol). Seule l assimilation potassique est favorisée par la fertirrigation. 3.6 Maturation et vendange Maturation L analyse des paramètres principaux de la maturation (figure 6) montre peu de différences entre les modalités. La fertirrigation à floraison (Ferti1) présente des baies légèrement plus grosses que les autres modalités et une teneur en acide malique supérieure, ce qui peut signer une meilleure croissance (ombrage des raisins) et une meilleure alimentation en eau. La modalité témoin, à l opposé, a des baies plus petites que les autres modalités et une teneur en acide malique inférieure, ce qui peut signifier une moindre alimentation azotée. En contrepartie, cette modalité présente des paramètres phénoliques supérieurs (polyphénols et anthocyanes). Chambre d'agriculture de l'hérault Contrat de Projet Service Intervention Viticulture Janvier 212 5
6 Pds 2 baies (g) Ferti Ferti 2 9 Témoin 2 Sol Titre alcoolique probable (% vol. 15 Ac. Totale (g H2SO4 / l) Ac. malique (g H2SO4 / l) 4, 3,5 3, 2,5 2, 1,5 1,,5, IPT 1,4 1,2 1,,8,6,4,2, Anthocyanes (mg/g) 3,5 3, 2,5 2, 1,5 1,,5, Figure 6 : Evolution des paramètres de maturation en fonction des modalités en 21 : poids de 2 baies, titre alcoolique probable, teneur en sucres par baies, acidité totale, acide malique, indice des polyphénols totaux et anthocyanes Vendange La vendange a eu lieu le 3. Les résultats sont montrés figure 7. Contrairement à 21, des différences significatives apparaissent. Les modalités Sol et Ferti1 affichent plus de récolte, grâce à un poids de grappe plus élevé. Ces différences peuvent être liées à la fertilisation mais aussi à la variabilité naturelle de la parcelle. Une nouvelle année d observation serait nécessaire pour confirmer l effet fertilisation potentiel. grappes / souche FERTI2 TEM SOL FERTI1 récolte par souche (kg) 6, 5, 4, 3, 2, 1,, FERTI2 TEM SOL FERTI1 poids d'une grappe (g) FERTI2 TEM SOL FERTI1 Figure 7 : Vendanges : nombre de grappes, poids vendangé par souche et poids d une grappe. Les couleurs différentes indiquent des différences statistiquement significatives au seuil de 5%. 3.7 Croissance et taille L arrêt de croissance selon les modalités est montré par la figure 8. Ce paramètre est sous la double influence de l alimentation hydrique et azotée. La modalité Ferti1 est celle qui pousse le plus longtemps, avec la modalité Sol, ce qui corrobore les observations faites à la vendange ( ). A l opposé, les modalités Témoin et Ferti2 ont arrêté leur croissance tout début. Chambre d'agriculture de l'hérault Contrat de Projet Service Intervention Viticulture Janvier 212 6
7 1 arrêt de croissance Ferti 1 Ferti 2 Témoin Sol mai 26- mai 2-juin 9-juin 16- juin 23- juin 3- juin 7-juil 14- juil 21- juil 28- juil sept Figure 8 : Suivi de l arrêt de croissance des vignes sur la parcelle d essai en Le nombre de sarments laissé à la taille est le même d une modalité à l autre (figure 9). Les résultats sont proches de ceux obtenus en 21. La modalité Ferti2 reste la plus faible au sein de la parcelle, à l opposé de Ferti1. On observe un gradient dans la parcelle qui est peut-être plus lié à l hétérogénéité naturelle de la parcelle qu à un effet «traitement». En effet, il est difficile d expliquer autrement que la modalité non fertilisée (Témoin) puisse présenter un développement végétatif supérieur à celui d une modalité fertilisée depuis 2 ans. Sarments par souche poids de taille par souche (kg),7,6,5,4,3,2,1, FERTI 2 TEM SOL FERTI 1 FERTI 2 TEM SOL FERTI 1 3 1,6 poids d'un sarment (g) Puissance (kg) 1,4 1,2 1,,8,6,4,2, FERTI 2 TEM SOL FERTI 1 FERTI 2 TEM SOL FERTI 1 Figure 9 : Taille : nombre de sarments, poids de bois de taille par souche, poids d un sarment et puissance (liée au poids de bois de taille et à la vendange). Les couleurs différentes indiquent des différences statistiquement significatives au seuil de 5%. 3.8 Contrainte hydrique La contrainte hydrique pendant la maturation a été évaluée au moyen du rapport isotopique du carbone 13 (δ 13 C). Cette mesure est liée à la contrainte hydrique maximale ressentie par les vignes pendant la maturation. Le résultat de cette observation est reporté figure 8. Les modalités Ferti1 et Sol semblent avoir ressenti une moindre contrainte hydrique pendant la maturation, ce qui recoupe les résultats de la maturation ( 3.5.1), de la vendange ( 3.5.2) et de la croissance ( 3.6) Chambre d'agriculture de l'hérault Contrat de Projet Service Intervention Viticulture Janvier 212 7
8 Les autres modalités ont été bien alimentées en eau, grâce aux irrigations et au climat de l année, relativement clément sur le plan thermique. δ 13 C ( ) Ferti2 Sol Témoin Ferti1 Contrainte hydrique faible modérée forte sévère Figure 1 : Analyse du rapport isotopique du carbone 13 (δ 13 C) dans les jus de raisins à maturité. 4. Synthèse des essais suivis pendant 5 ans Les 2 premières années d expérimentation (27-28) ont été réalisées sur une parcelle très fertile. Ce délai n a pas suffi à induire des différences entre les modalités. Malgré ça, certaines conclusions recoupent celles que l on pose à l issue des 2 dernières années d expérimentation (21-) dans un contexte différent : - l impact d une fertilisation au sol dépend du millésime, surtout pour l azote ; il est relativement modeste pour le potassium - le fractionnement de la fertirrigation ne peut pas être évalué par les indicateurs habituels, puisque l analyse pétiolaire est réalisée peu de temps après le 2 ème apport d engrais - en l absence de fertilisation, le pouvoir tampon du sol est important et les effets ne se font sentir probablement qu au delà de 2 ans En 29, année de transition, ont été suivies deux parcelles carencées, avec pour objectif de corriger ces carences. Les conclusions suivantes, tirées de cette année d observation, s ajoutent aux précédentes : - une fertirrigation azotée produit des effets visibles dans l année (couleur du feuillage) ; elle a un impact sur la quantité d azote assimilable dans les moûts mais elle favorise aussi l assimilation des autres nutriments, en particulier le potassium - la correction de carence (Mg ou K) n est pas simplifiée par la fertirrigation, tout au moins à courte échéance 5. Conclusion générale Comparée à la fertilisation «classique» au sol, la fertirrigation permet au viticulteur de s abstraire des contraintes climatiques en apportant les nutriments au moment où ils sont utiles à la physiologie des plantes. Dans cet objectif, les apports à floraison sont satisfaisants. Si les apports azotés sont directement profitables aux plantes par fertirrigation, la fertilisation potassique ou magnésienne n est pas rendue plus immédiate que par les méthodes classiques. Fractionner les apports au cours de l année n a pas permis de mettre en évidence d économie d engrais par une meilleure efficience. Rien ne permet donc de promouvoir cette stratégie en l état actuel de nos connaissances. Aujourd hui, demeure la question de l intérêt d une fertirrigation post-vendange pour reconstituer les réserves de la vigne avant le repos hivernal. Chambre d'agriculture de l'hérault Contrat de Projet Service Intervention Viticulture Janvier 212 8
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