INTERVENTION DIDIER REYNDERS - Colloque : Historiens et pédagogues au défi de l'enseignement de la Shoah
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- Basile Faubert
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1 INTERVENTION DIDIER REYNDERS Colloque : Historiens et pédagogues au défi de l'enseignement de la Shoah Recette pour un mieux vivre (scolaire) ensemble Bruxelles Vendredi 26/3/2010 Je voudrais saluer les Professeurs Thomas Gergely et Joël Kotek ainsi que le Mémorial de la Shoah de Paris pour l organisation de ce colloque sur les défis pédagogiques face à l antisémitisme, toujours présent en Europe et en Belgique. Car comme l a si bien dit Elie Wiesel, malheureusement «l'antisémitisme n a pas péri à Auschwitz, seuls les Juifs ont péri en ces lieux». L antisémitisme vous le savez, consiste à s en prendre aux Juifs en tant que tels. Le terme «antisémitisme» est entré dans l'usage général pour recouvrir toutes les formes d'hostilité à l'endroit des Juifs et du judaïsme à travers les siècles. Ce n est pas un racisme ordinaire parce que ici en Europe, avec la complicité de nombreux États et populations, des millions de personnes ont péri à cause de leur origine, de leurs convictions religieuses ou politiques, de leur résistance à l'oppression nazie. 1
2 Toutes les victimes n étaient pas juives, certes, mais tous les Juifs étaient victimes. En mars 2005, l Observatoire européen des phénomènes de racisme et de xénophobie), a dans un document de travail définit l antisémitisme, et plus précisément le «nouvel antisémitisme» qui a fait son apparition en Europe, et en Belgique, au début du 21 ème siècle. Dans ce document, l Union européenne définit comme antisémite par exemple, de nier le droit à l existence de l État d Israël dans le cadre du droit à l autodétermination du peuple juif, les appels publics à tuer les Juifs ou à leur nuire, la négation de la Shoah, l affirmation que l existence de l État d Israël a un caractère raciste, le fait d exiger d Israël d appliquer des standards différents de ceux mis en pratique dans les autres pays démocratiques, la comparaison entre Israël et l État allemand nazi. Les Juifs sont en Belgique depuis le 13 ème siècle. Ils se sont installés à Anvers, Bruxelles, Gand, Charleroi, Arlon, et Liège. Le caractère libéral de la Constitution belge en matière de culte, l émancipation précoce des Juifs sur le territoire, en 1795, et le peu de traces 2
3 d antisémitisme à cette époque, ont permis l'intégration de nombreux Juifs dans la société belge. Ils ont contribué au développement de notre pays à travers un réel bouillonnement culturel et économique. En Belgique, différentes étapes ont marqué le travail de mémoire. Citons le travail dans le cadre des restitutions de biens spoliés, dans lequel je me suis impliqué et qui, certes, ne compense pas les vies disparues, ne diminue pas la souffrance, mais indemnise les survivants et leur communauté et permet de poursuivre un travail de mémoire. Citons également les conclusions de l étude du Centre d'étude et de documentation guerres et société contemporaine, le CEGES, commandée par le gouvernement, lorsque Guy Verhofstadt était Premier ministre. Ce rapport démontre que l'état belge a bel et bien adopté une attitude docile «en accordant, dans des domaines très divers, mais cruciaux, une collaboration indigne d'une démocratie à une politique désastreuse pour la population juive». Une autre étape était l adhésion à la Task Force, destinée à soutenir 3
4 l'éducation des jeunes sur l'holocauste afin de mieux combattre l'intolérance et le racisme. Cela permettra à la Belgique de bénéficier, notamment, de la mise en réseau de chercheurs et d enseignants ainsi que d échanges de bonnes pratiques. Ces étapes contribuent à l enseignement de la Shoah dans notre pays et permettent de lutter contre l antisémitisme, le négationnisme, la banalisation des dérives démocratiques. Enseigner la Shoah à l'école, c'est d'abord dire la singularité d'un événement, afin que les enfants, les citoyens se retrouvent dans une lecture commune des événements de la Deuxième Guerre mondiale. Afin que des groupes qui composent notre société fondent leur cohésion sur des valeurs communes. Ainsi à travers l enseignement, à travers les témoignages, les élèves deviennent à leur tour des passeurs de mémoire, ou «les témoins des témoins», pour préserver la mémoire mais aussi pour apprendre à être vigilant à l avenir et ainsi lutter contre l indifférence et l oubli. 4
5 A cet égard, le Musée de Malines est aussi un lieu d enseignement pour tous les élèves en communauté française et flamande. Rappeler les dangers de l extrême droite à l exemple concret de la persécution des Juifs de Belgique doit rester l objectif prioritaire du musée rénové de Malines. Il faut expliquer aux élèves, dans nos écoles, que toute personne, avec ses différences, sa culture et sa religion, a le droit de vivre en toute égalité avec les autres citoyens. Enseigner la mémoire de la Shoah, c'est aussi lutter contre toutes les formes de discrimination et d'intolérance et pour le respect de l Autre, de sa différence. Toutefois, le droit à la différence, s'il est essentiel, ne peut être absolu. Il ne peut conduire au multiculturalisme qui enfermerait étroitement chacun dans ses différences, jusqu'à risquer de ne plus percevoir que cellesci. Comprendre hier, pour agir aujourd'hui et demain. Malheureusement on se rend compte que dans plusieurs écoles en communauté française et flamande, en France et dans d autres pays d Europe, il devient problématique pour certains professeurs d'enseigner l histoire de la 5
6 Deuxième Guerre mondiale. Un phénomène s y développe, que des intellectuels ont appelé «la concurrence des victimes». Ainsi, certains enfants, souvent mal intégrés, en recherche de leur propre identité, n acceptent pas la place que les manuels scolaires accordent à la Shoah. Certains professeurs, pour éviter les incidents, cèdent ou renoncent spontanément à traiter de la Shoah devant une classe. Dans ces écoles, l insulte de «sale Juif» est devenue une insulte banale. Bien que depuis de nombreuses années, l information et les commémorations alimentent un peu partout les médias et les écoles, il semble que les outils utilisés jusqu ici pour sensibiliser les jeunes, non seulement, ne portent plus leurs fruits, mais dans certains cas, peuvent devenir contreproductifs et décupler l agressivité. Les enseignants sont confrontés à la difficile tâche de gérer le vivre ensemble et de lui donner sens. L éducation est un rempart contre la menace identitaire, la victimisation ou la culpabilité. Sans cela les clichés se développent et nourrissent des comportements irrationnels. 6
7 L histoire n excuse rien, mais elle explique presque tout. Je voudrais conclure en citant Simone Veil, pour qui la mémoire de la Shoah n est pas seulement une obligation de respect et de fidélité envers les morts, mais un devoir de vigilance envers les vivants. «La seule façon d agir pour que les Juifs ne risquent pas de mourir à nouveau dans les chambres à gaz, c est de se souvenir qu ils y sont allés.» Je suis d accord avec ses propos : l enseignement de la Mémoire est la meilleure protection contre l antisémitisme et contre toutes les dérives extrémistes au sein de notre démocratie. Je vous souhaite un bon travail 7
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