UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE

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1 UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE ÉCOLE DOCTORALE 1 UMR 8167 Orient & Méditerranée, équipe «Mondes Pharaoniques» T H È S E pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Discipline : Égyptologie Présentée et soutenue par : Maryline SELLIER le : 13 février 2016 L albâtre en Égypte Ancienne La production des objets en calcite de l Ancien au Moyen Empire Sous la direction de : M. Pierre TALLET MCF-HDR, Paris-Sorbonne Membres du jury : Mme Dominique VALBELLE PR, Paris-Sorbonne M. Ian SHAW Professeur, University of Chester M. Christophe COLLOMBERT Professeur, Université de Genève M. Vincent RONDOT Conservateur en chef-hdr, Musée du Louvre

2 Position de thèse L albâtre en Égypte Ancienne La production des objets en calcite de l Ancien au Moyen Empire «À l œuvre, on connaît l artisan.» Jean de La Fontaine 1 L albâtre est connu pour être un matériau très apprécié des Anciens Égyptiens. Il s agit d une roche «très généralement de teinte blanc cassé, jaune pâle («miel») ou jaune orangé» et d aspect «soit homogène, soit rubanné et [qui] présente dans ce cas une alternance plus ou moins ondulante et irrégulière de bandes blanches et jaunes, parfois festonnées» 2. Phénomène remarquable, cette pierre a été utilisée à toutes les époques de l Antiquité égyptienne (de la Période Prédynastique à la Basse Époque, soit pendant plus de 3000 ans) pour réaliser d innombrables objets, notamment des récipients de tailles et de formes diverses (vases cylindriques et globulaires, cruches et bouteilles, par exemple), des ustensiles de toilette (pots à khôl, cuillers à fard), des statues royales et privées de dimensions variées, des chevets, des modèles, des plateaux à offrandes, etc., mais également des monuments plus volumineux tels que sarcophages, tables d embaumement, autels et naos (temple de Montouhotep II à Deir el-bahari). Elle fut même employée dans l architecture, pour décorer des temples (temple de la Vallée de Chéphren à Giza) et réaliser des chapelles (Menmenou : sanctuaire-reposoir de la barque sacrée d Amon, construit par Amenhotep I er à Karnak). Ce matériau devait être intéressant pour les artisans égyptiens car, étant relativement tendre, il se taille facilement, prend un beau poli et l objet, une fois terminé, apparaît souvent translucide. Les qualités inhérentes à cette pierre, révélées et sublimées par un travail de sculpture soigné, séduisent également nos contemporains, étant donné que de nombreux souvenirs sont toujours confectionnés dans cette pierre dans les ateliers d albâtre de Gourna, sur la rive Ouest de Louxor 3. 1 Citation extraite de la fable «Les frelons et les mouches à miel». 2 DE PUTTER, KARLSHAUSEN 1992, p Cf. HESTER, HEIZER On suppose que la baisse drastique du tourisme dans le pays, due aux évènements récents, a eu des conséquences importantes sur cette activité.

3 Les premières données que l on peut collecter sur «l albâtre en Égypte Ancienne» permettent de constater que de nombreuses disciplines des sciences humaines sont concernées par ce sujet : histoire des techniques bien sûr, mais aussi histoire de l art, archéologie et philologie. Dans un premier temps peuvent être abordées des questions liées à la terminologie actuelle (problèmes liés aux multiples désignation de cette pierre : albâtre égyptien, calcite, travertin, etc.), à la lexicographie (étude des termes employés dans l Antiquité, à savoir bjt et Ss), à la minéralogie (analyses de sa composition cristalline) et à la géologie (formation de la roche). Ces considérations générales se poursuivent par une étude de la manière dont les Anciens Égyptiens se procuraient la matière première (différentes carrières et organisation des expéditions) et la transformaient (ateliers, outils et techniques de sculpture, etc.). Si ces différents thèmes ont parfois été traités dans des articles ponctuels de revues spécialisées, aucune synthèse permettant de les réunir n a été produite à ce jour. En effet, les ouvrages de référence concernent généralement l ensemble des matériaux ou des techniques utilisées par les Anciens Égyptiens et quelques pages seulement traitent de l albâtre en particulier 4. On remarque que le sujet soulève de nombreux problèmes, le nom qu il faut donner à cette pierre n étant pas le moindre. En outre, les études sur les objets en albâtre collections muséales ou découvertes archéologiques par exemple concernent généralement un ensemble clos d objets très rarement classés par matériau. En définitive, il n existe pas d ouvrage de référence sur le sujet pris dans sa totalité, autrement dit, aucune synthèse sur l albâtre en Égypte Ancienne. Une fois cette absence constatée, notre intérêt s est de nouveau porté sur l importante quantité d objets réalisés dans ce matériau : comment rendre compte à la fois de la diversité et de la qualité des productions? Peut-on observer une évolution dans l utilisation de cette pierre au cours de l époque pharaonique? Que nous apprennent les objets en albâtre sur les techniques artisanales employées par les Anciens Égyptiens? L objectif principal de cette recherche consisterait en un regroupement et une étude du plus grand nombre de productions dans ce matériau. Le corpus de documents se devait donc de présenter un maximum d objets en albâtre, quelque soit leur datation, leur provenance ou leur lieu de conservation. Cet ouvrage aurait l avantage de les étudier séparément et de permettre leur comparaison d un point de vue 4 Par exemple : LUCAS 1962, p et p ; SHAW, NICHOLSON (éd.) 2000, p

4 technique en particulier. Étant donné leur nombre considérable, aucun catalogue ne saurait être exhaustif et contenir l ensemble de la production égyptienne. Une sélection a donc été effectuée parmi les documents en fonction de leur pertinence et après limitation de la période chronologique considérée, pour se concentrer sur une période d environ mille ans : du début de l Ancien à la fin du Moyen Empire, soit de 2700 à 1700 av. J.-C. environ. Ce choix chronologique a été effectué en raison d une production plus abondante et plus diversifiée à l Ancien Empire. Ce phénomène peut être souligné par l évolution de l utilisation de l albâtre au Moyen Empire les objets datés de la Première Période intermédiaire étant trop peu nombreux pour constituer une catégorie à part entière. De plus, les autres témoignages de l emploi de ce matériau, comme les inscriptions dans les carrières de Hatnoub, correspondent à ces périodes. Il serait évidemment nécessaire de poursuivre les recherches au-delà de cette limite temporelle, mais le nombre d objets à analyser et la durée imposée du doctorat nous ont contrainte à restreindre cette étude. Ce corpus de documents (volume 2 de cette thèse) comprend l étude d environ 650 objets en albâtre. Outre une notice comportant le nom, le lieu de conservation et le numéro d inventaire, le mode et la date d acquisition, la provenance et la datation, chaque fiche comprend une étude des techniques de fabrication, une description détaillée, une mention des inscriptions et l analyse de l état de conservation de l objet, ainsi qu une bibliographie annotée permettant au lecteur de retrouver rapidement l information voulue. Aucune analyse scientifique ne pouvant être envisagée dans le cadre de cette thèse, nos recherches s appuient en priorité sur les données collectées dans les sources bibliographiques, auxquelles viennent s ajouter, de manière ponctuelle, des observations personnellement effectuées sur les objets exposés dans différents musées en France et en Europe. Une étude comparative des techniques nécessite de regrouper les pièces similaires de la même époque. Par conséquent, le corpus est organisé par catégories d objets, lesquels sont ensuite classés de manière chronologique : (1) les statues royales puis privées de chaque dynastie (2) les tables d offrandes, (3) les plaquettes aux sept huiles saintes, (4) les chevets, (5) les sarcophages, (6) les réceptacles à viscères, (7) les récipients inscrits et (8) les figurines du Moyen Empire (l ordre de ces catégories n étant soumis à aucune règle spécifique). Pour clore ce catalogue, une section (9) «autres» permet de rassembler les objets qui, faute de documents suffisants, ne peuvent pas constituer une catégorie à part entière tels que les modèles, les stèles et les plaques de fondation. L ensemble de la production en albâtre ayant

5 été délimité, il est à présent possible d étudier l évolution de l utilisation de cette pierre au cours de la période envisagée, ainsi que les choix techniques et artistiques effectués par les artistes et leurs commanditaires. Les objectifs de la synthèse ayant été définis, voici le plan que nous avons décidé d appliquer dans ce premier volume : tandis que deux notes permettent de faire le point sur les questions de terminologie et de lexicographie, le premier chapitre est une reconstitution de la chaîne de fabrication des objets en albâtre et les deux chapitres suivants sont entièrement consacrés à l étude de la production. Le processus ayant permis aux Anciens Égyptiens d obtenir leurs objets est divisé en trois étapes : en premier lieu, une explication de la formation géologique de la pierre et une présentation des carrières d albâtre. En deuxième lieu, une analyse de l exploitation de ces carrières et en troisième lieu, une étude des ateliers de sculpture et des principales techniques de fabrication. L étude de la production est, quant à elle, scindée en deux parties : Ancien Empire et Moyen Empire, afin de mieux mettre en évidence les continuités et les ruptures dans l utilisation du matériau. Sont principalement évoqués : la statuaire (royale puis privée), le mobilier funéraire (dans l ordre établi dans le corpus : tables d offrandes, plaquettes aux sept huiles saintes, chevets, sarcophages, réceptacles à viscères, vases et autres) et l architecture. Nous espérons ainsi avoir rendu compte de l ensemble des aspects de la production en albâtre de l Ancien au Moyen Empire.