DES MARINS BRETONS DANS LES TRANCHEES GUERRE DES FLANDRES (OCTOBRE DECEMBRE 1915)

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1 1 DES MARINS BRETONS DANS LES TRANCHEES GUERRE DES FLANDRES (OCTOBRE DECEMBRE 1915) Nous sommes aux premiers mois de la guerre : la mobilisation générale a été proclamée le 2 août Il s agit de rassembler rapidement l ensemble des unités prêtes à assurer la défense nationale. Cette mobilisation va concerner l «Armée de Terre et Armée de mer et pour cette dernière «y compris les inscrits maritimes et les armuriers de la marine». Mon propos consiste à rappeler brièvement un épisode également bien connu de cette guerre qui débute dans les Flandres belges, sur les rives du fleuve Yser, par l intervention de la brigade des fusiliers marins sous les ordres du contre-amiral Ronarc h. Cette brigade constituée majoritairement de marins bretons est chargée de prêter main-forte à l armée belge alliée, en déroute, pour stopper l avancée allemande en Flandres Belges vers la mer. Cet épisode marque le début des grandes pertes humaines infligées pendant cette guerre. Cette brigade était composée pour la majorité de jeunes gens, totalement inexpérimentés, venant des dépôts des équipages de la flotte des fusiliers marins de Lorient, de Cherbourg, de Rochefort et de Brest. En août 1914, le Ministère de la Marine décide, dans un premier temps, d utiliser ces fusiliers marins pour renforcer la police parisienne. On les surnomme les «demoiselles au pompon rouge» en raison du très jeune âge de certains. Qui est le contre-amiral Ronarc h? Un brillant officier de la marine, originaire de Quimper. Il entre à l Ecole navale à 15 ans. Il est enseigne de vaisseau en 1885 et prend part à la première campagne de Madagascar. Il sert ensuite dans l océan Indien, en Grande Comores, puis en Afrique, au Dahomey. Il est participe à la pacification du Tonkin. Il est doté d une grande expérience coloniale et d une réelle connaissance des combats à terre. Il est promu Capitaine de vaisseau en En 1910 il est nommé commandant supérieur des torpilleurs, des sous-marins et de la défense fixe de Brest. Il est contre-amiral quand éclate la guerre. Il va relater cet épisode de la guerre des Flandres dans Souvenirs de la guerre, août 1914-septembre 1915 : «Ce livre n a rien d un roman. Il n est que l exposé pur et simple de la brigade de fortune que j ai eu l honneur de commander depuis sa formation en août 1914 jusqu à sa suppression en novembre décembre 1915». Pourquoi ce choix de communication? Je l avoue pour des raisons familiales : mon arrière-grand-père maternel, Henri Le Marc hadour, médecin dans la marine, était présent dans cette brigade, Je m appuie donc sur l ego histoire, genre historique qui se définissait en 1987, dans la préface de P. Nora de

2 2 l ouvrage collectif Essais d Ego-Histoire comme : «un genre nouveau, pour un nouvel âge de la conscience historique». Ce livre réunissait les noms prestigieux de M. Agulhon, G. Duby, J. Le Goff pour n en citer que quelques-uns. Le but consiste, et je cite, «à éclairer sa propre histoire comme on ferait l histoire d un autre», bref, à «expliciter, en historien, le lien entre l histoire qu on a faite, et l histoire qu on vous à fait». C est à partir de plusieurs livres relatant cet épisode, retrouvés dans la bibliothèque familiale et ayant appartenu à mon arrière grand-père, que j ai trouvé mon sujet. Parmi ces ouvrages il y a celui du Contre-Amiral Ronarc h, Souvenirs de la guerre, publié en Rempli documents personnels et affectifs réunis sous la forme de lettres, de photos, de dessins, de cartes postales, de faire-part de décès, ce livre, chargé d émotion, a été la base de ce retour en histoire. D innombrables sites internet sur les fusiliers marins, dont celui du musée fusco de Lorient ont complété cette brève présentation. Le médecin de guerre est présent de la ligne de front aux hôpitaux de fortune à l arrière. Des postes de secours sont organisés près des premières lignes pour parer au plus pressé. L afflux des blessés graves, évacués par ambulance, est incessant. Les amputations vont représenter 70% des interventions chirurgicales. L hôpital était installé à Furnes, une commune belge entre Nieuport et Dunkerque. Les fusiliers marins, en poste de surveillance à Paris depuis août 1914, sont envoyés précipitamment sur la frontière franco-belge le 7 octobre 1914 pour arrêter l avancée allemande qui a pris les villes belges. S engage alors une vraie course vers la mer pour protéger la mer du Nord et le port de Dunkerque. Ronarc h part avec une brigade de deux régiments de hommes. Ils sont des marins et ont gardé l essentiel de la tenue y compris le béret à pompon rouge. Ils troqueront la vareuse des marins contre des capotes militaires, mais restent mal équipés et ils portent toujours leur béret à pompon rouge. Ils vont transporter sur terre leur esprit de corps, leurs traditions, leur vocabulaire et leur attachement au «pacha», leur commandant. Qui sont ces fusiliers marins dans l armée française? Des «fantassins de la marine», selon l expression consacrée. Basés à Lorient, ils font leur apparition sous le Premier Empire. Ils participent activement aux guerres coloniales du XIX e siècle. A ces deux régiments de fantassins marins sont adjoints la Compagnie des Brigades avec une section de mitrailleuses et seulement deux ambulances. Où sont-ils envoyés pour résister à l armée allemande? Les terrains des opérations où vont s illustrer les fusiliers marins seront principalement Nieuport, à l embouchure de l Yser et Dixmude où la brigade devra tenir trois semaines sans être relevée. A Nieuport, les Belges ouvriront les écluses de l Yser pour empêcher le passage des Allemands. Il faut insister sur l inégalité des forces en présence et de la force de frappe de l ennemi disposant d armes et de canons meurtriers, les fameuses «marmites», obus de gros calibre qui font des ravages. C est à Dixmude où les combats vont être les plus féroces. Les ordres donnés à Ronarc h par Foch sont de résister sans aucune idée de manœuvre.

3 3 Les fusiliers marins ont un front de 7 km le long de la voie ferrée à défendre. Le passage de Dixmude devra être tenu par vous tant qu il restera un fusilier marin vivant. Qui assure cette résistance en dehors des fusiliers marins contre les Allemands? A Dixmude, les fusiliers marins sont secondés par 5 bataillons de Tirailleurs Sénégalais originaires d Afrique du Nord. Les Belges et les alliés anglais sont aussi présents pour résister aux Allemands. Les fusiliers marins ont été assurés par les ordres du commandement supérieur qu ils se verront relevés au bout de 4 jours. Ils resteront en fait trois semaines sous l enfer des obus ennemis. Les pertes en hommes et en blessés sont énormes. Cette demande de sacrifice a des répercussions sur le moral des fusiliers marins qui doivent résister dans une tension permanente. Le sacrifice des fusiliers marins aura une grande répercussion en France et on voit se développer alors une imagerie patriotique idéalisée. Comment occupent-ils les temps de rare répit? Certains laissent des témoignages en écrivant, d autres arrivent à dessiner. Le recours à l alcool est très présent et amènera de graves sanctions de la part de Ronarc h. La brigade est définitivement dissoute le 15 janvier 1915, le Ministère de la Marine a besoin de ses marins en mer. Ils vont désormais être présents en Méditerranée et notamment aux Dardanelles à partir d avril Venait le temps de la reconnaissance et des récompenses. On s est aperçu que ces deux régiments n avaient même pas de drapeau. Il était temps de lui en fournir un. Le drapeau des fusiliers marins est remis le 11 janvier 1915 à la brigade de Ronarc h, porté pour la première fois par Edmond Devillers, jeune Enseigne de vaisseau du deuxième régiment. Le bilan des morts, blessés et disparus de cette brigade était énorme : la quasi-totalité de son effectif normal, majoritairement composé de Bretons. Un personnel médical de fortune a du faire face dans des conditions particulièrement difficiles pour porter secours à ceux qui pouvaient encore être sauvés. Dans l équipe médicale de la Brigade Ronarc h figure une étonnante jeune Anglaise Lady Dorothie Fieldings engagée comme ambulancière entre la ligne de front et l hôpital de Furnes. Elle témoigne, dans une photo émouvante, retrouvée dans le livre de mon arrière-grand-père de la perte des fusiliers marins enterrés dans des cimetières de fortune à Furnes. En 1929, à l initiative de l Amicale des fusiliers marins de la Brigade Ronarc h, un monument aux morts, l œuvre du sculpteur Desruelles, intitulé «Aux marins morts en combattant à terre» est inauguré à Dunkerque en grande pompe. Cet épisode de la Grande Guerre s est passé il y a cent ans presque jour pour jour. Les fusiliers marins étaient alors encore en poste à Paris. Ils ne savaient pas qu ils seraient envoyés au front le 14 octobre, ni l horreur qui les attendaient et que bien peu en reviendraient.

4 4 Président de la République : R. Poincaré. Général en chef du conflit en 1914 : Ministre de la guerre : Foch : adjoint au général en chef pour coordonner les opérations dans le Nord. La tactique préconisée pour cette défense par Foch conscient du manque d entraînement des marins «pas d idée de manœuvre, mais simplement [ ] résister là où vous êtes». Ministre de la Marine : Augagneur La chronologie La «course à la mer» engagée après la Marne quand les Allemands cherchent à déborder les alliés en Flandres. La brigade des fusiliers marins est intégrée le 22 octobre au détachement d armée de Belgique. Le cadre des opérations : Nieuport, ville côtière située à l embouchure de l Yser en Belgique. Un point stratégique de la ligne de l Yser après la retraite de l armée belge devant les Allemands. Assaut des Allemands arrêté par l inondation volontaire de la plaine belge par l ouverture des écluses décidée par autorités françaises et belges. La commune marque la limite nord du front occidental à la fin de l année 1914, six mois après la déclaration de guerre. Joffre refuse de confier la défense de ce lieu stratégique aux Belges et y établit des troupes françaises. Cette commune pilonnée par les bombes allemandes reste aux mains des Alliés jusqu à la fin de la guerre. Dixmude est une ville belge sur la rive droite de L Yser entre Ypres et Nieuport. Le lieu est stratégique, car il se trouve sur la route des ports français de Calais et Dunkerque, objectif des Allemands. Secteur attaqué à partir du 16 octobre 1914 et site de combats incessants pendant un mois. Le 19 octobre les Allemands atteignent le canal de l Yser, mais les fusiliers marins les repoussent depuis Dixmude. A partir du 23 octobre, les combats s intensifient pendant une semaine dans le secteur. Les fusiliers marins sont mêlés aux fantassins, aux fantassins, aux tirailleurs sénégalais, aux troupes belges, mais aussi britanniques. L ouverture des écluses assure temporairement une protection pour les Alliés. Le 10 novembre une nouvelle attaque allemande emporte la ville. Malgré cette perte, les Alliés continuent à tenir sur l Yser. Zone de Nieuport : tête de pont de Steenstraat A partir du 8 décembre. La brigade défend cette zone puis est mise au repos à Dunkerque sur demande expresse de Ronac h au ministre de la Marine, en raison du mauvais état sanitaire des hommes, de leur démoralisation et de l alcoolisme. Cause : l effort qui leur a été demandé «qui n a jamais été imposé à aucune troupe d active» (DP Ronac h au ministre de la Marine, 26 décembre 1914).

5 5 Les effectifs : La commune de Dixmude est défendue par la brigade française des fusiliers marins de l Amiral Ronac h avec hommes + brigade belge du Général Meiser (5000 hommes) + régiment de marche des tirailleurs sénégalais du lieutenant colonel Pelletier (2000 soldats). Les morts au combat : Une hécatombe chez les fusiliers marins (4000 hommes mis hors combat dont un tiers de tués en un mois) et chez les tirailleurs sénégalais (près de 1600 hommes). La brigade des fusiliers marins de Ronac h : Constituée de 2 régiments, dont des inscrits maritimes et des réservistes de la marine. Formation insuffisante au combat d infanterie et très grande jeunesse de certains surnommés les «les demoiselles au pompon rouge». En cours de formation, la brigade Ronac h participe en août et septembre 1914 à la défense du camp retranché de Paris (photos). Elle est rattachée au Grand Quartier général.