Discours de Monsieur Gérard COLLOMB Sénateur-Maire de Lyon. Cérémonie de commémoration du 90 e anniversaire de la bataille de Verdun

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1 Discours de Monsieur Gérard COLLOMB Sénateur-Maire de Lyon Cérémonie de commémoration du 90 e anniversaire de la bataille de Verdun Hôtel de Ville de Lyon Salon Justin Godart Samedi 4 mars 2006 ** * Monsieur le Préfet de Région, Préfet du Rhône, Monsieur l'ambassadeur du Sénégal, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Cher Robert Batailly, Président de l association «Ceux de Verdun», Monsieur le Gouverneur Militaire, Monsieur le Général, Représentant le Général Commandant de la Gendarmerie du Sud-Est, Monsieur le Vice-Président du Conseil Général, Monsieur le Représentant du Président du Conseil Régional, Mesdames et Messieurs les Conseillers Régionaux et Conseillers Généraux, Mesdames et Messieurs les membres du Corps Consulaire, 1

2 Messieurs les Représentants des Cultes, Mesdames et Messieurs les Représentants des Corps Constitués, Mesdames et Messieurs les Présidents et Représentants des associations d Anciens Combattants, Victimes de guerres, Résistants et Déportés, Mesdames, Messieurs, Chers Amis, Douaumont, la cote 304, le bois de Cumières, la ferme de Thiaumont, le bois des Caures, le fort de Vaux, Fleury, la crête de Souville, le ravin des Fontaines, le bois d Avocourt, le tunnel de Tavannes, le massif de l Oie Les noms de ces villages et lieux-dits évoquent tous, avec une rare puissance, ce champ de bataille de moins de cent kilomètres carrés où, du 21 février au 15 décembre 1916, plus de hommes ont été blessés ou tués, résolus à ne pas céder un pouce de terrain à l ennemi. Verdun : la bataille des batailles, le symbole même de ce que fut, dans toute son horreur, la Grande Guerre de Verdun : un seul mot pour rappeler ce que furent l abnégation, l esprit de sacrifice et l ardent patriotisme des soldats de la Première Guerre Mondiale. Verdun : une résistance, une ténacité, un courage et une solidarité face à l adversité qui sont restés légendaires dans l Histoire. 2

3 C est en raison de cette histoire, à la fois douloureuse et glorieuse, que la commémoration, aujourd hui, du 90 e anniversaire de la bataille de Verdun s impose à chacun de nous comme un moment de mémoire qui touche au plus profond de la conscience nationale. La bataille de Verdun est enracinée dans la mémoire collective comme la plus grande, la plus atroce et la plus meurtrière des batailles de la Première Guerre Mondiale. Elle fut en effet vécue, dès ses premières heures, comme une bataille décisive qui engageait tout le destin de la patrie et dans laquelle se jouait une part essentielle de l identité de la France. C est pourquoi tous les dix ans, depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, une cérémonie nationale placée sous l égide du Chef de l Etat vient célébrer le souvenir de Verdun. Ce rendez-vous décennal constitue une occasion privilégiée entre toutes pour exprimer notre reconnaissance éternelle aux Combattants et nous souvenir des sacrifices qu ils ont consentis. C est l occasion aussi, de mieux comprendre l histoire, d en transmettre la connaissance aux jeunes générations et de nous interroger sur le sens qu un tel événement doit tenir dans notre mémoire. A Verdun, la réalité des combats et des conditions de vie ont dépassé l entendement humain, et rien ne peut dire la violence des souffrances physiques et morales qu endurèrent les poilus : la faim, la soif, le froid, la fatigue, la peur et la douleur. Certains se souviennent peut-être des mots que prononça, à ce propos, François Mitterrand à Verdun le 15 juin 1986, alors qu il était Président de la 3

4 République : «Rien ne peut rendre compte du calvaire vécu par les soldats de cette bataille-là, l attente dans les tranchées, les multitudes clouées au sol, puis arrachées à elles-mêmes, les vagues d assaut vite rompues, et dans le fracas des armes, la solitude, soudain, l éternelle solitude de l homme devant la mort.» On se souvient aussi des très nombreux témoignages laissés par les poilus et qui passionnent aujourd hui de très nombreux lecteurs de tous les âges. Ces témoignages nous apprennent beaucoup sur notre propre humanité, qu ils aient été écrits par de simples soldats ou des écrivains comme Henri Barbusse, Roland Dorgelès, Blaise Cendrars, Jean Giono, Alain-Fournier, Charles Péguy, Apollinaire. Tous atteints dans leur chair et dans leur âme. En tant que Maire de Lyon, je veux aujourd hui me souvenir en particulier des nombreux Lyonnais qui ont pris part à la guerre de : ils furent près de pour notre seule ville. Environ d entre eux prirent part à la bataille de Verdun et tous redoutaient d y être envoyés tant elle apparaissait cruelle, tant l issue paraissait fatale. C est pourquoi tant de familles lyonnaises furent touchées : un de mes grands-pères, par exemple, a fait Verdun. Dans notre département, les Anciens Combattants de la Première Guerre Mondiale sont aujourd hui disparus : nous n avons pas le droit de les oublier. N oublions pas leur engagement héroïque. N oublions pas non plus l appui des armées alliées qui, sur d autres fronts et dans d autres batailles, contribuèrent à faire taire les canons et permirent la victoire de

5 N oublions pas l héroïsme de ces hommes venus de tous les territoires de l Empire colonial pour prendre part au combat et qui ont sacrifié leur vie à la défense du sol français. Car ils furent nombreux ceux qui perdirent la vie à Verdun et qui venaient d Afrique du Nord, d Afrique noire, d Indochine. Aujourd hui, le rappel des combats livrés par ces hommes constitue un enjeu important pour la mémoire nationale. C est pourquoi d ailleurs le 90 e anniversaire sera l occasion d inaugurer, à Verdun, un monument en hommage aux Combattants musulmans qui prirent part aux combats de la Première Guerre Mondiale. En hommage à ceux qui, notamment, se distinguèrent à Verdun, n oublions pas cette devise du 2 e Régiment de Tirailleurs Algériens qui résume bien, à elle seule, l'esprit de ces soldats de la liberté : «Dieu est avec nous, pour notre drapeau et pour la France». A un moment où notre pays est traversé par la tentation d opposer quelques fois la laïcité républicaine aux différentes convictions religieuses, il est plus que jamais essentiel de rappeler que ces soldats qui se battaient pour la France étaient d origines et de confessions diverses mais que dans les tranchées, ils étaient tous frères d arme. Il est tout aussi essentiel de comprendre à quel point la déflagration de violence que fut Verdun a marqué un tournant dans l histoire européenne. C est une part du sort de l Europe, sinon du monde, qui s est joué à Verdun. 5

6 C est aussi une face particulièrement monstrueuse de l humanité, des nations et de la modernité qui s est révélée à Verdun, et qui poussa un certain nombre d esprits à concevoir une Europe différente. C est à partir de la terrible expérience de Verdun que des femmes et des hommes se sont levés pour changer le destin européen et faire de la Paix son idéal le plus absolu : Aristide Briand, Gustav Stresemann, Louise Weiss puisèrent dans ce terreau ensanglanté de Verdun la puissance de conception de ce que pourrait être une autre Europe. Il allait falloir bien des années, et une autre guerre encore plus monstrueuse, pour que cette Europe prenne forme. Mais c est bien à partir de Verdun et de la Première Guerre Mondiale que l inspiration monta pour qu à la place de l antagonisme séculaire des nations européennes puisse naître une unité des peuples. Je voudrais citer une phrase prononcée à Vaise le 25 juillet 1914, par Jean Jaurès quelques jours avant sa mort : «Quoiqu il advienne, les forces de paix et de civilisation grandiront dans l épreuve. Si elles réussissent à prévenir la crise suprême, les nations leur sauront gré de les avoir sauvées du péril le plus pressant. Si, malgré tout, l orage éclate, il sera si effroyable qu après un accès de fureur, de douleur, les hommes auront le sentiment qu ils ne peuvent échapper à la destruction totale qu en assurant la vie des peuples sur des bases nouvelles, sur la démocratie, la justice, la concorde et l arbitrage.» C est le grand projet européen qui a permis de jeter ces nouvelles bases et de construire une paix durable entre les nations sur notre continent. 6

7 Verdun. Lorsqu on nous pensons à l Europe, n oublions jamais les atrocités de Le souvenir de Verdun et des souffrances qu y endurèrent nos pères, nos grands-pères et nos arrière-grands-pères doit nous inciter à poursuivre la construction de ce beau projet pour léguer aux générations à venir un monde de paix dans lequel l Europe aura toute sa place. Nous le devons à nos enfants, nous le devons à ceux de Verdun. 7