Comment faire de la cuisine une pratique sur la voie?

Transcription

1 Comment faire de la cuisine une pratique sur la voie? Si les gens viennent dans un centre du Dharma, ce n'est pas pour la nourriture, mais pour les enseignements et les méditations. Ils sont un peu lassés de la vie qu'ils mènent et recherchent quelque chose de nouveau. Cependant, les conditions d a n s u n c e n t r e, e t particulièrement la nourriture, sont un support très important pour les e n s e i g n e m e n t s e t l e s méditations. Par le passé, lorsque j'enseignais sur l'impermanence, les enfers e t l e s h u i t d h a r m a s mondains, il est arrivé que les gens s'effraient et s'en aillent. Mais si la nourriture était bonne, ils restaient. C'est un moyen de les retenir! Cela fait donc déjà plusieurs jours que j envisage de venir faire un tour en cuisine pour expliquer une courte méditation aux cuisiniers. Il y a une courte motivation du matin que j'ai associée à une méditation directe sur la voie progressive vers le bonheur sans égal du plein éveil, suivie de quelques versets expliquant à quel point les êtres vivants sont précieux et bons. La plupart du temps, en anglais, nous utilisons l'expression «pleinement éveillé», mais en tibétain, on dit «sang gyé» ; «sang» signifie que tous les voiles grossiers et subtils ont été purifiés et «gyé», que toutes les réalisations ont été pleinement développées et qu'il n'y a plus rien à accomplir. «Pleinement éveillé» ayant un sens différent, il est préférable de dire «esprit pleinement omniscient». 1

2 Chaque être vivant est particulièrement précieux, cher et accomplit tous les souhaits, exauce tous vos souhaits de bonheur dans les vies futures, de libération et d'éveil. Chaque être des enfers, esprit avide, animal, insecte, fourmi, moustique, oiseau, chèvre, être humain, souras et asouras, exauce vos souhaits. Dans le sens où le bonheur de toutes nos innombrables vies passées, notre bonheur actuel et notre bonheur futur dépendent de notre bon karma et que ce bon karma dépend de notre esprit, de nos intentions mentales. Les activités éveillées du Bouddha sont de deux sortes : les unes proviennent du saint esprit du Bouddha et les autres de votre esprit. Les bouddhas proviennent des bodhisattvas, les bodhisattvas proviennent de la bodhicitta et la bodhicitta provient de la grande compassion. C est grâce à chaque être obscurci et en souffrance que naît la grande compassion. Engendrer la grande compassion indépendamment de tous les êtres souffrants est impossible. De même, il n'y a pas de bodhicitta, pas de bodhisattva, pas de bouddha et aucun moyen de créer du bon karma, cause du bonheur, sans eux. Autrement dit, le moindre bonheur, le moindre réconfort, proviennent des êtres ; ne serait-ce qu'une brise fraîche ou un verre d'eau lorsque vous avez soif. On ne peut en aucune manière faire l'expérience du bonheur dans cette vie, dans les vies futures, ni de la libération et de l'éveil sans les êtres. Notre bonheur tout entier découle du moindre des êtres vivants. Ainsi, tout mon bonheur provient de chacun de vous et de tous les autres êtres vivants ; de tous les êtres des enfers, esprits avides, animaux, humains, souras et asouras. Je dois à tous mon bonheur passé, présent et futur, car le Bouddha, le Dharma et la Sangha en lesquels je prends refuge et grâce auxquels je purifie le plus petit karma négatif et réalise le bonheur sans égal du plein éveil découlent d'eux tous. C'est pourquoi les êtres sont si bons, si chers, si précieux et exaucent tous les souhaits. Les êtres vivants sont plus précieux qu'un joyau qui exauce les souhaits car vous ne pouvez pas pratiquer la moralité, purifier le 2

3 karma négatif et atteindre une renaissance supérieure avec un joyau qui exauce les souhaits. Vous ne pouvez pas non plus pratiquer les trois entraînements supérieurs ni réaliser le bonheur suprême de la libération, ni générer la grande compassion et atteindre l'éveil avec un joyau qui exauce les souhaits, mais vous y parviendrez grâce aux êtres. Si vous adressez des prières au joyau qui exauce les souhaits, vous pouvez avoir une maison, une voiture, une piscine, etc., mais ni renaissance supérieure, ni libération, ni éveil. C est pourquoi les êtres vivants sont incroyablement plus précieux. Lesquels, des cieux emplis de joyaux qui exaucent les souhaits ou des êtres, sont les plus précieux? Les êtres sont les plus précieux! Par conséquent, dédier votre vie aux autres et les aider est ce que vous pouvez faire de meilleur et de plus enthousiasmant. Quelle que soit la façon de les servir et l aide que vous puissiez leur apporter c est ce qui procure le plus de bonheur. Aider par exemple un monsieur âgé à porter une très lourde charge ou laisser votre place à quelqu un dans le bus, le train ou la voiture. Entreprendre quoi que ce soit répondant aux besoins des êtres, qu'importe que ce soit une grande ou une petite chose, est ce qui est le plus satisfaisant, le plus enthousiasmant que vous puissiez faire. C'est pourquoi préparer de délicieux repas et les offrir aux personnes qui viennent ici est réellement une grande chance. Waouh, waouh, waouh. C'est une façon d'offrir du réconfort et du bonheur aux êtres, eux qui exaucent le plus les souhaits. C'est ce qui procure le plus de bonheur et d'enthousiasme. C'est le véritable Dharma. Le Dharma est une chose qui protège votre vie, qui vous protège des souffrances et qui vous guide vers le bonheur. Aussi y a- t-il un réel intérêt à se réjouir d'avoir cette très précieuse occasion d'offrir de la nourriture aux êtres vivants qui sont si précieux, si chers, si bons et qui exaucent les souhaits. 3

4 Pratiquer la pleine conscience de la bodhicitta dans la cuisine Voici quelques pensées à avoir lorsque vous préparez et cuisinez la nourriture : Lorsque vous coupez quelque chose, comme par exemple des oignons, pensez : Je coupe la racine de la souffrance de tous les êtres, qui vient de l'ignorance et de la pensée d'auto-chérissement, avec le couteau de la sagesse réalisant la vacuité (shounyata) et la bodhicitta. Lorsque vous nettoyez des casseroles ou autres, pensez : Je nettoie l esprit de tous les êtres de tous les obscurcissements et karmas négatifs. Vous pouvez penser que vous vous nettoyez de vos propres obscurcissements et karmas négatifs, mais le plus important est de penser que vous nettoyez ceux de tous les êtres. Et vous pouvez imaginer que l'eau est le nectar de Vajrasattva, du maître, de Sa Sainteté le Dalaï-Lama, ou du maître Bouddha Shakyamouni. Il y a toujours beaucoup de vaisselle à faire dans une cuisine et vous p o u v e z u t i l i s e r c e t t e o c c a s i o n p o u r p u r i f i e r t o u s l e s obscurcissements des êtres. Il est particulièrement bon de penser sincèrement ainsi car laver toute la vaisselle devient une pratique du Dharma purifiant votre karma négatif et vos souillures, et permettant d'accumuler des mérites. En Inde, même les mendiants gardent leurs bols très propres! 4

5 Lorsque vous balayez le sol, pensez que le balai est la voie tout entière vers l'éveil, et en particulier la sagesse et la bodhicitta, et que la poussière représente les obscurcissements de tous les êtres : Je balaie la poussière des obscurcissements de tous les êtres avec le balai de la voie vers l'éveil et en particulier au moyen de la sagesse et de la bodhicitta. Si vous pensez sincèrement de cette manière lorsque vous faites le ménage, ceci devient une véritable pratique du Dharma qui apporte ses bienfaits à tous les êtres vivants. Il est dit dans le lam-rim qu'il faut penser que l'on abandonne la poussière des trois esprits empoisonnés la colère, l'attachement et l'ignorance qui sont les voiles grossiers, mais aussi les traces de ces trois esprits empoisonnés, les voiles subtiles. Lorsque vous pétrissez de la pâte, quelle que soit la forme qu'elle va prendre, pensez : Je dompte l'esprit de tous les êtres vivants en l'assouplissant de mes deux mains, celle de la sagesse réalisant la vacuité et celle de la bodhicitta. Quand vous préparez des momos ou des chapalés, en roulant la pâte et la farcissant de fromage, de pommes de terre et de légumes, pensez : Je remplis l'esprit de tous les êtres vivants des réalisations de la voie, de la dévotion au maître jusqu'à l'éveil, de sorte qu'ils puissent réaliser toutes les qualités d'un bouddha. Lorsque vous préparez une soupe ou tout autre plat, vous pouvez penser que le feu représente le feu toumo des six yogas qui fait fondre la koundalini. Faites la même méditation que celle utilisée pour bénir les offrandes intérieures dans le tantra du yoga supérieur. 5

6 Vous pouvez aussi penser que le feu est la sagesse réalisant la vacuité et que la nourriture crue est l'esprit insoumis. En cuisinant la nourriture, tous les voiles grossiers et même ceux subtils sont purifiés et toutes les réalisations du Bouddha obtenues. Ce sont donc des façons de penser lorsque vous travaillez en cuisine. Vous pouvez avoir ce même type de pensée dans toute autre activité culinaire. Colophon: Lama Zopa Rinpoché a donné ce conseil au Centre de méditation de Tushita, à Dharamsala en Inde. Transcrit et édité par la Vénérable Sarah Thresher à Tushita, Dharamsala, le 17 juin Réédité par Claire Isitt, du Bureau international de la FPMT, en octobre Traduit de l anglais au français par le Service de traduction francophone de la FPMT, janvier Légende photo : Lama Zopa Rinpoché en train de cuisiner, Buddha Amitabha Pure Land, Washington, Etats-Unis, Photo de la fpmt.org. 6