MEMO. Questions/Réponses
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- Dominique Gaulin
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1 MEMO Questions/Réponses PROJET DE RAPPORT sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la Protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites Constance le Grip (LR, PPE, Fr)
2 1) Comment définir le secret d'affaires? 2) Pourquoi protéger les secrets d'affaires au niveau européen? 3) La proposition de directive accorde-t-elle une protection absolue du secret d'affaires? 4) Comment la proposition de directive définit-elle les comportements illicites? 5) Quels comportements sont considérés licites? 6) Cette proposition de directive ne menace-t-elle pas la liberté d'expression et la liberté des médias? 7) La situation au Parlement européen 8) Quelles sont les prochaines étapes du texte?
3 Introduction Les savoir-faire et informations commerciales non-divulgués (communément appelés "secrets d affaires"), sont les informations clés dont les entreprises, les chercheurs et les innovateurs veulent généralement préserver le caractère confidentiel, notamment dans le processus de recherche et de création. Ils représentent un enjeu essentiel pour la protection de l'innovation et du patrimoine immatériel des entreprises, et la défense de leur compétitivité au niveau international. Pourtant, à l'heure actuelle, malgré l'existence d'un cadre juridique international stable (les accords sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce, dits "ADPIC" en vigueur depuis 1995) s'appliquant à tous les Etats membres de l'ue, la situation actuelle est extrêmement variable avec une forte disparité entre les législations nationales. Ceci conduit inévitablement à une fragmentation du Marché Intérieur et une forte insécurité juridique. En effet, seule la Suède dispose à ce stade d'un outil législatif spécifique pour la répression des atteintes aux secrets commerciaux. D'autres États abordent le sujet à travers quelques dispositions législatives inscrites dans un cadre plus large, notamment en matière de protection contre la concurrence déloyale, comme c'est le cas en Allemagne, en Espagne, au Danemark, en Pologne et dans d'autres pays de l'union. Certains abordent également le sujet au travers du prisme du droit du travail, du droit pénal, du droit de la propriété intellectuelle ou uniquement à l'aide de principes généraux du droit comme celui de la responsabilité. Au niveau international, la plupart des pays majeurs sur le plan économique (États-Unis, Japon, Chine,...) disposent déjà d'un cadre législatif spécifique aux atteintes aux secrets d'affaires. L'UE ne peut être le seul espace où il n'y ait pas un minimum de convergence juridique et de protection uniforme.
4 1) Comment définir le secret d'affaires? Les savoir-faire et informations commerciales non-divulgués peuvent être de deux types: 1/ Techniques (dessins, recettes, composés chimiques, etc.); 2/ Commerciales (listes de clients, résultats d'études de marketing, données relatives au lancement de produits, etc.). Pour circonscrire son objet, la proposition de directive présentée par la Commission européenne définit les «secrets d'affaires» comme étant des informations qui répondent à 3 conditions: a) elles sont secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues de personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles; b) elles ont une valeur commerciale parce qu elles sont secrètes; c) elles ont fait l'objet, de la part de la personne qui en a licitement le contrôle, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes. À cet égard, le "secret d'affaires" se distingue des droits de propriété intellectuelle en ce qu'il ne donne aucun droit exclusif à son détenteur. Par exemple, celui qui détient un secret d'affaires, une recette par exemple, ne peut pas empêcher un concurrent de copier et d utiliser ce dernier. Un détenteur ne peut pas non plus empêcher la divulgation d'une information obtenue licitement par un tiers. Ainsi, le secret d'affaires complète les deux piliers principaux du droit de propriété intellectuelle que sont le droit d auteur et les brevets.
5 2) Pourquoi protéger les secrets d'affaires au niveau européen? Les vols de secrets d'affaires ne cessent d augmenter en Europe. En 2013, on estime qu une entreprise européenne sur quatre a fait état d au moins un cas de vol d informations (contre 18 % en 2012). L espionnage économique et industriel est devenu un sujet de préoccupation majeure. Une étude[1] menée par la Commission sur un échantillon de 537 entreprises indique que «Le détournement ou la tentative de détournement de secrets d affaires a entraîné une perte de chiffre d'affaires (56% des cas) ; des frais d'enquête interne (44% des cas) ; une augmentation des dépenses de protection (35% des cas) ; des frais relatifs à la négociation d accords (34% des cas) ; et des frais de poursuites et de procédure (31% des cas)». L'objectif de la directive est double : 1/ Proposer une définition commune aux États membres du secret d'affaires. La fragmentation juridique en la matière nuit au bon fonctionnement du marché intérieur et a un effet négatif sur la coopération transfrontière entre entreprises et partenaires de recherche. Sans ce morcellement, et avec un socle juridique commun, le marché unique de l'ue pourrait être mieux utilisé pour renforcer l'innovation et la compétitivité européennes. 1 2/ Garantir qu'en cas de vol ou d'acquisition (ou d'utilisation) illégale de ses savoir-faire et informations confidentiels, la victime: - sera en mesure de défendre ses droits devant les juridictions civiles; - aura accès à des voies de recours suffisantes et comparables dans toute l UE. Il est à noter que la directive ne propose aucune mesure pénale. Elle ne propose que des instruments de droit civil. 2 [1]
6 Encadré : Quelques exemples précis de vol de secret d'affaires La Commission européenne a explicité de nombreux cas précis de vol de secrets d affaires dans son analyse d impact (en anglais). Voici trois exemples. En mai 2005, l entreprise française Michelin a été victime d un vol de prototype de pneu au cours d un rallye au Japon. Ce prototype, qui devait offrir à Michelin un temps d avance conséquent sur la concurrence, n avait pas encore été commercialisé. L entreprise Michelin était en train de mener des tests sur ce pneu durant ce rallye. Ses composants et design relevaient du secret des affaires. La personne à l origine du vol a donc pu avoir accès à des informations essentielles et a privé Michelin de son avantage commercial. En 2005, une étudiante de nationalité chinoise ayant effectué un stage au sein de l équipementier automobile Valeo, a exporté plusieurs fichiers informatiques confidentiels de ladite société sur son disque dur personnel, en dépit des règles de confidentialité qui avaient été portées à sa connaissance. Elle a fait l objet d une condamnation à un an d emprisonnement (dont dix mois avec sursis) pour abus de confiance par le tribunal de grande instance de Versailles dans son jugement du 18 décembre 2007.[2] L entreprise spécialisée dans la fabrication d aspirateurs et de sèches mains, Dyson, a lancé une procédure devant la haute cour de Londres contre un de ses employés (un ingénieur travaillant sur des moteurs électroniques) accusé d avoir fourni des secrets d affaires a un concurrent depuis plus de deux ans. Dyson affirme avoir investi plus de 100m sur 15 ans pour développer des moteurs sans balai à vitesse extrêmement élevée. L ensemble des exemples peuvent être consultés sur ce lien : (pages 166 à 173 du document).. [2]
7 3) La proposition de directive accorde-t-elle une protection absolue du secret d'affaires? La proposition de directive de la Commission européenne accorde une protection du secret d'affaires uniquement dans les cas où ce dernier est obtenu, utilisé ou divulgué de manière illicite. Cela veut dire qu'en cas de litige devant les tribunaux le détenteur d'un secret d'affaires devra au préalable prouver qu'un tel comportement illicite est bien avéré pour obtenir réparation.
8 4) Comment la proposition de directive définit-elle les comportements illicites? Trois types de comportements illicites sont définis dans la proposition de directive : l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites d'un secret d'affaires. L'obtention illicite est caractérisée dès lors qu'une personne enfreint de manière illégale les dispositions mises en place par un détenteur pour protéger son secret d'affaires : vol, corruption, rupture d'un engagement contractuel ou incitation à le rompre, tromperie, ou tout autre comportement jugé contraire aux usages commerciaux honnêtes. L'utilisation et la divulgation d'un secret d'affaires pourront être considérées illicites dans deux séries de cas : - si, préalablement à son utilisation ou sa divulgation, le secret d'affaires a été obtenu illicitement (cf ci-dessus) ou; - s'il y a infraction d'une obligation contractuelle ou légale de ne pas utiliser ou de ne pas divulguer le secret d'affaires (s'applique notamment aux partenaires commerciaux et aux employés) Par ailleurs, a contrario, la directive définit toute une série de comportements qui devront être toujours considérés licites.
9 5) Quels comportements sont considérés licites? Il s'agit des comportements suivants : - découverte indépendante; - recours à l'ingénierie inverse (démontage et étude d'un produit obtenu licitement) - exercice du droit des travailleurs à l'information et la consultation. - tout comportement jugé conforme aux usages commerciaux honnêtes. De plus, au Parlement, de nombreux amendement ont introduit le principe selon lequel l'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'un secret d'affaires ne pourrait être jugée illicite dès lors que celle-ci est autorisée ou requise par le droit national ou le droit européen. Cela signifie qu'un détenteur de secret d'affaires ne pourra jamais se prévaloir de son droit de protection du secret d'affaires pour ne pas respecter ses obligations légales en matière de transparence ou de communication d'informations. Ces amendements du Parlement visent également à protéger les autorités publiques s'agissant de la divulgation des secrets d'affaires de tiers qu'elles détiennent, conformément au cadre légal et réglementaire fixé dans toutes les législations nationales et européennes.
10 6) Cette proposition de directive ne menace-t-elle pas la liberté d'expression et la liberté des médias? Les journalistes sont susceptibles parfois de se trouver, dans le cadre de leur travail d enquête, en situation d enfreindre les mesures de protection de la confidentialité mises en place par un détenteur de secret d'affaires. C est la raison pour laquelle, figure dans la proposition de directive une exemption générale pour l usage de la liberté d expression et d information, recouvrant bien entendu la liberté des médias. Dans leurs propositions, les membres de JURI ont souhaité renforcer des garanties apportées à l'exercice des libertés d'information et d'expression, consacrées par la Charte européenne des Droits Fondamentaux. Dans plusieurs considérants et articles, notamment l'article 4 consacré aux exceptions aux mesures proposées par le projet de directive, les parlementaires réaffirment que l'usage légitime des libertés d'expression et d'information entraîne la non-application des mesures de sanction, excluant de ce fait clairement les journalistes dans le cadre de leur métier, ainsi que toute personne, tels des "lanceurs d'alerte" par exemple, qui peuvent bénéficier de cette même exception, pour peu que le comportement réponde à certaines conditions : révélation d'une malversation, d'une illégalité, d'une fraude, d'une faute, action s'inscrivant dans l'intérêt du public. Les journalistes et les "lanceurs d'alerte" sont donc clairement exclus de l'application de toute mesure de sanction. De manière plus générale, une directive européenne, quel qu'en soit le sujet, ne saurait faire droit à une dérogation ou violation de la Charte des Droits Fondamentaux par les États membres. Pas plus une directive protégeant les "secrets d'affaires" qu'une autre.
11 7) La situation au Parlement européen Aucun groupe politique ne remet en cause la pertinence de lutter contre le vol et le pillage des informations commerciales et des savoir-faire technologiques non divulgués, ce qui est l'objectif de la directive. La commission des affaires juridiques du Parlement européen qui a été désignée commission au fond à la fin de la précédente législature (la proposition de directive de la Commission européenne date de novembre 2013), débat et examine depuis octobre 2014 le dossier. Deux autres commissions parlementaires ont été saisies pour avis, la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO) et la commission industrie, recherche et énergie (ITRE), qui ont toutes les deux conclu en faveur de l'adoption du projet de directive, une fois amendé. De nombreux amendements ont été déposés en JURI qui font l'objet de recherche de compromis entre les principaux groupes politiques. Ces amendements de compromis, s'ils sont adoptés, sont en mesure de renforcer et garantir l'équilibre entre, d'une part, la nécessaire protection des savoir-faire, de l'innovation et des informations confidentiels, enjeu essentiel pour les entreprises européennes, à commencer par nos PME, et la préservation des libertés fondamentales que sont la liberté d'information et d'expression, dont la liberté des média, essentielles à la démocratie.
12 8) Quelles sont les prochaines étapes du texte? Le texte sera soumis au vote en commission des Affaires juridiques le 16 juin. La possibilité d'obtenir un mandat pour le démarrage des discussions inter-institutionnelles en trilogue sera avancée. S'ouvrirait alors la période de négociations avec le Conseil, qui de son côté, avait arrêté sa position sur le texte en mai 2014.
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