DISCOURS Gilles LEPROUST Maire d Allonnes, Conseiller Général, 1 er Vice-Président Le Mans Métropole En hommage à Nelson MANDELA

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1 DISCOURS Gilles LEPROUST Maire d Allonnes, Conseiller Général, 1 er Vice-Président Le Mans Métropole En hommage à Nelson MANDELA Mesdames, Messieurs, Hier soir, Nelson Mandela est «rentré» à la maison. Rentrer à la maison, c est ce que l on dit dans la culture zouloue quand quelqu un de très âgé va décéder. Au lendemain de son décès, les mots, les souvenirs se bousculent dans nos têtes et, personnellement, je ne peux oublier que l un des éléments qui m a conduit à m engager syndicalement et politiquement, c est le combat pour la libération de Nelson Mandela, de ses compagnons de combat, du peuple sudafricain. Nelson Mandela, c est l engagement d une vie pour la liberté du peuple noir d Afrique du Sud. Né le 18 juillet 1918 dans le petit village de Mvezo, Mandela ne s appelait pas encore Nelson, un prénom anglais et chrétien voulu par une institutrice pour complaire au maître blanc. Car si l apartheid ne sera officiellement instauré qu au lendemain de la seconde guerre mondiale, la ségrégation est bel et bien déjà en place dans l union sud africaine d alors. Il est Rolihlahla Madiba. Rolihlahla en xhosa signifie «celui qui crée des problèmes». Quelle prémonition! En effet, aux maîtres blancs, il allait effectivement poser problème. Dès 1941, alors qu il a à peine 23 ans, il se fait remarquer lors d une grève à l université de Fort Hare où il étudie. La cause? Une employée noire a été frappée par un intendant blanc. Cette liberté, Mandela ne la veut pas que pour lui. Il ne peut se sentir libre si tout autour de lui ce n est qu oppression raciale et sociale. C est parce qu il a voulu emprunter jusqu au bout ce long chemin vers la liberté qu il a su se nourrir de la pensée des autres, laisser murir son esprit pour mener le combat le plus large possible. 1

2 Avocat, il va faire la connaissance de Joe Slovo, de Ruth First, blancs et communistes, d Olivier Tambo et de Walter Sisulu. Ces derniers, déjà membres du Congrès National Africain (A.N.C.) vont lui ouvrir de nouveaux horizons, ceux de la lutte politique. A ces compagnons de route, je n oublierai pas de citer Desmond Tutu, Archevêque du Cap. Ce dernier résume bien dans la citation suivante le rôle et l apport de Nelson Mandela. Je cite : «Nous avions les terres, les Afrikaners sont arrivés avec la bible et nous avons dit : «fermons les yeux et prions». Lorsque nous les avons rouverts, ils avaient pris nos terres et nous avaient laissé la bible. Mandela nous a rendu la terre.» Nelson Mandela, adepte de la non-violence, face à l oppression ne tarde pas à imposer la lutte armée comme moyen de mettre à bas l apartheid. Je le cite : «Nous avons toujours cru à la non-violence comme tactique et non comme stratégie. Quand les conditions nous dictaient d utiliser la non-violence, c est ce que nous faisions, et quand elles nous dictaient de renoncer à la non-violence, nous nous y pliions.» Il dirigera avec Joe Slovo le M.K., organisation militaire de l ANC, ce qui l entraînera à travers de nombreux pays africains et européens pour se former à cette nouvelle pratique pour lui. Le 5 août 1962, il est arrêté et écopera de 5 ans de prison. Il est rejugé en avril 1964 au fameux procès de Rivonia et sera condamné avec 4 autres de ses camarades à la perpétuité. A l issue de ce procès, Mandela déclare : «J ai combattu la domination blanche, j ai combattu la domination noire ; j ai chéri l idée d une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie et avec des chances égales. C est un idéal pour lequel j espère vivre et atteindre. Mais, s il en était besoin, c est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir.» Mandela va rejoindre sa cellule dans le bagne de Robben Island, tristement célèbre pour les atrocités commises contre les prisonniers. Il devient le prisonnier matricule 466/64. Il ne recouvrera la liberté que 27 ans plus tard. Pendant ce temps, la mobilisation en Afrique du Sud et partout dans le monde va aller crescendo. 2

3 En France, notamment, dans un premier temps, peu d organisations se mobilisent pour sa libération et celle de ses camarades. Il faut noter qu en 1964, Marie-Claude Vaillant Couturier, députée communiste, elle-même rescapée des camps de la mort de la seconde guerre mondiale, intervient pour exiger que la France agisse pour leur libération. Nelson Mandela a décrit les conditions insupportables de détention. Je cite à nouveau : «la prison ne vole pas seulement votre liberté, elle essaie aussi de vous déposséder de votre identité.» Lui et ses compagnons n ont jamais baissé les bras et les mobilisations internationales exigeant leur libération les ont aidés à supporter ce calvaire. La mobilisation fut longue à prendre de l ampleur. En 1985, seulement 30 % des français connaissent Nelson Mandela, pourtant emprisonné depuis plus de 20 ans. Personnellement, j ai vécu comme acteur cette montée de la mobilisation. Comme militant de la Jeunesse Communiste, j ai encore le souvenir d avoir fait voter des milliers de lycéens sarthois pour exiger sa libération, d avoir organisé de multiples manifestations, des concerts comme celui tenu en 1987 au Palais des Congrès du Mans. Combien d affiches à l effigie de Mandela collées sur les murs du Mans, d Allonnes, du département! De nombreuses villes l ont fait Citoyen d Honneur comme Allonnes, et ont donné le nom de Mandela à des rues, des lieux comme dans notre ville au service jeunesse. N oublions pas non plus la campagne pour exiger que la France boycotte à 100 % le régime de l Apartheid. Les forces racistes de l Etat d Apartheid n acceptent pas cette mobilisation. Cela les conduit à assassiner Dulcie September, la représentante en France de l ANC en 1988 abattue en pleine rue à Paris. En France, dans le monde, la mobilisation s amplifie et oblige le pouvoir blanc d Afrique du Sud à négocier. Mais Nelson Mandela refusera jusqu à sa sortie toute compromission. Dans une lettre en 1985, qu il réussit à faire parvenir à sa fille Zindzi, il explique : «Je suis membre du Congrès National Africain. J ai 3

4 toujours été membre du Congrès National Africain et je resterai membre du Congrès National Africain jusqu au jour de ma mort.» Il lance à l adresse du Président Sud Africain Pieter Botha «qu il renonce lui à la violence. Qu il dise qu il va démanteler l Apartheid. Qu il libère tous ceux qui sont emprisonnés, assignés à résidence», et Mandela de poursuivre : «seul un homme libre peut négocier ; je ne peux m engager à rien tant que vous le peuple et moi, nous ne sommes pas libres. Votre liberté et la mienne ne peuvent être séparées.» Jamais, malgré les pressions, Nelson Mandela ne cèdera sur ses engagements. Et lorsque le 11 février 1990, après 27 ans d emprisonnement, il est libéré, c est une joie immense qui envahit toutes celles et ceux qui se sont mobilisés durant près de 3 décennies. Personnellement, cela restera un souvenir indélébile. Devant notre télé, avec Patricia, lorsque nous avons vu cet homme poing levé, souriant, franchir les clôtures de sa prison, une grande émotion nous a envahis. Il y avait : La fierté d avoir modestement contribué à sa libération Le sentiment d assister à un moment historique Et enfin le constat que la mobilisation des peuples pouvait l emporter sur les pires régimes politiques. Ainsi, les pétitions signées, les manifestations, les collages, les concerts, les débats, chacun de ces engagements avaient eu leur utilité. 4 ans après sa libération, Nelson Mandela va devenir le 1 er Président noir d Afrique du Sud. Il va ainsi voter pour la 1 ère fois à 75 ans. Il a toujours tenu son engagement rappelé lors de son 1 er discours prononcé après sa libération : «Je suis là devant vous, non pas comme un prophète, mais comme un humble serviteur du peuple.» Cet engagement, et vous me permettrez un commentaire personnel, devrait inspirer un grand nombre de femmes et d hommes politiques de notre pays. 4

5 Après 5 ans de mandat, comme il s y était engagé, il se retire de la vie politique mais continue à être actif pour renforcer la lutte contre le SIDA et à être un médiateur pour la paix sur le continent africain. C est un grand homme qui vient de nous quitter, un homme simple, un homme qui est un symbole de la lutte pour l émancipation humaine. Dans notre ville, élus, responsables associatifs, habitants, nous partageons beaucoup de valeurs pour lesquelles il s est battu. L accès aux droits fondamentaux, aux services publics, s inscrit dans ces combats humanistes. Il en est de même pour nos citoyens d honneur Mumia Abu Jamal et Marwan Bargouthi. Ils ont été précédés par Nelson Mandela. Mumia et Marwan sont emprisonnés en raison de leur engagement politique, peu connu du «grand public» comme Nelson Mandela durant les 20 premières années de son incarcération. Ils sont accusés d être des terroristes comme l était Nelson Mandela. Nous sommes fiers de poursuivre les mobilisations, comme nous l avons fait pour Nelson Mandela, pour nos deux citoyens d honneur. Notre engagement est de ne rien lâcher jusqu à leur libération. Beaucoup d observateurs politiques font d ailleurs le parallèle entre les engagements de Nelson Mandela et Marwan Bargouthi. Vous me permettrez une réflexion suite à l écoute sur France Inter ce matin de J.F. Coppé. Celui-ci, et c est son droit, se félicite de la libération de Nelson Mandela. Mais il oublie de dire que lui et ses amis, pendant des décennies, ont traité Mandela et ses co-détenus de terroristes, et qu il continue d en faire de même avec Mumia et Marwan. Pour ce qui nous concerne, nous à Allonnes, nous ne confondons jamais les exploiteurs et les exploités, les tyrans et les prisonniers politiques. Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire au nom de la Municipalité quelques heures après le décès de Nelson Mandela et je voudrais, en mon nom et celui des Présidents des trois groupes politiques de la 5

6 collectivité, faire la proposition que la place avec notre magnifique jardin prenne le nom de «Place Nelson Mandela». Nous en ferons la proposition mercredi soir au Conseil Municipal, ainsi que de dénommer le lieu où nous sommes rassemblés ce soir «l Esplanade Nelson Mandela». Mesdames, Messieurs, Hier la libération de Nelson Mandela et de tout le peuple sud-africain était une victoire pour l ensemble du genre humain. Aujourd hui, le deuil des sud-africains est celui de l humanité toute entière. 6