Recherche sur le choc démographique au Québec

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1 Recherche sur le choc démographique au Québec Août 2004 Fédération étudiante universitaire du Québec

2 Cette recherche a été rédigé par : Chad Décarie Deblois Fédération étudiante universitaire du Québec 210, rue Sainte-Catherine Est Bureau 300 Montréal (Québec) H2X 1L1 Téléphone : (514) Télécopieur : (514) Recherche sur le choc démographique au Québec 1

3 Table des matières I Introduction 4 II Le contexte démographique au Québec 6 II.1 Le vieillissement de la structure par âge 6 II.1.1 Le déclin de la fécondité 10 II.1.2 Le recul de la mortalité et l accroissement de la longévité 14 II.2 L effet de la taille des cohortes : baby-boom et baby-bust 19 II.3 Perspectives sur les particularités de la démographie québécoise 22 III L impact du vieillissement démographique sur les finances du Québec 25 III.1 Diminution de la population active et pénurie de main-d œuvre qualifiée 26 III.2 L accroissement de l endettement gouvernemental 34 III.3 Un arbitrage budgétaire à effectuer : éducation versus dépenses liées au vieillissement 39 III.3.1 La part du lion : la santé et les services sociaux 40 III.3.2 Les pensions 45 III.4 L équité et la tyrannie intergénérationnelle 49 IV L éducation : un moteur de croissance économique et un facteur d équité sociale 52 IV.1 Démocratie et démographie : les défis politiques et économiques à relever 53 IV.2 Sur la théorie du capital humain 54 IV.3 Investir en éducation : un mécanisme d assurance pour une population vieillissante 54 IV.4 L accessibilité dans le milieu universitaire 55 IV.4.1 Le financement public des universités : outil d égalité intragénérationnelle 56 IV.4.3 Élasticité de la demande de formation universitaire et mutations économiques 59 V Des réformes tous azimuts pour pallier au vieillissement démographique 60 V.1 L optimisation de la main-d œuvre 60 V.2 L ingénierie démographique 64 Recherche sur le choc démographique au Québec 2

4 V.3 La réhabilitation des régimes assurantiels 71 V.4 La retraite, la santé et les services sociaux 73 V.5 La nécessité d une vision à long terme : pression sociale et fiscalité étatique 78 VI Conclusion 80 Récapitulation des recommandations 82 Glossaire 84 Bibliographie 88 Recherche sur le choc démographique au Québec 3

5 I Introduction «Les amis de la vérité sont ceux qui la cherchent et non ceux qui se vantent de l'avoir trouvé» Marie Jean Antoine Nicolas Caritat, marquis de Condorcet Les défis posés par la transition démographique Selon le dictionnaire de démographie (Pressat, 1979), la théorie de la transition démographique «se dit de la situation d une population dont la natalité et la mortalité, où au moins un de ces deux phénomènes ont quitté leurs niveaux traditionnels pour s acheminer vers les bas niveaux associés à la fécondité dirigée [l usage de moyens de contraception] et à l emploi des moyens modernes de lutte contre la mortalité». Ainsi, à une population aux niveaux de fécondité et de mortalité relativement élevés se substitue une population où les niveaux des deux phénomènes sont bas. Il en résulte une population en régime de sous-fécondité, c est-à-dire où le remplacement des générations n est plus effectué par une voie endogène (par la fécondité de sa population). Le seuil de remplacement des générations (environ 2,1 enfants par femme) est nécessaire pour assurer un strict maintien de l intégralité des effectifs d une population sans l intervention d une solution de nature exogène (l immigration). Au Québec, l indice conjoncturel, qui est la synthèse de la fécondité des femmes en âge de procréer (approx ans) d une année donnée, nous indique que les générations ne se remplacent plus depuis le début de la décennie Or, lorsque l on regarde la fécondité effective des générations (la descendance finale), on s aperçoit que les générations ayant fini leur vie reproductive ne se remplacent plus depuis celles nées à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. En outre, la population subit une transformation de sa structure par âge entraînant un vieillissement de la population accentué par le déclin de sa mortalité, conséquence des progrès de la santé publique et de la médecine biomédicale. Avec la stabilisation de la fécondité au niveau relativement bas d environ 1,45-1,5 enfants par femme, la diminution de la mortalité à des âges de plus en plus avancés devient le facteur principal de vieillissement de la structure par âge de la population. Cela a évidemment de lourdes implications en terme de dépenses en santé, services sociaux et pour les régimes publics de retraite. Cela suppose aussi que nous ayons les infrastructures et les ressources pour accommoder une population vieillissante dans des délais Recherche sur le choc démographique au Québec 4

6 relativement courts étant donnée la rapidité des changements démographiques à anticiper au Québec. De même, le gouvernement du Québec doit promptement envisager des solutions à long terme en vue de doter l État des outils nécessaires pour assurer la pérennité de nos programmes sociaux. L un de ces outils essentiels est évidemment un capital humain de qualité susceptible d amortir le «choc» démographique. Le caractère inéluctable de cette transition démographique dont la cadence diverge d un pays à l autre et au sein des pays industrialisés, requiert des pays parvenus au seuil de la décroissance numérique de leur population une adaptation rapide aux changements importants qui s annoncent. Commencée au début du XXe siècle au Québec, cette transition démographique pourrait bien être le plus grand défi que la société québécoise aura à faire face. Principalement, les années après le passage à la retraite du baby boom à partir de 2011 jusqu au milieu du XXIe siècle, c est-à-dire lorsque la plupart de ses membres seront décédés, représenteront un défi de taille pour les finances publiques. Recherche sur le choc démographique au Québec 5

7 II Le contexte démographique au Québec II.1 Le vieillissement de la structure par âge Le vieillissement de la structure par âge de la population québécoise est une conséquence de deux phénomènes conjugués, en l occurrence le déclin de la fécondité et la diminution de la mortalité. Dans une pyramide des âges, un outil démographique privilégié exprimant le rapport relatif de chaque groupe d âge par rapport à la population d ensemble, il est possible d observer l impact de ces deux transformations majeures de la démographie québécoise. En premier lieu s effectue un vieillissement par la base de la pyramide avec le déclin de la fécondité. Graphiquement, cela s exprime par un rétrécissement de la base de la pyramide alors que les effectifs des groupes d âge les plus jeunes perdent de l importance par rapport à l ensemble de la population. Par la suite, la diminution de la mortalité à des âges de plus en plus avancés fait survivre davantage d individus (les personnes âgées) en haut de la pyramide. La pyramide s élargit donc à son sommet à mesure qu il y a plus d individus âgés, la diminution de la mortalité accélérant de phénomène de vieillissement par la «cime» de la pyramide. Ces deux phénomènes conjugués donne à la pyramide des âges l apparence de «toupie» qu on lui connaît désormais dans les pays industrialisés et dans nombre de pays en voie de développement. La pyramide des âges Les figures 1 et 2 présentent des pyramides des âges à divers moments de l histoire démographique du Québec, soit en 1941, 1961, 2001 et 2031 (projection). Sur la période de 1941 à 2041, les changements de structure par âge ont grandement modifié l apparence de la pyramide des âges. En 1941, elle présentait l apparence classique (triangulaire), mais le déclin de la fécondité de l après baby-boom a commencé à faire rétrécir la base de la pyramide à partir de la fin des années Le baby-boom introduisit donc un renflement caractéristique dans la pyramide qui ne s atténuera pas avant la décennie 2030 à mesure que ses représentants décèderont. Ces mêmes cohortes donnèrent naissance à la génération de l écho du baby-boom suivant ce que les sociologues appellent la génération X. Il s avère donc que ce genre de distorsion dans la taille des cohortes marque durablement la structure par âge québécoise. Recherche sur le choc démographique au Québec 6

8 Figure 1. Pyramides des âges, Québec, 1941 et Pyramide de 1966: Sous-fécondité des années de la Crise économique et de la Deuxième Guerre mondiale Source: Recensements du Canada [ % de la population totale Pyramide de 1966: Cohortes nombreuses du baby-boom ] Les cohortes du baby-boom progressent dans le temps. En 2031, la population du Québec est considérablement vieillie [ [ Figure 2. Pyramides des âges, Québec, 2001 et % de la population totale Source: Perspectives démographiques de l'institut de la Statistique du Québec, 2003 Les grandes tendances de l évolution de la population Plus spécifiquement, le vieillissement s exprime par l accroissement de la proportion des personnes âgées (les personnes de 65 ans et plus) et par l accroissement de la proportion des personnes très âgées (les 80 ans et plus). Cela s'opère bien entendu au détriment de la population en âge de travailler et de la population des moins de 15 ans. La figure 3 montre l évolution passée et à prévoir des effectifs des grands groupes d âges dans la population. A priori, on remarque la croissance des effectifs les plus âgés dans la population totale. Du 5,3% de la population qu ils Recherche sur le choc démographique au Québec 7

9 constituaient en 1941, le groupe des personnes de 65 ans et plus croîtra pour atteindre 28,4% en 2041, ceteris paribus. De même, l accroissement des effectifs du groupe des personnes de 80 ans et plus est prodigieux; des 0,7% qu ils constituaient en 1941, les individus de 80 ans et plus formeront 10,9% de la population totale du Québec en La progression phénoménale de cette sous-population pourrait avoir de nombreuses implications pour le financement public du système médico-hospitalier, les soins à domicile et bien sûr, les soins de longue durée. Secundo, on observe un recul des effectifs des éléments plus jeunes de la population alors que l importance du groupe des 0-14 ans passe de 32% en 1941 à 12,8% en Tertio, la population en âge de travailler qui s était maintenu au-delà de 60% (sauf au cours de l épisode du baby-boom) et qui culmine à plus de 69% depuis 2001 reculera de plus de 10,5 points de pourcentage entre 2001 et Plus spécifiquement, les perspectives démographiques nous indiquent que les prochaines années seront d excellentes années en terme d effectifs de population en âge de travailler. La décennie sera sans doute la plus favorable quant à la taille de la main-d œuvre et aux ponctions fiscales pouvant être faites sur cette main-d œuvre nombreuse. Cependant, après 2011, le déclin de la taille de la main-d œuvre s amorcera et la charge du vieillissement se fera plus lourde au cours des dix années qui suivront (Gauthier, 1995). Cela implique qu à moins de changements importants dans la participation au marché du travail, particulièrement des individus âgés, ou d une augmentation notable de la productivité des travailleurs, la charge financière des générations de travailleurs à venir deviendra difficile à supporter. Cela est d autant plus vrai que le vieillissement démographique, d une façon plus métaphorique, n est pas une avalanche mais bien un glacier, un phénomène lent et largement prévisible, donc aucunement soudain. En ce sens, l inaction dans le domaine de la planification du vieillissement n est aucunement justifiable. Recherche sur le choc démographique au Québec 8

10 Figure 3. Part des grands groupes d'âges dans la population québécoise, ans et plus 80 ans et plus ans ans Année de calendrier Sources: Louis Duchesne, Institut de la Statistique du Québec Perspectives démographiques de l'institut de la Statistique du Québec, 2003 Le rapport de dépendance démographique Le rapport de dépendance démographique, un rapport de structure entre la population dite dépendante (les individus de 0 à 14 ans révolus et ceux de 65 ans et plus) et la population en âge de travailler constituée des individus de 15 à 64 ans révolus, est un indicateur susceptible d apporter un éclairage supplémentaire sur les conséquences du vieillissement. La figure 4 exprime à la fois la dépendance démographique totale (0-14 ans + 65 ans et plus/15-64 ans), et les éléments de cette dépendance (0-14 ans/15-64 ans et les 65 ans et plus/15-64 ans) en gris foncé et pâle. Si l on examine la dépendance démographique totale, elle est relativement élevée en début et en fin de période, et connaît un creux au cours de la période 1976 à 2016, avec un rapport de dépendance démographique de moins de 0,5 personnes dépendantes par personne en âge de travailler. Cette dernière période consiste en des années privilégiées avec faible charge pour la population en âge de travailler. Or, s il s avère que la dépendance totale dans l avenir ressemblera à celle que le Québec a connu au plus fort du baby-boom, qu est-ce qui inquiète tant les planificateurs? C est que la nature de la dépendance change : la population en début de période est une population jeune avec une forte prédominance de la composante des 0-14 ans dans la dépendance totale alors que la population en fin de période est vieillie avec une majorité de personnes âgées dans la dépendance totale. Ainsi, en 1941, les 65 ans et plus représentaient seulement 14% de la dépendance totale alors qu en 2041, ils pourraient représenter 69% dans la dépendance totale. Autrement dit, en 1941, il y avait 11,9 personnes en âge de travailler pour un Recherche sur le choc démographique au Québec 9

11 retraité; en 2041, il n y aura plus que 2,1 personnes en âge de travailler pour un retraité (il y en avait 5,2 en 2003). Évidemment, le rapport de dépendance démographique comporte des limitations. Certaines personnes de 65 ans et plus travaillent et toutes participent d une façon ou d une autre au financement des programmes sociaux par les taxes, l imposition des RÉER ou des gains en capital, par exemple. En outre, tous les individus de ans ne sont pas des actifs; nombre d entre eux vivent des épisodes de chômage, sont invalides ou choisissent d être inactifs. 0,8 Figure 4. Rapport de dépendance démographique (RDD), Québec, ,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0, Année de calendrier RDD = 0-14/15-64 RDD = 65+/15-64 Sources: Louis Duchesne, Institut de la Statistique du Québec Perspectives démographiques de l'institut de la Statistique du Québec, 2003 II.1.1 Le déclin de la fécondité Plusieurs mesures nous informent sur l intensité et le calendrier de la fécondité. Il s agit, par exemple, de l indice synthétique (ou conjoncturel) de fécondité, la descendance finale ou l âge moyen à la maternité. Le nombre de naissances à chaque année où le taux de natalité reportant les naissances à la population d ensemble n ont qu une valeur informative et non pas analytique. Toutefois, en ce qui a trait au nombre de naissances annuel, l indice s avérera utile pour démontrer l importance du déséquilibre dans la taille des générations successives ayant vues le jour au cours du XXe siècle au Québec. Ainsi, la première phase de vieillissement au Québec fut induite par le déclin de la fécondité des femmes, donc par la diminution du nombre d enfants engendrés par toutes les Recherche sur le choc démographique au Québec 10

12 femmes aux âges propices à la procréation, soit d environ 15 ans à 49 ans révolus. Transversalement ou à un moment donné, les démographes parlent alors de l indice conjoncturel de fécondité. Or, lorsqu il est question du nombre d enfants engendrés au cours de toute la vie reproductive d une femme (l aspect longitudinal), les démographes parlent de descendance finale. De facto, nous ne possédons que des données incomplètes pour ce dernier indice puisque les femmes nées après 1963 n ont en théorie pas terminé leur vie reproductive potentielle, bien que relativement peu d enfants naissent de mères de plus de 35 ans, par exemple. Cela permet aux démographes d extrapoler la fécondité de ces femmes dont la vie reproductive n est pas terminée en supposant un maintien du comportement de fécondité présenté par les cohortes adjacentes antérieures. La fécondité dans les générations La descendance finale a donc accusé un recul des plus marqué depuis les générations nées au début du XXe siècle. Si on se réfère à la figure 5, ab initio et jusque vers la génération , la descendance finale se situait grosso modo au-delà de 3 enfants par femme. Or, à partir de la génération environ, le seuil de remplacement des générations n était plus assuré. Cela implique donc que les cohortes nombreuses du baby-boom nées entre 1946 et 1965 n engendreront pas suffisamment d enfants pour pourvoir au renouvellement de la population. Puisque la fécondité est un comportement marqué par une certaine inertie, il est fort peu probable que se manifeste une reprise susceptible d infléchir une tendance qui perdure depuis plus de 50 générations. En effet, les taux de fécondité des générations plus récentes ne semblent guère indiquer un retour à des niveaux de fécondité plus élevés. Recherche sur le choc démographique au Québec 11

13 Figure 5. Tiré de Duchêne, p.37. Explications théoriques du déclin de la fécondité De nombreuses théories visant à expliquer ce déclin de la fécondité à travers les pays industrialisés et de nombreux pays en voie de développement ont émergé. Boongarts (1978), dans une approche plus typiquement démographique, s intéressa aux déterminants proches susceptibles d influer sur la fécondité : le mariage, l usage de la contraception, l avortement, etc.. Or, d autres théories essentiellement économiques virent le jour. Un économiste de la fécondité reconnu tel Gary Becker évoqua l importance du tradeoff entre quantité des enfants versus leur qualité (Becker et al., 1973) ou de la substitution existant jusque dans une certaine mesure entre les biens de consommation et les enfants (Becker, 1976; 1991). En outre, Easterlin (1978) évoqua la relation existant entre la fécondité, la taille de la famille et la possibilité des individus d améliorer leur condition économique. Selon cette théorie économique, les individus procréent lorsque le niveau de vie idéal qu ils se sont fixés antérieurement est atteint et qu ils ont réussi à s établir dans la vie. Les succès de l ascension économique des cohortes successives déterminent Recherche sur le choc démographique au Québec 12

14 alors leur descendance finale. De surcroît, d autres facteurs entrent en ligne de compte tel le caractère plus instable des unions consensuelles comme milieu de procréation alors que de plus en plus de couples choisissent de vivre de cette manière, particulièrement au Québec. Ces couples ont moins d enfants que les couples vivant dans une union plus formelle (le mariage) et considérant qu il naît davantage d enfants de couples en union libre que de couples mariés au Québec, la possibilité d un redressement de la fécondité semble à écarter. De même, des facteurs tels l augmentation de la fréquentation scolaire des individus et de la participation féminine au marché ont sûrement joué un rôle prépondérant dans le déclin de la fécondité. Les conséquences indésirables à entrevoir d une telle sous-fécondité pour le gouvernement du Québec dans les décennies à venir sont nombreuses : diminution des recettes étatiques postérieure à une décroissance de la main-d œuvre, explosion des coûts de la santé et des services sociaux allant de pair avec le vieillissement de la population et avec une dépendance accrue de celle-ci, retour à une situation d endettement gouvernemental, désaccumulation de capitaux des régimes de retraite publics et privés, etc.. La fécondité d une année à l autre En observant l indice conjoncturel de fécondité au Québec dans une perspective séculaire (figure 6), l importance du déclin surprend tout comme avec la descendance finale. En début de période, en 1926, l indice se situait au-delà de 4 enfants par femme. Il diminua quelque peu pendant la Crise économique des années trente et la Seconde Guerre mondiale pour atteindre un creux historique à l époque de 3,21 enfants par femme en Puis survint un phénomène qu on avait pu observer au lendemain de la Première Guerre mondiale dans les pays européens belligérants et que les démographes appellent un rattrapage de calendrier. Cela consiste en une période où l intensité de la fécondité est plus grande après une conjoncture défavorable à la fécondité (une crise économique, une guerre, etc.). En effet, la Dépression et la Seconde Guerre mondiale furent deux époques où la limitation des naissances fut plus importante qu elle aurait dû l être. Donc, le rattrapage du calendrier de la fécondité des femmes au lendemain de la guerre conjugué à une période d exceptionnelle prospérité économique, introduisit l anomalie démographique du baby-boom où la fécondité effectua une reprise par rapport aux années de la Dépression et de la Guerre qui, toutefois, ne se prolongea pas. Au lendemain de cette reprise momentanée de la fécondité, le déclin fut inexorable; l indice conjoncturel de fécondité atteignant Recherche sur le choc démographique au Québec 13

15 un creux inégalé dans l histoire démographique du Québec en 1987 avec 1,35 enfants par femme. Par la suite, une timide reprise s effectua au début des années 90 et l indice diminua de nouveau pour se stabiliser au niveau relativement bas d environ 1,45-1,5 enfants par femme. 4,5 Figure 6. Évolution de la fécondité québécoise ( ) 4,0 3,5 3,0 Surplus des naissances imputable au baby-boom Indice synthétique de fécondité 2,5 2,0 Tendance séculaire 1,5 1, Année de calendrier Source: Institut de la Statistique du Québec Perspectives démographiques de l'institut de la Statistique du Québec, 2003 II.1.2 Le recul de la mortalité et l accroissement de la longévité A priori, il existe une distinction importante à faire en ce qui a trait au titre de cette section, soit entre recul de la mortalité et accroissement de la longévité. Le recul spectaculaire de la mortalité résultant des grands travaux d assainissement de la santé publique en vue d améliorer les conditions de vie et les progrès de la médecine biomédicale précède l accroissement de la longévité. Extremum de la durée de vie de l être humain, la longévité est le corollaire de la diminution de la mortalité et se différencie de l espérance de vie à la naissance qui est en fait une moyenne des années vécues (ou de toutes les durées de vie) des individus d une cohorte, fictive ou non 1. 1 L artifice de la cohorte fictive permet aux démographes de calculer l indice-synthèse qu est l espérance de vie à la naissance d une année donnée à partir des probabilités de décès à chaque âge fournies par la table de mortalité, une technique aussi utilisée extensivement en actuariat. Puisque l espérance de vie à la naissance est une moyenne et une synthèse des conditions de mortalité du moment, la cohorte fictive permet de déterminer l espérance de vie de l ensemble des individus nés au cours d une année donnée. Cependant, l espérance de vie d une véritable cohorte est de nature longitudinale et prend en considération la mortalité d une génération entière de sa naissance à sa mort, ce qui nécessite un certain recul dans les données, car beaucoup d individus vivent au-delà de 100 ans. Par exemple, le Recherche sur le choc démographique au Québec 14

16 Le déclin de la mortalité expliqué Ces distinctions faites, le recul de la mortalité qui s est opéré tout au long du XXe siècle au Québec et qui s opère encore aujourd hui est le fruit des progrès de la santé publique et du système médical qui agissent à travers trois dimensions, soit l âge, la période d observation et la cohorte (Wanner et al., 2000). Pour illustrer ce propos, un exemple s impose : la probabilité de décès d une femme née en 1891 entre son 50 e et son 51 e anniversaire observée en 1941 était de 2,68 (Bourbeau et al. 1997) alors que celle d une femme née en 1961 entre son 40 e et son 41 e anniversaire et observée en 2001 était de 0,9. Un premier facteur de différence entre les deux probabilités de décès est simplement l âge; on meurt moins à 40 ans qu à 50 ans. Le second facteur de différence de mortalité entre ces femmes issues de cohortes nées à 70 ans d intervalle découle justement de cet intervalle de temps. Entre l année de naissance de la première femme, en 1891, et l année d observation de la probabilité de décès de la seconde femme, en 2001, il s écoula une période de 110 ans au cours de laquelle les progrès de la médecine et l amélioration des conditions de vie concoururent à faire diminuer la mortalité à chaque année. Enfin, l année de naissance de chacune des femmes est un facteur de différence de mortalité qui constitue l effet de cohorte. Bien que plus difficile à identifier, il n en est pas moins important. On sait que le fait d avoir été exposé à certains facteurs de risque dans l enfance détermine notre longévité. Dans notre exemple, le fait que la femme née en 1891 puisse avoir été exposée à de graves maladies infectieuses telle la grippe espagnole, par exemple, peut avoir eu un impact significatif sur sa longévité finale. L espérance de vie à la naissance L indice privilégié pour mesurer la diminution de la mortalité entre deux années est l espérance de vie à la naissance. Comme cela a été évoqué, cette mesure est synthétique et ne se traduit pas par l âge auquel peut parvenir un individu né une année donnée. C est que l amélioration des conditions de vie et les progrès de la médecine agissent en continu; un calcul d espérance de vie à la naissance de la génération 1941 nécessite que nous ayons des perspectives démographiques de mortalité allant plus loin que 2041 car nombre des individus composant cette génération vivront au-delà de 100 ans, par exemple. Si ces perspectives de mortalité ne sont pas disponibles, il est d usage d effectuer un lissage des probabilités de décès aux grands âges (i.e. au-delà de 85 ans) à l aide de méthodes mathématiques (ajustement de fonctions de Coale-Kisker, Kannisto-Thatcher, logistique, de Gompertz, etc.), d autant plus que la variabilité de ces probabilités peut s avérer importante d une année à l autre. Par conséquent, il est possible d appréhender la mortalité à un moment donné (transversalement) ou pour une génération (longitudinalement). Recherche sur le choc démographique au Québec 15

17 individu peut légitimement prévoir vivre bien au-delà de la limite fixée par l espérance de vie. Cette dernière nous renseigne cependant sur les progrès effectués en matière de mortalité d une année à l autre. Comme nous le montre la figure 7, ces progrès furent spectaculaires au cours du XXe siècle. Alors que l espérance de vie à la naissance se situait à 56,71 ans pour les femmes et à 54,44 ans pour les hommes en 1931, elle était respectivement de 82,02 ans et de 76,04 ans en 2000, soit un gain de 45% pour les femmes et de 40% pour les hommes en terme de durée de vie moyenne pendant la période. Quels sont les facteurs qui concoururent à de tels progrès en moins de 70 ans? Les grandes interventions de santé publique (vaccination, assainissement des conditions de vie en général) eurent pour effet de supprimer la prédominance des maladies infectieuses qui frappaient d abord les enfants en bas âge. Conséquemment, la mortalité infantile diminua rapidement faisant augmenter l espérance de vie à la naissance de façon importante. Le calcul de cet indice étant une pondération de l ensemble des durées de vie, il donne nécessairement beaucoup d importance aux durées de vie plus courtes qui tirent l espérance de vie à la naissance vers le bas. Cela explique en partie pourquoi l espérance de vie à la naissance était si faible par le passé Hommes Femmes Figure 7. Espérance de vie à la naissance selon le sexe au Québec, période Année de calendrier Source: Base de données sur la longévité canadienne 2004 La transition épidémiologique et le déclin de la mortalité Une fois la majeure partie des gains à faire pour diminuer la mortalité réalisée dans l enfance tout au long du XXe siècle, le perfectionnement des techniques médicales bénéficia de Recherche sur le choc démographique au Québec 16

18 plus en plus aux individus âgés atteints de maladies chroniques, lesquelles prirent le relais des maladies infectieuses comme premier facteur de mortalité. La théorie de la transition épidémiologique (Omran, 1971) fournit un cadre d explication au phénomène. Elle commente la substitution graduelle des maladies infectieuses, frappant davantage les individus en bas âges par les maladies dites chroniques 2 au cours du XXe siècle, dont surtout les individus adultes ou âgés souffrent. Par ces changements dans le pattern de morbidité dans les pays industrialisés, on vit un vieillissement des gains de mortalité, c est-à-dire qu une majorité des progrès en matière de diminution de la mortalité allait s accomplir chez les individus adultes et âgés, les diminutions importantes de la mortalité infantile ayant été faites pendant les années suivant la Deuxième Guerre mondiale. La survie dans les générations De surcroît, un indice fort parlant, le nombre de survivants parvenus à un certain âge pour une période où une cohorte donnée, permet d apprécier ces progrès en matière de mortalité. Par exemple, la figure 8 nous indique que pour la période , 10% des individus (sexes confondus) décédaient avant l âge de 1 an au Québec. Ce n était plus que 0,5% des enfants qui décédaient avant 1 an en Or, si la tendance dans l amélioration de la mortalité infantile se maintient, environ 50 enfants pour naissances seulement pourraient décéder avant leur premier anniversaire. De même, la survie à des âges plus avancés s est améliorée, notamment grâce aux progrès dans le traitement des maladies chroniques déjà discutés. Dans cette optique, le nombre de survivants à 65 ans pour naissances, sexes confondus, s est accru considérablement passant de en à en , puis de en à en L avenir ouvre des perspectives de progrès aussi très important puisque femmes et hommes pourraient survivre jusqu à 65 ans en Ceux qui seront parvenu à cet âge auraient une espérance de vie à 65 ans de 24 ans pour les femmes et de 20,7 ans pour les hommes. Ceci s agissant de l espérance de vie du moment, ils pourraient en fait espérer vivre plus longtemps après 65 ans, conséquence du déclin annuel de la mortalité appréhendé après En outre, si le déclin de la mortalité se poursuivait au rythme auquel les chercheurs dans le domaine de la longévité s attendent, la génération féminine 2001 pourrait espérer vivre, 2 On entend par maladie chronique, une maladie qui évolue lentement et se prolonge. Elle engendre souvent un état morbide nécessitant des soins. Les maladies chroniques les plus répandues sont : les tumeurs, les maladies de l appareil respiratoire et les maladies de l appareil circulatoire. Recherche sur le choc démographique au Québec 17

19 en moyenne, jusqu à 100 ans (Vaupel, 2001), ce qui a des implications énormes pour les coûts à anticiper de la sécurité sociale ou de la santé. Le phénomène de rectangularisation de la courbe de survie par lequel cette dernière adopte une forme de plus en plus «rectangulaire» paraît se vérifier au Québec au cours du XXe siècle et se perpétuer dans l avenir. Attendu que la mortalité aux âges avancés est celle où les améliorations furent les plus importantes depuis plusieurs années, on peut envisager une forte progression de la survie jusqu à 80 ans. On observe donc que le nombre de survivants à 80 ans, sexes confondus, est passé de en à en , puis de en à en De même, on peut s attendre à d immenses progrès en cette matière pour 2041 alors qu il y aura survivants de sexe féminin et survivants de sexe masculin de 80 ans et plus. S il est nécessaire d insister sur cette question, c est que la hausse des coûts des régimes de pension et des soins de santé est fonction de l amélioration de la survie à des âges de plus en plus avancés. En outre, les coûts de la prise en charge des personnes âgées sont d autant plus grands que celles-ci avancent en âge Figure 8. Survivants pour naissances selon l'âge, Québec, diverses périodes La courbe adopte une forme de plus en plus "rectangulaire" (femmes) 2041 (hommes) Âge Sources: Base de données sur la longévité canadienne, 2004 Perspectives démographiques de l'institut de la Statistique du Québec, 2003 Recherche sur le choc démographique au Québec 18

20 II.2 L effet de la taille des cohortes : baby-boom et baby-bust Comme nous l avons vu précédemment, le baby-boom a en quelque sorte institué une démographie de déséquilibre au Québec au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les démographes s entendent pour situer le baby-boom dans la période où la fécondité et le nombre de naissances furent particulièrement élevés. La période 1966 à 1979 est considérée comme la période du baby-bust où ces deux indicateurs déclinèrent sensiblement. L évolution du nombre de naissances annuel est ici d une importance capitale pour la compréhension de l effet de la taille des cohortes. La taille d un sous-groupe de la population aujourd hui dépend essentiellement du nombre de naissances correspondant à ce sous-groupe. La figure 9 montre l évolution du nombre de naissances de 1921 jusqu à nos jours et le nombre de naissance à anticiper en fonction des hypothèses de fécondité du modèle de perspectives démographiques de l Institut de la Statistique du Québec pour le XXIe siècle. À une période de relative décroissance du nombre de naissances, entre 1921 et 1936, succéda une période spectaculaire de redressement de la natalité. Dès 1944, le nombre annuel de naissance surpassa pour culminer au cours de deux années d exceptionnelle natalité, soit 1957 avec naissances et 1959 avec naissances et 1960 constituèrent aussi deux années très prolifiques avec plus de naissances. À ce zénith jamais égalé dans l histoire démographique du Québec succéda un nouveau déclin de telle sorte que 1968 fut la dernière année où l on compta plus de naissances. De 1966 à 1979, les générations plus restreintes en nombre dites du baby-bust naquirent. Issues de parents nés à la fin de la Dépression et pendant la Guerre, ils constituèrent des effectifs de naissances oscillants entre naissances en 1966 et naissances en En outre, leurs effectifs remontèrent légèrement en 1979 avec naissances. Les naissances survenues entre 1980 et 1995 sont les enfants des baby-boomers. Deux événements marquèrent ces cohortes, soit le premier plancher du nombre de naissances depuis la Guerre et la reprise de 1990 où naquirent enfants. Enfin, les enfants nés depuis 1996 sont les enfants des cohortes du baby-bust. Ces enfants constituent des cohortes relativement peu nombreuses dont est issu le plus faible nombre de naissances depuis 1909, soit en Recherche sur le choc démographique au Québec 19

21 150 Figure ans de naissances au Québec ( ) Sources: Annuaires du Québec Année de calendrier Statistique Canada Bureau de la statistique du Québec et Institut de la statistique du Québec Perspectives démographiques 2003, Institut de la statistique du Québec N.B.: Les nombres de 1950 à 1975 ont été révisés L impact sur les grands groupes d âges C est donc le passage des cohortes à travers les divers âges qui détermine la taille des sous-groupes de la population à chacun de ces âges (0-4 ans, 5-9 ans, ans, ). La croissance et le déclin des populations de ces groupes d âges (quinquennaux, en l occurrence) dépendent de la taille des générations qui y entrent et sortent. Voilà en quoi la taille des cohortes importe : elle détermine le sort des grands ensembles de la population : la population scolaire (de la prématernelle jusqu à 16 ans), la population collégiale (approximativement les ans), la population universitaire (approximativement les ans), la population en âge de travailler (les ans), la population des retraités ou des personnes très âgées (les 65 ans et plus et les 80 ans et plus). Par exemple, si l on examine la population de ans qui compose majoritairement la clientèle universitaire, elle se situera au-delà de individus au cours de cette décennie pour rester sensiblement la même jusqu en 2013 puisque alimentée par les cohortes des enfants du baby-boom nés entre 1980 et Par contre, pour ce qui est de la cadette de la clientèle universitaire, la population préscolaire et scolaire, les 5 à 12 ans, elle connaîtra un déclin de 17,8% entre 2001 et 2013, conséquemment à la stagnation de la fécondité à des niveaux de moins de 1,6 enfants par femme après En opposition, la population des préretraités, disons les ans, s accroîtra de 46,4% entre 2001 et 2013 du fait de l arrivée massive des baby-boomers dans cette tranche d âge. L effet de la taille des cohortes ne doit donc pas être sous-estimé car il détermine l importance des clientèles pour divers services dans l avenir (éducation préscolaire, Recherche sur le choc démographique au Québec 20

22 primaire, secondaire, collégiale, universitaire; soins de santé, à domicile ou de longue durée, etc.). II.3 Perspectives sur les particularités de la démographie québécoise Le baby-boom et le baby-bust La dernière partie qui compose cette section sur le contexte démographique au Québec s intéresse aux particularités de la démographie au Québec par rapport à d autres pays occidentaux. Quelle place le Québec occupe-t-il par rapport à d autres pays ou au Canada sur le plan de la démographie et surtout qu est-ce qui fait sa différence? Une première partie de la réponse réside dans l intensité du baby-boom au Québec qui fut plus important que dans beaucoup d autres pays occidentaux (Allemagne, Angleterre, Italie, France, États-Unis) de même qu au Canada, sauf pour la période de 1960 à 1964 tel que l indique la figure 10. 4,5 Figure 10. Le baby-boom dans divers pays occidentaux 4,0 3,5 3,0 2,5 2,0 1, Année de calendrier Allemagne Angleterre Italie France États-Unis Canada Québec Source: Dupâquier (1999) et Institut de la statistique du Québec (2004) Une seconde partie de la réponse réside dans la faiblesse de la fécondité québécoise dans l après baby-boom, le baby-bust, montré par la figure 11. Entre 1970 et 1972, la courbe du Québec chevaucha celle de l Allemagne dans le déclin, mais cette dernière supplanta le Québec Recherche sur le choc démographique au Québec 21

23 jusqu en Au cours des années 1982 et 1983, l indice conjoncturel de fécondité québécois se distingua de tous les autres pays alors qu il était le plus faible. De 1984 à 1986, la courbe québécoise chevaucha grosso modo la courbe allemande et la courbe italienne, l Italie rejoignant ainsi le Québec et l Allemagne dans le club des pays à très faible fécondité. À partir de 1989 s effectua une reprise relative de la fécondité alors que l Allemagne et surtout l Italie, se différencièrent du Québec par une fécondité très faible, en-decà de 1,4 enfants par femme. Entre 1992 et 2000, la courbe canadienne vint rejoindre le Québec tout en se situant toujours légèrement au-dessus de la québécoise, mais déclinant à un rythme assez semblable, excepté pendant les soubresauts de la fécondité québécoise des années 1997 ou Une explication probable de la faiblesse de la fécondité québécoise réside dans la prévalence plus élevée de l union libre (ou dite union consensuelle) au Québec par rapport au Canada et à d autres pays occidentaux. Ce type d union est plus instable que le mariage et les femmes en union libre ont moins d enfants que les femmes mariées, bien que depuis la première moitié des années 1990, plus d enfants naissent de mères en union libre que de mères mariées. 2,6 Figure 11. L'après baby-boom dans divers pays occidentaux: le baby-bust 2,4 2,2 2,0 1,8 1,6 1,4 1,2 1, Année de calendrier Allemagne Angleterre Italie France États-Unis Canada Québec Sources: Institut national d'études démographiques Institut de la statistique du Québec Statistique Canada Recherche sur le choc démographique au Québec 22

24 L évolution de la population âgée La troisième partie de l explication de la différence de la démographie québécoise par rapport à d autres pays occidentaux ou même du Canada est en fait le corollaire des deux éléments précédemment évoqués, soit l intensité du baby-boom et la rapidité du déclin de la fécondité lors du baby-bust. Ces deux phénomènes qui marquèrent l histoire démographique du Québec sont à l origine de la rapidité du vieillissement que nous connaissons. En outre, cela explique comment le Québec, un État avec une population parmi les plus jeunes à l aube de la Guerre se retrouvera aux côtés des pays européens les plus vieux entre 2000 et 2040, ce que démontre la figure 12. On retrouve dans cette figure, des indicateurs classiques de vieillissement de la structure par âge : la part de la population de 65 ans et plus dans la population totale et la part de la population de 80 ans et plus dans la population totale pour les mêmes pays évoqués précédemment. On y remarque que pour les 65 ans et plus, le Québec se comportait comme le Canada ou comme son voisin, les États-Unis, avec une proportion de personnes âgées de 12,9% (respectivement 12,6% et 12,3% pour le Canada et les États-Unis). Or, alors que le Québec avancera dans le XXIe siècle, il supplantera la France et l Angleterre à partir de 2020 et talonnera l Allemagne en 2025 et 2030 quant à la proportion de sa population âgée. Au terme de la période, en 2040, il se situera légèrement en dessous de l Allemagne avec une proportion de 28,2% de personnes de 65 ans et plus dans sa population totale. En ce qui a trait à la part des 80 ans et plus dans population totale, le Québec, qui figurait au premier rang des nations les plus jeunes avec seulement 2,8% de sa population âgée de 80 ans et plus en 2000 (contre 3% pour le Canada et 3,2% pour les États-Unis), se retrouvera au premier rang des nations les plus vieilles en 2040 ayant plus de 10% de leur population âgée de 80 ans et plus avec 10,5% (seule l Italie comptera plus de 10% de sa population âgée de 80 ans et plus avec 10,1%). Recherche sur le choc démographique au Québec 23

25 35 Figure 12. Évolution de la part relative des 65 ans et plus et des 80 ans et plus dans la population totale de divers pays occidentaux, période ans et plus ans et plus Année de calendrier Allemagne Angleterre Italie France États-Unis Canada Québec Source: Wolrd Population Prospects, The 2002 Revision Perspectives démographiques de l'institut de la Statistique du Québec, 2003 Recherche sur le choc démographique au Québec 24

26 III L impact du vieillissement démographique sur les finances du Québec Le rôle prépondérant de l activité sur le marché du travail La participation au marché du travail et ses déterminants sont un domaine d étude d une grande complexité, mais aussi un sujet de préoccupation de première importance puisque cette activité sur le marché du travail influe directement sur les recettes fiscales annuelles de l État qui servent à financer nos programmes sociaux. Certainement, le vieillissement de la structure par âge de la population influencera les rentrées d argent du Trésor public à mesure que les cohortes les plus nombreuses du baby-boom, qui sont arrivées dans les dernières années de leur vie active, chemineront vers des âges où l activité sur le marché du travail est moins importante, en moyenne. On attribue l épithète suivante à ce phénomène : effet de composition démographique (Dugan, 1999). C est à travers cet indice que se manifesteront les conséquences les plus indésirables du vieillissement démographique car il détermine la capacité de l État d assumer les dépenses en programmes sociaux qui lui incombent. Le déclin même de la population active n est qu une composante du défi qui attend les administrateurs publics de demain. L endettement gouvernemental et une demande de soins de santé croissante conjuguée à une augmentation des transferts financiers via les régimes de pension publics vers les personnes âgées constitueront une autre composante de ce défi. De plus, les générations présentes doivent assumer leur part de responsabilité dans les choix financiers actuels et passés du Québec et prendre conscience de leur omnipotence car ils décident pour des individus n ayant pas de voix puisque n étant simplement pas nées ou du moins n ayant pas la maturité ou le pouvoir d infléchir nos décisions collectives. Recherche sur le choc démographique au Québec 25

27 III.1 Diminution de la population active et pénurie de main-d œuvre qualifiée Le déclin de l activité sur le marché du travail S il ne fait aucun doute que la population en âge de travailler, grosso modo les ans (le nombre d individus travaillant au-delà de 65 ans étant peu élevé actuellement), va connaître un déclin à partir de 2012, il n en n est pas de même pour la population active dont le sort n est pas impérativement lié à celui de la population en âge de travailler. Pourquoi? Parce que l envergure de la population active dépend de la participation des individus au marché du travail à chaque âge, ce qui est mesuré par le taux d activité. Ce dernier est calculé en rapportant les individus d un groupe d âge donné occupant un emploi ou étant à la recherche d un emploi (en chômage) sur l ensemble de l effectif de ce groupe d âge. Pour l ensemble de la population, le taux se calcule ainsi : population de 15 ans et plus en emploi ou en recherche d emploi par rapport à la population de 15 ans et plus. L examen des tendances de la participation des individus de 15 ans et plus au Québec nous informe sur des changements d envergure s étant produit sur le marché du travail. Une augmentation de la participation sexes confondus a pu être observée entre 1976 et 2003 reposant sur les progrès continus de la participation féminine passant de 41,4% à 59,7% alors que la participation masculine stagnait et même, déclinait, passant de 76,6% à 72,6% (avec plus de fluctuations toutefois). Or cette participation masculine paraissait effectuer une légère reprise au début des années 2000 passant de 70,8% en 2000 à 72,6% en 2003, notamment dû à un léger progrès de l activité chez les hommes aux âges de préretraite (50-64 ans). L état de l activité sur le marché du travail Cette diminution anticipée de la population en âge de travailler se conjugue à trois principales tendances dans le domaine de l activité sur le marché du travail, susceptibles d accentuer les effets indésirables du recul de la population des ans pour le Trésor public du Québec et d autres pays industrialisés: 1) les taux d activité chez les jeunes restent sensiblement les mêmes, quoiqu ils soient influencés à la baisse par les cycles macroéconomiques négatifs (Fortin et al., 1999), 2) les taux d activité chez les femmes plafonnent (Légaré, 2001) et 3) les taux d activité des hommes régressent dans l ensemble, et Recherche sur le choc démographique au Québec 26

28 particulièrement dans l âge précédant l âge de la retraite officiel de 65 ans (Asselin et al., 1998). Somme toute, ces éléments ne sont pas de nature à réjouir puisque l augmentation rapide des taux d activité des femmes dans l ensemble au cours des décennies 1960, 1970 et 1980 avait fait croître la taille de la main-d œuvre et avait permis de contrer les effets des récents reculs de l activité chez les groupes d âges jeunes et chez les hommes âgés. Mais comment s expliquent ces changements? Primo, l explication de la régression des taux d activité des jeunes réside dans le fait qu il est nécessaire d obtenir davantage de qualifications dans un marché du travail récompensant les habiletés d un haut degré de sophistication. D autre part, tant que cette situation perdurera, il paraît hautement probable que la tendance va s accentuer (McDonald et al., 2001). Secundo, le plafonnement des taux d activité chez les femmes paraît s expliquer par la diminution des taux d activité aux âges jeunes en général (les femmes s instruisant davantage qu auparavant) et par la stationnarité du taux d activité autour de 70% de ces dernières années pour les femmes ayant au moins un enfant (Asselin et al., 1998). Ce qui suggère que le modèle de participation au marché du travail féminin selon l âge tend à se stabiliser après des décennies. Il semble que les jeunes femmes (15-24 ans) aient adopté des comportements de participation au marché du travail à peu près semblables aux jeunes hommes. D autre part, les femmes avec enfants, bien qu ayant des taux d activité inférieurs à leurs consœurs sans enfants, ont bénéficié d aménagements dans les programmes sociaux (services de garde, congés de maternité, etc.) qui ont fait progresser leur participation à l emploi. Cette progression a toutefois subit une décélération ces dernières années annonçant une stabilisation des taux d activité selon l âge chez les femmes en général. Tertio, la régression des taux d activité chez les hommes est une conséquence de deux éléments, soit le recul global des taux chez les jeunes et la diminution marquée de la participation chez les hommes âgés du fait des gains en matière de sécurité sociale inaugurés par l État providence. En outre, la hausse du niveau de vie a permis aussi une prise de retraite plus hâtive pour les hommes. La corrélation entre générosité des programmes de retraite et cette diminution de la participation au marché du travail a déjà été extensivement démontrée que ce soit en Europe où ces incitatifs à la retraite sont plus importants (Boersch Supan, 2000) qu en Amérique du Nord (Gruber et al., 1999). Recherche sur le choc démographique au Québec 27