La télévision numérique hertzienne terrestre : quelle place dans la société de l information?

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1 Références La télévision numérique hertzienne terrestre : quelle place dans la société de l information? Compte rendu (*) du 7ème débat IDEE Télécom (**) (28 janvier 2000) Depuis le début des années 1990, la numérisation de la diffusion audiovisuelle s est développée en Europe, tout d abord par l intermédiaire du satellite, puis par celui du câble. La question se pose aujourd hui d introduire la diffusion numérique sur le réseau hertzien terrestre. Alors que des services commerciaux ont d ores et déjà été lancés au Royaume- Uni et en Suède, l introduction de l hertzien numérique terrestre est maintenant activement préparée en France par l intermédiaire des travaux de plusieurs groupes de travail réunis par les pouvoirs publics, des analyses conduites par plusieurs missions demandées par le gouvernement et, plus récemment, par le lancement d une consultation nationale conduite sur la base d un Livre blanc et réalisée conjointement par le ministère de la Culture et de la Communication et le Secrétariat d Etat à l Industrie. (*) Compte tenu des délais de traduction et de publication, l'intervention de M. W A T S O N BROWN (Direction Générale de la Société de l'information, Commission européenne) n'a pu être incluse dans ce numéro. Elle est disponible sur le site du ministère de l'industrie sur la Société de l'information à l'adresse suivante : telecom/central.htm (**) Cycle de conférences-débats concernant la société de l'information et des sujets d'intérêt général et prospectif s'y rattachant, associant la DIGITIP (Direction Générale de l'industrie, des Technologies de l'information et des Postes), l'idate, l'ecole nationale supérieure des Télécommunications, l'ecole nationale supérieure des P&T et le CGTI (Conseil Général des Technologies de l'information). COMMUNICATIONS & STRATEGIES, n 37, 1er trimestre 2000, p. 87.

2 88 COMMUNICATIONS & STRATEGIES L introduction de l hertzien numérique terrestre représente un enjeu majeur en raison des possibilités de compression offertes par le format numérique. D une part, apparaît la perspective d introduction de nouveaux programmes susceptibles d être reçus par les foyers français à partir de leur installation actuelle d antenne, qu elle soit individuelle ou collective, voire depuis l antenne omnidirectionnelle d un poste portable. D autre part, l arrêt de la diffusion analogique à terme, après la généralisation de la réception numérique, permettra la libération de ressources hertziennes. Mais au-delà, le développement du numérique hertzien constitue également un formidable vecteur pour la diffusion dans tous les foyers des technologies de l information. Le décodeur numérique peut demain constituer la plate-forme technique à partir de laquelle le plus grand nombre aura accès aux services de la société de l information : accès Internet, messagerie électronique, commerce électronique, Ce 7ème débat IDEE Télécom est l'occasion de faire le point sur ces différents aspects, à l'aide : - du bilan de la consultation des pouvoirs publics sur la numérisation de la diffusion terrestre ; - de l'analyse des facteurs économiques de succès de la télévision numérique hertzienne terrestre ; - d'une vision européenne du rôle de la télévision numérique hertzienne terrestre dans la société de l'information ; - du point de vue d'un opérateur actif en France et en Europe. Le bilan de la consultation des pouvoirs publics sur la numérisation de la diffusion télévisuelle terrestre par Raphaël Hadas-Lebel, Conseil d'etat Eléments de contexte des réflexions des pouvoirs publics L application de techniques numériques à la télédiffusion terrestre n est pas véritablement un phénomène nouveau mais s inscrit au contraire dans un processus déjà ancien. La technologie numérique a en effet déjà envahi l ensemble de la chaîne de production audiovisuelle : captage, transmission, traitement d image, puis récemment diffusion. Il n est donc pas possible de limiter l introduction de la télévision numérique hertzienne terrestre (TNHT) uniquement pour préserver les intérêts catégoriels d opérateurs de technologies concurrentes, puisque l introduction de la TNHT correspond plus à un achèvement qu à un véritable point de départ.

3 7ème débat IDEE Télécom - TV numérique hertzienne terrestre 89 En outre, l introduction de la TNHT constitue un mouvement général à l'échelon européen. Parmi les pays ayant introduit la TNHT ou s apprêtant à le faire se trouvent le Royaume-Uni, l Irlande, la Finlande, la Norvège, la Suède, l Espagne et le Portugal. Même l Allemagne et la Belgique, où le câble et le satellite sont très largement répandus, participent à ce mouvement. Enfin, il faut souligner l impact considérable que va avoir le déploiement de la TNHT. Aujourd hui en France, 80 % des téléspectateurs reçoivent six programmes avec une diffusion analogique et seuls 20 % sont abonnés au câble ou au satellite. Le basculement de l analogique au numérique pour la télédiffusion va donc toucher 80 % de la population. Dans ce contexte, il est possible de dégager quelques certitudes. Tout d'abord, la numérisation de la télédiffusion apparaît inéluctable, ne serait-ce que pour des questions de gestion économique des fréquences. D'autre part, l introduction de la TNHT est un facteur de progrès : il y aura une offre élargie d environ trente chaînes, une réception de meilleure qualité, des services interactifs. La TNHT permettra le développement du 16/9 ainsi que de la haute définition. Enfin, la numérisation de la télédiffusion signifie l apparition d un nouveau marché à la fois pour les producteurs de programmes audiovisuels et pour les fabricants de récepteurs. Mais des incertitudes demeurent, qu'il ne faudrait pas occulter, et notamment l'offre de programme (une offre en clair majoritaire? Comment les opérateurs vont-ils réagir?), la couverture géographique et les évolutions techniques (comment organiser la migration vers la numérisation? Quel sera le prix de récepteurs intégrés?). L introduction de la TNHT revient de plus à faire le pari qu il pourra y avoir une complémentarité entre la TNHT et les offres câbles et satellites. Au vu de l ensemble de ces incertitudes, il semble important que la réglementation se contente de fixer les principes généraux en laissant au CSA le soin d adapter le rythme et l ampleur de la transition. Le cas échéant, il sera toujours possible de revoir la loi dans quelques années. Quelle offre de programme? Les récepteurs bi-standards n'étant pas disponibles immédiatement, l émission simultanée de programmes numériques et analogiques (le Simulcast) sera nécessaire. Les diffuseurs existants devront donc diffuser en numérique leurs émissions pour que les nouveaux acquéreurs reçoivent

4 90 COMMUNICATIONS & STRATEGIES ces programmes. Cela entraîne un coût supplémentaire mais ces diffuseurs bénéficieront ainsi de la mise à disposition gratuite d un canal supplémentaire. D'autre part, la logique de la TNHT sera d avoir une majorité de programmes en clair en numérique. En effet, l objectif est de toucher les 80 % de la population qui n ont pas fait le choix à ce jour du câble et du satellite. Le problème est alors de savoir s il y aura un marché de la publicité suffisant pour financer cette nouvelle activité. La réponse sera positive si les prix d achat d espaces baissent, ce qui aura l avantage de ne pas créer une concurrence frontale avec le câble et le satellite. Quant à la place que le service public devra avoir demain dans la TNHT, il appartiendra au législateur de la définir. Il conviendra en tout cas de faire la distinction entre les programmes ayant un caractère de service public d'une part et les programmes du secteur public en concurrence avec des programmes privés d'autre part. Dans ce dernier cas, il ne serait pas nécessaire de prévoir des financements publics. La TNHT apparaît particulièrement adaptée pour répondre à des besoins de télévision locale. Deux logiques différentes s'opposent à ce sujet : des télévisions locales commerciales, mais qui manquent de financement, et des télévisions associatives qui demandent des financements publics. Il y a également les télévisions régionales de France Télévision L introduction de la TNHT permettra également l entrée de nouveaux éditeurs, mais en nombre relativement réduit du fait de l importance des coûts. Les candidats potentiels comprennent trois ou quatre groupes français et quelques groupes étrangers. Il faudra enfin prévoir un guide électronique des programmes pour lequel un canal doit être réservé. Les services interactifs auront une capacité limitée liée au programme. Quelles modalités d attribution de la ressource électrique? Les opérateurs historiques demandent une attribution des fréquences par multiplex (six canaux ou programmes) alors que les nouveaux entrants potentiels souhaitent une attribution par programme, par canal, voire par service. La logique du CSA est plutôt une logique culturelle, de contenu, à l opposé de celle des entreprises fondée sur la rentabilité économique. En fait, les deux points de vue ont leur importance et pourraient être réunis

5 7ème débat IDEE Télécom - TV numérique hertzienne terrestre 91 dans la même logique. Notons que dans tous les cas, les retours sur investissement seront lents. Dans ce cadre, deux solutions peuvent être étudiées : - une attribution par multiplex : il reviendra au CSA de conventionner chaque programme individuellement ; - une attribution de la ressource par programme. Il faudra alors prévoir la possibilité pour le CSA de recevoir des offres groupées. On retrouverait ainsi une logique économique cohérente. Les fréquences des chaînes de service public sont actuellement attribuées par le CSA. Le service public devrait continuer à bénéficier d un traitement particulier avec réservation de ressource en fréquences et financement public. Néanmoins il faudra que le législateur précise les missions de service public et réserve ce traitement particulier aux programmes de service public. Une disponibilité de six multiplex a été mis en évidence par le rapport de l ANFr. Sur ces six multiplex, deux seront utilisés pour le Simulcast, deux pour la diffusion de chaînes grand public et deux pour la diffusion de chaînes thématiques. Les quatre premiers multiplex devraient atteindre rapidement une couverture de la population de 80 %, alors que les chaînes thématiques seront limitées dans un premier temps à 60 %. Quelle mesure d accompagnement au déploiement de la télévision numérique? L introduction de la TNHT demandera une adaptation du dispositif anticoncentration existant du fait de l accroissement de la concurrence en passant de six programmes à trente-six. Les questions de limitation du capital et de contrôle mono-média ou multimédia devront également être réexaminées. Il faudra par contre maintenir des mesures de soutien à la publication et à la diffusion par des obligations de production ou de diffusion de certaines catégories d œuvres. Il faudra par ailleurs adapter la réglementation sur la circulation des droits d auteurs. S agissant du monopole de diffusion de TDF, il n a plus de raison d être avec le numérique. Néanmoins, il faudra prévoir la mise en place des récepteurs, s assurer de l interopérabilité des décodeurs et réaliser une planification fine des fréquences.

6 92 COMMUNICATIONS & STRATEGIES Analyse des facteurs économiques de succès de la télévision numérique hertzienne terrestre par Gilles Fontaine, IDATE Quelques caractéristiques du secteur de la télévision en Europe Le secteur de la télévision en Europe présente certaines caractéristiques qu'il convient de mettre en avant. D'une part, le financement des chaînes de télévision reste encore majoritairement indirect puisque les ressources provenant de la redevance et de la publicité sont supérieures à celles apportées par le péage. Les évolutions récentes montrent néanmoins que la part de ce dernier mode de financement devrait sensiblement s'accroître à l'avenir. D'autre part, malgré quelques avancées, le marché de la télévision en Europe reste faiblement internationalisé. Les principaux opérateurs sont nationaux, même si certains acteurs sont présents dans plusieurs pays. L'émergence de tels acteurs reste liée à la question clé des achats de droits de diffusion des œuvres audiovisuelles. Dix entreprises européennes figurent dans le classement des trente premières entreprises mondiales de télévision (ARD, BBC, CLT-UFA, Kirch, Carlton, BSkyB, RAI, Canal+, Fininvest et TF1). Le poids du secteur public reste encore significatif puisque sur ces dix entreprises, trois sont publiques. La numérisation est un processus qui a démarré en Europe en 1996, d'abord par le satellite, puis par l'intermédiaire du câble. A la fin de l'année 1999, on comptait en Europe dix millions de foyers numériques (soit moins de 5 % de ceux qui reçoivent la télévision). Ces clients, qui résident principalement dans cinq grands pays (Allemagne, Espagne, France, Grande-Bretagne et Italie), utilisent à 85 % le satellite et à 15 % le câble. Avec le hertzien, trois grands réseaux de diffusion sont maintenant en phase de numérisation, ce qui devrait accroître sensiblement le nombre de foyers numériques. L'équation "numérisation = télévision à péage" se révèle être l'équation majoritaire. C'est le cas du satellite qui propose des bouquets payants, mais aussi celui du câble qui introduit des options à péage. Ainsi, dans un premier temps le financement du passage au numérique s'effectue à travers la location d'un décodeur par les opérateurs. Par la suite, lorsque le nombre de décodeurs devient important, les chaînes de télévision en clair tentent leur chance sur le numérique à partir de programmes financés par la publicité. Les consommateurs sont alors incités à acheter des téléviseurs numériques. L'expérience montre que plus le marché est ouvert et la concurrence forte, plus le développement du numérique se fait rapidement.

7 7ème débat IDEE Télécom - TV numérique hertzienne terrestre 93 Enseignements tirés du lancement du numérique terrestre Les schémas retenus dans les différents pays sont très différents les uns des autres. Aux Etats-Unis, seuls les opérateurs historiques se voient attribuer des fréquences pour passer au numérique. Ce schéma est peu dynamique car il n'existe pas de nouveaux entrants. Au-delà des obligations légales les diffuseurs investissent peu dans l'hertzien numérique. La Grande-Bretagne offre quant à elle une part belle à la télévision à péage, qui joue un rôle de leader tout en popularisant le numérique. Un an après le lancement de la télévision numérique hertzienne (novembre 1998), apparaissent les premiers téléviseurs numériques intégrant le décodeur. Le succès commercial est significatif avec plus de abonnés sur la période. En revanche, le numérique terrestre doit faire face à une concurrence frontale avec les opérateurs de câble et de satellite et les investissements financiers se sont révélés très supérieurs aux prévisions. Ainsi, les opérateurs, qui ont dû subventionner les décodeurs pour lancer la dynamique d'abonnement, ont connu une dégradation de leur plan d'affaires et devront patienter trois ans de plus pour atteindre le "petit équilibre". Il faut également noter que l'évolution vers l'interactivité est très rapide, à l'exemple de OnDigital qui a jugé très vite opportun d'introduire de nombreux services interactifs dans son offre de programmes. D'ores et déjà, le hertzien numérique a modifié l'organisation concurrentielle du secteur de la télévision numérique. Toutefois, la Grande-Bretagne s inscrit dans un schéma particulier qui donne la priorité à la télévision à péage par rapport à la télévision en clair. La Suède connaît un premier démarrage très difficile de la télévision numérique hertzienne avec une diffusion majoritaire de programmes en clair et un peu de télévision à péage. Il est difficile d'en tirer des enseignements compte tenu du peu de retour d'expérience. Les modèles économiques des différentes configurations L'analyse de ces premières expériences et les différentes études sur le numérique hertzien montrent que le modèle économique dépendra de quatre facteurs principaux. Poids respectif du clair et du payant Une offre en clair s adresse à l ensemble de foyers et son mode de financement est largement fondé sur la publicité. Elle implique une transition plus rapide mais son équilibre est lié à l'initialisation des foyers

8 94 COMMUNICATIONS & STRATEGIES par l'achat de téléviseurs intégrés. L offre en clair doit être abondante, originale et de très grande qualité pour que les consommateurs franchissent le pas. La télévision en clair, qui induit des coûts fixes élevés, se révèle la plus coûteuse. Une offre payante favorise l'initialisation d'une première base d'abonnés et son mode de financement est fondé sur la location de décodeurs. Sa base de clientèle est plus réduite et sa stratégie de déploiement limitée. Poids respectifs des opérateurs existants et des nouveaux entrants On retrouve sur le numérique hertzien des opérateurs ayant déjà une activité dans le secteur ou bien des nouveaux entrants. Les premiers sont susceptibles de lancer de nouveaux services à coût marginal en déclinant en numérique des services existants en analogique, réalisant par la même d'importantes économies d'échelle. Les nouveaux opérateurs vont pour leur part favoriser une offre originale. Poids respectif des services nationaux et locaux La télévision locale en France serait moins développée par rapport à d'autres pays européens. Le problème du financement des chaînes de télévision locale se pose de manière récurrente car leur développement est lié au niveau des recettes publicitaires. L ouverture à la publicité de la grande distribution pourrait constituer un vecteur de succès (mais rien n'indique que l'essentiel des investissements publicitaires locaux ne soit pas le fait d'annonceurs nationaux). Le local peut constituer un facteur de différentiation du numérique hertzien mais deux modèles économiques de financement s'opposent : la syndication et le décrochage. La syndication consiste pour des chaînes de télévision locales à se fédérer pour acheter des programmes et vendre de la publicité ensemble. Ce modèle fonctionne très bien aux Etats-Unis mais le pays n a pas la même taille et a connu un développement du local vers le national. Le décrochage correspond au financement à coût marginal de chaînes locales à partir d'une chaîne nationale (modèle suivi par M6 en France). Poids respectif des services de télévision traditionnels et des nouveaux services Si la capacité est relativement restreinte, il n'est pas évident que la priorité sera donnée à l'offre de nouveaux services. Au coté de l Internet, il y aura probablement dès le lancement de la télévision numérique hertzienne terrestre une première vague de services interactifs, pour jouer la carte de la "télévision améliorée". Ces services interactifs joueront un

9 7ème débat IDEE Télécom - TV numérique hertzienne terrestre 95 rôle déterminant dans le marketing des opérateurs de télévision, qui pourraient donc être tentés d'offrir un peu plus de commerce électronique et de services interactifs. En définitive, il existe deux grands schémas : celui de la concurrence des réseaux et celui de leur complémentarité. Le premier voit s'opposer le réseau hertzien aux réseaux du satellite et du câble. Le numérique hertzien cherche à développer un modèle spécifique par rapport aux autres. Dans ce schéma concurrentiel, la télévision à péage présente a priori plus de dynamisme que la télévision en clair. Dans le second, tous les services ont vocation à exister quel que soit le réseau. C est la qualité technique des différents réseaux qui s'avère déterminante pour séduire l abonné ou le téléspectateur. Il convient de s interroger sur l intégration verticale propre aux acteurs du système français. L'opérateur commercial (TV) et l'opérateur de satellite sont séparés dans le satellite, l'opérateur de télévision et l'opérateur de réseau peuvent être liés dans le câble. Cette dernière situation peut poser des problèmes de concurrence. Conclusion : Comment prendre en compte Internet? L'hertzien numérique est en concurrence partielle avec des réseaux permettant de combiner télévision et Internet, à savoir le câble et le satellite. Les passerelles entre Internet et la télévision seront importantes dans un délai de trois à quatre ans et le téléspectateur aura accès d'une part à des services de télévision interactive et d'autre part à des services de télévision sur Internet. Cette combinaison (télévision interactive et télévision sur Internet) est-elle envisageable en numérique hertzien? Ce dernier sera-t-il capable d'apporter de l'internet au téléspectateur autour du même terminal et du même décodeur? Il est essentiel que le numérique hertzien se positionne de cette façon pour se développer convenablement face aux autres modes de diffusion numériques.

10 96 COMMUNICATIONS & STRATEGIES Les perspectives et les ressources offertes par le numérique terrestre par Gérard Fiderspil, Directeur TV numérique de terre, TDF De nombreuses réflexions ont été menées ou sont en cours sur la télévision numérique hertzienne terrestre, et notamment sur ses aspects techniques, sa viabilité commerciale et sur la place du service public. Pour enrichir le débat et pour préparer l'entrée de la France dans l'ère du tout numérique en matière d'audiovisuel, TDF mène actuellement des expérimentations. Elles permettent de tirer d'importantes conclusions, qui devront être prises en compte pour que le numérique hertzien terrestre soit une réussite. Les expérimentations de TDF Pour assurer le succès du déploiement de la télévision numérique hertzienne terrestre en France, TDF mène un certain nombre d'expérimentations, dont les principales sont en Bretagne et dans les Vosges. Les expérimentations en Bretagne En Bretagne, TDF expérimente une plate-forme de télédiffusion sur trois sites, qui constituent le réseau de diffusion numérique hertzien : Rennes Saint Pern, Vannes-Moustoir Ac et Lorient (réémetteur). L émetteur principal et les équipements de tête de réseau qui permettent de constituer les multiplex à diffuser ont été installés sur le site pilote de Rennes. La tête de réseau permet de traiter les programmes nationaux et régionaux, d insérer des services multimédias, d injecter des programmes codés localement (permanent ou décrochage régional) et de traiter la signalisation DVB-T ainsi que le contrôle d accès si nécessaire. Les multiplex de programmes sont diffusés à l identique sur les deux autres sites. La validation du scénario technique Conformément aux recommandations du rapport de l ANFr, les puissances d émission de la TV numérique sont de 13 db plus faibles que l analogique et ce pour une zone de service au moins identique à l analogique. Les campagnes de mesures menées sur les sites de Rennes et de Vannes ont confirmé qu avec le rapport de puissance ainsi défini, la zone de desserte en numérique était au moins égale à celle de l analogique. De même, elles ont démontré que le recouvrement entre les zones de desserte de deux émetteurs adjacents était assuré de manière tout à fait comparable à ce qui se passe pour les diffusions en analogique.

11 7ème débat IDEE Télécom - TV numérique hertzienne terrestre 97 La diffusion numérique est compatible avec l analogique existant sans perturbation majeure (possibilité de faire cohabiter analogique et numérique avec des puissances très importantes, sensiblement plus qu en Grande-Bretagne). L expérimentation faite en canal adjacent ( 1 ) a ainsi démontré que les réseaux de TV numérique peuvent utiliser les bandes de fréquences actuelles de l analogique en bénéficiant de la ressource des canaux adjacents. De même, des réaménagements de réémetteurs ont été nécessaires mais en proportion moindre par rapport au chiffre avancé par l ANFr (quatorze sur les trois zones de la plate-forme Bretagne pour six multiplex potentiels). La trajectoire qui permet de faire passer toute la population au numérique est donc confirmée Les antennes individuelles Les téléspectateurs peuvent utiliser leurs antennes existantes pour recevoir les programmes numériques. En effet, la compatibilité intrinsèque avec les antennes individuelles est totale dans la mesure où la diffusion se fait sur les mêmes bandes de fréquences que celles allouées à la radiodiffusion (UHF essentiellement) et où la planification est faite à partir des sites existants. Une campagne de tests de réception a été réalisée par TDF sur la région Bretagne auprès d'une centaine de particuliers ; sur la base de ces tests on estime à moins de 10 % le nombre de foyers qui nécessiteront une intervention sur les antennes de réception (réorientation ou changement de l'antenne). Les antennes collectives Toute antenne collective de qualité technique satisfaisante est apte à distribuer les prochains canaux de TV numérique de terre sans modification importante. En effet, la distribution large bande (UHF) est normalement adaptée aux signaux numériques et le système de distribution est capable de porter le numérique. Les propriétés du signal numérique compensent les quelques imperfections. Seul le traitement du signal en station de tête peut nécessiter une intervention en raison des filtres étroits installés pour l analogique. (1) Un canal de transmission est une bande de fréquence utilisée pour la transmission d un signal. Les canaux adjacents d'un canal N sont les canaux N-1 et N+1.

12 98 COMMUNICATIONS & STRATEGIES Plusieurs études ont été menées en la matière : - une première campagne d analyse réalisée en 1996 par TEC, une filiale de UNFO-HLM, à la demande de TDF a permis de structurer les typologies des antennes collectives selon le traitement des signaux ; - une seconde campagne menée conjointement par le SIMAVELEC (2) et TDF s est déroulée en septembre 1999 sur des sites réels à Rennes et Saint-Brieuc avec l appui des installateurs gestionnaires des installations visitées. Elle a confirmé la pertinence des analyses précédentes, en particulier le rôle déterminant joué par les traitements effectués en tête de réseau. Quelle couverture pour le numérique terrestre? Le rapport de l ANFr mentionne trois conclusions essentielles : - une ressource de quatre multiplex desservant rapidement 80 % de la population ; - une ressource complémentaire de deux multiplex desservant rapidement 60 % de la population ; - une demande de planification détaillée pour l établissement de six réseaux DVB-T pour au moins 80% de la population. Le rapport Eymery-Cottet est un peu plus optimiste quant aux taux de couverture : - 50 % de la population dans un délai de dix-huit mois à compter de l engagement des opérateurs ; - 75 % dans un délai supplémentaire de un an ; - 85 % dans un délai supplémentaire de deux à trois ans. TDF a poursuivi ces études à partir de ses bases de données et considère que le taux de couverture pourrait atteindre : - 90 % pour les quatre multiplex les plus efficaces avec un millier de sites de diffusion ; - 75 % pour les deux autres multiplex dans les mêmes conditions ; - 90 % pour ces deux multiplex dans l équipement de sites nouveaux. Au Royaume-Uni, le taux de couverture de tous les multiplex sera prochainement amené au delà de 90 % grâce à la mise en place de 150 (2) Syndicat des Industries de Matériels Audiovisuels Electroniques qui réunit des fabricants de téléviseurs, magnétoscopes, matériel HI-FI,

13 7ème débat IDEE Télécom - TV numérique hertzienne terrestre 99 réémetteurs supplémentaires, sachant que la densité de population y est sensiblement supérieure à celle de la France. En tout état de cause, il convient de souligner que les décisions en matière de couverture sont le résultat de compromis entre l Etat et les opérateurs. La dualité entre services et structure des réseaux L objectif retenu par le rapport de l ANFr, à savoir la desserte du plus grand nombre, conduit à retenir un canevas basé sur les structures existantes, c est-à-dire les sites actuels de la télédiffusion analogique. Cependant, il existe dans la majeure partie des cas une alternative au site existant de TDF, donc la possibilité pour un autre opérateur de déployer son propre réseau. De même, le rapport note que 40 % de la population aurait accès à une réception portable (antenne intérieure) : la réception en antenne portable doit être compensée. Les puissances nécessaires pour traverser un mur sont de 35 db et de 6 db pour une fenêtre. Il convient également de compenser les échos. Des réseaux différents peuvent se développer pour des services de diffusion vers des récepteurs mobiles mais ce marché reste à définir tant techniquement (les récepteurs ne savent pas gérer le h a n d - o v e r) que commercialement. Les conditions du succès L'analyse de TDF montre que le succès de la télévision numérique hertzienne devrait être conditionné par six facteurs principaux : - une offre en clair enrichie, une offre de TV à péage et des offres régionales et locales ; - le développement concomitant de toutes ces offres pour constituer un ensemble attrayant ; - un nombre bien défini d opérateurs de multiplexes qui sont chargés de la promotion commerciale des offres ; - l augmentation des ventes de téléviseurs numériques (véritable alternative d achat pour plus de trois millions de foyers par an) ; - le déploiement rapide de la couverture ; - la définition d'une date de fin de l'analogique ( ) dans les autres pays de l'union européenne pour stimuler les acteurs.