Souvenirs d un aérostier de la Deuxième Guerre mondiale

Transcription

1 En 1938, Roger BERT est affecté au Service Mécanique Avion de la base aérienne 105 à Lyon-Bron. Suite à des bruits de guerre, il est décidé, dés l automne de créer une annexe de la base aérienne 105 à Romans, en vue de former des appelés et des réservistes à la manœuvre de ballons autrefois utilisés pour l observation. Me voilà donc désigné pour une nouvelle affectation à la 214ème Compagnie d aérostation (à signaler également la présence de la 268ème Compagnie d Aérostation d observation) à Romans (Drôme). Nous sommes logés dans une caserne désaffectée de Gardes mobiles, et sous la tente au terrain militaire des Bérauds, un ancien camp d aviation. Chaque jour, d importants lots de matériels neufs qui sont issues des réserves de guerre de la Première Guerre mondiale, nous parviennent. Des militaires gradés et autres sont affectés journellement à l unité, en vue d effectuer des manœuvres. Ce sont des officiers et sous-officiers de réserve qui n ont pas été aptes à devenir pilote sur les appareils récents. On parle tout bas d un conflit certain avec l Allemagne, aussi ces personnels et matériels sont à disposition pour des manœuvres imminentes. Sur le terrain des Bérauds, chaque jour, des manœuvres d aérostation sont organisées par une équipe importante de personnels appelés les «arrimeurs». La première opération consiste dans le gonflage du ballon avec de l hydrogène, opération dangereuse avec ce gaz. Le gonflage terminé, le ballon est amarré au sol par un grand nombre de sacs de sable. Ensuite, on opère une légère montée du ballon afin d arrimer la nacelle et ses suspentes. Cette dernière opération est effectuée à l aide d un treuil de marque Latil avec un tambour important pour enrouler et dérouler un cable de 6 mm. Personnellement, je suis affecté à la manœuvre et à l entretien du treuil, ce qui me convient parfaitement. Chaque matin, le ballon fait une montée, puis redescend en fin de journée. Sa garde est assurée par une équipe logeant sous tente sur le terrain. Le déplacement horizontal du ballon se fait à l aide d une avionnette, dotée d énormes ailerons, qui est arrimée sous celui-çi. Elle est équipée d un moteur en étoiles Salmson de 120 CV. Responsable de ce matériel, que je connais parfaitement, car lors de périodes avec l Aviation Populaire et à la base aérienne de Bron, j ai eu l occasion de m en servir.

2 Après quelques semaines à Romans, nous rejoignons les Alpes par la voie ferrée. Dés notre arrivée à La Mure et à La Motte d Aveillans (Isère), nous sommes dotés de nouveaux ballons plus légers. Ils sont destinés à monter à haute altitude afin de protéger les ouvrages d art. Sur la voie ferrée reliant La Mure à Corps, l important viaduc sur la Roizonne, est considéré comme point stratégique pour le transport des troupes et du matériel sur le front éventuel avec l Italie. C est ainsi que nous nous installons à proximité de cet ouvrage d art, sous la protection d une Compagnie de Chasseurs alpins de Grenoble. Ces ballons légers, capables de monter à 9000 mètres d altitude, sont destinés à former un filet de protection contre le passage d avions ennemis susceptibles de venir détruire le viaduc. Après une bonne semaine de manœuvres, et l arrivée de nouveaux réservistes de la région de Saint Etienne, un nouveau départ est programmé. C est l embarquement sur le train en direction de Romans. Une courte permission générale suivie d un départ précipité pour Millau et le camp du Larzac. Il ne s agit plus d une vie de caserne, car nous logeons sous la tente sur le terrain. La proximité de Millau et du Tarn nous permettent quelques escapades et plongeons. Les manœuvres de montées et de descentes de divers types de ballons se poursuivent à un rythme soutenu. Sur le camp évoluent les chars du 504ème de Valence, ainsi qu une escadrille de Potez 25 et de Bréguet venus d Albi ou de Toulouse. Le 14 Juillet 1939, l ordre de départ pour la base aérienne de Bron est donné. A la mi-août, il y a une certaine effervescence dans les escadres qui effectuent de nombreux vols d entrainement. J apprend ma mutation à la Mécanique de la 35ème Escadre. Elle est refusée par mon Capitaine, au vu de mes connaissances du matériel d aérostation. Je m occupe du matériel roulant, des motos et des voitures réquisitionnées en vue de doter la 214ème Compagnie d aérostation de protection. Celle-çi sous les ordres du Capitaine MINOCHIO est destinée à la protection des voies ferrées et des haut-fourneaux de la région de Givors, Chasse et Grigny (Rhône). Très rapidement un Etat-Major est constitué et c est le départ pour la Mairie de Givors où aucun aménagement n a été prévu, car le point de chûte définitif est le Château de

3 Grigny. Me voiçi devenu chef d un petit groupe, nous mangeons dans un restaurant tout proche et couchons soit à la Mairie, ou chez l habitant pour les gradés. Les Officiers logent dans le Château de la propriété de Madame Ninon VALIN, chanteuse, à Millery. Nous apprenons la déclaration de guerre, ce qui fait pleurer notre restaurateur qui a fait la guerre 14-18, et qui a été blessé. Nous avons beaucoup de matériels roulants réquisitionnés, mais peu de chauffeurs compétents. C est, enfin, l arrivée au château de Grigny et un hébergement correct. Je dispose d une chambre personnelle. Le matériel d aérostation arrive, et il est mis en service immédiatement et dispersé sur toutes les hauteurs environnantes, une dizaine de ballons. J ai beaucoup de responsabilités, malgré un grade de sous-officier. J ai une moto pour mes déplacements, car je dois faire la liaison entre toutes les compagnies, le fort de Bron, la base aérienne, et le service du courrier militaire. Je peux rassurer ms parents très inquiets. Mon père qui est affecté comme chef-mécanicien à Roanne-Renaison avec PERENON a fait une demande pour mon affectation avec lui, mais elle est refusée par mon supérieur. L hiver fut très rude au point de vue climatique, mais se passe au mieux, sans anicroches. Dés l offensive de mai 40, les bombardements de Bron et de Givors font des victimes et des dégats. Il est bientôt envisagé notre départ de Grigny, car cette formule de protection avec des ballons paraît inefficace. Nous plions bagage pour Mazamet en passant par le centre de la France. J assure l agent de liaison à moto au vu de la dispersion de toutes les compagnies qui se perdent lors du voyage. Un regroupement a tout de même lieu, en juillet 40, en vue de la démobilisation. Quand à moi, je suis affecté a Albi pour teminer ma période militaire. Ceci me plait, car je retrouve une unité d aérostation. D un autre côté, mes parents avaient reçu mon affectation au camp d Avord dans une unité de planeurs de transport. Lors du séjour à Albi, il avait été envisagé un transfert de l unité vers l Afrique du Nord. Un début de déplacement vers Lunel est resté sans suite. Le matériel d aérostation et de nombreux appareils sont détruits. Quel gachis! Enfin, me voilà revenu à la maison où le père avait déjà prévu un atelier de mécanique dans l espoir de mon retour. Moi qui rêvait de faire carrière dans l aviation pour devenir mécanicien navigant! Souvenirs d un aérostier de la Deuxième Guerre mondiale Roger BERT /C.A.L.M 09/2015

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