«Sans pote trop une perdue» Comprendre les processus d exclusion entre adolescents. Claire Balleys sociologue

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Alexis Thomas Poitras
il y a 7 ans
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1 «Sans pote trop une perdue» Comprendre les processus d exclusion entre adolescents Claire Balleys sociologue

2 Postulat Comprendre et empoigner les problèmes liés aux processus d exclusion collective entre élèves nécessite une compréhension préalable de la logique de prestige qui organise la sociabilité juvénile. Comprendre ce qui est considéré comme une force aide à comprendre ce qui est considéré comme une faiblesse, voire une déviance.

3 Des processus de socialisation pluriels La socialisation est plurielle, c est-à-dire que l enfant expérimente des influences: Familiales Scolaires Dans les groupes de pairs De la part des institutions culturelles, sportives Politiques, religieuses, médiatiques Claire Balleys 3

4 Grandir par le lien social entre pairs Plus l enfant grandit, plus les influences se pluralisent Plus l enfant grandit, plus l influence exercée par le groupe de pairs est importante Les liens sociaux entre adolescents sont des supports d autonomisation Claire Balleys 4

5 Des autrui significatifs donnés L enfant joue un rôle actif au cours de la socialisation familiale. La preuve, les individus élevés au sein d une même fratrie vont grandir de manière très différente. Cependant, il ou elle n a aucun pouvoir décisionnel visà-vis de l environnement familial dans lequel il ou elle naît puis grandit. La famille s impose à l individu. «On choisit ses copains, mais rarement sa famille» chante Renaud en 1981 («Mon Beauf») Claire Balleys 5

6 aux autrui significatifs choisis En grandissant, l individu va acquérir de l autonomie en choisissant ses amis et ses amours, en tissant et en entretenant des liens sociaux avec ses pairs. Cette prise d autonomie vis-à-vis des institutions familiale et scolaire participe au processus de construction de soi Claire Balleys 6

7 Un nouvel espace de liberté? Muriel Darmon, La socialisation, (2007: 61): «la socialisation par les pairs est davantage une contrainte supplémentaire qu un espace de liberté.» Claire Balleys 7

8 L école secondaire est un lieu conventionnel Conventions comportementales: ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Conventions corporelles et vestimentaires: ce qui se porte et ce qui ne se porte pas. Conventions langagières: ce qui se dit et ce qui ne se dit pas. Conventions relationnelles: avec qui on «traîne» et avec qui on ne «traîne» pas Claire Balleys 8

9 «Faire grand» A l entrée à l école secondaire, les conventions négociées entre pairs changent, il s agit de ne plus se comporter comme le «bon élève», associé à la figure du «petit» et de l enfant (qui obéit et se plie aux règles des adultes). Le principal souci du jeune adolescent est de «faire grand», c est-à-dire ne plus «faire petit» sans pour autant «faire vieux» Claire Balleys 9

10 Les liens forts comme ressources Etre capable de tisser et entretenir des liens forts avec ses pairs, - relations d amitié et relations de couple -, constitue la clef de voûte du prestige social adolescent. Que ce soit au sein de l enceinte scolaire ou par le biais des médias sociaux, l activité principale des adolescents est de gérer collectivement les liens sociaux tissés entre eux.

11 Mises en scène du lien et de l absence de lien. Je propose de problématiser la corrélation qui existe entre: 1. Les processus de valorisation de soi opérés à travers la valorisation des liens sociaux tissés entre pairs adolescents. 2. Les processus de dévalorisation d autrui opérés à travers la mise en exergue du défaut de lien social. Nous allons considérer, dans un premier temps, les pratiques de mise en scène du lien social entre pairs adolescents sur le site de réseau social Facebook. Dans un second temps, nous allons aborder les pratiques de mise en scène de l absence de ce lien social entre pairs adolescents, afin de comprendre comment et pourquoi il s agit d un procédé discriminant particulièrement efficace.

12 Grandir par le lien

13 Identifier ses amis et témoigner du lien

14 Déclarations d amour-amitié Copyright Claire Balleys

15 Se présenter aux autres

16 Les réactions répondent à des conventions sentimentales

17 Formules de politesse et actes de reconnaissance

18 Matérialiser les alliances et les ruptures

19 Le public des pairs comme destinataire

20 La vie privée comme ressource

21 Facebook: la vitrine de l amour

22 Territoire sentimental

23 L évaluation perpétuelle: prendre la mesure de sa place sur le marché Copyright Claire Balleys

24 La scène et les coulisses

25 Comment être «publiquement intime»? Pour qu une relation amicale ou amoureuse devienne facteur de prestige, elle doit être visible en ligne Comment créer et maintenir de l intime dans ce contexte public? Je montre que j ai une vie privée, tout en la cultivant

26 La capture d écran comme preuve

27 De nouveaux supports pour des logiques anciennes

28 Les camps et les clans se matérialisent

29 «Sans pote» = «trop une perdue»

30 Qu est-ce qui est nouveau? La réification du capital symbolique constitué de liens forts, et par conséquent la réification de l absence ou de la faiblesse de capital. La visibilité des processus d inclusion et d exclusion sociale, accessibles à un public de spectateurs-acteurs constitué par les différents réseaux d amis Facebook. La permanence de ces processus, qui prennent acte dans un espace temps aux contours flous et élastiques.

31 Conclusion Le lien social devient un territoire sentimental à afficher et à défendre contre d éventuelles intrusions. La désignation des «sans ami» constitue l acte d objectivation par excellence des mécanismes de l exclusion sociale, la figure du «perdu» incarnant un personnage errant dans une sociabilité adolescente dans laquelle il est dépourvu de lien, donc de repère.

32 Injonction sentimentale Devoir d aimer et d être aimé, de manière visible et «vérifiable», afin de ne pas risquer l étiquette du «sans ami». Le lien intime, par définition exclusif, est ostensiblement intime, afin de pouvoir être reconnu et validé comme authentique: pour soi, pour le/la partenaire et pour les pairs.

33 Grandir par le lien, exclure par le lien Ces processus de hiérarchisation sont construits sur une logique «in» / «out»: Mise en scène et réaffirmation du lien social à travers des processus d inclusion et d exclusion des individus au sein des différents groupes de pairs.

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