L enlèvement au sérail Die Entführung aus dem Serail

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1 L enlèvement au sérail Die Entführung aus dem Serail Wolfgang Amadeus Mozart D après la pièce Belmont und Konstanze de Christoph Friederich Bretzner ( ) Créé le 16 juillet 1782 au Burgtheater de Vienne Vendredi 1 er février 20h Dimanche 3 février 15h Mardi 5 février 20h Vendredi 8 février 20h Dimanche 10 février 15h Opéra Comédie Durée : Environ 2h40 avec entracte Cahier pédagogique réalisé par Geneviève Deleuze et Mélody Baverez Saison Service Jeune Public et Actions Culturelles

2 L enlèvement au sérail Wolfgang Amadeus Mozart Singspiel en trois actes Livret de Johann Gottlieb Stephanie D après la pièce de Christoph Friederich Bretzner Créé le 16 juillet 1782 au Burgtheater de Vienne Balázs Kocsár direction musicale Alfredo Arias mise en scène Cornelia Götz Konstanze Wesley Rogers Belmonte Trine Wilsberg Lund Blonde Jan Stava Osmin Jeff Martin Pedrillo Markus Merz Pacha Sélim Roberto Platé décors Adeline André costumes Jacques Rouveyrollis lumières Chloé Lechat assistante à la mise en scène Chœurs de l Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon Nouvelle production Coproduction : Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon Opéra Royal de Wallonie, Liège Angers Nantes Opéra En partenariat avec Mezzo La représentation du dimanche 3 février sera donnée en audiodescription pour les personnes déficientes visuelles.

3 Argument La jeune espagnole Konstanze, sa femme de chambre anglaise, Blonde, et l amant de cette dernière, le serviteur Pedrillo, ont été faits prisonniers par des pirates et vendus à titre d esclaves au pacha Sélim. Le jeune noble espagnol Belmonte, l amant de Konstanze, est parvenu à découvrir l endroit où se trouvent les trois captifs et vient d arriver sur place dans l espoir de les libérer. Acte I Belmonte tente une première fois d entrer dans le palais de Sélim mais il est surpris par le féroce gardien, Osmin, qui le chasse sous un flot d imprécations. Ce dernier explique alors à Pedrillo, employé au palais en qualité de jardinier, qu il hait tous les étrangers et prendrait plaisir à se débarrasser de lui par les méthodes les plus diverses. Belmonte rencontre alors Pedrillo, qui offre à son maître de l introduire par la ruse dans le palais afin que tous deux puissent enlever les jeunes filles et les conduire en Espagne grâce au bateau de Belmonte. Sélim et Konstanze, qui reviennent d une promenade en mer, sont accueillis par les janissaires. Le pacha est amoureux de Konstanze mais il refuse de l obliger à devenir sa femme ; il se plaint qu elle paraisse toujours triste et distante en dépit des soins qu il lui prodigue. Konstanze lui avoue alors qu elle ne peut répondre à ses avances car elle en aime un autre. Pedrillo présente Belmonte au pacha en le faisant passer pour un architecte et Sélim, qui s intéresse à l architecture, l invite à séjourner au palais. Osmin, qui surprend les deux étrangers, est bien décidé à leur barrer le passage mais Pedrillo et Belmonte le repoussent et entrent dans la demeure. Acte II Osmin fait sa cour à la jolie Blondine, que le pacha lui a donné comme esclave, mais celle-ci ne se laisse pas intimider et le chasse. Konstanze, toujours mélancolique, ne peut détacher sa pensée du souvenir de son amant. De nouveau, elle repousse les assiduités de Sélim, qui la menace de la torture et de la mort en constatant qu elle lui résiste toujours. Elle affirme alors être prête à tout endurer et préférer mourir plutôt que céder à ses avances. Pedrillo annonce à Blondine que Belmonte est au palais ; dans la nuit, les deux hommes enlèveront leurs bien-aimées. Pendant que la femme de chambre porte la bonne nouvelle à sa maîtresse, Pedrillo parvient à enivrer Osmin, le dangereux garde, qui se dirige alors en titubant vers la maison, où il va faire un somme. Acte III A minuit, Belmonte et Pedrillo s avancent sous les fenêtres du sérail. Après que le serviteur a donné le signe de la fuite en chantant une sérénade, Belmonte atteint par une échelle la chambre de Konstanze et redescend en compagnie de sa bien-aimée. Pedrillo s apprête à libérer Blondine de la même façon, mais Osmin se réveille à ce moment précis, les surprend, donne l alerte et fait arrêter les fuyards. Sélim, éveillé par le bruit, s avance. Lorsqu il apprend d Osmin ce qui s est passé et reconnaît en Belmonte le fils de son pire ennemi, lequel l a un jour chassé de sa patrie, il menace de se venger cruellement sur son rival. Konstanze et Belmonte restent seuls et se jurent une fidélité inébranlable alors qu ils s apprêtent à mourir. Mais lorsqu il reparaît, le pacha leur accorde la liberté, car il a décidé de répondre à la cruauté du père de Belmonte par un acte magnanime. Les amants louent la noblesse du cœur de Sélim dans un vaudeville, mais Osmin rompt l harmonie par une nouvelle explosion de colère.

4 Genèse de l œuvre Réussite personnelle, sociale, L Enlèvement au sérail c est encore, et ses lettres montrent que Mozart en a conscience, la prouesse d un musicien. Il fait le rapport hebdomadaire à son père de son travail sur le livret de Stephanie. C est la genèse de l œuvre, le processus de sa création, que nous suivons là et dont nous mesurons le «génie», comme on l entendait alors. Se fixent, en premier lieu, des éléments de chronologie qui laissaient voir le rythme de cette création. Trois étapes dans l élaboration musicale : du 1 er août 1781 au 22 du mois, Mozart achève le premier acte ; il s interrompt presque totalement du 26 septembre 1781 jusqu au début de l année suivante ; le 8 mai 1782, le deuxième acte est fait, le 29, l ensemble achevé. La rapidité dans la réalisation, l impatience dans l inaction caractérisent le compositeur de L Enlèvement. «Il faut que j écrive en diligence, car je viens, à l instant d achever le chœur des janissaires et il est déjà midi passé.» (A son père, Vienne, 8 août 1781) «Je vais bientôt perdre patience de ne pouvoir plus rien composer pour mon opéra. Il est vrai qu en attendant j écris d autres choses. Mais ma passion est vraiment là et ce qui m aurait demandé 14 jours auparavant, je n aurais besoin que de 4 aujourd hui pour le faire. J ai composé en un jour l air en la d Adamberger, celui de la Cavalieri en si bémol, et le trio et les ai écrits en un jour et demi.» (A son père, Vienne, 6 octobre 1781) A ces précisions sur sa cadence de travail, Mozart ajoute des remarques plus qualitatives, sur le contenu même de ce travail et nous permet de clairement mesurer sa responsabilité dans le résultat final. Pour créer cette œuvre, le compositeur agit aussi en dramaturge sinon vraiment en librettiste. Il pousse d abord Stephanie à se démarquer de l original de Bretzner, avant de lui suggérer de remanier son propre travail. «L opéra commençait par un monologue, et j ai prié M. Stephanie d en faire une petite ariette et aussi, après la chanson d Osmin à M. Fisher, qui a certainement une excellente voix de basse Il faut utiliser un pareil artiste, d autant qu il a tout le public d ici pour lui. Aussi, comme Osmin n avait, dans le livret original, que cette seule petite chanson à chanter, et rien d autre que le trio et le final, je lui ai donné un air au premier acte, et un autre au second. Cet air, je l ai entièrement suggéré à M. Stephanie, même, l essentiel de la musique en était déjà achevé avant que Stephanie en sut un mot» Avec son père, musicien lui aussi, Mozart fait, avec détail, «l analyse de la musique» (6 octobre 1781), de son opéra. Il lui décrit les procédés qu il a employés pour rendre l intrigue, les personnages et leurs paroles : ressources de musicien, ici, rythme, harmonie, lignes mélodiques, couleurs des instruments et des voix. «La colère d Osmin tournera de cette façon au comique, parce que j y emploie la musique turque. Dans le développement de l air, j ai fait briller ses belles notes graves Le passage «Drum beym Barte des Propheten» etc est dans le même tempo que ce qui précède, mais avec des notes brèves et, comme sa colère augmente toujours, -tandis que l on s imaginait que l air va finir-, l allegro assai, qui est dans une toute autre mesure et un autre ton, doit faire juste le meilleur effet Je n ai pas choisi ici un ton étranger à celui de fa (qui est le ton de l air) mais un ton apparenté : non le plus voisin, ré mineur, mais le plus éloigné, la mineur.» (A son père, Vienne, 26 septembre 1781) Rapide la composition, brève et claire l analyse, L Enlèvement au sérail procède d un art totalement maîtrisé et donc libre et souple. Quand il parle de son travail de compositeur, Mozart ne laisse entendre ni une genèse progressive, hésitante, ni une élaboration planifiée, rigoriste. «Je vous envoie ici le manuscrit original et deux livrets. Vous trouverez beaucoup de ratures : c est que je savais que la partition serait tout de suite copiée ici, et alors j ai laissé un libre essor à mes inspirations et, jusqu au moment de donner la musique à la copie, j y ai inscrit çà et là, mes changements et mes coupures et c est telle que vous l avez là que l œuvre a été exécutée». (A son père, Vienne, 20 juillet 1782) Cette libre maîtrise de son art, il s applique toujours à la cultiver, cependant, en allant déchiffrer les fugues de Bach et Haendel chez le Baron Van Swieten. «Je suis en train de me faire une collection des fugues de Bach». (A son père, Vienne, 10 avril 1782)

5 Mais elle lui donne aussi l assurance de son talent. «Je suis enchanté de cet opéra, je dois l avouer». (A son père, Vienne, 29 mai 1782) «Messieurs les Viennois (parmi lesquels, il faut comprendre, en tête, l Empereur) ne doivent pas s imaginer que je suis au monde pour Vienne seule. Je crois être en état de faire honneur à n importe quelle Cour. Si l Allemagne, ma chère patrie, dont je suis fier (vous le savez), ne veut pas m accueillir, par Dieu! il faudra donc que la France ou l Angleterre s enrichisse de nouveau d un habile Allemand de plus! à la honte de la nation allemande». (A son père, Vienne, 17 août 1782) L Enlèvement au sérail, L Avant-scène Opéra Tous droits réservés, diffusion gratuite à l usage pédagogique Au centre, Mozart jouant dans sa propre œuvre, L enlèvement au sérail, à Berlin, 1789 Jakubcovà, Alena : Starsu divadlo v ceskych zemich, p. 420 Tous droits réservés, diffusion gratuite à l usage pédagogique

6 Biographies Wolfgang Amadeus Mozart (Salzbourg 1756 Vienne 1791) Fils d un musicien talentueux, Mozart a découvert la musique en écoutant sa sœur, elle aussi enfant prodigue, prendre des leçons. Il l a bientôt surpassée, et leur père les a produits devant les souverains et les connaisseurs médusés de toute l Europe. Même en tournée, Mozart n a pas cessé de composer et d étudier. Mais vers 1772, il dût se faire aux réalités d un poste où son statut social le plaçait entre les valets et les cuisiniers. Malheureux à la cour de Salzbourg et convaincu de sa propre supériorité musicale, il a tenté de trouver un autre poste. N y parvenant pas, il est devenu l un des premiers musiciens indépendants. Arrivé à Vienne en 1781, il a épousé Constance Weber et il a donné des concerts, publié de la musique et reçu des commandes, en particulier pour des opéras. En dix ans, il a écrit plus de deux cents œuvres et affermi sa réputation, mais il devait donner des cours de piano, prendre des pensionnaires et emprunter de l argent pour mener le train de vie auquel il aspirait. Ses tournées à travers l Europe ne l ont pas seulement rendu célèbre, elles l ont aussi familiarisé avec de nombreuses formes musicales qu il a fondues dans ses œuvres. Sans doute mort de rhumatismes articulaires aigus, il a été enterré dans la fosse commune, abandonné de tous, alors que les notices nécrologiques de toute l Europe saluaient unanimement son génie. Johann Gottlieb Stephanie (Breslau 1741 Vienne 1800) Johann Gottlieb Stephanie est un acteur et librettiste allemand. Arrivé en Autriche comme prisonnier durant la guerre de Sept Ans, il se fit un nom à Vienne comme acteur, devint en 1776 l un des cinq directeurs du Théâtre national et fut nommé en 1781 directeur du National Singspiel, fondé en 1778 par Joseph II et inauguré le 17 février de cette même année avec Die Bergknappen d Igaz Umlauf. Stephanie adapta les livrets des deux singspiels suivants d Umlauf (Die schöne Schusterin et Das Irrlicht). Pour Mozart, arrivé à Vienne sur ces entrefaites et désireux de composer pour le National Singspiel, Stephanie possédait au moins deux qualités : il «peut tout auprès de l empereur» et «s y connaît en matière de théâtre». Le 30 juillet 1781, Stephanie remit à Mozart un livret qui, après modifications, devint celui de L Enlèvement au sérail. Il confectionna également en 1786 celui de Der Schauspieldirektor. Dictionnaire de la musique, éd. Larousse, 2005, Paris Tous droits réservés, diffusion gratuite à l usage pédagogique

7 Nomenclature de l orchestre 2 flûtes 2 hautbois 2 clarinettes/cors de basset 2 bassons 2 cors 2 trompettes 1 paire de timbales Cordes Musique turque : 1 flûte piccolo 1 triangle 1 paire de cymbales 1 grand tambour Mozart écrit pour quatre sortes de clarinettes : en ut, en si bémol, en la et les cors de basset qui sont des clarinettes en fa. Il requiert une gamme complète de cors en si bémol. Le cor de basset fait partie de la famille des clarinettes, instrument à vent de la famille des bois, à Anche simple. Basset signifie «petite basse», le cor de basset ayant un son plus grave que la clarinette classique. L invention du cor de basset est due à Anton et Johan Stadler vers La clarinette existe alors depuis près de 70 ans. Le cor de basset fut la première clarinette non droite qui bénéficiait du système de pavillon courbé. Sonnant une tierce en dessous de la clarinette en la, et donc instrument transpositeur en fa, le cor de basset peut être considéré comme la première clarinette basse qui sera inventée un peu plus tard au début du XIXème siècle. De nos jours certains fabricants reviennent aux sources et confectionnent des cors de basset entièrement en ébène : le son provenant du bois est plus chaud et plus tendre, comme celui que connut Mozart. Mozart eut un coup de cœur pour cet instrument. Il l introduit pour la première fois en 1781, dans la Sérénade KV361 en Sib dite «gran partita» pour treize instruments à vent dont deux clarinettes en sib et deux cors de basset, œuvre contemporaine de la composition de L Enlèvement au Sérail. C est un succès. L ensemble de sa musique de chambre pour instruments à vent utilise cet instrument. C est un trio de cors de basset qui accompagne ses Nocturnes pour un trio de cors de basset qui se mêle au trio vocal pour lequel ils sont écrits. Sommet de sa passion pour cet instrument : le duo du Requiem, son œuvre ultime. Le grand tambour ou tambour turc est un tambour de diamètre relativement restreint et d une grande hauteur. Mozart le note avec deux hampes différentes : une vers le haut et une vers le bas. L instrumentiste doit frapper l instrument de la main droite avec une lourde baguette et de la main gauche avec une mailloche.

8 Pour mieux comprendre l utilisation des instruments turcs et apprécier la saveur exotique et impie de leurs accents sonores, il ne faut pas oublier que la musique des janissaires était utilisée par les Turcs pour stimuler leurs propres soldats et effrayer les ennemis. L instrumentation, qui est exceptionnellement riche et raffinée, peut-être telle que Mozart n en avait jamais utilisée, séduit d emblée l auditeur. Les instruments sont traités et combinés les uns avec les autres en une grande diversité de couleurs. Guide des opéras de Mozart, Claire Gibault, dirigé par Brigitte Massin, éd. Fayard, 1991, Paris Tous droits réservés, diffusion gratuite à l usage pédagogique

9 Les personnages et leurs voix Konstanze, fiancée de Belmonte Soprano Belmonte, noble espagnol Ténor Blonde, femme de chambre de Konstanze Soprano Pedrillo, valet de Belmonte Ténor Osmin, gardien du sérail Basse Sélim, pacha Rôle parlé Klaas, marin Rôle parlé Janissaires Chœur

10 Contexte historique Esclaves des Ottomans Pour nous, la Turquie est un pays éloigné de l Europe occidentale. Mais à l époque où Mozart compose l Enlèvement au sérail, les Empires ottoman et autrichien sont limitrophes, essentiellement dans la région des Balkans. D autre part, la puissance turque domine la Méditerranée orientale et une grande partie de l Afrique du Nord. La mer Méditerranée est donc une frontière entre civilisations chrétienne et musulmane. Les affrontements avec les puissances chrétiennes sont constants, les ottomans essayant d accroître leurs possessions européennes. Ils mettent le siège devant Vienne en 1529, puis en 1683, en vain. L Espagne, Venise, Gènes en sont victorieux à Lépante (1571). Les espagnols se sont également emparés d Oran où leur autorité s impose presque sans discontinuer de 1501 à Dans la scène 6, acte 3, de l Enlèvement au sérail, Belmonte révèle qu il est le fils du gouverneur d Oran. Du VIII ème au début du XIX ème siècle, une des relations entre musulmans et chrétiens a été la course, pratiquée par les corsaires. C est une activité légale : elle consiste à attaquer en temps de guerre, les navires marchands de pays ennemis. Le pacha d Alger utilise au XVI ème siècle 22 galères et 1500 janissaires et soldats à cette course: 1/8 des prises lui revient. Les Etats européens pratiquent aussi cette activité. Mais sévissent aussi en Méditerranée et dans l océan Atlantique des pirates, qui agissent pour leur propre compte. Le XVII ème siècle est celui qui voit le plus grand développement de l'activité corsaire en Méditerranée, pratiquée à grande échelle, en particulier par les régences de Tripoli, Tunis et Alger, qui ont pris leurs distances vis-à-vis du pouvoir affaibli des sultans d Istanbul. C est ainsi qu un bateau venant de Naples sur lequel se trouvait Miguel de Cervantes, l auteur du célèbre Don Quichotte, est abordé au large de Rosas en 1575 : il restera esclave pendant cinq ans. Pareille mésaventure arrive à Vincent de Paul en 1605, entre Marseille et Narbonne. Louis XIV interdit à Vauban (le grand ingénieur militaire qui organise la fortification du royaume) de naviguer. Ce dernier ayant émis le projet de s embarquer à Toulon pour Sète, reçoit cette missive du ministre de la guerre, Louvois : «J apprends le projet que vous faites de vous embarquer à Toulon pour rejoindre le port de Cette, et comme je vous crois des plus malpropres à servir d espalier (= les deux premiers forçats d'une galère qui réglaient le mouvement des autres), j ai pris l ordre du roi de vous défendre (ce transport)». Les expéditions des puissances chrétiennes pour faire cesser ces actions n obtiennent pas beaucoup de résultats. En 1682 et 1683, Louis XIV fait bombarder Alger pour arrêter les raids sur les côtes françaises. En représailles, le père Le Vacher et 20 autres français sont attachés à la bouche d un canon avant les tirs. Au XVIII ème siècle, les relations avec la France s améliorent : les corsaires respectent à peu près le pavillon français et la France développe son commerce avec les provinces de l'empire ottoman. En revanche, d autres puissances européennes maintiennent les hostilités (par exemple l Empire d Autriche). Avec la Révolution française, la course s accroit à nouveau, en raison du conflit entre la France révolutionnaire et l Empire ottoman. C est par la conquête de l Algérie par la France, en 1830 que les activités corsaires des régences d Afrique du Nord cessent. Ainsi, du IX ème au début du XIX ème siècle, la mise en esclavage des populations est un phénomène courant.

11 Diverses œuvres de Molière y font allusion. Tout le monde connaît la fameuse phrase : «Que diable allaitil faire dans cette galère», prononcée par Géronte qui pense que son fils a été enlevé et emmené à Alger comme esclave (Les Fourberies de Scapin). Dans L'Avare (acte V scène 5) Marianne retrouve son frère Valère «ce furent des corsaires qui nous recueillirent... Après dix ans d'esclavage, une heureuse fortune nous rendit notre liberté...». Les opéras ne sont pas en reste. L Italienne à Alger de Rossini raconte l'histoire d'isabella, une italienne partie en Algérie pour rendre la liberté à son amant, Lindoro, devenu esclave. Dans la réalité, les esclaves peuvent être capturés par des raids en terre chrétienne. Dans ce cas, ce sont plutôt des pirates, sur de petites embarcations qui font ces coups de main rapides, par surprise. Aucune région n est épargnée. Ainsi, en 1640, a lieu un raid sur les côtes anglaises, les pirates remontent la Tamise, prennent 3000 captifs, pillent les villes côtières à tel point que «les pêcheurs redoutent de prendre la mer et nous sommes forcés d exercer une veille constante sur toutes nos côtes» (Parlement). On compte plusieurs centaines d incursions par an et davantage dans les régions plus proches : entre 1570 et 1606, la Sicile subit au moins 136 attaques: les barbaresques pénètrent jusqu à 30 km à l intérieur. Un villageois sicilien raconte: «Ils prenaient les jeunes filles et les enfants, faisaient main basse sur les objets de valeur, l argent, et en un clin d œil ils étaient de nouveau à bord de leurs galères». Les villageois sont parfois surpris dans leur sommeil : une expression sicilienne en a gardé la mémoire : «pigliato dai turchi» (pris par les Turcs) qui signifie «pris par surprise». Heureux celui qui pouvait fuir hors de son lit, Car il n y avait plus d autre sécurité ni d autre refuge Que de se sauver en laissant tous ses biens Et par de petites routes, détournées et peu connues Chacun tentait de fuir le danger. (Curthio Mattei, 1623.) Les populations côtières ont peu de moyens pour se protéger. A partir du milieu du XVII ème siècle, la défense est mieux assurée par des fortifications, des tours de guet. Des états forts exercent une vigilance plus ferme. Mais dans les périodes de troubles, celle-ci faiblit, par exemple pendant les guerres de la Révolution et de l Empire français. Quelques attaques spectaculaires illustrent ce fait : en 1798, un raid tunisien sur la petite île de San Pietro au sud de Sardaigne permet de capturer 900 personnes. Cependant, les raids devenant moins aisés, après 1700, ce sont surtout les navires marchands qui sont attaqués. En théorie les corsaires ne doivent s en prendre qu aux bateaux dont le pays est en guerre contre les Turcs (ex : les Habsbourg et leurs alliés). Comme l explique Pedrillo dans l opéra : «Ce jour terrible où le sort nous joua un si mauvais tour en faisant tomber notre navire aux mains des pirates» (acte 1, scène 4) [toutes les citations tirées de l Enlèvement au sérail sont traduites en français, pour plus de commodité]. Les ruses pour approcher les bateaux sont multiples : hisser un drapeau d un pays d Europe, s habiller «à la Cristianesca». Quand le navire s aperçoit de son erreur, il est souvent trop tard. Les passagers s enfuient parfois dans des barques. Les corsaires convoitent les personnes de rang élevé : officiers, prélats, nobles car leur rachat permettra un gros profit. Certains abandonnent leurs beaux habits pour une tenue modeste et tentent de donner le change. Ils espèrent que leur valeur de rachat sera moindre. Mais la supercherie éclate souvent lorsqu à terre, se révèle leur incapacité aux travaux manuels. Les hommes d équipage sont recherchés pour leur robustesse, leur expérience (charpentiers, maîtres de voile). En Méditerranée

12 occidentale, entre 1530 et 1780, on estime le nombre total d esclaves chrétiens à La ville la plus demandeuse est Alger car son industrie et son agriculture demandent beaucoup de main d œuvre. Le déclin du XVIII ème siècle se confirme avec le temps : lorsque la ville est prise par les français, en 1830, les esclaves ne sont plus que 122. Tous droits réservés, diffusion gratuite à l usage pédagogique A leur arrivée les captifs subissent les quolibets de la foule. John Foss, en 1793, décrit son débarquement à Alger : «Nous fûmes mis en rang et débarqués au milieu des cris et des hourras de milliers de barbares mauvais qui remerciaient Dieu pour les victoires remportées sur tant de ces chiens de chrétiens incrédules». Il retranscrit les paroles du pacha: «Maintenant que vous m appartenez, chiens de chrétiens, vous allez manger des pierres». Les esclaves sont amenés au marché aux esclaves. On évalue leur âge, leur santé, leur origine (des mains calleuses signifient une origine populaire, des oreilles percées, une riche naissance). Un propriétaire qui a acheté quelqu un de haut rang a tout intérêt à le ménager pour que son prix de rachat soit très élevé. Les femmes, doivent rester à l intérieur, elles sont parfois autorisées à garder une servante. C est le cas de Konstanze dans l Enlèvement au sérail qui a auprès d elle Blonde et même Pedrillo puisque «Par bonheur, il se trouva que le Pacha nous acheta tous trois» (acte 1, scène 4). Le sort des serviteurs dans les maisons, peut être assez enviable. Ainsi Pedrillo : «Grâce à mon mince talent de jardinier, j ai obtenu ses (du pacha) faveurs, ce qui me donne une liberté que mille autres n auraient pas» (acte 1, scène 4). D autres captifs, esclaves publics, font des travaux de force. Ils sont parqués le soir dans des bagnes crasseux, nourris de pain noir moisi. Le mot «bagne» vient du fait qu à Constantinople, d anciens bains publics ont été convertis en prison au début du XVI ème siècle quand le nombre des captifs devenait trop important. La plupart des esclaves deviennent galériens : «de tous les maux que les pauvres captifs sont contraints d endurer, le pire est sans doute celui qu ils souffrent dans les galères des Turcs et des Barbares», dit le père Dan,

13 au milieu du XVII ème siècle. En effet cette flotte a un très grand besoin de main d œuvre : il faut 150 à 300 rameurs par bateau) ; ex : à la bataille de Lépante, en 1571, on compte rameurs. Les raïs d Alger, Tunis ou Tripoli pour leurs 50 à 60 galères chacun, emploient à rameurs. Ceux-ci sont enchaînés jour et nuit sur un banc, sans chemise pour se protéger du soleil ou de la pluie ; Un témoin rapporte : «leur peau brûlée se détache de leur dos, découvrant les chairs». Leur nourriture se compose de «deux poignées de biscuits noirs / jour». Ces conditions de vie expliquent le taux de mortalité très élevé qui peut avoisiner les 20 % par an, surtout quand femmes, enfants, vieillards comptent parmi les esclaves. Des 400 Islandais capturés en 1627, il n en reste plus que 70, en Les captifs espèrent leur rachat. Des nouvelles parviennent parfois à leur famille pour la supplier d y recourir. «J avais déjà perdu l espoir qu une de mes lettres vous soit parvenue» dit Pedrillo à Belmonte. Plus loin Blonde s adresse à Konstanze en ces termes : «Peut-être votre Belmonte va-t-il survenir bientôt avec une rançon» (acte 2, scène 2). Et ce dernier, lorsque Sélim menace de le faire prisonnier, au dernier acte : «J appartiens à une grande famille d Espagne, on paiera pour moi n importe quelle somme Fixe pour Konstanze et moi une rançon aussi élevée que tu désires». Mais les plus pauvres ne peuvent compter que sur d autres solutions. Dès 1530, les Etats européens organisent des «rédemptions générales». Des ordres apparaissent, spécialisés dans le rachat d esclaves (ordres de la Merci et de la Trinité). L Espagne est la plus active : les Trinitaires espagnols libèrent, en 77 ans au XVII ème siècle, personnes (c est-à-dire 220 par voyage). Mais les moins chanceux restent esclaves ; dans ces conditions, un certain nombre se convertit, parfois contraints ou pour échapper aux mauvais traitements : on compte 1/5 de renégats vers Certains pratiquent, à leur tour, la course et possèdent des esclaves. Le pouvoir d assimilation des étrangers, anciens chrétiens convertis, est important. Beaucoup de vizirs (premier ministre), pachas (titre honorifique porté par certains hauts personnages civils ou militaires), beys (gouverneur de province : le bey de Tunis, de Tripoli ) sont des non turcs, convertis à l islam. Ainsi Pedrillo explique que : «Le pacha est un renégat» (acte I, scène 4). Des voyageurs remarquent à la fin du XVIII ème siècle que «les habitants d Alger avaient une complexion claire». On y compte plus de la moitié des raïs d origine européenne, sans parler des janissaires (armée d élite constituée de jeunes chrétiens enlevés à leur famille) et des enfants nés des captives. Des aventuriers venus d Europe «prennent le turban» (c est à dire : deviennent musulmans). Ainsi Claude Alexandre de Bonneval ( ), officier français qui finira par se mettre au service de l Empire ottoman. Il se convertit, devient pacha, sous le nom d Humbaraci Ahmed Pacha. Un écrivain évoque : «M.M. de Mornay, de Ramsay et l abbé Mac Carthy qui, décriés dans Paris et poursuivis de leurs créanciers, étaient venus à Constantinople embrasser la foi des Mahométans.» Mais, ils gardent des contacts avec les Français voyageant à Constantinople. Sélim, le pacha de l Enlèvement au sérail, explique à Belmonte sa présence en terre musulmane : «Sache, qu à cause de ton barbare de père, je dus quitter ma patrie» (acte III, scène 6) Le peintre suisse Liotard séjourne dans l empire turc et en ramène plusieurs portraits, dont celui du comte de Bonneval.

14 Le Comte de Bonneval, en Turquie Ahmet Pacha, peint par J.E. Liotard Tous droits réservés, diffusion gratuite à l usage pédagogique D autres peintres ont représenté des scènes où paraissent des esclaves, ainsi Delacroix. En 1832, il participe à un voyage en Afrique du Nord et a l immense privilège de pouvoir visiter le harem d un corsaire turc. Deux tableaux évoquent cette vision, l un peint en 1834, visible au Louvre, l autre exécuté en 1849, que l on peut admirer au musée Fabre. Dans les deux tableaux, on aperçoit une esclave noire et, agenouillée, une captive circassienne. La présence d une africaine nous permet de rappeler qu à cette date, les musulmans ne sont pas les seuls à réduire des populations en esclavage. Les Européens ont, depuis des siècles, prélevé des habitants d Afrique pour les acheminer vers l Amérique. Tous droits réservés, diffusion gratuite à l usage pédagogique Monique Morestin

15 Le Burgtheater «Le théâtre impérial, Burgtheater, était pour le Viennois, pour l Autrichien, plus qu une simple scène. Le premier regard qu il jetait sur son journal du matin ne portait pas sur les discussions du Parlement ou sur les évènements mondiaux, mais sur la chronique théâtrale» (Stefan Zweig, Le Monde d hier. Souvenirs d un Européen). Le Burgtheater de Vienne est un théâtre autrichien d Etat. Il est le second plus ancien théâtre d Europe après la Comédie Française et est également le plus grand théâtre «parlé» de l espace germanophone. L ancien Burgtheater, situé sur la place Michaelerplatz, servait de théâtre de 1748 jusqu à l ouverture du nouveau bâtiment sur le Ring en octobre 1888, créé par Semper (auteur de l aile inachevée de Neue Burg à Hofburg). Le nouveau théâtre brûla entièrement à la suite d un bombardement en 1945 et, jusqu à sa réouverture en 1955, c est le Ronacher qui prit le relais. Le théâtre national est l une des scènes les plus représentatives de la dramaturgie de la langue allemande et a acquis dans ce domaine une renommée au moins égale à celle de l Opéra dans le monde de la musique. Le Burgtheater a été fondé le 14 mars 1741 sous le règne de l impératrice Marie-Thérèse, qui voulait un théâtre près de son palais impérial (Hofburg). Son fils, le prochain empereur autrichien Jospeh II, l a nommé Théâtre national allemand en Quelques années plus tard, trois opéras de Mozart, l Enlèvement au sérail (1782), les Noces de Figaro (1786) et la Flûte enchantée (1790) ont été donné au Burgtheater. Tout au long de son histoire, le théâtre porta divers noms. En 1794, le théâtre a été renommé KK Hoftheater nächst der Burg (K.K étant synonyme de Kaiserlich und königlich, ou impérial et royal - cette abréviation était fréquemment utilisée pour marquer l'empire des Habsbourg). Le théâtre fut nommé Die Burg (Le Burg) par la population viennoise et jusqu en 1918, il devient le k.k HofBurgtheater. Depuis son nom officiel est le Burgtheater.

16 Le singspiel Genre apparu au XVIII ème siècle, le Singspiel («jeu chanté», de singen, «chanter», et spielen, «jouer») est un type d opéra germanique et en langue allemande, fondé sur l alternance entre des dialogues parlés (à la place du récitatif) et des airs chantés (chants populaires ou arias), dont l intrigue mêle des caractères sentimentaux avec des éléments comiques, qui met souvent en scène des personnages populaires et peut faire appel au merveilleux ou au fantastique. Equivalent allemand du «dramma per musica», qui est influencé par le «ballad-opera» anglais et l opéra-comique français (caractère, alternance de la parole et du chant). La musicologie moderne emploie aujourd hui le mot singspiel pour désigner les opéras comiques germaniques tels qu ils voient le jour à partir des années 1760, mais son usage à cette époque était plus large, ne se limitait pas à la veine comique et pouvait qualifier aussi bien des opéras allemands sérieux (Ignaz Holzbauer, , Günther von Schwarzburg, 1777) que des opéras italiens comiques. Comme le fait remarquer le musicologue Michel Noiray (Vocabulaire de la musique de l époque classique, Minerve, 2005, p. 200), le mot le plus fréquemment employé à l époque pour qualifier des œuvres de facture légère qui correspondent à ce que nous appelons maintenant singspiel, semble avoir été celui d opérette mot d origine italienne et française comme en témoignent les propos de Mozart concernant Zaïde ( , les lettres des 18 janvier et 18 avril 1781), ou encore l important dictionnaire allemand Allgemeine Theorie des schönen Künste ( ), qui traite de l opéra-comique à l entrée Operette et ne consacre pas d entrée au Singspiel. C est également en tant qu il juxtapose la parole et le chant que le mot peut qualifier au cours du XVIII 12 ème siècle de nombreux ouvrages lyriques allemands ou italiens, de même qu il peut désigner dans les années 1760 un opéra-comique traduit ou adapté en allemand. Ce genre populaire se définit mieux dans certaines œuvres de Haydn (Der Krumme Teufel, 1752, perdu) mais on retient généralement comme créateur du genre Johann Adam Hiller (Der Teufel ist los, 1766, d après The Devil to Pay de l Anglais Coffey). Avec G. Benda, le choix des sujets s élargit vers des thèmes moyenâgeux ou mythologiques, traités avec un effectif choral et orchestral important, tandis que s ouvrait à Vienne en 1778 le Nationalsingspiel, à la demande de l empereur Joseph II qui était soucieux de mettre un art et un théâtre allemands au service de la nation germanique (voire viennois). Quatre ans plus tard, Mozart atteint la perfection du genre avec l Enlèvement au sérail, réussite saluée avec chaleur par Goethe, lui-même auteur de livrets de singspiele. Car, dépassant les conventions du genre sans user des recettes de l opéra buffa, l œuvre offre au théâtre lyrique allemand de nouvelles perspectives («Chaque nation a son opéra, pourquoi n aurions-nous pas le nôtre?» écrit Mozart en 1773). Des écrivains tels que Goethe et Wieland contribuèrent à la diffusion d un genre auquel il faut rattacher la Flûte enchantée, les opéras de Schubert ainsi que Fidelio, le Freischütz ou Oberon, qui par leurs structures appartiennent au singspiel de la même façon que Carmen à l opéra-comique. A la fin du XIX ème siècle, en Allemagne, on assista à une sorte de résurrection du genre avec de nombreux compositeurs tels que Humperdinck, Theile, Bittner, Urspruch, etc., mais leurs œuvres n utilisent pas expressément la dénomination de singspiel.

17 Caractéristiques L humour, la sensibilité, la morale et le refrain populaire font bon ménage dans le singspiel, assez proche en cela de l opéra-comique et de l opéra buffa, auxquels il emprunte aussi, très largement, les éléments structurels. Les dialogues parlés remplacent le récitatif, et les moyens musicaux mis en œuvre restent toujours assez simples. L exotisme conventionnel, qui nuance toujours le livret, conduit les musiciens à d heureux effets de timbres, notamment dans les «turqueries». Les genres musicaux, Vers une nouvelle histoire de la musique, Gérard Denizeau, éd. Larousse, 2005, Paris Guide des genres de la musique occidentale, Eugène de Montalembert, Claude Abromont, éd. Fayard, 2010, Paris Tous droits réservés, diffusion gratuite à l usage pédagogique

18 Clés d écoute Savoir pour mieux sentir, sentir pour mieux savoir. Paul Cézanne C est à présent que commence mon bonheur et j espère que mon bonheur sera aussi le vôtre. (Lettre de Mozart à son père, Vienne, 9 mai 1781). Le 16 mars Mozart arrive à Vienne où il vient rejoindre son employeur, le prince archevêque de Salzbourg, Hieronymus Colloredo. Moins de deux mois plus tard, il lui donne sa démission à la suite d un affrontement orageux. Il est chassé de la salle d audience à coups de pied par le majordome de l archevêque, le comte Arco : Je ne savais pas que j étais un valet de chambre. Voilà Mozart libre! Premier compositeur à vivre de son art, première raison de son bonheur. Autre autorité à affronter, celle de son père dont il doit obtenir l autorisation d épouser Constance. Peu de temps avant sa rupture avec Colloredo, ce jeune homme de vingt-quatre ans est en contact avec Gottlieb Stéphanie le jeune, homme de théâtre, acteur et auteur dramatique bien connu à Vienne qui va lui écrire un nouveau et bon livret (lettre du 18 avril 1781 à son père, première lettre dans laquelle il parle du livret.) Stephanie va me remettre un opéra allemand à composer (à son père, Vienne, 28 avril 1781). Voici qu avant-hier Stephanie le jeune m a donné un livret à mettre en musique. Il est tout à fait bon. Le sujet est turc et a pour titre «Belmont und Constanze ou Die Verführung aus dem Serail». Pour l ouverture, le chœur du premier acte et le chœur final, j écrirai une musique turque avec des instruments à percussion (triangle, grosse caisse, etc). J ai tant de joie à mettre ce livret en musique, que j ai déjà le premier acte de la Cavalieri, ainsi que celui d Adamberger et le trio qui conclut le premier acte sont déjà achevés. (A son père, Vienne, 1 er août 1781). Je vais bientôt perdre patience de ne pouvoir plus rien composer pour mon opéra. Il est vrai qu en attendant j écris d autres choses. Mais ma passion est vraiment là. La genèse de cet opéra peut être ainsi reconstituée grâce à cette correspondance célèbre au cours de laquelle Mozart tient son père Léopold au courant de sa vie personnelle et professionnelle, correspondance qui joue le rôle quasiment d un journal. C est grâce à elle, que l on peut vivre avec Mozart, l ivresse qui l a habité durant la période de la composition de L Enlèvement, œuvre composée dans l euphorie, l exubérance, la joie. Mozart et l Enlèvement au sérail appartiennent au grand mouvement du Siècle des lumières qui a profondément marqué la seconde moitié du XVIIIème siècle par l hégémonie culturelle de la France, la modernisation de l Autriche, et la domination des femmes dans les salons. Naît de ce courant, l idée d une unité de la société européenne, ainsi que le rejet de tout pouvoir absolu. Fidèle toute sa courte vie, à cet idéal d humanisme et de tolérance, Mozart a sondé sans relâche l âme humaine prisonnière de ses passions, inexorablement attirée vers un devenir radieux et optimiste. Première œuvre dramatique d envergure en langue allemande L Enlèvement au sérail est né de la volonté de deux hommes de créer un théâtre musical en langue allemande, celle de l empereur du Saint Empire romain germanique, roi d Autriche et de Hongrie, Joseph II et celle de Mozart pour endiguer, affronter l invasion déferlante de l opéra buffa italien et de l opéracomique français, sans rival. A l origine le terme de Singspiel, littéralement, jeu chanté (jeu pris dans le sens médiéval du terme : pièce de théâtre.) désigne une comédie musicale typiquement germanique, en langue allemande qui enchaîne dialogues parlés et structures musicales simples. Pratiqué essentiellement en Allemagne du Nord, son caractère populaire s atténue peu à peu vers 1750, dans les productions élaborées de Johann Adam Hiller,

19 données à Leipzig durant cette période. A Vienne, dans les années 1770, il n existait pas d équivalent des Singspiele de Hiller. Plus tard, ce terme fut même employé dans l annonce des opéras italiens de Mozart! Dans sa conception politique et esthétique, Joseph II, en monarque éclairé du Siècle des Lumières, envisage de faire du théâtre et de l art national un facteur de développement culturel de la nation allemande et décide, en 1778, d associer au Burgtheater, le Théâtre national de Vienne, une section d opéra allemand appelée Singspiel national. Voilà qui sert le projet de Mozart et sa conception d un opéra allemand: Et moi je tiens (je suis partisan de) aussi pour l opéra allemand : même s il me coûte plus de peine, je l aime encore mieux. Chaque nation a son opéra : pourquoi nous autres allemands, ne l aurions-nous pas? La langue allemande n est-elle pas aussi chantante que la française et que l anglaise ; plus chantante que la russe? Bon! J écris à présent un opéra allemand pour moi (lettre à son père, Vienne, 5 février 1783). Mozart et Gottlieb Stephanie le jeune, son librettiste Gottlieb Stephanie le jeune adapte pour Mozart le texte de Christoph Friedrich Bretzner ( ). Et puis, je ne sais, mais dans un opéra, il faut absolument que la poésie soit la fille obéissante de la musique. Pourquoi les opéras bouffes italiens plaisent-ils donc partout, avec tout ce que leurs livrets renferment de misérable? [ ] C est que la musique y règne sans partage et dès lors on oublie le reste (à son père, Vienne, 13 octobre 1781). Mozart se comporte en dramaturge inspiré, clairvoyant, décidé, et trouve en Stephanie le jeune un librettiste flexible, soumis à toutes ses suggestions et propositions d adaptation : L opéra commençait par un monologue, et j ai prié M. Stephanie d en faire une petite ariette et aussi, après la petite chanson d Osmin, au lieu de laisser bavarder ensemble les deux personnages, d en tirer un duo. Osmin, qui n avait dans le livret original, que cette seule petite chanson à chanter, et rien d autre que le trio et le final, je lui donné un air au premier acte, et un autre au second. Cet air, je l ai entièrement suggéré à M. Stephanie, même, l essentiel de la musique en était déjà achevé avant que Stephanie en sût un mot. Je ne puis rien composer de plus parce que toute l histoire pour p l instant est remaniée sur ma demande, il est vrai. Tout le monde fait la moue quand il s agit de Stephanie, mais il n en arrange pas moins fort bien son livret pour moi, et comme je veux, à un cheveu près. Il intervient aussi au niveau du vocabulaire et de la prosodie, non sans humour : Le hui je l ai changé en schnell, ce qui donne «doch wie schnell schwand meine Freude» (Mai ma joie bien vite s en est allée). Je ne sais pas à quoi pensent nos poètes allemands : peut-être ne comprennent-ils rien au théâtre, mais en ce qui concerne l opéra, ils ne devraient pas faire parler leurs personnages comme s ils s adressaient à des cochons. Mozart est donc un compositeur passionné de théâtre : Ma seule distraction est le théâtre. Je voudrais que tu pusses voir, ici, une tragédie! D une façon générale, je ne connais aucun théâtre (en dehors de Vienne) où l on représente remarquablement tous les genres de spectacles ; mais c est le cas ici. (A Vienne). (Lettre du 4 juillet 1781 à sa sœur). Un sujet dans le vent Cependant, le sujet de L Enlèvement au sérail n est pas plus de Bretzner, de Stéphanie le jeune, que de Mozart : l amour réciproque d un homme et d une femme, nerf de leur libération d un despote, est dans l air de ce temps de L Aufklärung, de ce Siècle des Lumières, emporté par l ouragan de liberté qui secoue l Europe. Il est la métaphore de la volonté de la société européenne de se débarrasser du pouvoir autoritaire. En 1782, Mozart participe à l organisation des Concerts des dilettantes qui ont pour vocation de supprimer le monopole culturel de l aristocratie en le sortant des palais, afin de mettre la musique, la culture, à la portée de tous, avec l approbation et le soutien de Joseph II. Le premier concert des dilettantes a lieu le 29 mai 1782, six semaines avant la création de L Enlèvement. Et pourquoi donc Blonde est-elle anglaise, Blonde l astucieuse, l impertinente, celle qui affronte Osmin, stupide, rustre et méchant? (Mozart dixit) Parce que la Franc-Maçonnerie est née en Angleterre au XVII ème

20 siècle et qu elle joue, au temps de Mozart, un rôle incontestable dans la préparation de la conquête du pouvoir par la bourgeoisie, parce que, pendant cette période, le compositeur multiplie les contacts avec cette association à laquelle il adhèrera plus tard. Dix à douze œuvres avaient traité le même sujet, mais L Enlèvement? Voilà la réponse de Goethe : Tous les efforts que nous faisions pour parvenir à exprimer le fond des choses devinrent vains au lendemain de l apparition de Mozart. L Enlèvement nous dominait tous. (4 avril 1785). L exubérance, la joie, le rire : tonalités majeures, tempi rapides, dominent la partition, servis par un orchestre brillant, coloré. L ouverture Elle est très courte et fait alterner sans cesse forte et piano ; tous les passages forte contiennent la musique turque. Elle module continuellement : je ne crois pas que l on pourra dormir pendant son exécution même si l on n a pas dormi la nuit précédente. (Mozart) L ouverture est en trois parties : A B A. 1 ère ère partie : pétillante, joyeuse dans la tonalité la plus populaire qui soit, celle d Au clair de la lune, celle aussi de la Symphonie des jouets dont l auteur n est autre que son père Léopold Mozart, comme elle, scandée par la mesure la plus répandue, 2/4, entraîne l auditeur dans un presto vigoureux. Son orchestration est l exemple même de ce que l on appellera une formation Mozart : - Les bois par deux : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 cors de basset, 2 bassons - Ainsi que les cuivres : 2 cors, 2 trompettes - 1 paire de timbales - Les cordes : premiers et seconds violons, altos, violoncelles et contrebasses. La formation Mozart rehaussée de : La musique alla turca : flûte piccolo, triangle, cymbales, grosse caisse qui la rejoint dans les forte. L Empire ottoman laissa son empreinte sur la vie culturelle de Vienne peut être plus qu ailleurs. Cette formation clinquante est empruntée à la musique des Janissaires et fut d abord introduite dans certaines des musiques militaires européennes au début du XVIIIème siècle. Utilisée non seulement par les armées autrichiennes, mais plus tard, par les armées napoléoniennes elle nécessitait à cette époque une écriture particulière. Ce n est qu au XIXème siècle qu elle intègrera l orchestre symphonique traditionnel. Beethoven l emploiera dans le Finale de sa 9 ème symphonie lors de la variation du thème de l Ode à la joie : Alla marcia (Allegro assai à 6/8, en si bémol). Destinée à surprendre un public appartenant à toutes les couches de la société viennoise, elle remplit essentiellement un rôle dramaturgique et n a pas grand lien avec la musique traditionnelle turque! A : Cette ouverture présente un premier élément thématique, furtif, énoncé par les cordes seules dans une nuance piano. Il sonne forte dans les tutti, avec l apport de la brillance de la musique turque. Puis c est avec le retour de la nuance piano, qu il est entendu alors à la clarinette. Repris de nouveau en tutti, la répétition de sa désinence est suivie d une période de gammes ascendantes qui débouchent sur ce qui peut être considéré comme la deuxième section de cette première partie : En Sol mineur, assombrie par les accords de septième diminuée, elle évoque les orages et tempêtes qui ont déferlés sur les opéras baroques et peut être considérée comme un deuxième élément dramatique, si ce n est thématique.

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23 Une cadence à la dominante amène une troisième période qui apporte des éclairages harmoniques nouveaux jouant sur la juxtaposition de la tonalité de sol M et de sa tonalité homonyme sol min, des jeux de timbre et de contrastes entre les nuances Forte et Piano, de densité entre solo et tutti. Une cadence en Sol M conclut cette première partie.

24 B : La partie centrale évolue dans un tout autre climat. Ici, pas d exotisme! C est un Andante en do mineur de forme lied : a b a qui revêt l allure d un lent menuet, composé en 3/8, chantant le cœur souffrant de Belmonte. Deux phrases, la première en do mineur exposée par les cordes puis reprise par les bois, la seconde au ton relatif majeur, mi bémol, la troisième étant un retour varié de la première. Hautbois et clarinette dialoguent, colloque amoureux de Konstanze et de Belmonte! La mélodie ici chantée par l orchestre, dans la fosse, sera celle de la première aria de Belmonte mais il la chantera en do majeur : parvenu à entrer dans les jardins du Pacha Selim, plein d espoir, il se sent sur le point de délivrer sa Konstanze.

25 A : Retour varié de la première partie, la joie, l ardeur, pourquoi ne pas dire l ivresse de vivre. L ouverture s enchaîne à la première scène de l opéra, l aria de Belmonte grâce à une cadence en Sol, Sol ici considéré comme dominante de Do majeur. La synthèse des styles L une des constantes de l art germanique est de ne se jamais couper de ses racines populaires, et la vocation d un compositeur allemand, au moins depuis J.S. Bach, est celle d assimiler les styles. Mozart n y échappe pas : style buffa, comique, pour Osmin, seria, noblement tragique, pour Konstanze, simplicité des marches des Janissaires, alla turca, écriture élaborée des ensembles. OSMIN : L opéra était censé débuter par un monologue mais j ai demandé à Herr Stephanie d en faire une petite ariette et remplacer par un duo le dialogue entre les deux personnages après la petite chanson d Osmin. N 2 Chanson d Osmin Celui qui a trouvé une belle Qui veut être sincère et fidèle, Qu il la gratifie de mille baisers, Lui fasse la vie douce Soit plein d égards et de tendresse Trallalera, trallalera! Osmin porte une échelle qu il place contre un arbre, près de la porte du palais, il y monte et cueille des figues. La petite chanson de ce personnage, stupide, rustre et méchant, (selon Mozart) ennemi juré de tous les étrangers, intendant de la résidence du Pacha Selim semble au début anodine. En Sol mineur, dans le balancement souple d une mesure à 6/8, qui l apparente à une barcarolle, elle est modelée suivant la structure d une chanson populaire : trois strophes se terminant par un refrain, séparées par les interpellations de Belmonte ignorées, méprisées d Osmin. Elle en a aussi la configuration mélodique, en ce qui concerne les deux premières phrases, écriture syllabique, mouvement conjoint. La troisième phrase et ainsi que son enchaînement fait évoluer ce profil populaire vers une écriture pour voix de basse professionnelle: la descente dans le grave extrême, sauts d intervalle de sixte, d octave, de douzième. Au cours de la troisième strophe, tout à coup un Allegro casse la nonchalance nostalgique de ce Lied : Souvent un jeune-homme la guette appâte et charme la petite folle, alors Osmin «s affole»! Puis retour au Primo tempo, et à sa mélancolie : Et alors bonsoir fidélité! Cette chanson s adresse bien sûr à Belmonte qu il feint d ignorer! Osmin professe ici la nécessité d enfermer les femmes! La couleur tonale : Apparemment simple, mais fluctuante, instable : c est un Sol mineur qui module au ton de la dominante Ré mineur, suivi d un insidieux Ré majeur, son ton homonyme (deuxième phrase). L usage de la gamme mélodique ascendante de Sol mineur, éclaire furtivement d un Do majeur le deuxième trallalera, confirmant l ambiguïté de ce Lied.

26 La couleur harmonique : L harmonie pratiquée par Mozart est celle de son temps : ici accords parfaits majeurs et mineurs, septièmes de dominantes. Seulement, ce jeune homme de 25 ans joue au sorcier avec elle en la troublant de trilles et d appoggiatures fortes entendues sur les temps, ce qui a pour résultat de transformer ces accords courants en accords dissonants : voilà comment Mozart révèle la cruauté du personnage et souligne la curieuse coïncidence des paroles de la chanson avec la situation dramatique du moment. L écriture de l orchestre : Elle évolue à chaque strophe. 1 ère strophe : Les accords des cordes ponctuent le chant comme on le ferait maintenant avec une guitare dans une réunion de copains. Puis, les arpèges enveloppent la dernière phrase qu il soit plein d égards, qu il soit plein de tendresse. 2 ème strophe : Les accords des cordes scandent dans la douceur, le balancement de cette barcarolle. Ils sont développés en arpèges au-dessus desquels le hautbois et le basson échangent des motifs de deux notes, tantôt pris dans la base harmonique, tantôt dissonant avec elle, volent au-dessus des accords des cordes simulant le vol des créatures frivoles qui se plaisent trop à goûter le vin nouveau. (Osmin est musulman)

27 3 ème strophe : Le cueilleur de figues regarde enfin Belmonte et se remet à chanter : Surtout au clair de lune, amis, surveillez-les bien. Sur les accords en pizzicati des cordes, le dessin fluide des bois pourrait bien simuler des poursuites amoureuses. L évocation d un jeune homme guettant la jeune folle fait sortir Osmin de ses gonds : changement de tempo, Allegro, propulsé par les accords des cordes. Puis retour du tempo initial et tout l orchestre se joint au gardien du sérail pour renforcer sa conclusion : Et alors bonsoir, fidélité! Un crescendo dit la haine ironique qu habite le dernier refrain.

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29 N 18 - La Romance de Pedrillo Elle donne le signal de l Enlèvement, en adoptant le style d une chanson populaire à couplets : simplicité mélodique, mais assaisonnée d un traitement harmonique savoureux. Or au temps de la composition de L Enlèvement, Mozart découvre grâce au Baron Von Swieten, J.S. Bach et Haendel, avec quelle science d écriture il est possible de faire rayonner des thèmes mélodiques simples. Mozart ici s inscrit dans cette tradition d écriture initiée par les chorals de Bach : mélodies empruntées au psautier luthérien, écriture complexe des trois autres voix destinée à surligner le sens des mots.

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31 Le chœur des Janissaires : Le chœur des janissaires est tout ce que l on peut attendre d un chœur de janissaires : bref et joyeux, et parfaitement conçu pour plaire aux Viennois.

32 Ce numéro a une fonction de musique de scène, dont le but est d accompagner l évolution du chœur. C est une musique à danser. A la gloire de Selim, ce chœur mixte à 2/4 en écriture homophonique comme il se doit révèle la source authentique de la mode alla turca qui règne à Vienne : il sonne carrément alla ungarese : anacrouse de l introduction instrumentale, accent sur le 2 ème temps fa traité en degré mobile, soit naturel, soit diésé ; l ornementation, la juxtaposition de La mineur et de Do majeur sans transition,

33 frénésie des dessins ornementaux, couleur modale dans l épisode central des quatre solistes, ostinato rythmique. C est déjà la couleur d Harry Janos! La Formation Mozart et la formation "musique" turque" Cela sonne! L épisode chanté par les quatre solistes du chœur interrompt ce joyeux tintamarre ; il traite en jeu d imitation un motif en La mineur dont la couleur modale ainsi que le rythme évoque certaines musiques populaires slaves (Plaine, ma plaine). On pense que Mozart a pu avoir connaissance des musiques slaves par l intermédiaire de l ambassadeur de Russie à Vienne.

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35 ACTE II 2 ème scène : Blonde a réussi à expulser Osmin en le menaçant de lui griffer les yeux. Restent en scène les deux prisonnières. N : Récitatif et Aria Ici, point de référence populaire ni de structure simple: Mozart transcende le style seria qu il justifie par la grandeur tragique de ce moment. Ces deux numéros constituent en réalité une seule unité dramatique et musicale interrompue par le dialogue entre Blonde et Konstanze puis, entre les deux airs, par l arrivée du Pacha et son affrontement orageux avec la prisonnière. Mozart traite librement le plan de la grande Aria italienne : récitatif, l introduction de l air, cantabile ou Adagio, ou Andante ou primo tempo, appelé parfois cavatine ; un tempo di mezzo, partie intermédiaire souvent caractérisée par une péripétie qui justifie le passage de la première partie à la seconde partie de l air de caractère lyrique et de tempo modéré, à la cabalette de style brillant en tempo rapide. Le dialogue entre Blonde et Konstanze, l affrontement violent entre Constance et Selim font office de tempo di mezzo. Ce plan, courant déjà au temps de Mozart, sera généralisé par Rossini et Verdi, qui l adoptera pour ses premiers opéras. Récitatif : Adagio. 4/4. (Cordes) Quel trouble règne dans mon âme Depuis le jour où le destin nous a séparés! L harmonie développée par l introduction des cordes dévoile avant l entrée de Konstanze ce trouble : pas d armure comme cela sera pratiqué par la Deuxième Ecole de Vienne : tonalités fluctuant entre Mib majeur, Do mineur, Lab majeur, emprunt à Fa mineur, sans compter les dissonances provoquées par les appoggiatures, motifs de tierces plaintives dérivés d un prélude de J.S. Bach que Mozart a dû particulièrement aimer, puis qui sera repris dans la Flûte Enchantée. Tout cela est porté par le dessin des basses en croches régulières. Cette introduction révèle le trouble, la douleur, la fermeté de cette première grande héroïne Mozartienne.

36 Elle s exprime en élans impulsifs, d abord soutenus par les accords des cordes puis ponctuée par les motifs de tierces descendantes présentés dans l introduction instrumentale, cadences se brisant sur des accords de 7 ème diminuée, une instabilité tonale surprenante pour Tout est douleur. Une cadence en ré majeur annonce qui ouvre sur la tonalité tragique de l Aria : Sol mineur. Aria : Sol mineur. Andante con moto. 2/4. (Flûtes, hautbois, clarinettes, cors de basset, bassons, Cors, cordes). La tristesse est désormais ma destinée / puisqu à toi (Belmonte) on m a arrachée. Les bois que l on n a pas entendus pendant le récitatif présentent le motif de la première invocation à la tristesse, Traurigkeit (Tristesse). Cette Aria assure une continuité surprenante avec le récitatif : elle amplifie son écriture mélodique par de courtes vocalises, dialogue avec l orchestre et se déroule suivant une coupe strophique malgré la reprise de la première partie : A B A B C + Coda. A : La tristesse est désormais ma destinée. B : Même à la brise je ne puis confier/l Amer chagrine mon âme.

37 Effectivement, dans la reprise des deux premières strophes, c est la volonté de Mozart de dévoiler une Konstanze bloquée dans sa tristesse et l amer chagrin de son âme (Meiner seele bitter Schmerz). L écriture mélodique est syllabique, les phrases courtes limitées à des ambitus quarte, oscillant en secondes mineures, ramassée en broderies interrompues de silences, syncopes, parfois se déployant en arpèges. Le vocabulaire de l émoi impulsif, toute continuité évitée.

38 La quatrième section garde le texte de la partie B mais en enserrant les trois derniers vers dans un tissage musical complètement différent. Car son souffle refusant cette charge / Renvoie à mon pauvre cœur chacun de ses soupirs. L avant dernier est pris dans des mélismes répétitifs, traités en contrepoint par les cordes, reflets de l état obsessionnel de Konstanze. Ils réapparaîtront dans les Noces de Figaro pour évoquer le désarroi de Barberine. Quant au dernier, ses soupirs sont figurés par des broderies de seconde mineure discrètement ponctuées par les accords des cordes. Les élans de sauts d octaves conduisent à l unique vocalise de cette aria, arpège brodé qui développe les sanglots de seconde mineure. Les cordes doublent la syncope du chant qui sera l élément principal de la péroraison, entouré des tierces et sixtes, symboles de tendresse.

39 Puisque Mozart l a titré Aria, on ne peut le contredire, l usage d une coupe strophique justifie cette appellation, mais une aria qui, librement écrite, dans le style de l arioso suivant, à la syllabe près l état intérieur de Konstanze. Tout est dans le texte musical, écho de ses états d âme, le texte du livret, ici, étant un concentré de platitudes. Suivent deux intermèdes parlés. Mozart ici emprunte à la forme de l Opéra-Comique français l inclusion d intermèdes parlés qui ont pour avantage une meilleure compréhension de l intrigue. 1 er er Intermède parlé ou la leçon de vie de Blonde : Ecoutez-moi : je ne passe pas ma vie à me désespérer, même si les choses vont fort mal. Car c est à force d imaginer le pire que le pire finit par vous arriver. Courage! Nous reverrons certainement notre patrie. (Elle sort) Cet intermède clôt la deuxième scène de l acte II. Scène III, Intermède parlé : Entre Sélim. Konstanze voudrait l éviter. Il la retient et la met en demeure de l aimer. Elle refuse. Il la menace alors de la faire mourir dans les pires supplices. Marten aller Arten /Mögen meiner warten. (Toutes sortes de supplices / peuvent m attendre.) Prête à subir tous les supplices pour rester fidèle à Belmonte, Konstanze dévoile une autre nature, celle d une héroïne tragique. Dans cet air d une envergure exceptionnelle, ignorée jusqu au 16 juillet 1782, écrit pour une soprano dotée de moyens exceptionnels, la Cavalieri créatrice du rôle, Konstanze revendique avec véhémence sa liberté d aimer, affirme que jamais elle ne se soumettra dans un cri d une révolte irrépressible. Do majeur. Allegro. Mesure C (4/4) Cette Aria est l une des plus belles écrites par Mozart et c est la première! Introduction instrumentale : Mozart adopte pour cette introduction la forme du concerto grosso, l une des grandes innovations de l Italie baroque dans laquelle un ensemble de solistes, le concertino, dialogue avec un ensemble plus important, le concerto grosso. Les clarinettes, bassons, cors, clarins (trompettes en ré), deux timbales en do et sol et le quintette à cordes constituent le concerto grosso, et une flûte, un hautbois, un violon et un violoncelle, le concertino.

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41 Chacun de ces solistes a son motif propre. Ils s enchaînent les uns aux autres dans la complicité, la fluidité et l élégance, et se regroupent en quatuor pour dialoguer avec les cordes. Pour chacun Mozart a réservé une séquence de virtuosité en prélude aux coloratures qui attendent Konstanze. Les valeurs rythmiques englobent des durées allant de la ronde liée sur deux mesures, à la triple croche, et leur organisation, une grande variété de formules : des croches régulières aux fusées de triples croches, syncopes, une grande variété également des modes d attaque : legato, staccato, fp ainsi que des dynamiques (nuances). En opposant Tutti et solistes, la forme du Concerto grosso contient en elle-même des possibilités de dramatisation. Tout est réuni pour annoncer la performance vocale de Konstanze.

42 Cette cabaletta gigantesque, car c en est une, est, d après les sopranos qui la travaille, plus redoutable que l air de la Reine de la Nuit. C est un air de bravoure à l italienne, écrit pour une voix d exception, celle de Katharina Cavalieri : J ai un peu sacrifié au gosier de la Cavalieri avoue Mozart à propos du premier aria de Konstanze, l aria n 6. Ici, dans cet air n 11, il en dépasse l écriture. Faire briller une soprano n est pas le seul objectif de cette virtuosité d écriture: au cours du monologue de l andante con moto, Mozart épouse la douleur, le désespoir de Konstanze qui se confie à Blonde. Maintenant, elle s adresse à Selim, répond à ses menaces par un tsunami de vocalises, de coloratures venues de l opéra seria. En 1781, c est à Vienne, l époque du classicisme viennois, que même la fureur doit être cadrée. Deux grandes strophes elles-mêmes scindées en deux parties : c est la structure amplifiée de l aria précédent. Chaque phrase du livret de Léopold Stéphanie le jeune a trouvé en Mozart des résonances sans cesse diversifiées. Chacune des répétitions incitent le compositeur à sonder le cœur de Konstanze avec quelle intelligence, avec quel génie! à la demande du public viennois, fan de vocalises. A : Allegro a) Matern aller Arten/Toutes sortes de supplices peuvent bien m attendre. Cette section s inscrit dans la continuité de l introduction symphonique. L écriture vocale syllabique reprend les élans de sixte, intervalle de prédilection de Mozart, ici métaphore de l attitude héroïque de Konstanze.

43 b) Ich verlache/je me ris des tortures et des souffrances : première vocalise, le rire provocateur de Konstanze. c) Nichts, nichts, soll micht er schütternnur dann würd in zittern / Rien ne saurait m ébranler. S il m arrivait d être infidèle, alors seulement le tremblerais : il faut tout de même que Selim comprenne! donc écriture syllabique déployée sur les intervalles ascendants de quarte, quinte.

44 d) Wenn ich untreu könnte sein/alors seulement je tremblerais. Le syllabisme résiste! mais le mot untreu (infidèle) est surligné d une chute de quinte diminuée tout d abord, puis d une sixte majeure : la honte! e) Reprenant la phrase précédente, dans une écriture discrète, la voix complète les évolutions en gammes ascendantes des quatre solistes, reflet de l exaltation croissante de Konstanze, jouées en relais successivement par le violon, le violoncelle, le hautbois, la flûte ; puis la voix s immobilise sur un point d orgue atteint, écriture absolument incroyable pour l époque, par un saut ascendant de 9 ème mineure. Encore une fois, Mozart annonce la 2 ème Ecole de Vienne par ce coup d épée vocal.

45 f) Lass dich bewegen, vershone mich / Laisse-toi fléchir! Après une courte intervention des solistes regroupés en quatuor, la voix est de nouveau en écriture syllabique animée de courts syllabismes. g) Des Himmels Segenbelohne dich / La clémence du ciel te récompensera : Interpellation du divin. Cette phrase est elle-même divisée en périodes syllabiques et vocaliques. 1) Syllabique (une note par syllabe)

46 2) Vocalique (plusieurs notes par syllabe) : Et quelles vocalises, vertigineuses, elles atteignent le contre ut, puis le contre ré, et enchaînent traits de doubles croches, staccato et tenues en legato. 3) Nouvelle période syllabique : Sentant son impuissance à fléchir Selim après un immense élan de 10 ème mineure, c est Konstanze qui déprime! La voix parcourt une gamme descendante étalée sur un ambitus de 11 ème du mi aigu au si grave écrite en durées de plus en plus lentes. Alors que fusent des solistes du concertino des gammes montant de plus en plus haut, la flûte atteignant le suraigu, les gammes semblent réanimer l énergie du personnage. 4) Intervention efficace : la vigueur de Konstanze renaît de plus belle! Une nouvelle période vocalique est encouragée par le premier intermède important de l orchestre, marqué par les traits virtuoses des violons. 5) Syllabique : Traitée en écriture concertante, dialoguant avec le concertino qui intervient entre chacune des phrases chantées.

47 B) Allegro assai Doch du bist entschlossen / Mais ta décision est prise, De mon plein gré, avec ardeur / je choisis la peine et le malheur. Changement de tempo. Chaque phrase est en écriture syllabique soutenue par l écriture symphonique frénétique des grands drames : tutti, accents fp, syncopes, trémolos, accords sf ponctuant les mots Lärme, tobe, wüte (gronde, tempête, déchaîne-toi) d accords massifs attaqués sf, grondement des basses en triolets de doubles croches : le vocabulaire des tempêtes de l opéra baroque est là! Les résonances de la langue allemande trouvent leur équivalent dans celles de l orchestre. Ordne nur, gebiete, Lärme, tobe, wüte! Zuletz befreit mich doch der Tod / Allons, commande, exige / gronde, tempête, déchaîne-toi! / La mort, à la fin, me délivrera. (Elle sort.) : Les deux derniers retours de cette phrase ultime reprennent le vocabulaire de la résignation : nuance piano, ligne mélodique descendante, chromatique par instant.

48 Retour du tempo primo (l allegro initial) et du texte Lass dich bewegen / Laisse-toi fléchir dans un traitement musical qui développe une écriture plus concertante que dans la première section, au sein de laquelle la voix joue le rôle d un cinquième soliste sur un accompagnement frémissant de doubles croches. La longue tenue de la voix sur le contre ut est suivie d une formule cadentielle avec trille. Voilà pour cette reprise du texte : même texte littéraire, écriture musicale différente, plus travaillée. Reprise aussi de l allegro legro assai : Même texte et même écriture musicale du précédent allegro assai, incluant cependant quelques modifications concernant les intervalles ainsi que l inclusion des chromatismes. Seulement voilà, notre belle Konstanze va carrément mitrailler Selim de 16 mesures de vocalises époustouflantes prises dans un tempo accéléré, qui se brisent sur une cadence rompue avant l affirmation des deux derniers mots der Tod / la mort. Deux accalmies sur les mots mich doch der Tod. Quant aux vocalises, elles honorent bien sûr l idée de liberté : Zuletzt befreiet mich doch der Tod / la mort me délivrera! (cœur du livret de l Enlèvement au Sérail). Trop beau pour nos oreilles et bien trop de notes, mon cher Mozart aurait dit Joseph II à la sortie de la générale ou de la première de L Enlèvement, à quoi le musicien aurait répondu : juste autant qu il est nécessaire, Sire! Cet air est le fleuron de ce premier grand Singspiel, premier opéra allemand, tant par sa justification dramatique que par la science de son écriture, le brio qu il offre à Konstanze. N 16. Quatuor (Konstanze, Belmonte, Blonde, Pedrillo) (Flûtes, hautbois, basson, cors, cordes) Trois étapes pour traiter la guerre d amour : Un accès de jalousie masculine basée sur des soupçons sans justification, explications, réconciliations, une mini intrigue d opéra! Comme dans les comédies de Molière, il y a deux couples : celui des maîtres, celui des serviteurs. Mais au théâtre les couples se disputent séparément et successivement. Dans le théâtre chanté, maîtres et serviteurs peuvent dialoguer simultanément, ce que Victor Hugo enviera à l opéra. Cela pourrait aboutir à une belle confusion! Grâce à la différence des timbres de voix et à la différence des style d écriture, seria pour Konstanze et Belmonte, buffo pour Blonde et Pedrillo, chaque personnage se détache nettement de l ensemble. Ce quatuor évolue en six périodes : 1. Allegro Ah Belmonte, toi ma vie! Tout est joie : la tonalité Ré majeur, la mesure à 4/4, l écriture rythmique, les bonds de syncopes. Après une courte introduction orchestrale, Konstanze et Belmonte échangent leur joie dans de courts élans vocaux, mélismatiques, puis leurs voix se réunissent, se doublant à la tierce, l intervalle figurant l amour dans le vocabulaire métaphorique du madrigal italien.

49 Suivent les retrouvailles de Blonde et de Pedrillo dans une toute autre écriture : courtes phrases syllabiques, impulsives. N ayant pas été séparés, leur joie n a pas la même ampleur.

50 Les quatre voix se rejoignent pour chanter leur bonheur commun en écriture homophonique (les mêmes syllabes sont chantées en même temps) : Enfin le soleil de l espoir / Brille clair au sombre firmament! / Plein d allégresse, de joie et de plaisir / Nous voyons la fin de nos tourments. Sur le mot End (fin), changement de tonalité, de tempo et de mesure.

51 2. Andante. Sol mineur. 3/8 Hélas malgré toute cette ivresse / Mon cœur éprouve encore / Mainte secrète tristesse (Belmonte). Haletant Belmonte exprime avec discrétion la raison de son tourment sans même oser finir sa phrase On dit on dit que tu serais

52 Suit le dialogue Pedrillo/Blonde. Pedrillo demande si elle vaut bien la peine qu on le pende, nommant, lui, l objet de ses soupçons, Herr Osmin, qu il dote d un monsieur. Il la harcèle carrément en phrases très courtes. A ces interrogatoires les deux femmes répondent calmement usant d une même écriture faite de courts dessins mélodiques, Konstanze avec retenue alors que Blonde envoie promener son Pedrillo. Deuxième période, Allegro assai Les questions deviennent précises : Réaction de Konstanze : elle pleure. Réaction de Blonde : Elle envoie une gifle à Pedrillo. Les voix de nouveau se réunissent en quatuor, les deux couples faisant face à une situation commune. Néanmoins Mozart les organise comme pour un match de double, s entrecroisant tout en gardant leur style propre, se bousculant, se relançant, se stimulant. L intervention de Konstanze : Willst du dich nicht erklâren / Vas-tu enfin t expliquer, en récitatif, introduit l interrogatoire de Blonde par Pedrillo qui le déroule dans un Andante à 4/4.

53 3. Allegro assai. 4/4 C est maintenant la phrase de Blonde, Da nimm die Antwort drauf / Voilà ma réponse (Blonde donne une gifle à Pedrillo), qui sert de transition. Les deux femmes se plaignent l une à l autre de l injure subie. Sib mineur. Les voix évoluent en valeurs régulières sur de courts dessins mélodiques en mouvement conjoint ascendant puis en arpège, doublées par l orchestre, les soutenants dans leur indignation. Point d orgue, point d arrêt, elles et l orchestre sont pétrifiées d indignation! Enfin, les deux hommes reprennent les motifs chantés par leurs fidèles mais en majeur : ils sont rassurés quant à leur comportement! Mais l orchestre a une toute autre attitude, il se fait discret. Mozart leur a réservé un motif d ostinato de notes répétées, griffées sur le premier temps d un groupe appoggiature. Tout cela aboutit à un point d arrêt, silence de stupéfaction, et voilà le quatuor réuni dans un Adagio en écriture verticale mais non homophonique, les quatre personnages chantant un texte différent correspondant à leur situation du moment. Les tonalités Ré min et La mineur s ouvrent sur La majeur, tonalité de la quatrième section.

54 4. Andantino. 6/8 C est une sicilienne. Dépaysement total. Après le climat de la dispute précédente, les quatre personnages sont de nouveau réunis, moralisant, Blonde et Konstanze sur le comportement des hommes, Pedrillo et Belmonte sur celui des femmes, doublés par les cordes. Le rythme berceur de la sicilienne, évocation d un monde idéal, apaise les tensions précédentes. Nouveau point d arrêt, nouvelle suspension. 5. Allegretto. La Majeur. 2/2 Après le recueillement de l Andantino et ses sages maximes, retour des tensions de l intrigue. Les hommes réclament leur pardon. Konstanze et Belmonte. Blonde, non. Alors que les parties des trois autres personnages restent en 2/2, Blonde chante en 12/8, ce qui a pour résultat une rafale de croches chantées dans un train d enfer! Finalement, Blonde rejoint la communauté du 2/2. Finalement les deux filles pardonnent en adoptant l écriture d un canon (celle de Frère Jacques). Nouveau silence, nouveau suspense.

55 6. Allegro. 2/2 Retour à la tonalité de la joie : Ré majeur, tonalité de tous les Gloria. Cette sixième partie débute par un canon dont le motif est présenté par Konstanze. Puis les quatre voix se réunissent en écriture de style choral. Nouveau canon suivi d un choral qui termine l acte dans une aura de joie fervente. C est à la demande de Mozart que cet épisode, théâtre dans le théâtre, a été écrit et avec un texte d une banalité affligeante. En réalité cet intermède fait prendre conscience qu il existe par-delà les péripéties de L Enlèvement, une action intérieure. Selon Hermann Abert ce grandioso siciliano célèbre la pensée centrale de tout L Enlèvement. En effet, ce n est pas du Pacha ni d Osmin que vient le danger principal qui menace les amoureux, mais de leur propre être intime, danger des mouvements mesquins de la jalousie. Ces mesquineries doivent être d abord dominées ; alors seulement les amoureux seront mûrs et aguerris, et pourront affronter les ennemis et les dangers extérieurs. C est pour cela que la clémence de Sélim est à double face, masquant une réelle cruauté. C est la thèse soutenue par Nicole Martin-Maurer. Ayant été éconduit par Aloysia Weber, la sœur de Constance Weber, celle qui sera son épouse, Mozart connaissait bien les tortures de l âme!

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