IMPÔT DES SOCIETES. 1 V. Berchem & O. Willez, «La provision pour pension au regard de la règle des 80%», R.G.F., mars 2002, pp.

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1 IMPÔT DES SOCIETES Cour d appel de Liège Arrêt du 7 décembre Non application immédiate de la règle des 80% à une promesse individuelle de pension souscrite entre l entreprise et un gérant Lorsqu une société contracte en faveur d un administrateur / gérant une promesse individuelle de pension, l administration considère généralement que la règle des 80% doit s appliquer immédiatement lorsque l entreprise provisionne l engagement. Cette position nous a toujours parue erronée, ajoutant une condition supplémentaire illégale à la déduction. Nous avons personnellement toujours soutenu que cette règle, dite des «80%» devait s appliquer exclusivement lors du paiement de la pension et non systématiquement chaque année lors de la comptabilisation de la provision partielle de l engagement 1. Jusqu à présent, un seul arrêt de jurisprudence analysait spécifiquement cette problématique en donnant gain de cause au point de vue de l administration. Il s agissait de l arrêt de la Cour d appel de Liège du 28 juin Cet arrêt avait cependant été rendu dans des circonstances tout à fait spécifiques que nous détaillerons ciaprès, ôtant par là même à ce dernier toute force jurisprudentielle réelle. Par son arrêt du 7 décembre 2005, la Cour d appel de Liège revient spécifiquement sur sa position en confirmant la non application immédiate de la règle des «80%» à une promesse individuelle de pension (non application des articles 52, 3 b cir92, 59 cir92 et 195 cir92). Cet arrêt bien que de principe - n a pas fait l objet d un pourvoi en cassation par l Etat belge, il est donc aujourd hui coulé en force de chose jugée. 1 V. Berchem & O. Willez, «La provision pour pension au regard de la règle des 80%», R.G.F., mars 2002, pp. 55 et s. ; V. Berchem, «Rétribution proméritée régime fiscal des engagements conclu envers un dirigeant indépendant», C&F, février 2005, pp. 36 et s. / J.D.F., juillet-août 2005, pp. 204 et s. 2 Liège, 28 juin 2001, non publié. 1

2 La Cour d appel de Liège développe son argumentaire comme suit : «Attendu, par ailleurs, que les conditions prévues aux articles 48 du cir92 et 24 de l Arrêté Royal d exécution du Code des impôts sur les revenus 92 sont remplies en l espèce ; Attendu que la charge pour laquelle la provision a été comptabilisée est nettement précisée ainsi qu il résulte des termes mêmes des contrats et des explications chiffrées fournies par l intimée dans ses conclusions Attendu, ensuite, que la charge est rendue probable du fait même de l existence des conventions liant juridiquement l entreprise et cette charge est par nature admissible au titre de frais professionnels (article 52, 5 du cir92) ; Attendu, enfin que cette charge grève bien les résultats de la période imposable à l expiration de laquelle elle est constituée, puisqu aux termes des conventions, la tranche de capital correspondante est acquise au bénéficiaire depuis le 1 er janvier de l année concernée ; Attendu, enfin, que la cour n aperçoit pas en quoi les dispositions des articles 52 3 b), 59 et 195 du cir92 seraient applicables en l espèce puisque l intimée n a pas versé de cotisations ou primes patronales 3.» Reprenons et développons à présent les critères légaux de déduction d une promesse interne pour pension et voyons en quoi les articles 52, 3 b cir92, 59 cir92 et 195 cir92 ne trouveraient pas à s appliquer à la matière et les conséquences qui en découlent. Pour faire le tour de la question, il y aura lieu de vérifier successivement le prescrit des articles 48 cir92, 24 AR/cir92, 52,5 cir92, 60 cir92, 59 cir92, 34 AR/cir92 et enfin 35 AR/cir92. S agissant d une provision au sens de l article 48 cir92, il convient tout d abord de vérifier si les conditions mises à la déductibilité de celle-ci sont respectées. Ces conditions sont mentionnées aux articles 24 et s. AR/cir92 auxquels renvoie l article 48 cir92 4. Suivant l article 24 AR/cir92, sont exclues des bénéfices de la période imposable, les provisions lorsque «les charges 3 Souligné par l auteur. 4 Article 48 cir92 : «Les réductions de valeur et les provisions pour risques et charges qui sont comptabilisées par les entreprises en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que les événements en cours rendent probables sont exonérées dans les limites et conditions déterminées par le Roi.» 2

3 auxquelles les provisions sont destinées à faire face sont admissibles, par nature, au titre de frais professionnels et sont considérées comme grevant normalement les résultats de cette période». Dans le cas d espèce, la provision a été constituée en vue de faire face à une charge de pension future. La question se pose donc de savoir si une pension est une charge qui, par nature, est déductible. Principe de la déductibilité par nature d une pension : article 52, 5 cir92. L article 52, 5 cir92 précise que : «sous réserve des dispositions des articles 53 à 66 bis, constituent notamment des frais professionnels les pensions, les rentes viagères ou temporaires, ainsi que les allocations en tenant lieu, attribuées en exécution d une obligation contractuelle, aux anciens membres du personnels ou à leurs ayants droit.» La déductibilité de principe des charges de pension est donc expressément consacrée par le Législateur. Nous pouvons donc en conclure que dans le cadre d une provision pour pension, le prescrit de l article 24 AR/cir92 est rencontrée puisque la charge de pension est bien par nature déductible au titre de charges professionnelles. Il n y a bien entendu pas lieu d appliquer à ce niveau l article 52, 3 b cir92, erreur classique relevée par la Cour d appel de Liège. Cet article concerne en effet les cotisations patronales d assurance complémentaire contre la vieillesse et le décès prématuré. Or, un engagement interne pour pension ne génère par définition pas de cotisation patronale impliquant une nécessaire externalisation de l engagement. Exception au principe de déductibilité d une pension (article 52, 5 cir92) : article 60 cir92. Par exception à l article 52, 5 cir92, l article 60 cir92 dispose pour rappel que «les pensions, rentes ou allocations en tenant lieu ne sont considérées comme frais professionnels que si elles sont attribuées à des personnes ayant bénéficié antérieurement de rémunérations en raison desquelles la législation concernant la sécurité sociale des travailleurs ou des indépendants a été appliquée, ou aux ayants droit desdites personnes, et pour autant que ces sommes ne dépassent pas celles qui seraient obtenues par le versement de cotisations visées à l article 59.» 3

4 En application de l article 60 cir92, il y a donc clairement application de la règle des «80%» lors du paiement de la pension. La chose n est pas discutable. Toute autre est cependant la question de savoir si cette règle des «80%» doit également s apprécier annuellement, lors des variations à apporter à la provision pour pension. Il faut dès l abord constater que la règle de l article 60 cir92 constitue un exception au principe de déductibilité consacré à l article 52, 5 cir92 et doit en conséquence faire l objet d une interprétation stricte. En d autres termes, le renvoi par l article 60 cir92 à l article 59 cir92 et à la règle des «80%» que ce dernier article édicte doit s apprécier de manière restrictive. Nous démontrons ci-après que dans le cadre de l article 60 cir92 qui renvoie à l article 59 cir92, il ne peut être fait application de l article 59 cir92 et aux articles 34 & 35 AR/cir92 - que quant au mode de calcul de la règle des «80%». A la lecture du prescrit de l article 59 cir92, il appert que ce dernier n est relatif qu au mode de calcul de la règle des «80%» laissant à un Arrêté Royal d application le soin de déterminer la période de vérification de la règle des «80%». En effet, pour rappel, l article 59 cir92 stipule que : «1 er. les cotisations patronales visées à l article 52, 3 b ne sont déductibles qu aux conditions et limites suivantes : 2 les prestations légales et extra-légales en cas de retraite, exprimées en rentes annuelles, ne peuvent dépasser 80 p.c. de la dernière rémunération brute annuelle normale et tiennent compte d une durée normale d activité professionnelle 5. Le Roi détermine les conditions et le mode d application de la présente disposition» Ce sont les articles 34 & 35 AR/cir92 qui viennent préciser la teneur de l article 59 cir92. L article 34 AR/cir92 commence de la façon suivante : «Pour l application des articles 52, 3 b et 52, 5 et 59, du Code des impôts sur les revenus 1992» Cet article s applique donc tant aux cotisations patronales d assurances complémentaires (52, 3 b cir92) qu aux engagements internes pour pension (52, 5 cir92). 4

5 Cet article 34 AR/cir92 se borne à définir les termes «rémunération brute annuelle normale, dernière rémunération brute annuelle normale, durée normale d activité professionnelle», termes qui entrent en considération dans le calcul de la règle des «80%». Quant à l article 35 AR/cir92, il commence comme ceci : «1 er. La déduction à titre de frais professionnels des cotisations et primes patronales visées à l article 52, 3 b du Code des impôts sur les revenus 1992 est subordonnée aux conditions suivantes» Nous constatons tout de suite que cet article 35 AR/cir92 voit sa portée volontairement et explicitement limitée aux cotisations patronales d assurances complémentaires (visées à l article 52, 3b cir92). Il ne peut donc en aucun cas s appliquer aux engagements internes pour pension (visés à l article 52, 5 cir92). Or, c est cet article 35 AR/cir92 qui organise le contrôle annuel de la règle des «80%» aux cotisations visées à l article 52, 3 b cir92, c est-à-dire, pour rappel, les cotisations patronales d assurance complémentaire contre la vieillesse et le décès prématuré (cf. infra). Les articles 34 et 35 AR/cir92 ont donc un champ d application ratione materiae tout à fait différent : - l article 34 est général et vise les cotisations et pensions. - l article 35 est spécifique et ne vise que les cotisations. Cette différence dans le champ d application revêt une importance fondamentale dans la mesure où c est en vertu de l article 35 AR/cir92 que s opère la vérification annuelle de la règle des «80%» sur les cotisations versées annuellement. En effet, l article 35 AR/cir92, qui vise spécifiquement les cotisations patronales, prévoit que la règle des «80%» se vérifie par année par rapport à la rémunération brute annuelle normale pendant l année concernée (et pas la dernière rémunération brute annuelle normale). Il ne saurait donc être question d une quelconque vérification annuelle de la règle des «80%» à une provision pour pension, qui n est elle visée que par l article 34 AR/cir92, via le renvoi effectué par l article 59 cir92 et particulièrement la notion de «dernière rémunération brute annuelle normale». Par ailleurs, appliquer l article 35 AR/cir92 à un engagement interne pour pension, outre le fait que cela irait manifestement à 5

6 l encontre du texte légal, rendrait d office non déductible ce type d engagement. En effet, il n y a jamais par définition de versement à une entreprise d assurance 5 dans le cadre d une promesse de pension autofinancée par l entreprise. In fine, l administration elle-même établi le bon lien entre les articles applicables dans son commentaire administratif : Les liens établis entre : - l article 52, 3 b cir92 et les articles 34 et 35 AR/cir92 ; - l article 52, 5 cir92 et les articles 60 cir92 et 34 AR/cir92 ; sont repris tels quels de manière distincte dans le commentaire administratif du Code des impôts sur les revenus aux articles 59/0 et 59/1 et aux articles 60/0 et 60/1. Cette interprétation est d ailleurs confirmée par le prescrit de l article 60/9 du commentaire administratif du Code des impôts sur les revenus : «En ce qui concerne les pensions visées aux articles 52, 5 et 60 cir92, la limite des 80% ne peut bien entendu être appréciée qu au terme du contrat». Et de confirmer à l article 60/10 du commentaire administratif du Code des impôts sur les revenus : «Lorsque la pension.. constitue la seule prestation extralégale dont l intéressé jouit et que cette pension dépasse la prestation globale maximum ; la partie qui dépasse la prestation maximum autorisée ne peut être admise, au moment où elle est allouée, comme des frais professionnels de l employeur concerné. Pour de plus amples développements sur cette question, nous renvoyons à notre étude parue précédemment dans Comptabilité et Fiscalité Pratique 6. Non application de l article 195 cir92. L article 195 cir92 édicte en son 1 er alinéa 2 que : «les versements d assurance ou de prévoyance sociale ne sont toutefois déduits que dans la mesure où ils se rapportent à des rémunérations qui sont allouées ou attribuées régulièrement et a moins une fois par mois avant la fin de la période imposable au cours de laquelle l activité rémunérée a été exercée et à condition que ces rémunérations soient imputées par la société sur les résultats de cette période.» 5 Article 35 AR/cir92, 1 er, 1. 6 V. Berchem & O. Willez, «La provision pour pension au regard de la règle des 80%», R.G.F., mars 2002, pp. 55 et s. 6

7 Cet article ne vise donc clairement que les cotisations versées, et non les engagements pour pension visés à l article 52, 5 cir92 qui par définition ne donnent lieu à aucun versement. Il n y a donc aucune raison de subordonner la déductibilité d une provision pour pension à une rémunération périodique. Enfin, il est à constater que l Arrêt de la Cour d appel de Liège revient sur la position adoptée par la Cour dans son arrêt du 28 juin Cet arrêt n était de toute façon pas à considérer dans la mesure où la Cour s était penchée d elle-même sur la problématique de la règle des 80%, sans même que cet argument soit relevé et développé par une des parties en cause. Cet arrêt concernait un de nos clients. Il est à souligner à ce propos que malgré l arrêt de la Cour d appel qui lui était favorable, la Direction régionale compétente, pour les exercices subséquents, a décidé ultérieurement d un dégrèvement complet en acceptant le principe de la non application immédiate de la règle des «80%» à un engagement interne pour pension. Conclusion : principales conséquences de la non application de l article 52, 3 b ; 35 AR/cir92 et 195 cir92 à une promesse de pension autofinancée par l entreprise 1) Il n y aura pas d application annuelle de la règle des «80%». C est bien exclusivement à l échéance de la pension que pourra être apprécié le respect de cette règle au regard de la dernière rémunération brute annuelle normale 8 ; 2) Le taux de réversibilité des prestations prévues à l échéance de l engagement de pension au profit du conjoint survivant peut dépasser 80% 9 ; 3) Le fait que la rémunération attribuée par l entreprise au bénéficiaire ne soit pas périodique, de même que le montant actuel de cette rémunération n ont aucune influence sur la déductibilité fiscale de la provision pour pension 10. Vincent Berchem Juriste-fiscaliste Associé SA BFS 7 Liège, 28 juin 2001, non publié ; Voyez V. Berchem & O. Willez, «La provision pour pension au regard de la règle des 80%», R.G.F., mars 2002, pp. 55 et s. 8 Non application de l article 35, 2, 2 AR/cir92. 9 Non application de l article 35, 1 er, 5 AR/cir Non application des articles 195 cir92 & 35 AR/cir92. 7