Changement de variables dans les intégrales sur un ouvert de R N. 1 Propriétés de la mesure de Lebesgue.
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- Rachel Boivin
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1 Université d Artois Faculté des Sciences ean Perrin Mesure et Intégration Licence 3 Mathématiques-Informatique) Daniel Li Changement de variables dans les intégrales sur un ouvert de R N Daniel Li April 25, Propriétés de la mesure de Lebesgue. Rappelons que le Théorème d unicité des mesures dit qu il n y a qu une seule mesure sur R N telle que : N pour tous α n β n, 1 n N. ) [α n, β n [ = N β n α n ) On en déduit la propriété importante suivante : Théorème 1 La mesure de Lebesgue sur R N est invariante par translation. Cela signifie que si t a : R N R N x x + a alors t a ) =. Autrement dit, si l on pose, pour A R N : alors : A + a = {x + a ; x A}, A + a) = A) pour tout borélien A BorR n ) et tout a R n. Preuve. Il suffit de remarquer que : ta ) ) N ) N ) [α n, β n [ = [α n a n, β n a n [ = N βn a n ) α n a n ) ) = et d utiliser l unicité rappelée ci-dessus. est la translation par a R N, N β n α n ), 1
2 Notation. Dans toute la suite, on notera : Q 0 = [0, 1[ ) N. Théorème 2 Soit µ une mesure positive sur R N telle que : 1) µ soit invariante par translation : µa + a) = µa) pour tout borélien A BorR n ) et tout a R n, 2) µq 0 ) = 1. Alors µ =. Preuve. On prendra N = 2 pour simplifier l écriture. a) Soit, 1 des entiers. Comme : Q 0 = 1 j 1 k [ j 1, j [ et que la réunion est disjointe, on a : 1 = µq 0 ) = [j 1 µ, j 1 j 1 k Mais l invariance par translation donne : [j 1 µ, j [ donc : soit : [ k 1, k [ ) = µ [ k 1, k [ [ [ 0, 1 [ 1 = µ 0, 1 [ [ 0, 1 [ ), [ µ 0, 1 [ [ 0, 1 [ ) = 1 1 [ k 1, k [ ). [ [ 0, 1 [ ) ; b) L invariance par translation, de nouveau, donne maintenant : [ l µ,l + 1 [ [ m,m + 1 [ ) = 1 1 pour tous l, m N. c) Si L, M 1 sont des entiers, on écrit, comme ci-dessus : et l on obtient donc : [ 0 µ,l [ 0,L [ [ 0,M [ = 0 l L 1 0 m M 1 [ l,l + 1 [ [ m,m + 1 [ [ [ 0,M [ ) = LM 1 1 = L M 2
3 Cela signifie que si r, s Q +: µ[0, r[[0, s[) = rs. d) Soit a, b > des nombres réels positifs; il existe des nombres r n, s n Q + tels que r n a et s n b. Alors : ) µ[0, a[[0, b[) = µ [0, r n [[0, s n [ n 1 = lim n + µ[0, r n [[0, s n [) = lim r n s n = ab. n + e) En utilisant de nouveau l invariance par translation, on obtient alors, pour tous réels a < a et b < b : µ[a, a [[b, b [) = µ[0, a a[[0, b b[) = a a)b b). Le Théorème d unicité donne alors µ = λ 2. Corollaire 3 Soit µ une mesure positive sur R N invariante par translation et telle que µq 0 ) = C < +. Alors µ = C. Preuve. a) Si C > 0, il suffit d appliquer le th eorème à 1/C)µ. b) Si C = 0, on a, par l invariance par translation : Comme: µ[k 1, k 1 + 1[ [k N, k N + 1[)µQ 0 ) = 0. R N = k 1,...,k N Z on obtient µr N ) = 0, c est-à-dire µ = 0. [k 1, k 1 + 1[ [k N, k N + 1[, Théorème 4 Soit T : R N R N une application linéaire. Alors, pour tout borélien B BorR N ), on a : T B) ) = det T λn B). Remarque 1. En particulier, on a, d une part : ab) = a N B) pour tout réel a 0 et tout borélien B BorR N ), et d autre part : T B) ) = dett ). On a donc ainsi une interprétation géométrique du déterminant d une application linéaire. 3
4 ) Remarque 2. Si T n est pas injective, on a dett ) = 0, et donc T B) = 0 pour tout borélien B. C est normal, puisqu alors T B) est contenu dans un sous-espace vectoriel strict de R N. Inversement, ce théorème permet de retrouver que tout sous-espace vectoriel strict de R N a une mesure de Lebesgue N-dimensionnelle) nulle: il suffit de prendre pour T la projection orthogonale sur ce sous-espace vectoriel. Preuve. a) Posons : µb) = T B). µ est une mesure positive et invariante par translation grâce à la linéarité de T ). De plus, T Q 0 ) est une partie bornée de R N ; donc µq 0 ) = C < +. Le corollaire précédent permet de conclure que µ = C. Il s agit donc de voir que C = dett ). b) Notons que la consatante C = CT ) vérifie : car CT 1 T 2 ) = CT 1 )CT 2 ) CT 1 T 2 ) B) = T1 T 2 B) ) = T1 T 2 B) ) = CT 1 ) T 2 B) = CT 1 )CT 2 ) B). Elle vérifie aussi CId R N ) = 1. c) Si T = D est un opérateur diagonal, c est-à-dire que sa matrice, dans la base canonique, est de la forme : d d d N, alors DQ 0 ) est un pavé dont les côtés sont de longueur d 1,..., d N ; donc : CD) = d 1 d 2 d N = d 1 d 2 d N = detd). d) Si T = U est une transformation orthogonale c est-à-dire que U t U = t UU = Id R N, soit t U = U 1, ou encore que U est une isométrie linéaire), notons : B N = {x = x 1,..., x N ) R N ; x x 2 N < 1} la boule unité ouverte. Comme U est une isométrie linéaire, on a UB N ) = B N. Donc : B N ) = UB N ) = CU) B N ), ce qui entraîne car λb N ) > 0) que CU) = 1 rappelons que tout ouvert non vide Ω de R N contient un pavé ouvert non vide et donc Ω) > 0). e) Le théorème s en déduit car toute application linéaire T peut se décomposer en : T = U 1 DU 2, où D est diagonal et U 1, U 2 sont orthogonales. 4
5 2 Théorème général de changement de variable. Rappel. Soit U et V deux ouverts non vides) de R N ; on dit que ϕ: U V est un difféomorphisme de classe mathscrc 1 si : 1) ϕ est bijective ; 2) ϕ et ϕ 1 ont des dérivées partielles continues ce qui équivaut à dire qu elles sont continûment différentiables). Si l on écrit ϕ = ϕ 1,..., ϕ N ), le jacobien de ϕ en x U est le déterminant de la matrice jacobienne, c est-à-dire : 1 ϕ 1 x) N ϕ 1 x) 1 ϕ 2 x) N ϕ 2 x) ϕ x) =... 1 ϕ N x) N ϕ N x) C est aussi le déterminant de la différentielle de ϕ en x, c est-à-dire l application linéaire : On a : ϕ x) = dϕ)x): R N R N N a = a n ) 1 n N a n n ϕx). Théorème 5 Théorème de changement de variable.) Soit U et V deux ouverts non vides de R N et ϕ: U V un difféomorphisme de classe C 1. Alors, pour toute fonction f : V R + mesurable positive, on a : CV) ft) d t) = f ϕx) ) ϕ x) d x). V U De plus, si f : V R ou C, alors f est intégrable sur V si et seulement si f ϕ) ϕ est intégrable sur U, et dans ce cas, l égalité CV) est encore valable. Remarque. Cela revient à dire, en prenant f = 1I B ϕ 1 = 1I ϕb), que, pour tout borélien B de U : ) ϕb) = ϕ x) d x), B c est-à-dire que la mesure-image ϕ 1 ) sur U est égale à la mesure ϕ. de densité ϕ par rapport à. Noter aussi que l on prend la valeur absolue du jacobien. 5
6 Remarque. On notera que U et V sont des ouverts. Si l on intègre sur une partie D qui n est pas ouverte, il faut si l on peut) se ramener à un ouvert ; par exemple en supprimant un ensemble de mesure nulle. Exemple important : coordonées polaires dans le plan. Soit : ϕr, θ) = r cos θ, r sin θ). ϕ réalise un difféomorphisme de classe C 1 de l ouvert U 0 =]0, + []0, 2π[ sur l ouvert Le jacobien est : V 0 = R 2 \ [0, + [{0}). ϕ r, θ) = cos θ sin θ r sin θ r cos θ = r. Bien que ϕu 0 ) = V 0 ne soit pas R 2 tout entier, on a : λ 2 [0, + [{0}) = 0 ; on peut donc écrire, pour toutes les fonctions f pour lesquelles les intégrales ont un sens : fx, y) dλ 2 x, y) = fr cos θ, r sin θ) r dλ 2 r, θ), R 2 U 0 ou, avec des notations plus classiques : fx, y) dxdy = R 2 Exemple. Calcul de I = e x2 /2 dx. R r>0 0<θ<2π fr cos θ, r sin θ) rdrdθ. On a : ) ) I 2 = e x2 /2 dx e y2 /2 dy ; R R donc, grâce au Théorème de Fubini-Tonnelli : I 2 = 2 +y 2 )/2 dxdy. R 2 e x Grâce à la remarque ci-dessus, on a : I 2 = = R 2 \[0,+ [{0}) ]0,+ []0,2π[ e x2 +y 2 )/2 dxdy e r2 /2 rdrdθ ; 6
7 d où, en utilisant à nouveau le Théorème de Fubini-Tonnelli : + 2π ) + I 2 = e r2 /2 r dθ dr = 2π e r2 /2 rdr, 0 0 soit, en posant u = r 2 /2 : Par conséquent I = 2π. 0 I 2 = 2π + 0 e u du = 2π. Bien sûr, on peut intégrer aussi en coordonnées polaires sur des ouverts V R 2 au lieu de R 2 tout entier, lorsque cela s y prête ; c est-à-dire lorsque ϕv ) s exprime facilement cela revient à intégrer une fonction de la forme f = g1i V ). Remarque. Il faut bien faire aussi attention à ce que ϕ soit bijective. A titre d exemple, traiter l exercice suivant. Exercice. On pose Φx, y) = x 2 + y 2 x ), pour x, y) 0, 0). x2 + y 2 1) a) Montrer que Φ 1 = Φ R]0,+ [ est un difféomorphisme de classe C 1 de R]0, + [ sur ]0, + [] 1, 1[. b) Montrer que Φ 2 = Φ R],0[ est un difféomorphisme de classe C 1 de R], 0[ sur le même ouvert ]0, + [] 1, 1[. 1 2) a) Soit µ la mesure de densité 2π e x2 /2 par rapport à la mesure de Lebesgue sur R 2, et soit ν = Φµ µ) l image de µ µ par Φ. Montrer que pour toute fonction mesurable positive g : R 2 R +, on a : gx, y) dνx, y) = R 2 ]0,+ [] 1,1[ gu, v) e u/2 2π 1 1 v 2 dudv on remarquera que gx, y) dνx, y) = g Φ)x, y) e x 2 +y 2) /2 dxdy R 2 R 2π 2 puis on écrira R 2 = R]0, + [) R], 0[) R {0}). b) En déduire que ν = m 1 m 2 s écrit comme le produit de deux mesures m 1 et m 2, et que ces mesures possèdent chacune une densité par rapport à la mesure de Lebesgue sur R. Remarque. Le résultat de l exercice s interprète de la façon suivante en Probabilités: Si X et Y sont deux variables aléatoires indépendantes possédant la loi normale centrée réduite, alors U = X 2 + Y 2 et V = X/ X 2 + Y 2 sont aussi indépendantes. 7
8 3 Preuve du Théorème de changement de variables. Cette preuve est due à.t. Schwartz. On prouvera d abord deux lemmes. Notons Q l ensemble de tous les cubes fermés contenus dans l ouvert U et dont les côtés sont parallèles aux axes. Lemme 6 Soit µ et ν deux mesures de Borel positives sur l ouvert U de R N. Si on a : µq) νq), Q Q, alors µ ν, c est-à-dire que : µb) νb), B BorU). Preuve. L hypothèse entraîne que l on a µq) νq) pour tout cube semiouvert Q = N [a n, a n + h[ U h > 0), car un tel cube est réunion d une suite croissante de cubes dans Q. Maintenant, tout ouvert Ω U est réunion dénombrable de cubes semi-ouverts du type précédent, deux-à-deux disjoints ; donc µω) νω). Comme toute mesure de Borel sur U est régulière, on en déduit que µb) νb) pour tout borélien B de U. Lemme 7 Soit Θ = θ 1,..., θ N ): U R N R N une application de classe C 1. Pour tout Q Q, on a : [ ] ΘQ) sup Θ ξ) N Q), ξ Q où : Θ ξ) = sup 1 i N N j θ i ξ). j=1 Preuve. Donnons-nous ξ, η Q et appliquons le Théorème des accroissements finis : pour chaque i = 1,..., N, il existe ζ i) [ξ, η] tel que : Cela donne : θ i η) θ i ξ) = N η j ξ j ) j θ i ζ i) ). j=1 θ i η) θ i ξ) sup Θ ζ) h, ζ Q où h est la longueur du côté du cube Q. Cela signifie que Θξ) et Θη) sont dans un cube de côté sup ζ Q Θ ζ) h, ce qui prouve le Lemme 7. Passons maintenant à la preuve proprement dite du théorème. 8
9 Il s agit donc de prouver que, pour tout borélien A de U, on a : [ ] ϕa) = ϕ ξ) dξ. Il suffit en fait de prouver seulement l inégalité : [ ] ) ϕq) ϕ ξ) dξ, Q Q. Q En effet, notons λ U et λ V les mesures de Lebesgue sur U et V = ϕu), et notons ψ = ϕ 1. Posons : µ = ψλ V ) et ν = ϕ.λ U. L inégalité ) s écrit : A µq) νq), Q Q. Par le Lemme 6, on a donc µ ν, c est-à-dire : ψλ V ) ϕ.λ U. Echangeant les rôles de U et V et de ϕ et ψ, on aura aussi : Composant avec ψ, cela donnera : d où : ϕλ U ) ψ.λ V. λ U ψ ψ.λ V ) = ψ ϕ).ψλ U ), ϕ.λ U ψλ V ), car ϕ = 1 ψ ϕ On a donc bien obtenu l égalité ψλ V ) = ϕ.λ U. Preuve de ). Soit Q Q et soit k 1. Ecrivons Q comme la réunion de k N autres cubes Q i Q, tous de même taille, et dont les intérieurs sont deux-à-deux disjoints. Comme la frontière d un cube est de mesure nulle pour la mesure de Lebesgue, on a : Q i ) = i i Q ) i ) = Q i Q) i i Q i ), d où : Q) = i Q i ). Choisissons ξ i Q i et posons Θ = [ ϕ ξ i ) ] 1 ϕ. 9
10 Par le Lemme 7, on a : [ϕ ξ i ) ] 1 ϕqi ) )) sup ξ Q i [ ϕ ξ i ) ] 1 ϕ ξ) N Q i ). Mais l application u = ϕ ξ i ) est linéaire différentielle de ϕ en ξ i ) ; donc u 1 aussi et on obtient : ϕqi ) ) ϕ ξ i ) sup ξ Q i [ ϕ ξ i ) ] 1 ϕ ξ) N Q i ). Comme ϕ est de classe C 1, ϕ est uniformément continue sur le cube compact) Q, et donc l application linéaire [ ϕ ξ i ) ] 1 ϕ ξ) est aussi voisine que l on veut de l identité, pour ξ et ξ i assez proches : ε > 0 étant donné, on peut choisir k 1 assez grand pour avoir, pour chaque i = 1,..., k N : On a ainsi : sup [ ϕ ξ i ) ] 1 ϕ ξ) 1 + ε, ξ i Q i. ξ Q i ϕqi ) ) 1 + ε) N ϕ ξ i ) Q i ). Choisissons maintenant ξ i Q i de telle sorte que : ϕ ξ i ) Q i ) = ϕ ξ) dξ, Q i ce qui est possible car ϕ est continue et car : 1 inf ϕ Q i ) ϕ ξ) dξ sup ϕ Q i ). Q i ) Q i En ajoutant maintenant membre à membre les k N inégalités précédentes, on obtient : ) ϕq) ϕqi ) ) i 1 + ε) N i ϕ ξ) dξ = 1 + ε) N Q i Q ϕ ξ) dξ car Q) = i Q i ), c est-à-dire 1I Q = i 1I Q i -presque partout). Comme ε > 0 était arbitraire, on obtient bien l inégalité ). 10
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