OBSERVATOIRE DE LA VIE LITTERAIRE TVA non récupérable incluse. Non. Oui. Non. Non. Oui

Transcription

1 e du projet / e du projet/ of the project OBVIL Titre du projet en français OBSERVATOIRE DE LA VIE LITTERAIRE Project title in English Responsable scientifique et technique du projet/project manager (chercheur, enseignant chercheur ) Aide demandée/ Requested funding Champ(s) scientifique(s) du projet/scientific field(s) of the project Nom, Prénom / Last name, First name : ALEXANDRE Didier Etablissement / Institution : Université Paris-Sorbonne Laboratoire / Laboratory : Littérature française. XIX e -XXI e siècles Numéro d unité/unit number : EA TVA non récupérable incluse Sciences du Numérique et Mathématiques Humanités Ce projet, ou un projet proche, a-t-il été soumis pour LABEX2010? Ce projet est-il la suite, pour tout ou partie, d un ou plusieurs projets soumis à LABEX2010? Non Non Oui e du projet : OBVIL Coordinateur du projet : ALEXANDRE Didier Oui es des projets Coordinateurs Ce projet est-il partie prenante d un projet d Idex? Non Oui e de l'idex : SUPER Etablissement coordinateur (voir définition ci-après) / Institution leading the project (project leader see definition in the call for proposals) Nom de l établissement / Institution name PRES Sorbonne-Universités Statut / Status Fondation 1/37

2 e du projet / Établissement gestionnaire de l aide (voir définition ci-après), à compléter si différent de l établissement coordinateur / Institution managing the fundings (see definition in the call for proposals), to be completed if different from the project leader Nom de l établissement / Institution name Université Paris-Sorbonne Statut / Status Université Affiliations des unités partenaires (voir définition ci-après) du projet/partner s affiliation (see definition in the call for proposals) Laboratoire(s)/ Laboratory Numéro(s) d unité/ Unit number Tutelle(s)/Research organization reference Littérature française XIX e -XXI e siècles EA 4503 Université Paris-Sorbonne Centre d étude de la langue et la littérature françaises des XVII e et XVIII e siècles - CELLF UMR 8599 Université Paris-Sorbonne Equipe ACASA du LIP6 Université Pierre et Marie UMR 7606 Curie Centre de recherche en littérature comparée - CRLC EA 4510 Université Paris-Sorbonne Centre de recherche sur la création littéraire en France au XVI e siècle EA 2578 Université Paris-Sorbonne Centre de recherches interdisciplinaire sur les mondes ibériques et contemporains - CRIMIC EA 2561 Université Paris-Sorbonne Civilisation et littérature d Espagne et d Amérique - CLEA EA 4083 Université Paris-Sorbonne Programme de recherches interdisciplinaires sur le théâtre et les pratiques scéniques - PRITEPS Université Paris-Sorbonne Voix Anglophones : littérature et esthétique - VALE EA 4085 Université Paris-Sorbonne Littérature et culture italiennes EA 1496 Université Paris-Sorbonne RESUME / SUMMARY DESCRIPTION SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE DU PROJET / TECHNICAL AND SCIENTIFIC DESCRIPTION OF THE PROJECT Description du programme, ambition, pertinence et strategie scientifique/ Program description, vision, ambition and scientific strategy Présentation scientifique du projet de recherche/ Scientific description of the research project Impact du programme sur la formation/ Impact on training Impact socio-économique du programme /Socio economic impact ORGANISATION ET GOUVERNANCE DU PROJET/ORGANIZATION AND GOVERNANCE /37

3 e du projet / 2.1 Responsable scientifique et technique/principal Investigator Organisation du partenariat / Partnership Description, adéquation et complémentarité des unites partenaires/partners description, relevance and complementarity Qualification, rôle et implication des UNITES partenaires / Qualification, role and involvement of the partner units Gouvernance /Governance Stratégie des etablissements/institutional strategy JUSTIFICATION DES MOYENS DEMANDES/ FUNDING JUSTIFICATION Programme de recherche/ Research project Projet pédagogique Valorisation/ Exploitation of results and technology transfer Gouvernance/ governance RESUME / SUMMARY L Observatoire de la vie littéraire (OBVIL) réunit des chercheurs appartenant à sept équipes d accueil, à deux unités mixtes de recherche du CNRS et à un programme transversal doté par l Unité Mixte de Services de la Maison de la Recherche de Paris-Sorbonne. Il regroupe des enseignants-chercheurs et des chercheurs des universités Paris-Sorbonne et Pierre et Marie Curie, les uns spécialistes de littérature, les autres de sciences cognitives et d informatique. Leur collaboration, qui s inscrit dans le cadre du PRES Sorbonne-Universités, s élargit également à un réseau de partenaires et d associés à l échelon national et international. Le contexte. Avec le développement des technologies de l'information et de la communication, le médium électronique prend une part de plus en plus déterminante dans les échanges. Au delà de son impact social, économique, industriel et commercial, ce format modifie les pratiques des écrivains, des journalistes, des lecteurs et des universitaires, bouleversant ainsi la «vie littéraire». D un côté ce médium transforme les conditions de la création littéraire : il suscite de nouveaux lieux de publication, de nouveaux supports, de nouveaux genres et formes littéraires. D un autre côté, il provoque aussi des changements dans l'épistémologie critique : il permet de nouvelles pratiques de lecture et d'analyse. Il a donc semblé nécessaire de créer un laboratoire dévolu à l observation et à l analyse de ce double bouleversement qui conduit à s interroger, selon des perspectives nouvelles, sur les questions qui sont au cœur de la vie littéraire depuis cinq siècles : valeur, auctorialité, instances de légitimation, jugement critique, expression du goût. Le projet. Ce laboratoire d un nouveau type entend développer toutes les ressources offertes par les applications informatiques pour examiner aussi bien la littérature française du passé (XVI e - XX e siècles) que la plus contemporaine qui se développe actuellement sur des supports variés (papier, livre électronique, web) ; il s ouvrira également à d autres espaces littéraires : l étude des traductions, des transpositions et des adaptations permettra de comprendre, à travers un échantillonnage représentatif, la manière dont se constituent les canons dans des contextes culturels différents. L observation portera d une part sur un certain nombre de fonds anciens numérisés, étudiés en particulier dans leur réception à travers les siècles par la numérisation de tous les textes critiques les concernant. Il s agira ainsi de faire apparaître de nouveaux moyens de publication et de lecture des textes, alliant les compétences philologiques des spécialistes de la littérature et les ressources des instruments numériques mis au point par les spécialistes d informatique : constitution, sous forme de base de données, de collections patrimoniales et de corpus savants, balisage et indexation sémantique de ces corpus au moyens de logiciels développés à cette fin. De tels ensembles devront être interrogés dans la dynamique et l histoire de leur constitution (format, support, appareillage 3/37

4 e du projet / savant, traditions textuelles). L analyse des différents états de ces textes, de leurs variantes et des diverses lectures critiques qu il ont suscitées aboutira à l élaboration de livres électroniques mettant à la disposition du lecteur aussi bien la représentation cartographique des résultats obtenus que les processus mêmes ayant présidé à l enquête. L observation s étendra d autre part à la littérature contemporaine : il s agira d effectuer, à partir d un échantillon d auteurs de notre temps, un travail de veille fondé sur l exploitation des ressources que les nouvelles technologies mettent quotidiennement à la disposition du public sur internet. La veille automatique exercée par des ordinateurs programmés sur un échantillon choisi de lieux où se crée et se commente la littérature permettra d examiner quand, comment et par qui elle est créditée de valeur, quelle(s) forme(s) prennent les discours critiques, comment se formulent les jugements de goût. Ces deux types d observation sont donc les deux faces d un même projet d analyse de la constitution de la valeur en littérature : vie littéraire, valeur littéraire, jugement littéraire sont les trois mots-clés qui, dans les liens de plus en plus étroits entre littérature et informatique, programment aujourd hui la recherche sur l histoire de la littérature d un point de vue synchronique et diachronique. Avec la distance scientifique requise, l OBVIL doit permettre de caractériser la vie littéraire selon des données objectives et quantifiables, afin de déterminer les conditions réelles d émergence et de constitution de la valeur littéraire. Cette caractérisation combinera les apports du comparatisme (la vie littéraire française n étant pas la vie littéraire des autres nations), de l histoire de la vie littéraire et des pratiques culturelles (la période contemporaine ayant des propriétés distinctes des siècles passés). Elle aura une extension internationale, puisque des spécialistes de littérature comparée et de littératures étrangères interviendront pour étudier les processus de légitimation d auteurs de langue française dans les pays autres que la France. La méthode scientifique. La recherche portera sur une bibliothèque électronique constituée de corpus d œuvres et de commentaires critiques numérisés ou recueillis grâce au processus de veille électronique sur la production contemporaine : des corpus d écrivains des cinq derniers siècles et d aujourd hui, mais aussi des corpus constitués à partir d ouvrages de critique littéraire, d articles de presse et de la matière fournie par les blogs. Elle sera conditionnée par la mise au point d algorithmes qui permettront diverses opérations : cartographie de corpus, détection de plagiat et de réécriture inconsciente, visualisation des variantes des divers états d un texte imprimé, constitution de répertoires, formalisation d appareils critiques savants. À partir de là, les partenaires industriels élaboreront un ensemble de logiciels, de programmes, de livres informatiques qui, au terme de ces opérations, feront l objet d une valorisation par une mise en ligne ou par une commercialisation éditoriale l un des buts de l OBVIL étant de concevoir un modèle inédit de livre électronique, mettant à disposition, selon de nouveaux modes de lisibilité, tous les états d un texte, ses variantes et les diverses lectures critiques qu il a inspirées. L impact épistémologique et pédagogique. Outre que la collaboration entre chercheurs en informatique et chercheurs en littérature devrait permettre une avancée notable en matière de philologie numérique, enjeu essentiel de notre temps dans le domaine des Humanités, l OBVIL entend être pleinement acteur dans la vie littéraire dont il se veut l observateur. L ensemble des données collectées (observations et analyses, évaluations fines des résultats, exemples de corpus modélisés) fournira la matière d un site internet accessible à tout public. Le rôle des chercheurs dans la société civile n est pas de suivre sans recul les usages culturels dominants : la recherche universitaire doit demeurer dans un espace de savoir qui ne se confond pas avec celui des créateurs et des amateurs. Mais il est non moins vrai que l on ne saurait plus aujourd hui borner la recherche au seul espace universitaire. L OBVIL entend ainsi concilier les modalités et les objectifs d une évaluation savante et avec le souci légitime d une réelle utilité sociale 4/37

5 e du projet / Cette ambition scientifique ne doit pas occulter les enjeux pédagogiques : la formation des étudiants, celle des enseignants, et, au delà, celle des acteurs sociaux dans leur rapport à la vie littéraire. Il faut se doter d une ambitieuse politique de formation à tous les niveaux du cursus universitaire. Il bénéficiera d un réseau international susceptible de faire connaître ses travaux, dont les réponses aux appels d offre allocations, post-doctorats, invitations de chercheurs permettront de mesurer l attractivité. Il apportera aussi à la communauté des chercheurs des outils informatiques novateurs, une bibliothèque accessible en ligne, une modélisation du livre électronique savant. La gouvernance et l insertion dans la stratégie de l établissement. L OBVIL est dirigé par un directeur et un directeur adjoint élu pour quatre ans. Le conseil de laboratoire, représentatif des cinq axes de recherche, et, en conséquence, de l ensemble des partenaires définit et budgétise la politique scientifique du laboratoire, son recrutement (chaire de Professeur annuelle, contrats doctoraux et postdoctoraux). Le conseil scientifique, exclusivement composé d autorités scientifiques extérieures aux établissements et présidé par le VP du Conseil scientifique de Paris-Sorbonne, valide ces programmes et recrutements, et expertise, tous les deux ans, les activités du laboratoire. Celui-ci s inscrit dans la stratégie du PRES : il suscite des collaborations entre des partenaires des universités du PRES, dont l objet commun est la littérature, pour produire une connaissance nouvelle de cet objet, à l interface entre la théorie littéraire et les méthodologies des sciences cognitives. L ambition de transformer les champs disciplinaires jusqu alors cloisonnés est forte. Cette convergence dans la recherche a les effets affichés par SUPER, le projet de l IDEX dans la formation, en LMD, dans la vie sociétale, et dans le monde économique. 1 DESCRIPTION SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE DU PROJET / TECHNICAL AND SCIENTIFIC DESCRIPTION OF THE PROJECT 1.1 DESCRIPTION DU PROGRAMME, AMBITION, PERTINENCE ET STRATEGIE SCIENTIFIQUE/ PROGRAM DESCRIPTION, VISION, AMBITION AND SCIENTIFIC STRATEGY Vision scientifique du projet À l heure où l économie du livre et la littérature vivante sont bouleversées par le numérique et où des pans entiers des études littéraires sont eux-mêmes révolutionnés par l informatique, l OBVIL veut réunir les méthodologies des spécialistes de littérature et les nouveaux outils numériques : il s agit de construire sur de nouvelles bases l étude de la «vie littéraire» et, par là, de contribuer au renouvellement de la discipline. L OBVIL tire les conséquences des transformations que les nouvelles technologies provoquent dans la vie littéraire. D un côté, le medium électronique transforme les conditions de la création littéraire : il suscite de nouveaux lieux de publication, de nouveaux supports, de nouveaux genres et formes littéraires. D un autre côté, il provoque aussi des changements dans l'épistémologie critique : il permet de nouvelles pratiques de lecture et d'analyse. La création, la diffusion, la recherche scientifique, le jugement critique, les lieux et les formes de sa formulation ont profondément changé au cours des trente dernières années. Si le codex domine encore une partie du champ, le livre électronique et les outils informatiques créent de nouveaux objets et de nouvelles méthodologies qui modifient la lecture et l analyse, quantitativement et qualitativement. Quant à l impact sur le public, il en est profondément modifié. Devenu un phénomène mondial, la littérature, même si l on peut en revendiquer l excellence canonique dans des lieux de savoir ou des institutions détentrices de l autorité critique, fait l objet de jugements aussi multiples que divers par leur origine, leur formulation et leur substance. Les blogs illustrent la pointe extrême de cette critique impulsive, éphémère, anarchique, qui fait partie de la vie littéraire. 5/37

6 e du projet / Il a donc semblé nécessaire de créer un laboratoire dévolu à l observation et à l analyse de ce double bouleversement qui conduit à s interroger, selon des perspectives nouvelles, sur les questions qui sont au cœur de la vie littéraire depuis cinq siècles : valeur, auctorialité, instances de légitimation, jugement critique, expression du goût. Observer la vie littéraire, de la Renaissance à aujourd hui, ce n est ni examiner les processus de création des œuvres littéraires (objet des approches philologiques et génétiques) ni se pencher sur l interprétation des textes (objet de l approche herméneutique) : c est diriger la focale vers ce qui instaure la valeur des textes, ce qui crée la légitimité des auteurs, ce qui fonde les jugements des lecteurs et des critiques aussi bien dans le présent que sur la longue durée. Pour cela l OBVIL ne choisira pas ses objets d étude parmi les seuls auteurs français et les seules œuvres françaises : l étude des traductions, des transpositions et des adaptations permettra de comprendre, à travers un échantillonnage représentatif, la manière dont se constituent les canons dans des contextes culturels différents. Avec la distance scientifique requise, la puissance du calcul informatique et la mise au point d algorithmes originaux, l OBVIL doit permettre de caractériser la vie littéraire selon des données objectives et quantifiables, afin de déterminer les conditions réelles d émergence et de constitution de la valeur littéraire. Objectifs concrets Ce laboratoire d un nouveau type entend développer toutes les ressources offertes par les applications informatiques pour examiner aussi bien les littératures du passé (XVI e -XX e siècles) que la littérature contemporaine qui se développe sur des supports variés (papier, livre électronique, web). Il s agira donc d observer et de définir les règles de constitution de la valeur littéraire dans la longue durée, préalable pour une analyse de l émergence de cette valeur dans la littérature d aujourd hui. L objectif de l OBVIL est de mettre au jour les processus de valorisation (ou de dévalorisation) d une œuvre littéraire, d établissement d un canon en matière de littérature, de légitimation (ou de désacralisation) d un auteur. L observation se focalisera donc sur les variations de la valeur non seulement dans l espace littéraire français, mais aussi à l échelle européenne et plus largement occidentale. Des facteurs comme l émotion esthétique, le plaisir (ou la désaffection) des lecteurs et des spectateurs seront ainsi pris en compte dans les corpus analysés : ceux-ci devront associer l étude des œuvres primaires et l examen de l ensemble des jugements critiques portés sur ces dernières depuis leur publication. Concrètement, deux formes d observation seront développées. D un côté l OBVIL travaillera sur un certain nombre de fonds anciens numérisés, étudiés en particulier dans leur réception à travers les siècles par la numérisation de tous les textes critiques les concernant. Il s agira ainsi de faire apparaître de nouveaux moyens de publication et de lecture des textes, alliant les compétences philologiques des spécialistes de la littérature et les ressources des instruments numériques mis au point par les spécialistes d informatique : constitution, sous forme de base de données, de collections patrimoniales et de corpus savants, balisage et indexation sémantique de ces corpus au moyens de logiciels développés à cette fin. De tels ensembles devront être interrogés dans la dynamique et l histoire de leur constitution (format, support, appareillage savant, traditions textuelles). L analyse des différents états de ces textes, de leurs variantes et des diverses lectures critiques qu il ont suscitées aboutira à l élaboration de livres électroniques mettant à la disposition du lecteur aussi bien la représentation cartographique des résultats obtenus que les processus mêmes ayant présidé à l enquête. D un autre côté l OBVIL étendra son observation à la littérature contemporaine : il s agira d effectuer, à partir d un échantillon d auteurs de notre temps, un travail de veille fondé sur l exploitation des ressources que les nouvelles technologies mettent quotidiennement à la disposition du public sur internet. La veille automatique exercée par des ordinateurs programmés sur un échantillon choisi de lieux où se crée et se commente la littérature permettra d examiner 6/37

7 e du projet / quand, comment et par qui elle est créditée de valeur, quelle(s) forme(s) prennent les discours critiques, comment se formulent les jugements de goût. L approche de la vie littéraire que se propose l OBVIL n est donc pas centrée sur les mécanismes de la création, mais sur les conditions de réception des œuvres. Cela n est pas sans conséquences sur les choix des textes, des écrivains et des critiques étudiés. Dans son échantillonnage, l OBVIL sera attentif à sélectionner des auteurs considérés comme des classiques par la postérité et des auteurs jugés mineurs ou marginaux, des œuvres célèbres, des best-sellers vite oubliés et des textes longtemps méconnus ou ignorés, qui apparaissent a posteriori comme un chaînon essentiel de l histoire littéraire. Cet échantillonnage permettra d observer, dans la durée et dans ses variations, la construction du discours critique sur les auteurs et sur leurs œuvres. Le but est non seulement de comprendre ce qu est un acteur de la vie littéraire, mais aussi d assumer cette fonction dire la valeur, que les universitaires spécialisés dans l étude littéraire remplissent au côté des critiques professionnels et du grand public. Sur le plan disciplinaire, la démarche ne relève ni de la sociologie littéraire, ni de la réception critique. L OBVIL n est pas un site de création ou d édition de littérature. Il n est pas non plus un simple relais critique au service de la création contemporaine. Les chercheurs et enseignantschercheurs qu il regroupe pensent que les bouleversements de la valorisation, et de la dévalorisation, contemporaine des œuvres et des auteurs obligent à reconsidérer les procédures passées de légitimation, d auctorialité, de circulation des œuvres et de constitution de canons. Un projet aussi global, qui couvre les littératures françaises, comparées, anglo-saxonnes, hispaniques, italiennes, ne peut se réaliser sans un décloisonnement disciplinaire et méthodologique. Le contexte actuel des sciences cognitives rend possible sa réalisation : l interface entre les théoriciens et les historiens des littératures et des informaticiens est nécessaire. La conception d outils informatiques spécifiques à l analyse des corpus d auteurs et des corpus critiques de ces auteurs a pour envers un questionnement mené par les littéraires sur les processus de valorisation et de dévalorisation. De même, la mise en place des corpus, leur indexation, et leur interrogation supposent des arborescences sémantiques fines et complexes que seuls les logiciels peuvent hiérarchiser et maîtriser. L observation diffère donc radicalement des numérisations qui se banalisent actuellement : observer nécessite la construction d un objet, sa description, l élaboration d outils et de méthodologies d analyse, par l intelligence artificielle et l intelligence humaine. Les nouvelles technologies sont mises au service non des sciences de la nature, mais des sciences de la culture. Mode de structuration de la recherche Les recherches entreprises par l OBVIL seront structurées en cinq axes. Deux axes (1 et 2) fédèrent les recherches menées par des littéraires et des comparatistes sur les questions centrales de la valeur, de la vie littéraire et de la constitution de la figure d écrivain à partir de l échantillonnage des œuvres et des textes critiques portant sur celles-ci. Au cours des quatre premières années du contrat, la réflexion théorique collective de l OBVIL porte successivement sur ces questions, dans des séminaires annuels où interviennent des chercheurs et enseignants-chercheurs du laboratoire, dans des colloques internationaux annuels où sont invités des spécialistes de ces questions : Qu estce qu un corpus (1)? Qu est-ce que la valeur littéraire (2) (3)? Qu est-ce que la vie littéraire (4)? Qu est-ce que la transposition, qu est-ce que l adaptation (2) (3) (4)? Ces séminaires ont une triple efficacité : ils dressent un état de la question ; ils posent les fondements théoriques d une interrogation des résultats de la lecture et de la cartographie des corpus par les outils informatiques ; ils définissent, corrigent et affinent les critères d indexation des textes constituant ces corpus. Les 7/37

8 e du projet / trois volets du projet (théorisation, ateliers de corpus, création d outils informatiques) se développent en synergie. L axe 3 explore la question de l auctorialité, à partir d un ou deux cas d espèce (l œuvre balzacienne, le théâtre de Molière), en centrant ses recherches sur la réécriture et le plagiat. La prise de risque de ce projet est de trois ordres : le premier enjeu est relatif aux méthodes de détection des plagiats, fondées sur un modèle génératif : il s agit de déterminer s il est possible de mettre ces méthodes en œuvre dans un corpus volumineux et si les résultats obtenus améliorent les performances des outils de détection de plagiat existant. Le deuxième enjeu concerne la visualisation des réseaux de réemplois et l analyse des pratiques d écriture qu ils révèlent : c est notamment par ce biais qu on peut aborder de façon renouvelée le débat lancé au début du XX e siècle par le poète Pierre Louÿs sur la paternité des œuvres de Molière. Le troisième enjeu est le possible renouveau des études intertextuelles à partir d une comparaison informatique des textes. L axe 4 propose un nouveau type d édition de texte sous une double format, imprimé et électronique. Il s agit de donner à lire à la fois tous les états successifs d un même texte et l intégralité du corpus critique relatif à ce texte, visualisables sous forme de cartographies chronologiques et thématiques. Ces données accueillies dans un espace éditorial commun permettront, pour une même œuvre ou un même ensemble, de prendre toute la mesure des changements intervenant dans l appréhension de la vie littéraire, et les formulations du jugement critique. L axe 5, enfin, consiste en la partie la plus visible, la plus sociétale, la plus didactique et donc la plus civique du projet OBVIL : la mise en place d un site OBVIL dévolu à diffuser le savoir construit par le projet auprès des publics d étudiants, de savants et de lettrés, et dévolu à l observation de la vie littéraire contemporaine dans les limites scientifiques et de corpus précisées dans le projet. Bénéfices attendus du projet en termes de transformation Répondant à la transformation de l environnement technologique et sociétal de la vie littéraire, l OBVIL entend bien apporter des modifications dans la méthodologie d analyse des corpus d œuvres et des corpus critiques et dans la connaissance des procédures de valorisation des textes littéraires. L innovation est ainsi le premier terme qui le caractérise, non parce qu il recourt à l informatique, mais parce qu il exige des nouvelles technologies l invention d outils d analyse. Si la recherche doit porter sur une bibliothèque électronique constituée de corpus d œuvres et de commentaires critiques soit déjà numérisés (ou qui le seront pour la circonstance), soit recueillis grâce au processus de veille électronique sur la production contemporaine, elle sera conditionnée par la mise au point d algorithmes qui permettront diverses sortes d opérations : cartographie de corpus, détection de plagiat et de réécriture inconsciente, visualisation des variantes des divers états d un texte imprimé, constitution de répertoires, formalisation d appareils critiques savants. À partir de là, les partenaires industriels élaboreront un ensemble de logiciels, de programmes, de livres informatiques qui, au terme de ces opérations, feront l objet d une valorisation par une mise en ligne ou par une commercialisation éditoriale. Dans tous les cas, l un des buts de l OBVIL est de concevoir un modèle inédit de livre électronique, mettant à disposition, selon de nouveaux modes de lisibilité, tous les états d un texte, ses variantes et les diverses lectures critiques qu il a inspirées. Enfin, l OBVIL entend être pleinement acteur dans la vie littéraire dont il se veut l observateur. L ensemble des données collectées (observations et analyses, évaluations fines des résultats, exemples de corpus modélisés) fourniront la matière d un site internet accessible à tout public. Le rôle des chercheurs dans la société civile n est pas de suivre sans recul les usages culturels dominants : la recherche universitaire doit demeurer dans un espace de savoir qui ne se confond pas avec celui des créateurs et des amateurs. Mais il est non moins vrai que l on ne saurait plus aujourd hui borner la 8/37

9 e du projet / recherche au seul espace universitaire. L OBVIL entend ainsi concilier les modalités et les objectifs d une évaluation savante avec le souci légitime d une réelle utilité sociale. Caractère structurant du projet En terme de site, le projet possède une double synergie fédératrice. D une part, l OBVIL décloisonne des disciplines jusqu ici séparées à l intérieur du domaine des humanités. Ainsi, une même bannière «vie littéraire» fédère des partenaires venus de disciplines différentes : les études anglophones, italianistes, hispaniques rejoignent la littérature française, la littérature comparée et la stylistique autour d un même objet, la valeur littéraire. Les corpus réunissent des objets qui trop souvent font l objet d études séparées : les textes des auteurs, la réception immédiate et dans la longue durée, les adaptations, les représentations, les traductions etc. D autre part, l Observatoire rapproche les spécialistes des littératures et les spécialistes d informatique et de science cognitive. Car il ne s agit pas pour les littéraires de faire appel à des techniciens en informatique pour construire et gérer des corpus: il s agit d établir une collaboration permanente permettant de mettre en œuvre de nouveaux outils numériques, expressément forgés par les membres du laboratoire d informatique de l UPMC. Il va de soi qu une telle collaboration entre chercheurs en informatique et chercheurs en littérature devrait permettre une avancée notable en matière de philologie numérique. Cette synergie fédératrice, dont on ne peut mesurer les effets qu à titre d hypothèse permet, sur le site du PRES de Sorbonne-Universités, de décloisonner les disciplines et de franchir les frontières qui opposent, traditionnellement, sciences exactes et sciences de l homme, sciences dures et littérature. Ce double décloisonnement permet évidemment la collaboration des chercheurs et des enseignants-chercheurs : mais il regroupe aussi, dans des formations communes de LMD, les étudiants des disciplines, voire des sites différents du PRES Sorbonne-Universités. Le projet est donc structurant pour les méthodologies, pour les disciplines, pour les sites enfin. Jusqu ici la recherche dans le domaine littéraire a eu pour finalité la production de savoir. Or l ambition requise par les Labex suppose la création de laboratoires d un nouveau type. L OBVIL veut être un laboratoire au sens pleinement «scientifique» du terme qui exige des financements importants pour sa recherche, sa pédagogie, son fonctionnement et sa gouvernance. C est en quoi l association des littéraires et des informaticiens est tout sauf une association de circonstance. 1.2 PRESENTATION SCIENTIFIQUE DU PROJET DE RECHERCHE/ SCIENTIFIC DESCRIPTION OF THE RESEARCH PROJECT État de l art et enjeux scientifiques Dresser un état de l art relatif au projet d Observatoire de la vie littéraire implique que l on fasse le point 1) sur une question théorique, celle de la valeur en littérature ; 2) sur la numérisation des corpus mobilisés par l OBVIL ; 3) sur les recherches dans le domaine émergeant des «humanités numériques» et en particulier sur leur extension à la littérature. 1. La valeur littéraire, une question théorique. Très peu nombreux sont, du moins dans l espace francophone, les ouvrages consacrés à la question de la valeur en littérature. Dans le domaine des études littéraires, le discours critique s interroge exceptionnellement sur la valeur de son objet d étude. Principale ment, on questionne l noncé ou l intention de l auteur. Un second courant interroge la forme de l énoncé. La bipartition, observable depuis longtemps en matière de littérature, entre l herméneutique et la philologie reflète ces deux questionnements. En somme, les historiens de la littérature étudient des œuvres dont la valeur est tenue pour acquise selon un système circulaire (on étudie ce à quoi certaines instances prêtent de la valeur, et le fait de l étudier confirme sa valeur) que le monde de l université et de la recherche modifie à la marge, grâce à ses 9/37

10 e du projet / travaux dans le domaine de l histoire et de l esthétique, en conférant de la valeur à des auteurs ou des œuvres qui passaient pour ne pas en avoir. La valeur intervient à trois niveaux dans le domaine littéraire : elle s applique d abord à la littérature en général face aux autres arts et à l ensemble de la production écrite dont elle n est qu une partie ; elle concerne les œuvres elles-mêmes (c est grosso modo la valeur esthétique) ; elle intervient enfin au niveau des idéologies proposées et véhiculées par les œuvres. La question est devenue centrale aujourd hui : le premier niveau (la valeur de la littérature) est au cœur d une remise en cause sociétale, reflet d un changement de civilisation, car les sociétés démocratiques contemporaines offrent une palette de plus en plus élargie de pratiques culturelles et ludiques, où la littérature occupe une position très étroite. Dernièrement, le «Web 2.0» et les réseaux sociaux ont bouleversé la vie littéraire en autorisant des modes de production littéraire inédits, caractérisés à la fois par leur interactivité et leur revendication participative. Ces transformations affectent non seulement la pratique littéraire, ses modes de diffusion et sa réception, mais aussi la critique, qui devient collective : chaque internaute est en mesure de commenter publiquement n importe quelle production, au même titre que les critiques autorisés ce qui modifie les conditions de production de la valeur. L OBVIL met la valeur au cœur de l enquête. Il ne réintroduit pas la question du jugement en littérature, soigneusement évitée par la critique universitaire des dernières décennies. Il interroge les conditions de constitution du jugement qui instaure la valeur des œuvres et la légitimité des écrivains. Depuis le XIX e siècle, de nombreuses études relevant de l histoire des mentalités, de l histoire des genres, de l histoire de la rhétorique, de l histoire des pratiques culturelles ou de la sociologie littéraire ont mis au jour les processus de reconnaissance et de légitimation littéraire, les conditions d émergence et de transformation de la valeur de certaines œuvres et les modalités de la modification, de la disparition, de l apparition ou de la réapparition de la valeur d autres œuvres au cours des décennies et des siècles ultérieurs. Mais ces processus n ont pas été envisagés dans la perspective que se fixe l OBVIL : on a étudié et on continue à étudier les différentes instances qui fabriquent de la valeur et apportent la légitimité, on ne les a pas étudiées sous l angle de leur contribution à l élaboration de la valeur littéraire. 2. La numérisation des corpus : état des lieux. Au sens propre, la numérisation désigne l'opération au cours de laquelle un objet physique acquiert une image informatique sous forme d'une séquence de nombres binaires, d'où le terme de numérisation, littéralement «mise en nombre». Bien que cette définition paraisse claire, elle se révèle floue, car polysémique lorsqu on l applique à un corpus littéraire. Au moins quatre sens s y rattachent selon que l on considère le support matériel de l écrit, le texte en tant que tel, sa description ou sa structure logique. Et chacun de ces sens donne naissance à un ensemble de processus techniques. En premier lieu, la numérisation du support matériel de l'écrit requiert des outils de photographie, ou «scanners», pour enregistrer sur ordinateur l'image des documents. Il existe des bancs de numérisation efficaces qui diminuent la pénibilité des manipulations. Une fois l image des documents enregistrée sur support informatique, il faut la décrire à l aide de métadonnées, pour la rendre accessible, et en extraire le texte, lorsqu on le peut. Les métadonnées correspondent aux fiches traditionnelles que rédigeaient les bibliothécaires. Elles sont soit données manuellement puis représentées dans un format lisible par les machines, soit extraites automatiquement. Dans tous les cas, il convient d abord de définir des formats standards de description informatique ; il en existe plusieurs, comme le «Dublin core» (cf. assez largement répandu. L'extraction automatique de métadonnées (nom de l auteur, de l éditeur, année de parution) fait toujours l objet de recherches actives en intelligence artificielle. 10/37

11 e du projet / De même, l acquisition du texte, sous forme d'une chaîne de caractères, à partir de l image de documents imprimés, a déjà fait l objet de nombreux travaux. Des logiciels de reconnaissance optique de caractères (souvent désignés par le sigle anglais OCR [Optical Character Recognition] ; d où le terme d'océrisation pour désigner cette opération), disponibles dans le commerce à des prix abordables, effectuent ce travail automatiquement. De nombreuses erreurs compromettent cependant les résultats de cette transcription. Un savoir-faire est nécessaire pour diminuer le nombre d erreurs. Cet échenillage requiert souvent une relecture humaine. Des sociétés spécialisées effectuent ce travail, indispensable pour que le texte final comporte peu de fautes. L'extraction automatique de textes à partir de manuscrits fait aussi l objet de recherches fondamentales. Enfin, lors de la dernière étape de numérisation, dite de balisage, on décrit la structure logique du texte paragraphes, chapitres, etc. et ses propriétés typographiques (fonte, casse). Comme pour les métadonnées, le balisage s'opère soit manuellement, soit automatiquement. Dans tous les cas, il faut disposer d un formalisme. La TEI (Text Encoding Initiative - a établi des standards comme SGML. Aujourd'hui, les outils de balisage automatique font l'objet d'un nombre considérable de recherches avec l aide, en particulier, d outils d'apprentissage machine. De nombreuses campagnes de numérisation massives ont été financées par les pouvoirs publics (la BnF, en France) ou par des sociétés privées (par exemple Google). Cependant, elles escamotent généralement certaines étapes du processus, ce qui rend les corpus ainsi constitués difficilement exploitables tels quels. Ainsi la première campagne de numérisation de la BnF se limitait à l acquisition de l image des documents. Aujourd'hui, les textes transcrits automatiquement dans le cadre de la campagne lancée par Google présentent encore de nombreux défauts et les métadonnées sont souvent déficientes. Ces campagnes fournissent néanmoins des sources précieuses à condition que l on soit en mesure de les corriger, de les compléter et de les enrichir. 3. Humanités numériques : le cas de la littérature. Dès le milieu des années 1940, avant même la construction du premier ordinateur électronique, l importance des technologies du traitement de l information pour la société, pour l'intelligence en général et pour les humanités en particulier, avait été pressentie par quelques visionnaires, comme Norbert Wiener (Cybernetics, 1946) ou Vannevar Bush («As We May Think», 1945 article qui pose les fondements d'une extension électronique des mémoires humaines, ce que l auteur appelle la MEMEX [Memory Extension]). Il a fallu attendre une vingtaine d années avant que ces intuitions commencent à germer, puis une vingtaine d années encore avant qu elles donnent naissance à des réalités concrètes. Dans les années 1960, des historiens, des sociologues et des anthropologues ont songé à utiliser l ordinateur pour leur travail. Cela fut le cas en France de Jean-Claude Gardin, à l'ehess, dans le cadre du LISH. Dans les années 1980, ces approches conceptuelles ont commencé à prendre corps (voir les travaux pionniers de Gian Piero Zarri, en histoire). Pour la littérature, l évolution a suivi le même cours. Des travaux précurseurs ont été engagés dans les années 1960 : on a créé des outils de stylistique automatique fondés sur l analyse de données, ainsi que de nouveaux outils d interprétation pour faciliter le travail dans les disciplines d érudition (voir le projet TUSTEP [Tübingen System of Text Processing Programs] lancé en 1966) ; on a songé également à de nouvelles formes d écriture adaptées à l ordinateur. Ainsi, en 1965, Ted Nelson introduit le terme d'hypertexte pour désigner un texte informatisé augmenté d un réseau de liens et de renvois entre parties. Vingt ans plus tard, ces projets sont devenus réalité, avec des programmes informatiques accessibles à tous. Aujourd hui, la stylistique automatique se fonde essentiellement sur des statistiques lexicales (Lebart & Salem, 1994) élaborées grâce à des outils comme Lexico, mis au point par André Salem et son équipe. Il existe aussi quelques approches syntaxiques fondées sur l emploi d étiqueteurs ou d analyseurs morpho-syntaxiques et sur le repérage de motifs structurels (Ganascia, 2001). La 11/37

12 e du projet / linguistique de corpus et la sémantique se sont considérablement développées grâce aux analyses d intelligence artificielle sur la représentation des connaissances et sur l apprentissage automatique. En s'inspirant des recherches conduites en bio-informatique, les outils d alignement automatique ont fait d importants progrès, tant en ce qui concerne l algorithmique que l interface (Ganascia, 2007). Il est possible désormais de comparer différents états d un texte et de repérer automatiquement les ajouts, suppressions, remplacements et déplacements qui font passer d un état à l'autre. Dans un esprit un peu différent, de nombreux travaux ont porté sur le repérage des plagiats. Ils pourraient être utilisés dans une perspective d analyse intertextuelle. Enfin, la philologie a bénéficié des recherches de biologistes portant sur la construction d'arbres phylogénétiques pour établir des traditions philologiques à partir de textes de différentes éditions (Barbrook & al. 1998). Les travaux sur l hypertexte littéraire se sont beaucoup développés depuis une trentaine d'années (Bolter, 1991 ; voir l édition hypertextuelle d'edmond Jabès par Aurèle Crasson, 2005). Quelques essais d écriture informatique ont aussi été poursuivis (voir sur le sujet les travaux de Jean-Pierre Balpe). Enfin, avec le Web, en particulier avec le Web 2.0, sont apparues de nouvelles approches qui portent non plus directement sur la recherche d information, mais sur le recueil des citations et sur l agrégation des appréciations portées sur un film, un spectacle, un texte, un auteur ou un livre. Elles s apparentent à la «fouille d opinion» (Pang & Lee, 2008), qui fait actuellement l objet d un nombre important de recherches. À notre connaissance, cette technique n a jamais été appliquée à la vie littéraire proprement dite. Or elle pourrait contribuer à mettre au jour les mécanismes d établissement de la valeur en littérature. À cela s ajoutent toutes les tentatives de description des réseaux sociaux, qu il s agisse des réseaux d auteurs, de personnages, de citations, donnant naissance à des visualisations graphiques de tous ordres (voir les travaux récents d'emmanuel Souchier et de son équipe, Garon & al., ). Objectifs scientifiques et techniques Les objectifs scientifiques et techniques que se fixe l OBVIL seront développés en deux temps, dans une phase expérimentale, puis dans une phase d exploitation. Pour mener à bien son projet d observation et de définition les règles de constitution de la valeur littéraire dans la longue durée et être en mesure de fournir des données objectives et quantifiables, l OBVIL élaborera dans une première phase et développera dans un second temps des instruments de recherche informatiques adaptés. Ceux-ci doivent permettre d éditer des livres numériques savants, mais aussi de cartographier et d interroger dans les deux dimensions, micro et macroscopique les corpus retenus. Ces instruments, novateurs pour les études littéraires, s inscrivent dans la continuité des recherches conduites par le LIP 6 à l Université Pierre et Marie Curie-Paris VI. Ils sont de quatre types. 1) Le premier, dont le logiciel d alignement unilingue MEDITE offre un modèle, permet d effectuer des analyses diachroniques systématiques. Ce logiciel a fait l objet de nombreux tests et un grand nombre d équipes demandent à l utiliser. Il s agira d en faire un logiciel libre, prêt à l emploi et d offrir un service de maintenance pour le mettre à disposition de la communauté intéressée. On se propose également de coupler MEDITE à des analyses linguistiques pour essayer d identifier des types d opérations propres à chaque auteur. Un autre objectif est d intégrer ce logiciel à des environnements d édition électronique, de façon à permettre au lecteur d effectuer ses propres comparaisons. MEDITE sera enfin complété par des instruments d analyse macroscopique visualisant les réutilisations, plus ou moins paraphrastiques, dans une œuvre. 2) Le deuxième type d instruments doit permettre de cartographier automatiquement des fonds d archives ou d œuvres, et de visualiser les corpus selon plusieurs angles. Ces cartes faciliteront la 12/37

13 e du projet / navigation dans les corpus, tout en matérialisant les parcours individuels et/ou collectifs. Leur construction repose sur un balisage des textes à l'aide de métadonnées. Ce dernier sera soit réalisé manuellement, soit construit automatiquement à partir des œuvres et de sommaires, soit même, éventuellement, engendré directement à partir du texte et de sa structure. Qu il soit automatique ou manuel, le balisage repose sur l emploi d «ontologies formelles» qui feront l objet d une réflexion critique. Des prototypes de cartographies ont été développés pour les contenus télévisuels et pour naviguer dans des encyclopédies en ligne. Il s agira de les étendre à la littérature et, surtout, d évaluer leur apport en situation, tout en les couplant avec des moteurs de recherche. 3) Le troisième type d instruments vise à regrouper automatiquement des textes analogues, et à en extraire les caractéristiques communes. Pour cela, les chercheurs de l OBVIL procéderont d abord à la constitution de corpus numériques, puis ils feront appel à différentes techniques d extraction automatique de thématiques, dont certaines sont statistiques, comme la LDA (Latent Dirichlet Analysis) et d autres plus symboliques, comme l algorithme PRESS développé dans l équipe ACASA du LIP6. L objectif de ses recherches est d identifier des styles de critiques, ce qui serait possible, par exemple, à partir des articles publiés dans la presse à l occasion de la rentrée littéraire. 4) Enfin, le quatrième type d instruments relève en partie des outils d analyse stylistique classique, qu il s agira d utiliser et d étendre, tandis que des instruments novateurs seront développés en parallèle. Dans les quarante dernières années, beaucoup d analyses lexicométriques portant sur la répartition statistique du vocabulaire dans les textes ont été effectuées, parfois à bon escient, parfois aussi de façon trop rigide ou excessive. Le LIP6 a récemment développé des études stylistiques construites à partir d une analyse des motifs syntaxiques récurrents. Dans le cadre de l OBVIL, ces études seront poursuivies et feront l objet d une réélaboration visant à en affiner les critères. Apports théoriques et positionnement du projet dans le contexte Les apports théoriques de l OBVIL, du fait de son orientation scientifique, sont doubles. 1) Les recherches ont d'abord une visée d ordre épistémologique dans le champ des études littéraires et, plus généralement, dans le champ des sciences de la culture. Pour le comprendre, rappelons d abord que les différences entre sciences de la nature et sciences de la culture tiennent à la fois aux méthodes d investigation et aux objets d étude. Plus précisément, les sciences de la nature procèdent par induction, à partir de nombreux cas particuliers, dans le but d extraire des propriétés générales et de trouver des lois ; en revanche, les sciences de la culture procèdent par interprétation et reconstruction de quelques cas particuliers paradigmatiques, dans le but de les expliquer et de leur donner sens. Les objets des sciences de la nature sont indépendants des hommes, tandis que ceux des sciences de la culture sont produits par l activité humaine consciente. Avec le développement des technologies de l information et de la communication et avec le déploiement d expérimentations dites in silico parce qu elles opèrent sur les données stockées dans des mémoires électroniques sur supports de silicium autrement dit avec ce que l on appelle dans le monde anglo-saxon les «e-sciences», une révolution épistémologique est en cours dans les sciences de la nature. Or, du point de vue défendu par l OBVIL, cette révolution ne s arrête pas aux frontières des sciences de la nature ; elle porte aussi sur les sciences de la culture. L OBVIL entend montrer comment cette épistémologie nouvelle influe sur les pratiques dans le domaine des études littéraires : il ne s agit pas, pour lui, de naturaliser les sciences littéraires, mais de montrer comment l herméneutique littéraire et ses processus interprétatifs bénéficient de l apport des sciences du traitement de l'information. 2) L orientation scientifique de l OBVIL induit par ailleurs une nouvelle appréhension du fait littéraire, fondée sur l idée que cet objet n est pas exclusivement textuel. En faisant de la constitution de corpus un préalable à ses recherches, l OBVIL met l accent sur les critères d indexation des œuvres littéraires, leur nature et leur extension. Ce faisant, il présuppose que 13/37

14 e du projet / certains critères environnementaux, doivent être pris en compte. Tout objet littéraire a un contexte énonciatif, qui peut être académique, auctorial ou professionnel, masculin ou féminin, national ou étranger, autorisé ou censuré, écrit ou oral, confidentiel ou médiatisé, brut ou mis en scène etc. Tout texte implique en outre un mode de présentation, déterminé par le support (journal, revue généraliste, revue littéraire, recueil, livre), par les contraintes génériques (récit, drame, essai, journal intime) et par des choix éditoriaux (typographie, images). Tout texte a enfin un environnement publicitaire lieu institutionnel de formulation, cabinet de lecture, académie, société littéraire, université, site internet, blog, quatrième de couverture, bulletin de libraire et un mode de diffusion (local, régional, national, international), qui définissent un lectorat. Ce sont ces indices que l OBVIL entend cartographier pour contribuer à mieux saisir la constitution du jugement et de la valeur littéraires. L enquête pourra ainsi s élaborer sur des bases élargies, selon une perspective qui envisagera le fait littéraire dans sa formulation, dans son énonciation, dans sa présentation et dans sa publication. Cette approche mettra en évidence non seulement les critères de goût et les variations auxquels ils sont soumis selon les siècles, mais aussi la part prise à la valorisation (ou à la dévalorisation) d une œuvre par la matérialité des supports, l autorité institutionnelle ou médiatique, le moment historique, les modalités d énonciation et de diffusion. Objets et axes de recherche 1. Objets de recherche. Pour circonscrire leurs objets d investigation, les chercheurs de l OVBIL, quelle que soit leur discipline littérature française, anglo-américaine, hispanique, italienne, allemande, littérature comparée devront constituer un échantillonnage d auteurs, de genres ou de domaines pertinents. La recherche, dans sa phase expérimentale, puis dans sa phase d exploitation, ne saurait couvrir en effet l ensemble des littératures, passées et présentes, leur réception en France et à l étranger, et l intégralité du discours critique. La constitution des corpus, leur recension, leur indexation et leur numérisation auront donc pour préalable une réflexion méthodique sur l échantillonnage, sur son organisation et sur les métadonnées pertinentes. La numérisation de ces corpus critiques sera réalisée en mode texte. Cette phase - bibliographie, recension, identification, indexation, numérisation, relecture - permettra de lier étroitement recherche et formation. Des étudiants de master seront invités à mettre en forme et à vérifier les textes numérisés, à corriger les fautes apparues lors de la saisie, en soumettant ces textes à un protocole éditorial homogène. Quant aux corpus premiers auteur, genres domaines, il reviendra aux doctorants, aux enseignants-chercheurs ou aux chercheurs de les constituer, en établissant la bibliographie chronologique, en reproduisant les textes des diverses éditions, en numérisant ceux-ci en mode texte et en les indexant conformément au protocole établi. La relecture de la numérisation sera assurée par des vacations confiées à de jeunes chercheurs (master, doctorats). 2. Axes de recherche. Pour étudier la vie littéraire, la constitution de la valeur et la légitimation des écrivains dans la longue durée jusqu à la période contemporaine, l OBVIL organisera ses recherches en cinq axes. Sont donnés en annexe des exemples de programme qui illustrent ce qui suit. 1) Axe 1 : Observation de la valeur et de la vie littéraires. Cet axe réunit des chercheurs autour du questionnement de la valeur littéraire, de la vie littéraire et de réception des auteurs. L histoire littéraire permet de distinguer deux approches de la valeur. La première, essentialiste, trouve son expression dans la valorisation d un classicisme immuable, fixé dans la seconde moitié du XVII e siècle, qui permet d évaluer les siècles antérieurs et postérieurs. Cette évaluation trouve sa formulation dans un canon, transmis en particulier par l institution scolaire et universitaire. Ce 14/37

15 e du projet / canon peut être national, mais aussi européen. C est pourquoi l axe 1 recoupe certains travaux réalisés dans l axe 2 construit autour des traductions, transpositions et adaptations. La seconde soumet la valeur à des variations contractuelles et circonstancielles. À un modèle statique, essentiellement textuel, s oppose un modèle dynamique qui fait intervenir des facteurs d origines diverses. La valeur n est plus immanente à l œuvre ; elle est extrinsèque, et produite à partir d un ensemble de facteurs dont le projet de l OBVIL propose une approche raisonnée. Ces facteurs sont énonciatifs (par exemple, parole publique vs privée, féminine vs masculine, anonyme vs signée, etc.), génériques (essai, article, compte rendu, livre etc.), présentatifs (le lieu de l énonciation, l édition, la presse, la revue, l académie, l université, le salon, la télévision, la radio, le web etc., la datation), et publicitaires (la publication et ses effets). Littéraires et informaticiens conçoivent ensemble cette indexation, préalable à la conception des outils informatiques. Il s agit de créer un web sémantique, et, en vue d une intelligence artificielle des textes, des outils de démonstration, puis d analyse définitive de ces textes. L élaboration de l ontologie impose un calendrier. La première étape est la réflexion sur la valeur et la vie littéraires, menée par l ensemble des chercheurs engagés dans le programme. La seconde étape est la numérisation des textes. La troisième étape est l indexation sémantique du corpus numérisé conformément à un protocole défini. La quatrième étape est la conception des outils de démonstration automatique qui permet ensuite l exploitation des corpus. Le web sémantique est évolutif. Que l observation de la valeur suppose une création de la valeur essentialiste ou conditionnelle, elle passe aussi par une lecture du jugement porté sur l auteur ou le texte de cet auteur. Les outils informatiques présentés dans l état de l art (lecture des formulations stylistiques, des évaluatifs dans le discours, du sémantisme de la valeur) servent à la lecture de ces jugements. Sur ce point encore, la synergie entre les laboratoires est nécessaire : car les outils supposent qu au préalable soit établi un web sémantique du jugement. Les programmes développés dans ce premier axe seront transversaux et séculaires. La transversalité consiste en une réflexion théorique consacrée aux grandes notions indispensables au projet, le corpus, ou l adaptation, ou la valeur et la valorisation. L approche séculaire (un auteur) et diachronique (corpus de valorisation d un auteur) consiste en la construction, l indexation, la numérisation de corpus d auteur et critique, puis l étude de ce corpus : pour le XVI e siècle, Rabelais ; pour le XVII e siècle Molière et pour le XVIII e siècle Diderot, pour le XIX e siècle, Balzac ; pour le XX e siècle, où il est nécessaire de travailler un corpus hors droits, Péguy. 2) Axe 2 : Traductions, transpositions et adaptations. Cet axe réunit des chercheurs spécialistes des différentes aires linguistiques et littéraires (anglicistes, hispanistes, italianistes, germanistes etc.) et les comparatistes. Il comporte, comme l axe 1, un versant de textes d auteurs et un versant de textes critiques consacrés à œuvres et auteurs. À partir des travaux des comparatistes sur l Histoire des traductions en langue française, des hispanistes sur la question du «vieillissement» comparé des œuvres et de leurs traductions, et grâce à l importante expérience de traducteurs et de traductologues que partagent plusieurs chercheurs de l OBVIL, on pourra se demander, en croisant l étude des traductions avec les outils des analyses de «transferts culturels» (M. Espagne), comment par la traduction, la transposition ou l adaptation des auteurs et des œuvres d autres pays et d autres langues ont été intégrés ou apparentés au «canon national» français : dans quelle mesure les traductions et consécrations en France d auteurs étrangers méconnus, méprisés ou contestés dans leur pays d origine (comme Vargas Llosa ou Kadaré, par exemple) ont constitué le vecteur de leur reconnaissance internationale et nationale à partir de quelle définition de leur «valeur» (exotisme/universalisme, orientalisme/occidentalisme etc.). De la France, on élargira le point de vue à l aire francophone dans son ensemble, en 15/37

16 e du projet / comparant les «canons» académiques et les succès publics des mêmes textes dans ses différentes zones. Réciproquement, un second ensemble de travaux s attachera à examiner avec les mêmes méthodes, à partir d exemples significatifs d auteurs de langue française, canoniques ou au contraire considérés comme mineurs en France, dans quelle mesure la valeur littéraire s exporte au sein de l aire francophone, en Europe, en Occident, et dans le monde. À la différence des classiques études de réception, on centrera l analyse sur le contexte et sur les modalités d énonciation des jugements de valeur. Un troisième ensemble de travaux pratiquera un réexamen de la présence et du choix des «classiques», gréco-romains et européens, dans le monde occidental d une part, d autre part hors de l Occident. Une attention particulière sera portée aux Caraïbes, qui permettront une comparaison de la réception et des réécritures des mêmes auteurs et œuvres dans les espaces anglophones et francophones. L étude des transferts culturels rencontrera celle de l auctorialité : sera en cause non seulement le statut du traducteur, mais aussi celui de l auteur. Dans certains cas, en effet, le grand nombre de traductions, adaptations, transpositions et réécritures renforce et garantit le statut de «grand auteur» ; la mention du nombre de traductions est même devenue aujourd hui systématique pour garantir la «valeur» d un écrivain. Mais, à l inverse, ces mêmes pratiques peuvent effacer l auctorialité. Ainsi, les recueils de contes, bien souvent, sont publiés, surtout dans les albums pour enfants, sans mention du nom de leur auteur ni de leur traducteur : que l on compare le cas des contes de Perrault, de Grimm et d Andersen à celui, par exemple, de Gabrielle-Suzanne de Villeneuve. On peut penser aussi au cas exemplaire du Frankenstein or The Modern Prometheus de Mary Shelley dont les traductions et transpositions dans des genres divers ont effacé à la fois le sous-titre originel, et le nom de l auteur, concurrencé par celui du personnage. 3) Axe 3 : Intertextualité et auctorialité. Depuis une quarantaine d années, les théories de la littérature insistent sur les paraphrases, les réécritures plus ou moins conscientes, les emprunts de certains textes littéraires à d autres textes, de même nature ou non. La notion d intertextualité, introduite à la fin des années soixante, a renouvelé l étude de ces phénomènes. L OBVIL entend mettre à profit les techniques informatiques contemporaines pour détecter et étudier les réseaux de réutilisations textuelles. Aujourd hui, les algorithmes de détection du plagiat filtrent les chaînes qui se répètent à l identique, en éliminant éventuellement l effet des blancs, de la ponctuation et des différences de casse. Or, en général, les plagiaires avertis maquillent leurs sources ; a fortiori, dans le cas des réécritures inconscientes, les segments textuels se transforment au cours de leur réemploi. Les techniques de détection d homologies dans les séquences détectent des motifs relativement petits qui se répètent grosso modo à l identique. Les chercheurs réunis dans cet axe souhaitent développer, au cours des quatre premières années, une approche par fragments recourant à un modèle génératif de plagiat. Ce dernier sera utilisé pour rabouter les uns aux autres les segments homologues détectés à l aide des méthodes classiques comme, par exemple, les arbres de suffixes, de sorte que soit rendue possible la détection de réutilisations importantes pouvant sensiblement modifier le texte initial. L objectif de ce défi informatique fondé sur les techniques du traitement automatique de la langue est non seulement de parvenir, pour un auteur donné, à déterminer l incidence de ses pratiques intertextuelles sur sa poétique, mais de réfléchir, au vu de ces emprunts, à la façon dont ils modifient l idée même d auteur. Un séminaire pluriannuel sur les conceptions de l auteur, sur les modifications de valeur qui ont permis l émergence des dénis de paternité, sur la rhétorique argumentative (proche de la «pensée conspiratoire») qui fonde ces dénis, éprouvera la validité des outils propres à l histoire littéraire et 16/37

17 e du projet / la philologie désormais combinés avec les nouvelles techniques de traitement de la langue, pour établir l auctorialité face à des arguments non scientifiques sur le plan historique et insuffisamment rigoureux sur le plan scientifique lorsqu il utilisent des instruments informatiques (voir, en annexe, les exemples de programme pour cet axe). 4) Axe 4 : Édition de livres numériques savants. L édition de textes est une activité privilégiée parmi les chercheurs de l OBVIL, qui, forts de cette expérience, souhaitent en renouveler les formes en s appuyant sur un certain nombre de projets déjà menés à bien, ou en cours de réalisation par des équipes de recherche partenaires (voir, en annexe, la présentation de ces programmes). 5) Axe 5 : Site Observatoire de la vie littéraire. L observation a également pour objet le discours critique actuel, dans les multiples formes médiatiques qu il prend, souvent accessibles en ligne. L OBVIL entend donc réaliser une fouille d opinion centrée autour d objets définis. Un tel projet ne vise pas à tout surveiller, mais à observer les discours critiques contemporains tenus sur les auteurs, corpus génériques ou domaines définis par les équipes dans leur diachronie. Il vise aussi à interroger les discours critiques tenus sur des créations contemporaines, sélectionnées parce qu elles ont un lien avec les corpus diachroniques (par exemple, le discours critique généré par l écriture féminine) ou parce qu elles sont exemplaires dans l histoire contemporaine du goût (un succès auctorial, Amélie Nothomb, Éric Emmanuel Schmidt ; un succès scandaleux, Les Bienveillantes de Jonathan Littell, prix Goncourt 2006 etc.). Ainsi est prise en compte la création de la valeur en rapport avec un auteur canonique ou avec certains auteurs contemporains, dans les journaux, les lieux institutionnels, les éditions, les radios et télévisions, les essais d écrivains ou de spécialistes, les entretiens, les citations, les quatrièmes de couverture, les spectacles, les blogs enfin. Il s agit d observer, au niveau micro et au niveau macroscopique, le discours critique, dans sa formulation lexicale et stylistique, dans son énonciation, dans sa présentation, dans sa publication. Le site de l OBVIL comprend donc différentes parties. La première consiste en une bibliothèque numérique réunissant les corpus primaires (auteurs) et les corpus secondaires, critiques, accessibles en ligne, que tout lecteur peut consulter et interroger en recourant aux outils informatiques mis à disposition dans la base. La deuxième rassemble les travaux scientifiques de l OBVIL. La troisième partie donne les informations réunies par la fouille d opinion sur la vie littéraire actuelle des auteurs du corpus et sur certains auteurs contemporains. On y trouve également les informations sur les diverses activités de l OBVIL. Cette troisième partie du site donne les informations brutes et l analyse qui peut en être faite par les chercheurs sur des bases semblables à celles qui fondent l analyse dans les axes 1, 2, 3. Un blog permet dans cette troisième partie de dialoguer avec les visiteurs du site. À travers ces différents programmes, l OBVIL observe, non pas l ensemble des littératures, mais un échantillonnage, de manière à proposer une expertise sur les procédures d établissement de la valeur littéraire et de reverser, voire d exposer ces conclusions savantes sur un site public. Stratégie d attractivité Le laboratoire fait de sa politique de formation et de son rayonnement international les compléments nécessaires à son excellence. Les nombreux liens personnels tissés par les membres d OBVIL avec des universités étrangères (Bonn, Munich, Osnabruck, Rome, Vienne, Gand, Cracovie, Liège, etc.) permettent de faire connaître le laboratoire. En organisant des colloques internationaux à travers ces réseaux, celui-ci fait connaître ses travaux. La visibilité du site, l accessibilité qu il donne à la bibliothèque numérique et aux outils informatiques conçus par OBVIL, contribuent aussi à cette notoriété. Mais c est aussi par son enracinement dans le L, le M et le D, où il veut initier et spécialiser les étudiants des sites du Pres dans les humanités littéraires, qu OBVIL attire les jeunes chercheurs. 17/37

18 e du projet / Le financement d une chaire annuelle de professeur invité, des contrats doctoraux (20) et postdoctoraux (16), ne suffit pas à attirer les chercheurs confirmés et les jeunes chercheurs. La cohérence des recherches contribue à l image du laboratoire : c est pourquoi les appels d offre pour ces contrats ont pour centre de gravité un questionnement méthodologique, posé à partir d un corpus à l intérieur d un des trois premiers axes du programme. C est l assurance, pour le jeune chercheur, d être encadré et inséré dans une dynamique qui rendra ses travaux visibles. Enfin, le laboratoire ne souhaite pas former uniquement des chercheurs et enseignantschercheurs promis à des carrières académiques. En intégrant les littératures de langues différentes dans une observation unique de la vie littéraire, en nouant les études académiques à la modernité technologique, en assumant les effets économiques, sociaux, culturels de la vie littéraire, OBVIL fait de la littérature un objet global qui appartient autant aux bibliothèques qu à la vie sociale. Son attractivité se mesure donc à ses potentialités académiques (renouvellement disciplinaire) et à sa capacité à former des acteurs de la vie littéraire. Par son observation des processus de valorisation, il forme à la connaissance de la valeur, et à sa diffusion, par différents canaux (de la presse aux sites) et dans des espaces divers (l Europe et le monde, les bibliothèques et la toile). 1.3 IMPACT DU PROGRAMME SUR LA FORMATION/ IMPACT ON TRAINING Le laboratoire mène une politique de formation, en L, M, et D. 1. Licence. La création d une nouvelle mention de licence, «Littératures et Techniques informatiques : humanités numériques», transversale à l informatique, aux langues et littératures de l université Paris-Sorbonne, s intègre dans le Collège universitaire du PRES Sorbonne Universités. Elle a vocation à former les étudiants à la connaissance de deux littératures nationales, aux méthodologies de l analyse littéraire, aux savoirs en informatique fondamentaux nécessaires aux humanités numériques, enfin aux enjeux sociaux, économiques et culturels de ces méthodes et savoirs. Elle ouvre sur les masters de recherche, les masters professionnels de l édition en ligne et numérique, les besoins informatiques en institutions culturelles. 2. Master. L université Paris-Sorbonne, dans la mention Lettres, offre un master de recherche en littératures et un master de formation littéraire à finalité professionnalisante dans les domaines de l édition du livre, des médias de l information-communication et du journalisme. Ce second master de lettres modernes appliquées (LMA) conduit à un master II professionnalisant, métiers du livre et des médias. Le projet OBVIL, dans les mentions Lettres et LLCE, nourrit, outre des séminaires de recherche, un séminaire méthodologique d initiation aux humanités numériques, et un séminaire de formation théorique, annuel (13 heures au S1, 13 heures au S2) sur les institutions de la littérature (S1) et sur le jugement littéraire (S2), enfin une offre de formation encadrée à la bibliographie numérique, où les étudiants de master conçoivent, pour les auteurs des siècles passés retenus, la bibliographie, la collecte des textes, leur reproduction, leur numérisation et leur relecture, leur indexation Le projet OBVIL suscite, dans le master professionnalisant (LMA, 1 ère année), la création d un quatrième parcours, en informatique et édition. Cette première année est complétée par la création d un master II professionnel, offrant une formation à la numérisation, l indexation, l exploitation de corpus en milieu scolaire, universitaire, culturel, institutionnel, associatif. Un stage d une durée de quatre mois en entreprise et l élaboration en commun d un projet, sous la direction d un PAST recruté à cet effet, préparent les étudiants à la professionnalisation. 3. Formation doctorale. L OBVIL recouvre les périmètres des ED III et IV de l Université Paris- Sorbonne et de l ED Infomatique de l Université Pierre et Marie Curie. Une formation doctorale spécifique encadre les étudiants de l OBVIL, quelle que soit leur discipline initiale, par des 18/37

19 e du projet / séminaires méthodologiques insérés dans les programmes, par des journées doctorales destinées à former à la recherche en humanités numériques, par un séminaire animé par des doctorants et postdoctorants eux-mêmes. L initiative leur est laissée d organiser des colloques, en clôture des séminaires et d en publier les actes, notamment dans les collections dirigées par les membres de l OBVIL. La recherche sur les corpus d auteurs et de critiques numérisés, crée un vivier de sujets de thèse. Pour la durée des huit années du contrat, l OBVIL propose la création de vingt contrats doctoraux et de seize contrats post-doctoraux par des appels à candidature fléchés et publics. Le jeune chercheur développe une recherche conforme aux méthodologies et aux axes, dirigée par un enseignant-chercheur ou chercheur impliqué dans ses programmes du labex. Ces contrats de recherche sont attribués à l une des composantes du laboratoire en fonction des besoins des programmes et de la qualité des candidatures. Pour organiser ces enseignements, cette recherche et cette action, un professeur ou un HdR est détaché chaque année à mi-temps au pilotage scientifique et pédagogique de l Observatoire. 1.4 IMPACT SOCIO-ECONOMIQUE DU PROGRAMME /SOCIO ECONOMIC IMPACT Deux types de valorisation de la recherche de l OBVIL sont envisageables. La première est, au sens large, sociétale, et touche la communauté des chercheurs et le public des lettrés. L organisation de colloques, leur publication, la conception et la réalisation de livres électroniques savants rendent visibles les recherches, et contribuent à la reconnaissance d une histoire littéraire informatique, capable d embrasser des corpus couvrant plusieurs siècles. Quant au site de l OBVIL, il rend accessibles les corpus numérisés hors droit et les résultats des travaux de recherche, l observation de la production contemporaine et la fouille des opinions contemporaines. La valorisation de certaines œuvres contemporaines donne lieu à un dialogue ouvert avec les visiteurs du site. Cet impact, symbolique, répond à l ambition d instaurer un nouveau domaine, les humanités informatiques, et de rendre un service public, au sens fort, dans l exercice du jugement de goût. L expertise savante, au croisement de la littérature et de l informatique, permet aux chercheurs d intervenir publiquement, en formant à l exercice du jugement, nécessaire en toute démocratie. En outre, les outils d analyse, la méthodologie fondée sur la cartographie, la fouille d opinion, le web sémantique, les reprises et les variations d items (lexicaux, stylistiques, linguistiques), peuvent être déplacés, et donc valorisés, pour la confection, l indexation et l étude d autres corpus, d histoire, de philosophie ou de droit. La seconde est économique. Les logiciels, utilisables sur des corpus très vastes, journalistiques ou juridiques, et les livres électroniques doivent faire l objet d une commercialisation, dans le cadre d un accord passé avec des entreprises et avec les Presses Universitaires du PRES ou des maisons d édition (les classiques Garnier, Garnier électronique, Armand Colin notamment). C est évidemment dans la deuxième partie du contrat, de la cinquième à la huitième année, que cette commercialisation peut débuter. 2 ORGANISATION ET GOUVERNANCE DU PROJET/ORGANIZATION AND GOVERNANCE 2.1 RESPONSABLE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE/PRINCIPAL INVESTIGATOR Didier Alexandre (professeur de classe exceptionnelle), ancien élève de l École normale supérieure, agrégé de lettres classiques, docteur de III e cycle de Paris-Sorbonne, docteur d État ès lettres, a rempli et remplit des fonctions administratives, pédagogiques, scientifiques, disciplinaires, nationales et internationales. Il assure la co-direction de l EA 4503 «Littérature française XIX e -XX e siècles», évaluée A+ par l AERES lors du dernier bilan quadriennal. Il connaît donc l organisation pédagogique et scientifique indissociable du projet. Il est porteur du projet HIDIL, «Histoire des 19/37

20 e du projet / idées de littérature», un projet sur des corpus de textes de critique littéraire ( ) financé par l ANR ( euros), qui réunit une soixantaine de chercheurs et enseignants-chercheurs d universités françaises (Caen, Franche-Comté, Aix-Marseille I, Orléans, Montpellier III) et la finalité scientifique est la constitution d une base numérique annotée de textes critiques (de 1870 à 1940). Il est enfin le Président de la Société d études de la littérature française du XX e siècle. Enfin, ses responsabilités éditoriales aux éditions Classiques Garnier, avec diverses collections d essais, de textes et de collectifs, lui donnent une connaissance des questions de publication. Sa recherche est consacrée à la littérature française du XX e siècle (Claude Simon, Apollinaire, Michaux, Claudel, par exemple, et la nouvelle édition du Théâtre de Claudel dans la Bibliothèque de la Pléiade aux Éditions Gallimard, deux volumes, I, 1710 p., II, 1874 p., codirection avec Michel Autrand). Depuis son arrivée à l Université Paris-Sorbonne, Didier Alexandre a contribué aux recherches qui définissent une nouvelle histoire littéraire et qui sont, en partie, à l origine d OBVIL : l ACI «Histoire littéraire des écrivains», projet HIDIL (Histoire de l idée de littérature) financé par l ANR. Il consacre ses recherches et sa formation à la recherche à une compréhension des déterminismes qui font la littérature, et à une réflexion sur la place que peuvent tenir les études littéraires dans la vie sociétale actuelle. 2.2 ORGANISATION DU PARTENARIAT / PARTNERSHIP Description, adéquation et complémentarité des unités partenaires/partners description, relevance and complementarity Les fiches qui suivent présentent chacun des partenaires, en se focalisant sur les activités passées et présentes qui justifient leur rattachement au projet. La complémentarité des équipes est manifeste. Comme cela est formulé plusieurs fois dans le dossier, la synergie entre humanités et informatique est méthodologique, analytique, instrumentale : OBVIL propose une nouvelle étude par de nouveaux outils de corpus nouveaux par leur conception. Il faut ajouter que la collaboration de littéraires de diverses langues complexifie l objet littérature, en décentrant chaque littérature de son origine linguistique et nationale. L interface et l interdisciplinarité sont donc à la base même d une observation aussi théorique qu historique de la valeur littéraire dans ses états divers et multiples, nationaux, européens, voire mondiaux Partenaire 1/ Partner 1 : Littérature française XIX e -XXI e siècles (EA 4503) Directeurs : Didier Alexandre et André Guyaux Composition : 37 enseignants-chercheurs (13 professeurs, 24 maîtres de conférence), 3 ITA/IATOS, 188 doctorants. Recherche et innovation / Research and innovation Évaluée au meilleur niveau par l AERES (A+ à chacun des critères de notation), l équipe d accueil «Littérature française XIX e -XXI e siècles» (EA 4503) est formée de deux composantes complémentaires sur le plan scientifique : 1. «Textes et archives. Histoire de la pensée littéraire» ; 2. «Littératures, idées, arts, société». Les recherches développées autour de la collection «Mémoire de la critique» d une part, le programme inauguré par l ACI «Histoire littéraire des écrivains» qui s est prolongé dans le projet ANR «Histoire de l idée de littérature» d autre part, annoncent et préparent les recherches projetées dans l OBVIL. Depuis plusieurs années, les travaux de l équipe ont en effet porté en grande partie sur l histoire de la notion de littérature et sur l histoire de la pensée critique, de sa genèse à sa formulation, au croisement des idéologies et de l histoire événementielle. Par ailleurs, l édition savante de textes et la constitution en cours d une base numérique de critiques publiées entre 1870 et 1939 (300 ouvrages, en mode texte, certains annotés et préfacés, complétés par les actes des colloques du programme ANR HIDIL) relèvent de la même 20/37