La prise en charge de la douleur a fait l objet
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- Fabrice Damours
- il y a 7 ans
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1 Les cancers en ORL Prise en charge de la douleur dans les cancers ORL Pain treatment of head and neck cancer M. Navez* J.M. Prades** * Centre d'évaluation et de traitement de la douleur (CETD), CHU de Saint-Étienne. ** Service d ORL, CHU de Saint-Étienne. La prise en charge de la douleur a fait l objet d avancées dans différents domaines comme l évaluation, la connaissance des différents mécanismes et types de douleur, les thérapeutiques médicamenteuses avec de nouvelles galéniques, et une évolution vers une prise en charge plus globale de la douleur et de la souffrance liées à l impact psychosocial et au handicap. La prévalence de la douleur au cours du cancer ORL est importante puisque environ 60 % de patients vont souffrir de manière sévère aux différents stades de la maladie (1), de la phase diagnostique à celle des traitements curatifs, lors des évolutions et des récidives (2). Les standards de traitement des tumeurs pharyngo-laryngées se sont modifiés afin d éviter la mutilation laryngée (chirurgie partielle, endoscopique, radiothérapie séquentielle, chimiothérapie). Les douleurs séquellaires de la chirurgie restent fréquentes (un tiers des patients souffrent de douleur scapulaire myofasciale ou articulaire) et celles induites par la radio-chimiothérapie, si elles ont une prévalence moindre, sont plus sévères (3). La douleur du cancer ORL est complexe Les patients souffrant de cancer ORL ne décrivent pas une douleur, mais des douleurs, qui vont dépendre de mécanismes différents : nociceptifs, neuropathiques, myofasciaux Elles sont donc le plus souvent mixtes, associées à la souffrance globale d ordre émotionnel, social et au handicap (4). La douleur nociceptive est liée aux excès de stimulation des récepteurs périphériques par l envahissement tumoral, avec des mécanismes inflammatoires, infectieux, compressifs, ischémiques, et répond volontiers aux traitements antalgiques. La douleur neurogène est liée à des altérations, partielles ou totales, du système nerveux périphérique (envahissement tumoral des troncs nerveux ou lésions secondaires au traitement curatif) et nécessite des traitements à visée neuropathique : antiépileptiques, antidépresseurs, anesthésiques locaux, etc. Évaluation et diagnostic de la douleur L évaluation de la douleur et sa traçabilité sont obligatoires. L évaluation est bien codifiée et validée (Recommandations de la Haute Autorité de santé pour l évaluation de la douleur). Ses objectifs sont de quantifier, par une mesure globale, l intensité de la douleur (échelle d autoévaluation visuelle analogique : EVA, numérique, etc.) et son retentissement fonctionnel (sommeil, activité ), et d analyser les composantes sensorielles et émotionnelles. Elle peut être difficile à réaliser en ORL chez des patients présentant des difficultés de langage. Elle permet d adapter le traitement antalgique en fonction de l intensité de la douleur, en situation de repos ou lors de mobilisations ou d efforts de déglutition. Elle permet également de contrôler l efficacité du traitement par des mesures répétées. L analyse séméiologique et les outils diagnostiques permettent d identifier certains types de douleurs, en particulier les douleurs neuropathiques, avec un questionnaire simple (DN4) comportant 4 séries de questions et 10 items au total (brûlures, décharges électriques, fourmillements, troubles de la sensibilité, etc.). La valeur seuil est de 4/10 avec une sensibilité de 83 % et une spécificité de 87 %) [5]. 18 La Lettre d ORL et de chirurgie cervico-faciale n juillet-août-septembre 2011
2 Points forts» La douleur du cancer ORL est complexe : elle est le plus souvent mixte, nociceptive et neuropathique, avec des répercussions psychologiques (anxiété et dépression).» Les douleurs précoces sont liées à la chirurgie (exérèses extensives, prélèvement des lambeaux musculaires) et à la radio-chimiothérapie (mucite).» Les douleurs tardives sont liées d abord à la récidive (80 % dans les 2 ans) et aux séquelles des traitements (atteinte scapulaire des lésions du XI, radionécrose).» Les opioïdes sont utiles, mais peuvent induire des effets indésirables limitants. Il faut savoir s aider de coantalgiques (corticoïdes, anti-infectieux, antidépresseurs, antiépileptiques).» La galénique doit être adaptée à la pathologie ORL (forme orodispersible, fentanyl transcutané, transmuqueux).» La douleur du cancer ORL nécessite une prise en charge globale (douleur, souffrance, impact psychosocial). Mots-clés Douleur complexe Opioïdes Nouvelles galéniques Coantalgiques Séquelle des traitements Les douleurs aux différents temps de l évolution du cancer ORL Les douleurs initiales dépendent de la localisation tumorale. Les cancers de la cavité buccale et du pharynx sont les plus douloureux, en particulier les localisations amygdaliennes. Quasi absente dans les cancers laryngés, la douleur peut précéder de plusieurs mois la détection de la tumeur (6). Les douleurs secondaires à l évolution tumorale sont le plus souvent mixtes, dues à l expansion de la tumeur au niveau des tissus et des troncs nerveux comme le système trigéminé, le nerf facial (VII), le nerf accessoire (XI), le glossopharyngien (IX) et le nerf laryngé supérieur (X). Les mécanismes sont inflammatoires, liés a l effet volume de la tumeur, mais aussi à la destruction tissulaire, qui libère des substances algogènes. Les douleurs sont majeures dans les formes évoluées des tumeurs de la base de la langue (nerf laryngé supérieur), ou dans les atteintes de la base du crâne avec envahissement des nerfs mixtes. La douleur sentinelle apparaît au décours d un traitement curatif et pose un problème de diagnostic différentiel entre la récidive tumorale et une éventuelle séquelle de traitement (radionécrose). La réapparition d une douleur ou sa modification imposent une expertise clinique, endoscopique et d imagerie (IRM, PET scan). Les douleurs neuropathiques, liées à l évolution locorégionale du cancer envahissant les troncs nerveux ou secondaires aux traitements, sont le plus souvent focalisées sur la région cervico-faciale ; elles sont distales dans le cadre de la chimiothérapie. Elles sont décrites comme une brûlure, des dysesthésies, quelquefois des décharges électriques. L examen clinique peut retrouver une zone d hypoesthésie dans le territoire du nerf concerné, parfois une allodynie déclenchée par le frottement de cette zone. Le caractère très névralgique (nerfs V et IX) est le plus souvent symptomatique d une évolution locorégionale, de même qu au niveau du plexus cervical et brachial, lors des évolutions ganglionnaires. Les douleurs, séquelles des traitements curatifs du cancer, varient en fonction du type de traitement (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie) et sont de mécanismes divers : neuropathique ou musculoligamentaire (tableau I). Les douleurs postchirurgicales précoces après exérèse extensive ou lors des prélèvements de lambeaux musculaires libres ou pédiculés sont importantes ; les douleurs tardives Tableau I. Principales séquelles douloureuses en fonction du traitement du cancer ORL (4, 7-13). Type de douleur Radiothérapie ± chimiothérapie Chirurgie ± lambeau ± curage Chimiothérapie Highlights» Pain due to ENT carcinomas is complex: most often mixed, nociceptive and neuropathic, with psychological repercussions (anxiety, breakdown).» Early pains are due to redux (80% within 2 years) and to treatment sequelae (shoulder disabilities due to XI lesions, radionecrosis).» Opioids are useful, but may have adverse effects. Use co-pain killers such as corticosteroids, antibreakdown, antiepileptics.» Galenical have to be fitted to ENT pathology (trancutaneous or transmucous fentanyl).» The management of pain has to be global (pain, suffering, psychosocial impact). Keywords Complex pain Opioids New galenicals Co-painkillers Treatment sequella pain Oropharyngée Dysphagie Mucite : dès 10 grays, [7-10] re semaine Dysphagie Trouble de la déglutition Mucites Douleur neuropathique Douleur musculosquelettique Douleur cervicoscapulaire sévère, abduction < 90 /chute épaule/conflit sousacromial (11, 12) Si > 60 grays Nerf trijumeau, plexus cervical (7-10) Fibrose muscles Trismus Lésions nerveuses : nerf mandibulaire (BPTM), plexus cervical (lambeaux) Lambeau musculaire de reconstruction Lésions nerf accessoire (curages ganglionnaires surtout posterolatéraux, sacrifice veine jugulaire ± radiothérapie) [11, 12] Neuropathie distale (mains, pieds) Douleur dentaire Douleurs sévères tardives (13) os, cartilage laryngé Radio-nécrose mandibule, articulation costo-claviculaire Cartilage laryngé Articulation temporo-mandibulaire Dysfonctions Séquelles : musculaires, cutanées, radiodermite Déglutition, parole, image corporelle La Lettre d ORL et de chirurgie cervico-faciale n juillet-août-septembre
3 Les cancers en ORL Prise en charge de la douleur dans les cancers ORL Accès douloureux paroxystiques Exacerbation transitoire d une douleur cancéreuse par ailleurs contrôlée par le traitement de fond (de 51 à 90 % des cas) Survenue rapide < 10 mn Courte durée < 1 heure Sévère (38 %), modérée (46 %) Étiologie : nociceptive (de 53 à 75 %), neuropathique (de 10 à 27 %), mixte (de 16 à 20 %) Douleur de fin de dose Insuffisance du traitement de fond Douleur prévisible (déglutition, pansement, mobilisation ) Douleur imprévisible spontanée, sans cause décelable Augmentation du traitement de fond, du nombre d interdoses d opioïdes LI Traitement préventif impossible Opioïdes LI, dont fentanyl transmuqueux LI : libération immédiate. Traitement préventif 30 mn avant ou traitement immédiat avec prise d opioïdes LI Figure. Analyse temporelle des douleurs et conséquences thérapeutiques (14, 15). restent fréquentes (1/3 des patients souffrent de douleurs scapulaires myofasciales ou articulaires). Les douleurs induites par la radio-chimiothérapie sont moins fréquentes, mais plus sévères (douleurs des mucites, des nécroses post-radiothérapiques, etc.). La souffrance et le handicap liés aux perturbations des fonctions essentielles (langage, déglutition, atteinte de l image corporelle ) sont omniprésents (4, 7-13). L analyse temporelle des douleurs de fond et des douleurs paroxystiques (figure) permet de distinguer une douleur de fond présente quasi continuellement des accès douloureux paroxystiques (ADP), représentés par des exacerbations transitoires de l intensité douloureuse (14, 15). Traitement de la douleur du cancer ORL : les particularités Les données de la littérature dans ce domaine sont limitées ; en pratique, les recommandations utilisées sont celles communes à tous les types de cancer (15). Cependant, des particularités existent. Les troubles de la déglutition, la présence de sondes nasogastriques ou de gastrostomie font privilégier des galéniques autorisant d autres voies que la voie orale. La richesse de l innervation faciale explique la fréquence des douleurs mixtes et la nécessité, souvent, de traiter à la fois les composantes nociceptive et neuropathique. La fréquence des mécanismes inflammatoires, infectieux, œdémateux au niveau cranio-facial et oropharyngé justifie les coprescriptions de corticostéroïdes et d anti-infectieux. Traitements de la douleur : recommandations et choix des médicaments Les paliers de l Organisation mondiale de la santé (OMS) stratifient les antalgiques en fonction de leur puissance d action (tableau II), et les stratégies thérapeutiques des douleurs par excès de nociception liées au cancer ont fait l objet de recommandations (15). Tableau II. Paliers antalgiques de l OMS. Niveau 1 Antalgiques non morphiniques Paracétamol AINS Néfopam Niveau 2 Antalgiques opioïdes faibles Codéine Tramadol Niveau 3 Antalgiques opioïdes forts Morphine Oxycodone Fentanyl Hydromorphone Douleur faible Douleur modérée Douleur sévère Association aux coantalgiques : corticoïdes, antidépresseurs, antiépileptiques 20 La Lettre d ORL et de chirurgie cervico-faciale n juillet-août-septembre 2011
4 La prescription est faite à intervalles réguliers, en respectant les données pharmacocinétiques des produits, choisis en fonction du niveau d intensité de la douleur. La prescription doit être écrite et expliquée au patient (ordonnance sécurisée en ambulatoire ou protocoles signés dans les services). Le traitement doit anticiper les accès douloureux et les effets indésirables. Il est réévalué régulièrement et doit savoir associer les coantalgiques (corticothérapie, anti-infectieux, médicaments à visée neuropathique) [15]. Opioïdes forts : quelles nouveautés, quid en douleur du cancer ORL? Dans le cadre du cancer, le principe du traitement par les opioïdes forts est d augmenter les doses tant que le résultat n est pas satisfaisant, à condition de corriger les effets indésirables. Le traitement est jugé efficace (15) si la douleur de fond est réduite à une intensité faible (4/10), le sommeil respecté, les activités possibles, si le patient ne présente pas plus de 4 ADP par jour soulagés dans au moins 50 % des cas, et si les effets indésirables sont absents ou minimes. Les ADP ne présentent pas les mêmes caractéristiques temporelles que la douleur de fond et justifient un traitement spécifique morphinique alliant des qualités pharmacocinétiques de puissance, un délai d action rapide et une durée d action limitée à l ADP (16). Au cours du cancer ORL, le choix des opioïdes forts est fonction de la galénique (tableau III) : la morphine sous forme de gélules (Skenan, Acti skenan ) peut être utilisée ouverte dans les sondes nasogastriques et de gastrostomie (hors autorisation de mise sur le marché). Le fentanyl transcutané (encadré 1, p. 22) est recommandé en titration initiale dans les situations de douleur stable. Il est préféré aux autres opioïdes en cas d insuffisance rénale, car il ne libère aucun métabolite Tableau III. Antalgiques dont la galénique est adaptée à la pathologie ORL. DCI Forme à libération immédiate ORL Forme à libération prolongée ORL Paracétamol Toxicité hépatique ( quid chez les patients ORL à risque?) AINS Douleur inflammatoire Tolérance gastrique (? SNG) Toxicité rénale si association aux sels de platine, protecteurs gastriques Codéine Paracétamol codéine Tramadol Ixprim orodispersible Biodalgic Contramal gouttes Tramadol voie parentérale Tramadol LP (100, 150, 200 mg) Topalgic Contramal Efficacité sur la douleur mixte Morphine Actiskenan gélule ouverte hors AMM : 5, 10, 20, 30 mg Sevredol Oramorph 10, 20, 30 mg Skenan gélule ouverte hors AMM : 10, 30, 60, 100, 200 mg Moscontin Durée d action : 12 h Oxycodone Oxynorm (5, 10, 20, 30 mg) Oxynorm orodispersible (5, 10 mg) Oxycontin (10, 20, 40, 80, 120 mg) Durée : 12 h Fentanyl Transmuqueux voie buccale : Effentora, Abstral 100, 200, 400, 600, 800 μg Transmuqueux voie nasale : Instanyl 50, 100, 200 μg PecFent 100, 400 μg Transcutané : Durogesic, Matrifen (12, 25, 50, 75, 100 μg) prescrit avec un maximum La Lettre d ORL et de chirurgie cervico-faciale n juillet-août-septembre
5 Les cancers en ORL Prise en charge de la douleur dans les cancers ORL Règles : traitement avec des opioïdes forts LP depuis 8 jours et dose équivalent de 60 mg de morphine. Titration obligatoire pour chaque fentanyl transmuqueux, pas d équivalence de dose Si soulagement suffisant, avec un intervalle de 4 heures entre 2 prises Tableau IV. Équivalence des principaux antalgiques utilisés en douleur chronique. DCI Coefficient Estimation de la dose de morphine orale Codéine 60 mg de codéine 10 mg de morphine Tramadol 50 mg de tramadol 10 mg de morphine Morphine 1 = opioïde étalon Oxycodone 2 10 mg d oxycodone 20 mg de morphine Fentanyl 50 Hydromorphone 7,5 4 mg d hydromorphone 30 mg de morphine Morphine intraveineuse Morphine sous-cutanée Dose la plus faible : fentanyl buccal (Effentora Abstral 100 μg) fentanyl nasal (Instanyl 50 μg, PecFent 100 μg) Si soulagement insuffisant, administrer une dose supplémentaire 15 mn après si voie buccale, 10 mn après si voie nasale (et dans l autre narine) ; le prochain ADP sera traité avec 200 μg buccal et 100 μg Instanyl ou 200 μg PecFent nasal Si le patient a besoin de traiter plus de 4 accès douloureux par jour, il faut augmenter la dose totale d opioïdes de fond (LP) sur 24 h Admis comme traitement de la douleur aiguë lors des soins douloureux dans le cadre du cancer (recommandation d experts) LP : libération prolongée. Encadré 1. Prescription de fentanyl transmuqueux. Initiation par opioïde LP Fentanyl possible si la douleur est stable (12,5 ou 25 μg) Si la douleur est mal soulagée, recours éventuel à des interdoses de morphine LI toutes les heures jusqu à 4 interdoses successives Les interdoses représentent environ 10 % de la dose totale sur 24 h La titration est assurée uniquement avec des opioïdes LI (voie orale) Traitement efficace = douleur soulagée avec le traitement de fond Si besoin de plus de 4 interdoses, les interdoses supplémentaires sont intégrées dans la dose totale quotidienne d opioïdes LP Titration et équilibration du traitement obtenues en 3 à 4 jours LI : libération immédiate ; LP : libération prolongée. Encadré 2. Comment mettre en place un traitement de fond à libération prolongée (LP) dans le cadre des douleurs cancéreuses? (Standards, options et recommandations) [15]. actif. Ses facteurs limitants sont l œdème diffus, les sueurs profuses, et un maximum de 4 patchs de fentanyl 100 μg toutes les 72 heures. Les formes de fentanyl transmuqueux au niveau de la muqueuse buccale (Effentora, Abstral ) ou nasale (Instanyl, PecFent ) existent depuis peu et leur utilisation est intéressante en ORL. Cependant, la voie buccale transmuqueuse peut être gênée par une bouche sèche ou ulcérée (mucite) ; la voie nasale est contreindiquée en cas de radiothérapie de la face. Leur règle d utilisation est stricte. L instauration d un traitement opioïde fort est adaptée au traitement antérieur ; elle tient compte des coefficients de conversion de doses équiantalgiques (tableau IV). On choisit la valeur la plus faible des coefficients. La titration est l ajustement des doses antalgiques, réalisée soit par une forme à libération prolongée (LP) associée à une forme à libération immédiate (LI), soit par une forme à LI seule. Seuls les opioïdes par voie orale permettent cette instauration (encadré 2) [15]. Les formes de fentanyl transmuqueux réservées aux ADP bénéficient d une titration propre et répondent à des règles strictes de prescription (encadré 1) [15]. Les effets indésirables des opioïdes, s ils varient d un patient à l autre, sont similaires quel que soit le type d opioïde, et ne sont pas synonymes de surdosage. Les plus fréquents sont la constipation, les nausées et la somnolence (15). Ils doivent être traités. Fréquents lors de l instauration du traitement, ils tendent progressivement à disparaître ; seule la constipation persiste. Ils nécessitent l adjonction de traitements : laxatifs, antiémétiques sous forme buvable ou lyoc, et des mesures hygiénodiététiques (15). Si les effets indésirables sont sévères et rebelles au traitement, le changement de molécule (rotation des opioïdes, Sophidone ) ou de mode d administration (voie parentérale et antalgie autocontrôlée) s imposent. Les coantalgiques participant au traitement de la douleur La corticothérapie est largement prescrite en ORL pour son action anti-inflammatoire (mucites, douleur pharyngée de déglutition), anti-œdémateuse (compression des nerfs et plexus, céphalées). Les schémas thérapeutiques sont variés : dose au long cours, doses d attaque de courte durée. Les effets indésirables sont essentiellement les problèmes gastroduodénaux, la rétention hydrosodée et les candidoses digestives. Les corticoïdes prescrits sont 22 La Lettre d ORL et de chirurgie cervico-faciale n juillet-août-septembre 2011
6 la prednisolone (forme orodispersible) ou méthylprednisolone. La dose moyenne est de 3 mg/kg/j (15). Le traitement des douleurs neuropathiques a fait l objet de recommandations françaises et européennes (17). Les schémas thérapeutiques associent en première ligne les antiépileptiques (gabapentine et prégabaline), les antidépresseurs tricycliques (amitryptiline). Sont également utilisés hors AMM, car validés dans d autres types de douleur neuropathique, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (duloxétine) pour la neuropathie diabétique, les topiques locaux anesthésiques pour la douleur post-zostérienne. L efficacité de ces traitements est modeste, au prix d effets indésirables parfois importants grevant beaucoup le taux d observance de ces traitements au long cours. Prise en charge des douleurs des séquelles du cancer Le traitement des mucites a fait l objet de plusieurs études, souvent non contrôlées et avec de petits effectifs de patients. Des protocoles variés sont proposés, comportant pour la plupart des bains de bouche (chlorhexidine, polividone iodée), de la lidocaïne, des boissons glacées, des lasers basse fréquence, des topiques locaux (benzydamine, sucralfate) ; les résultats sont mitigés et souvent équivalents au placebo (18). Les opioïdes forts et la morphine restent le traitement de référence de la douleur des mucites (18). Les formes transcutanée et transmuqueuse du fentanyl sont proposées avant le mode d analgésie autocontrôlée, réservé aux formes sévères comportant des facteurs limitants liés à l état buccal. Les traitements des autres douleurs séquelles du traitement curatif associent des antalgiques, des médicaments à visée neuropathique, la physiothérapie (neurostimulation transcutanée), les techniques de rééducation (4, 5). La prise en charge globale de toutes les dimensions psychoaffectives, handicap et difficultés sociales, demeure essentielle (4). Que proposer en cas de douleur rebelle? Certaines douleurs deviennent rebelles, en particulier lors des évolutions terminales. Elles nécessitent l utilisation de voies parentérales comme l analgésie autocontrôlée (morphine ou plus volontiers oxycodone), de techniques radio-interventionnelles ou de neurochirurgie fonctionnelle (blocs anesthésiques ou neurolytiques, radiofréquence, cimentation des métastases osseuses, injections intraventriculaires de morphine). Références bibliographiques 1. Epstein JB, Hong C, Logan RM et al. A systematic review of orofacial pain in patients receiving cancer therapy. Support Care Cancer 2010;18(8): Chua KS, Reddy SK, Lee MC, Patt RB. Pain and loss of function in head and neck cancer survivors. J Pain Symptom Manage 1999;18(3): Lefebvre JL. Surgery for laryngopharyngeal SCC in the Era of organ preservation. Clin Exp Otorhinolaryngol 2009; 2(4): Navez ML. Les douleurs séquellaires du cancer ORL. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 2007;124(Suppl. 1):S Bouhassira D, Attal N, Fermanian J et al. 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