UN ROYAUME DE PRETRES

Transcription

1 UN ROYAUME DE PRETRES Ces conférences de Carême abordent entre autres les missions des baptisés : prêtres, prophètes et rois. On m a demandé de m arrêter particulièrement sur la mission sacerdotale des baptisés. Il ne s agit pas ici des prêtres, mais bien de tous les baptisés ou comme les appelait Jean Paul II, tous «les laïcs fidèles du Christ». Mon propos se situera en deux parties : -sur quoi repose cette notion de «sacerdoce commun des fidèles» -Qu est-ce que vivre aujourd hui cette réalité. 1- L aspect sacerdotal du Baptisé. C est une qualité essentielle des baptisés. L Ecriture et le Concile nous en parle. L Apocalypse a deux reprises révèle cette réalité : «A celui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous un royaume, une race de prêtres pour Dieu son Père à lui gloire et pouvoir pour les siècles des siècles» (I. 6) et parlant du Christ : «Il est digne de recevoir le livre et d en rompre les sceaux car tu as racheté pour Dieu par ton sang des hommes de toute tribu, langue et nation, tu en as fait pour notre Dieu un Royaume, des prêtres ; ils régneront sur la terre» (V.10) St Pierre dans sa première lettre écrit aux chrétiens : «Mais vous, vous êtes la race élue, la communauté sacerdotale du roi, la nation sainte, le peuple que Dieu s est acquis, pour que vous proclamiez les hauts faits de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière» (I. Pet. II. 4-10) Le Concile Vatican II qu il est important de rappeler en ces temps insiste sur cet aspect de ce Royaume de prêtres que nous sommes, nous tous qui formons l Eglise. L Esprit Saint nous dit par les Pères du Concile dans la constitution sur l Eglise : «Les baptisés par l action de l Esprit Saint sont 1

2 consacrés, pour être une demeure spirituelle et un sacerdoce saint, pour offrir par toutes les activités des chrétiens autant de sacrifices spirituels, et proclamer les merveilles de Celui qui les a appelés des ténèbres à son admirable lumière» (L.G. 10) Faut-il rappeler que le Concile dans sa Constitution dogmatique sur l Eglise Lumen Gentium -parle d abord du Peuple de Dieu et de son «sacerdoce universel» avant de traiter de la hiérarchie. Cela signifie simplement que pour les Pères Conciliaires et pour l Esprit Saint, il fallait faire ressortir l ensemble du Peuple de Dieu dans lequel se trouvaient des responsabilités différentes, toutes en état de service. Cet état de service est la caractéristique de tout sacerdoce, celui du Christ, celui des prêtres et celui de tous les baptisés. Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel sont ordonnés l un à l autre. L un et l autre, selon un mode propre, participent à l unique sacerdoce du Christ 2-Vivre aujourd hui cette réalité C est donc une foi commune et qui remonte loin que celle de croire que les baptisés ont cette qualité de prêtres. Qu est-ce que cela veut dire concrètement? Cela veut dire au moins trois choses importantes -les baptisés participent à l offrande du Christ pour la gloire de Dieu et le salut des hommes. -les baptisés consacrent à Dieu le monde. -les baptisés sont l Eglise. Ils entrent dans la prière de Jésus et de l Eglise Les baptisés s offrent et offrent. Jean Paul II a une phrase qui exprime bien cela : ««Incorporés à Jésus Christ, les baptisés sont unis à Lui et à son sacrifice par l offrande d euxmêmes et de toutes leurs activités» (Christi fideles laïci N 14) Jésus s est offert et tout baptisé participe à cette offrande du Christ. Comment? St Paul que nous célébrons cette année nous 2

3 répond par ce qu il demandait aux Romains : «Je vous en prie, frères, au nom de Dieu et de sa grande tendresse offrez à Dieu votre propre personne en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu ; c est là le culte spirituel que vous avez à rendre. Ne vous laissez pas façonner par ce monde» Ce qui était demandé aux Romains, nous est demandé aujourd hui. S offrir avec le Christ, voila sur quoi repose notre vocation chrétienne. A l Eucharistie d ailleurs nous faisons cette offrande, «Que l Esprit Saint fasse de nous, une éternelle offrande à ta gloire» (Euch. 3) D où l importance de participer à la Messe en étant vraiment partie prenante. Mais nous y reviendrons S offrir avec le Christ nous engage donc, ainsi que toutes nos activités. Ecoutons encore le Concile : «Toutes leurs activités, leurs prières et leurs entreprises apostoliques, leur vie conjugale et familiale, leurs labeurs quotidiens, leurs détentes d esprit et de corps, s ils sont vécus dans l Esprit de Dieu, et même les épreuves patiemment supportées, tout cela devient offrandes spirituelles agréables à Dieu, par Jésus Christ» (L.G. 14) Comment dire mieux ce rôle pleinement sacerdotal de la mission des laïcs? Que chacun de nous s interroge pour se demander ce que signifie pour lui cette offrande? Comment la vivons-nous concrètement et dans l eucharistie? Le baptisés consacrent le monde à Dieu Les baptisés par l offrande de leur personne et de leurs activités, non seulement sont en union profonde avec le Christ pour leur bien, mais ils consacrent ainsi le monde à Dieu. C est bien la mission des baptisés. Ils ne remplacent pas les prêtres dans leur mission spécifique, mais au milieu du monde ils offrent leur vie et leurs activités et ainsi consacrent le monde à Dieu. «C est ainsi que les laïcs consacrent à Dieu le monde lui-même, rendant partout à Dieu dans la sainteté de leur vie un culte d adoration» écrit le Concile. Les laïcs que leur vocation propre place au cœur du monde et au service des tâches temporelles les plus variées exercent ainsi une «forme singulière d évangélisation» (Paul VI) Ils font aussi par là, œuvre d adoration. 3

4 Les laïcs rendent «un culte d adoration» à Dieu. Plus il y aura de laïcs imprégnés de l Evangile et conscients de leur mission au milieu du monde et plus le Royaume de Jésus Christ s édifiera, un Royaume de prêtres, de prophètes et de rois. Et sera annoncé l Evangile d amour dont le monde a grand besoin. Cette dimension de la réalité sacerdotale des laïcs nous touchet-elle? Comment allons-nous la vivre pendant ce Carême? Prenons-nous le temps de réfléchir, évangile en main, seul ou en groupe à notre présence au milieu des autres, dans la société d aujourd hui? Les baptisés sont l Eglise. Ils entrent dans la prière de Jésus et de l Eglise. Le «sacerdoce commun des fidèles» habilite les baptisés à prendre une part active à la vie de l Eglise. Concrètement cette participation se fait dans les conseils pastoraux diocésains ou paroissiaux. Cela prend une dimension plus explicite encore dans les Synodes diocésains. Mais cette participation est effective lorsque les baptisés se sentent responsables de leur Eglise., lorsqu ils ne sont pas seulement des «consommateurs», mais lorsqu ils sont capables de donner d eux-mêmes ou parfois de leurs biens spécialement pour les pauvres, comme témoin de l amour du Seigneur pour toutes les personnes. Dans son dernier livre, le Cd Martini à qui on demande : a vos yeux qu est-ce qui caractérise un chrétien a l heure actuelle répond : «Un chrétien se distingue par son courage qu il puise dans sa foi ;..il ne doit pas avoir peur du dialogue» Cela fait penser à cette parole prophétique de <Paul VI : «L Eglise se fait conversation».un royaume de prêtres porte en lui cette mission de présence dans la société pour y porter le Christ Prêtre qui s offre pour l humanité entière. Les baptisés sont l Eglise, Corps du Christ au milieu du monde. Cette Eglise sainte est vivante et rayonnante, missionnaire dans la mesure ou les «fidèles laïcs» sont cette Eglise avec ceux qui sont ordonnés à son service. 4

5 La participation à la vie de l Eglise se réalise aussi dans les actes religieux eux-mêmes. Il s agit des célébrations diverses depuis l Eucharistie ou les baptisés sont associes, jusqu à la préparation des sacrements, à la prière, à l action de grâce en union avec le Christ et du témoignage d une vie fraternelle en Eglise. Reprenons quelques uns de ces points. La participation à l Eucharistie, à laquelle j ai déjà fait allusion est un des lieux où se vit au mieux ce sacerdoce commun des fidèles. Il n y a pas de Messe sans un «amour authentique» de chaque participant : amour authentique du Christ et amour authentique des autres. Un Royaume de prêtres, c est un Royaume ou l amour de chacun rejoint l amour du Christ qui donne sa vie pour chacun et pour tous. Prêtre avec le Christ Prêtre en aimant les autres et en pardonnant. L Eucharistie est donc le centre de la vie d un baptisé participant au sacerdoce du Christ. Elle est le sommet et la source de toute vie chrétienne. Elle est le lieu authentique de notre offrande avec celle du Christ. La Messe est la transfiguration de tous les gestes petits et grands de notre charité, par ce que nous participons à la charité, à l agapè du Christ qui aime sans mesure. La Messe nous entraîne aussi dans une prière qui nous sort de nous-mêmes en quelque sorte. C est là que nous prions ensemble, la famille des baptisés : «écoute les prières de ta famille rassemblée devant toi» (Messe N 3). Il ne s agit donc pas que d une prière personnelle, mais bien celle de la famille rassemblée. Il y a là un élément extrêmement important pour participer sérieusement à la Messe. Dans le mémento de la Messe 4, après avoir prié pour le Pape, les Evêques, les prêtres et les diacres, nous élargissons notre prière : «Rappelle-toi, les fidèles qui te présentent cette offrande, les membres de notre assemblée, le peuple qui t appartient et tous les hommes qui te cherchent avec droiture». A la Messe nous apportons avec 5

6 notre propre offrande, la vie de beaucoup d autres. C est tout le peuple des baptisés que nous portons. Ce sont tous les hommes qui sont en recherche. Vraiment là se trouve notre vocation sacerdotale. Nous sommes avec Jésus Christ qui porte l humanité entière et qui regarde chaque membre de cette humanité avec le même amour. Mais nous le sommes ENSEMBLE, sinon nous réduirions le Christ ressuscité de l Eucharistie à notre mesure. Nous en ferions une idole personnelle, qui nous empêcherait, comme le dit St Paul, de «revêtir le Christ». Jésus nous invite à un «repas» ou on vient ensemble. Etre vraiment ensemble, c est se prendre en charge les uns les autres, et au-delà de ceux qui sont la, tous nos frères et sœurs en humanité. C est la signification de cette phrase qu on répète souvent : l Eucharistie fait l Eglise. Elle cimente le corps du Christ, et l Eglise alors peut être le Christ au milieu du monde. Alors, comment participons-nous aux Messes? Comment les préparons-nous et quelle place tient la Parole de Dieu dans cette préparation? Personnellement ou en groupe? Quelle est notre part active? Comment vivons-nous ENSEMBLE nos Eucharisties? Pieté personnelle ou «Messe sur le monde»? La Prière : Le Christ prêtre prie et nous apprend à prier. Notre prière est donc une manière d être un Royaume de prêtres, un Royaume de Christs.. Il y a plusieurs manières de réfléchir sur ce qu est une prière sacerdotale, mais la meilleure manière c est de regarder Jésus qui prie, se retire, apprend a prier avec le Notre Père. Je voudrais aussi en cette année dédiée à St Paul regarder la prière de celui qui n hésite pas à dire : «imitez-moi». Sa prière peut nous aider. -St Paul n est pas un théoricien de la prière, ni un copieur : c est un homme authentique dans sa prière. Ce qui sort de sa bouche n est rien d autre que ce qu il a dans le cœur. On peut dire que sa prière est en lui une disposition constante 6

7 -Il demande à ses chrétiens de «prier sans cesse et de rendre grâce : «Soyez toujours joyeux, priez sans cesse, rendez grâce en toutes circonstances ; c est ce que Dieu attend de vous dans le Christ Jésus» La prière de Paul résidait dans sa disponibilité permanente à Dieu, comme Jésus avec son Père et comme cela devrait l être pour nous. Elle résidait aussi dans sa disponibilité aux autres. Rendre grâce en toutes circonstances, n est-ce pas utopique peuvent penser certains. Mais accueillir les occasions de nous émerveiller, comme le faisait Jésus,, c est une manière pour que notre rencontre du Seigneur dans la prière ne devienne jamais pour nous du déjàvu, mais nous soit vraiment neuf chaque fois que nous prions. La nouveauté dans la prière n est pas un slogan. Ce qui se renouvelle est vivant. Ce qui piétine se sclérose. Ainsi en est-il de la prière Mais cela n empêche pas de «raller» parfois sinon il n y aurait pas de relation vraie avec le Seigneur pas plus qu avec les autres. Il suffit de lire les psaumes pour s en rendre compte. -C est cette même disponibilité que demande Paul lorsqu il supplie les Thessaloniciens de ne pas «éteindre l Esprit en eux» ou de ne pas faire obstacle à l Esprit. Notre prière est-elle cette rencontre vraie et amoureuse avec le Seigneur? Est-elle manière aussi d aimer les autres, lorsque nous les portons dans notre prière? Avons-nous conscience que nous coulant dans la prière du Christ, et dans l imitation de Paul, notre prière devient plus réelle et nous transforme? L action de grâce et l oraison. Le Christ prêtre rend grâce. Il passe des heures avec son Père. Il sait admirer. Pour rendre grâce, ne faut-il pas savoir admirer. Lorsque l officier romain vient trouver Jésus parce que son esclave allait très mal, Jésus nous dit l évangéliste admira la foi ce de païen. Il admira et son admiration était si grande qu il en fit une louange et qu il donna la foi de cet occupant romain comme un exemple. «Je vous le dis, je n ai jamais trouvé une telle foi en Israël», puis il ajoute : «Va qu il t advienne selon ta foi». (Mc. VIII. 4sq.) Partager le 7

8 sacerdoce du Christ, c est aussi savoir admirer et rendre grâce pour ce que Dieu fait pour nous, mais aussi pour la qualité de foi des autres, même s ils ne sont pas des nôtres habituellement. Chez Paul on trouve aussi la prière qu on pourrait appeler de reconnaissance reconnaissance à Dieu de qui tout vient. Son adoration s origine dans toutes les grâces reçues. La grâce a pour Paul une immense importance. Il reconnaît ces grâces et dit sa reconnaissance. Se lancer ou se tenir dans l oraison, c est vivre la même intimité avec Dieu que Jésus avec son Père. Mais il faut pour cela du silence. Jésus passe des heures dans la nuit silencieuse avec son Père ; Il faut aussi de l écoute. Le mot-clé de toute la tradition hébraïque c est «Ecoute Israël» Quels temps gratuit passons-nous à faire comme Jésus? à faire silence et a écouter? L oraison n est pas récitation, même si parfois on a besoin de quelques points d appui. L oraison c est la «rencontre de deux amours» comme le dit Ste Therese d Avila. Alors, action de grâce, admiration, reconnaissance, oraison feront-ils partie de notre panoplie de Carême? La Prière de demande. Paul a souvent une prière de demande : pour le succès de son apostolat, pour la délivrance de nombreux maux, et surtout pour les besoins spirituels et temporels de ses chrétiens. Sur ce point, nous pourrions relire des passages de St Paul pour mieux comprendre ce qu est une vraie prière de demande. Dans le Notre Père, Jésus nous fait faire quelques demandes importantes. Alors n ayons pas peur de demander, cependant pas n importe quoi. Dans ma longue vie, je me souviens de l époque ou on aimait dire : «le chrétien, c est un autre Christ». St Paul dit : «vivre pour moi c est le Christ». N est-ce pas cela vivre le sacerdoce commun des fidèles? C est sur cette question que je vous laisse entrer dans la célébration eucharistique. 8