DÉCISION LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS
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- Francis Chagnon
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1 Commission d accès à l information du Québec Dossier : Date : 16 septembre 2005 Commissaire : M e Christiane Constant X Demanderesse c. Ville de Laval Organisme public DÉCISION L OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS [1] Par l entremise de M e Valérie Lessard, du cabinet d avocats Allen Marcoux, la demanderesse requiert, le 10 août 2004, de la Ville de Laval, ci-après désignée «l organisme», une copie d un rapport d évènement rédigé par l enquêteur Daniel Déry au mois de mars précédent. [2] Le 9 septembre 2004, M. Serge Bélisle, assistant-directeur et responsable de l accès aux documents au sein de l organisme avise la demanderesse qu elle pourra recevoir une copie élaguée dudit rapport, moyennant le paiement des frais de $. Quant aux renseignements masqués, l organisme invoque comme
2 Page : 2 motifs de refus les articles 53, 54 et 88 de la Loi sur l accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la «Loi sur l accès»). Il indique que la divulgation des renseignements nominatifs causerait un préjudice à une personne qui y est mentionnée selon les termes du 5 e paragraphe de l article 28 de cette loi. Il invoque de plus l article 87 de la même loi. [3] Le 7 octobre 2004, la demanderesse sollicite, par l entremise de ses procureurs, l intervention de la Commission d accès à l information (la «Commission») pour que soit révisée la décision de l organisme. L AUDIENCE [4] L audience de la présente cause se tient, à Montréal, le 7 septembre 2005, en présence de la demanderesse. L organisme est représenté par M e Geneviève Asselin, du cabinet d avocats Allaire & Associés. M e Roger Lacharité, de la firme d avocats Allen Marcoux, est l avocat de la demanderesse. LA PREUVE A) DE L ORGANISME I) TÉMOIGNAGE DE M. SERGE BÉLISLE [5] Interrogé par M e Geneviève Asselin, M. Serge Bélisle affirme solennellement qu il est directeur adjoint et responsable de l accès aux documents. Il ajoute que l organisme détient des documents dans un dossier concernant la demanderesse. Il lui a fait parvenir certains d entre eux après avoir extrait les renseignements nominatifs. [6] M. Bélisle témoigne sur chaque page de documents et indique les motifs pour lesquels l organisme refuse de communiquer à la demanderesse les renseignements nominatifs qui y sont masqués. M. Bélisle fait remarquer que la première déclaration statutaire vise un individu considéré par l organisme comme «suspect, il pourrait être impliqué dans un cas de fraude». Ce dossier contient également, entre autres, des déclarations de témoins relatives à cette affaire, des documents démontrant la manière selon laquelle l enquêteur a mené son enquête. Ce sont des méthodes d enquête qui doivent demeurer confidentielles au sens du 1 L.R.Q., c. A-2.1.
3 Page : 3 3 e paragraphe de l article 28 de la Loi sur l accès. Selon M. Bélisle, la divulgation des renseignements concernant ces témoins risque de leur causer un préjudice. CONTRE-INTERROGATOIRE DE M. BÉLISLE [7] Contre interrogé par M e Lacharité, M. Bélisle signale qu il n a pas participé à l enquête policière, mais qu il est policier depuis 26 ans. Il ajoute que l enquête a été menée par le sergent-détective Daniel Déry. Ce dernier a fermé le dossier avec la mention «non solutionné», car aucune poursuite n a été intentée contre un individu. Il précise que le dossier contient, entre autres, deux séries de documents : une première série réfère à des déclarations statutaires émanant de témoins. Une deuxième série de documents vise la personne physique à l encontre de laquelle la demanderesse a déposé une plainte pour fraude auprès de l organisme. [8] M. Bélisle prétend que la divulgation des déclarations permettrait d identifier leur auteur respectif. D où la nécessité pour l organisme de refuser de les communiquer à la demanderesse au sens de l article 53 de la Loi sur l accès. Se trouvent, entre autres, dans ce dossier, une copie du permis de conduire d une personne, les «notes d entrevue et d interrogatoire» et un document intitulé «Contrôle des pièces à conviction». M. Bélisle prétend que ce dernier ainsi que d autres documents indiquent les méthodes d enquête dont se sert l enquêteur pour effectuer, par exemple, des saisies avec ou sans mandat, pour obtenir les déclarations des témoins, etc. Dans le cas sous étude, un item a fait l objet d une saisie par un policier. II) TÉMOIGNAGE DE LA DEMANDERESSE [9] Dûment assermentée, la demanderesse est interrogée par son procureur M e Lacharité. Elle déclare qu elle a porté plainte au Service de police de Laval contre E. L. Celui-ci a commis une fraude à son égard, car «il a imité ma signature» afin d acquérir un véhicule automobile de marque «Cherokee». En raison de cette fraude, elle a intenté un recours de nature civile contre E. L. et contre une autre personne. [10] En contre-interrogatoire mené par M e Asselin, la demanderesse affirme que le contrat contient une signature la démontrant comme étant «un endosseur». Elle ajoute qu elle a remis à l organisme une copie de son dossier de crédit détenu par Équifax Canada, une copie du contrat et une lettre de 4 ou 5 pages que lui a transmis E. L.
4 Page : 4 [11] À ce stade-ci, M e Asselin indique que l organisme consent à communiquer à la demanderesse des documents additionnels. M e Lacharité, pour sa part, demande que les faits ressortis par les témoins dans leur déclaration respective soient communiqués à la demanderesse. M e Asselin réplique en invoquant l article 14 de la Loi sur l accès, car l extraction des renseignements nominatifs et les commentaires personnels de ces témoins constituent la substance même de leur déclaration respective; ce qui en reste, sera incompréhensible. LES ARGUMENTS DES PARTIES A) DE L ORGANISME [12] M e Asselin plaide que les motifs de refus de l organisme reposent sur les articles 53, 54 et 28, 3 e et 5 e paragraphes de la Loi sur l accès. Elle réfère au témoignage de M. Bélisle selon lequel l organisme a communiqué à la demanderesse des documents, après en avoir extrait les renseignements nominatifs, telles l identité et les coordonnées des témoins. L avocate argue, d une part, que ces renseignements doivent demeurer confidentiels. D autre part, leur divulgation risquerait de causer un préjudice à ces témoins, permettrait de les identifier et révélerait une méthode d enquête au sens des 3 e et 5 e paragraphes de l article 28 et des articles 53 et 54 de la Loi sur l accès. [13] M e Asselin fait remarquer par ailleurs que l organisme considère que la demanderesse est une personne impliquée dans le rapport d évènement selon les termes de l article 59, 9 e paragraphe de la Loi sur l accès et conformément, entre autres, aux décisions Compagnie canadienne d assurances générales Lombard c. Ministère de la Sécurité publique 2 et Commission scolaire des Chênes c. Ministère de la Sécurité publique 3. B) DE LA DEMANDERESSE [14] M e Lacharité réitère le désir de la demanderesse d obtenir les faits contenus dans les déclarations de témoins ainsi que tout autre document qui la concerne. 2 3 [2003] C.A.I [2004] C.A.I. 289.
5 Page : 5 LA DÉCISION [15] La demanderesse a utilisé son droit fondamental selon les termes de l article 83 de la Loi sur l accès, car l organisme a ouvert un dossier à la suite d une plainte pour fraude qu elle a portée contre une autre personne physique. Elle souhaite obtenir une copie du rapport d évènement relativement à cette affaire. 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [16] Les documents en litige sont : a) Un document intitulé «Suivi administratif» identifiant trois personnes physiques autres que la demanderesse. Celui-ci contient leur date de naissance respective et leur adresse. D autres documents y sont annexés et y sont titrés «Rapport d enquête, rapport d enquête complémentaire, Personne - Ajout et modification, Contrôle des pièces à conviction, Disposition des biens et exhibits, Notes d entrevue et d interrogatoire, Déclarations» des trois personnes; b) Une copie du contrat; c) Des documents démontrant les démarches entreprises par l enquêteur au cours de son enquête, la manière dont il a mené celle-ci et les personnes qu il a rencontrées; d) La déclaration de chaque individu prise sous forme manuscrite; il répond aux questions de l enquêteur. [17] Il est évident que dévoiler l identité des personnes mentionnées dans ce rapport risque effectivement de leur causer un préjudice selon les termes de l article 28, 5 e paragraphe de la Loi sur l accès. À l exception de la personne considérée par l organisme comme «suspect», la preuve non contredite
6 Page : 6 démontre que les autres individus sont des témoins. De plus, les renseignements nominatifs, tels les coordonnées de trois personnes, leur date de naissance respective, leur numéro de téléphone au domicile et au travail ainsi que leur sexe, sont confidentiels. Ils demeurent donc inaccessibles à la demanderesse en raison des articles 53 et 54 de cette loi. Articles 28, 3 e et 5 e paragraphe, 53 et 54 de la Loi sur l accès 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: [ ] 3 de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; 5 de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; [ ] 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [18] Par ailleurs, comme il est indiqué dans la décision X c. Ville de Terrebonne 4, le mot «préjudice» n étant pas défini dans la Loi sur l accès, il est opportun de l examiner selon son sens usuel. Le dictionnaire Petit Larousse illustré le définit comme : 4 [2003] C.A.I. 482, 484, 485 et 487.
7 Page : 7 Atteinte aux droits, aux intérêts de quelqu un, tort, dommage, causer un préjudice, porter un préjudice à quelqu un. [19] Également, la preuve non contredite démontre clairement que la demanderesse est une personne impliquée dans l évènement. Le 9 e paragraphe de l article 59 s applique dans la présente cause. 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent: [ ] 9 à une personne impliquée dans un événement ayant fait l'objet d'un rapport par un corps de police, lorsqu'il s'agit d'un renseignement sur l'identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un dénonciateur ou d'une personne dont la santé ou la sécurité serait susceptible d'être mise en péril par la communication d'un tel renseignement. [20] L examen attentif des documents permet à la soussignée de constater qu il est impossible pour l organisme d extraire les faits objectifs de ces déclarations, sans toucher à leur substance même. L organisme a démontré que les dispositions législatives prévues à l article 14 de la Loi sur l accès s appliquent dans la présente cause, et ce, conformément à l affaire Groupe Auto Psy c. Centre hospitalier Robert Giffard 5. Ces déclarations forment un tout, tel qu il a été décidé notamment dans les affaires Lemay c. Hydro-Québec 6 et Fournier c. Ministère des Finances et Caisse de dépôt et placement Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès [ ] 1 C.A.I. 48, 50. [1998] C.A.I. 381, 389. [1998] C.A.I. 341, 261.
8 Page : 8 au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. [21] De ce qui précède, la soussignée considère que le responsable de l accès de l organisme était fondé de refuser à la demanderesse les renseignements faisant l objet du présent litige. [22] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande de révision de la demanderesse contre l organisme; CONSTATE que l organisme a communiqué à la demanderesse des documents; CONSTATE également qu après examen des documents à l audience, l organisme consent à communiquer à la demanderesse des documents supplémentaires; REJETTE, quant au reste, la demande de révision; FERME le présent dossier portant le n o CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Roger Lacharité ALLEN MARCOUX Procureurs de la demanderesse M e Geneviève Asselin ALLAIRE & ASSOCIÉS Procureurs de l organisme
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