Discours de Michèle Blumenthal Cérémonie du souvenir à la mémoire des enfants du 12 e morts en déportation parce que nés juifs 23 avril 2011
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- Christian Bellefleur
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1 Discours de Michèle Blumenthal Cérémonie du souvenir à la mémoire des enfants du 12 e morts en déportation parce que nés juifs 23 avril 2011 Mesdames et Messieurs les élus, Monsieur le Président de l Association des Déportés et Internés Résistants du 12 e, Monsieur le Président du Comité d Entente des Associations d Anciens Combattants et victimes de Guerre, Monsieur le Président de l Association pour la Mémoire des Enfants Juifs Déportés, Mesdames et Messieurs les Déportés et Résistants et Anciens Combattants, Mesdames, Messieurs, Comment parler de l impensable, de l horreur la plus atroce, de l abominable? La déportation de nourrissons et d enfants trop jeunes pour être scolarisés, trop jeunes pour mourir. Je suis très émue d être parmi vous aujourd hui pour commémorer le souvenir de ces enfants du 12 e. Ces soixante enfants, tout petits, le plus jeune n ayant que six jours, arrachés à leur innocence parce que Juifs. Des êtres innocents, dont la vie, souvent à peine commencée, devait se terminer dans une chambre à gaz. Dès l automne 1940, le gouvernement de l Etat français dirigé par Philippe Pétain, engage une politique d exclusion contre les Juifs. De sa propre initiative, Vichy impose les «statuts des Juifs» qui interdisent à ceux, dont deux des grands-parents étaient considérés comme étant de «race juive», l exercice de presque toutes les professions. Les Juifs sont exclus de la vie de la cité. Dorénavant, un enfant Juif n a plus le droit d entrer dans un jardin public, une piscine, un musée, un stade, une cabine téléphonique, ou tout autre lieu public. Les autorités allemandes obtiennent également de Vichy la création d un commissariat général aux questions juives destinés à organiser la spoliation des Juifs,
2 leur ségrégation et à faciliter, par la suite, leur déportation vers l est. La première déportation de France à destination d Auschwitz a lieu le 27 mars A partir de juin 1942, une ordonnance impose à tout Juif de zone occupée le port de l étoile jaune cousue sur ses vêtements, et ce, dès l âge de six ans enfants ont été arrêtés en France puis déportés. Plus de de ces enfants ont été arrêtés dans Paris avec leurs familles par la police du gouvernement de Vichy, complice de l occupant nazi, et assassinés à Auschwitz parce qu ils étaient Juifs. Des enfants juifs ont été arrêtés dans presque toutes les rues de Paris, dont 346 dans le 12 e arrondissement. «Tout ce que vous pouvez imaginer, sera en dessous de la vérité» raconte un témoin anonyme le 15 août Odette DALTROFF-BATICLE, internée à Drancy, eut à s occuper des enfants. Libérée en 1943, elle écrivit aussitôt ces notes : «Jamais nous n oublierons les visages de ces enfants ; sans cesse, ils défilent devant mes yeux. Ils sont graves, profonds et, ceci est extraordinaire dans ces petites figures, l horreur des jours qu ils traversent est stigmatisée en eux. Ils ont tout compris, comme des grands. Certains ont des petits frères ou sœurs et s en occupent admirablement, ils ont compris leurs responsabilités. Ils nous montrent ce qu ils ont de plus précieux : la photo de leur père et de leur maman que celle-ci leur a donné au moment de la séparation. A la hâte, les mères ont souvent écrit une tendre dédicace. ( ) Dans leurs petits vêtements, elles ont cousu 1 ou 2 billets de 1 000F et ce petit garçon de 6 ans nous demande : «Fais le gendarme pour voir si tu découvres mon argent». Quelquefois, la vie reprend le dessus : comme des enfants, ils jouent. Ils ont des jeux à eux : ils jouent à la Fouille, à la Déportation. ( ) Nous essayons de faire la liste de leurs noms. Nous sommes surpris par une chose tragique : les petits ne savent pas leur nom. A un petit garçon, auquel nous essayons par tous les moyens de le lui faire dire, il répète inlassablement : «Mais je suis le petit frère de Pierre.» ( )
3 Avant le départ pour le grand voyage, on passait à la tonte les hommes, et les enfants des deux sexes. Cette mesure est vexatoire et agit beaucoup sur le moral des individus, particulièrement chez les enfants. Un petit garçon pleurait à chaudes larmes. Il avait environ 5 ans. Il était ravissant, des cheveux blonds bouclés, qui n avaient jamais connu les ciseaux. Il répétait qu il ne voulait pas qu on lui coupe les cheveux, sa maman en était si fière et puisqu on lui promettait qu il allait la retrouver, il fallait qu elle retrouve son petit garçon intact.» Et voici ce que rapporte Roger GOMPEL, interné à Drancy en 1942 : «Au regard des autorités allemandes, ces petits Juifs en herbe sont aussi dangereux que les autres. Ils comptent à l effectif ; il faut donc les immatriculer comme des grands. Pour procéder à leur enregistrement, on les refoule en masse au fond des barbelés. ( ) A l écart, immobile, un petit bonhomme pensif- il peut avoir sept ans- tient, serrée dans sa main, celle d une petite fille qui sait à peine marcher. -C est ta petite sœur? -Non -Qui est-ce? -Je ne sais pas -As-tu eu une tartine? -Non -Va en chercher une -Je ne peux pas, on m a donné la petite à garder. J ai promis de ne pas la quitter. -Ta maman est là? -Non, elle est déportée. -Avec qui es-tu? -Je ne sais pas?» A la fin des opérations d immatriculation, il reste une quinzaine d enfants qui ne savent pas leur nom et dont l identité ne peut être établie. Il en sera ainsi à chaque arrivée.
4 -«Comment t appelles-tu? -Jean -Et ton papa? -Papa On n en peut tirer davantage. Aucun, papier, aucune indication. Petits parias dont les parents se rongent dans un ghetto lointain et qui, de départ en départ, s en iront grandir ou périr, inconnus, dans les réserves de l Est, sans que personne ne sache jamais s ils sont morts ou vivants.» L'association des Fils et filles de déportés juifs de France (FFDJF) a travaillé pendant 15 ans à restituer l'état civil des enfants juifs de France victimes de la Shoah. Le travail des associations de déportés est essentiel. Redonner un nom, retracer les destinés de tous ces enfants pour qu ils ne soient pas oubliés. Je tiens aujourd hui à rendre hommage au dur travail accompli avec patience et obstination par l association pour la mémoire des enfants juifs déportés du 12 e (AMEJD), qui a permis le recensement des enfants déportés de notre arrondissement, en s appuyant sur les ouvrages de Serge KLARSFELD. Ce travail a été d autant plus délicat dans le cas des enfants dont nous saluons aujourd hui la mémoire. La stèle des enfants du 12 e trop jeunes pour être scolarisés, inaugurée en 2008, témoigne, avec ces soixante noms, de l existence de ces enfants, aussi courte futelle. Cette stèle est plus que nécessaire pour que, jamais, ils ne soient oubliés. Tant que le nom d un être est prononcé, il est relié au faisceau des vivants. Ces enfants qui n ont pas eu le temps de courir dans les cours d école. Qui n ont pas eu la joie de jouer dans ce square. Certains n ont même pas eu le temps de grandir assez pour savoir marcher, parler, prendre conscience de leur existence. Ils étaient insouciants, comme le sont tous les enfants. Nous ne devons jamais croire que l atrocité ne peut se répéter. C est pourquoi, le combat contre l oubli, l ignorance, l intolérance et la haine reste aujourd hui, et pour l avenir, un des combats les plus nécessaires.
5 Nous nous devons donc de perpétuer la mémoire de ces crimes. Nous nous devons, collectivement, de rester vigilant et de ne pas laisser les fondements d un mal terrible se répandre de nouveau dans la société. Ce témoignage que nous transmettons est celui des dangers de l intolérance, de la xénophobie, du racisme, des discriminations qui contredisent totalement nos valeurs républicaines de liberté, de fraternité et d égalité. Souvenons-nous de ces petits enfants, de ces femmes, de ces hommes qui furent tués par et pour une idéologie totalitaire. Face aux assassins de la mémoire, nous avons un devoir de connaissance et de vérité. Nous n y manquerons pas. Je vous remercie.
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