mjd TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE CERGY-PONTOISE RÉPUBLIQUE FRANÇAISE N PREFET DU VAL-D OISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Mme Dano Rapporteur
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- Marie-Claude Bossé
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1 TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE CERGY-PONTOISE mjd N PREFET DU VAL-D OISE Mme Dano Rapporteur RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise (10ème chambre) M. Marias Rapporteur public Audience du 25 juin 2015 Lecture du 9 juillet C+ Vu la procédure suivante : Par un déféré et des mémoires, enregistrés le 28 octobre 2014, le 14 avril 2015 et le 20 mai 2015, le préfet du Val-d Oise demande au tribunal : 1 ) d annuler la décision en date du 30 juin 2014 par laquelle le président du conseil général du Val-d Oise a donné à ses services l instruction d orienter systématiquement vers le service intégré d accueil et d orientation (115) du Val-d Oise toute demande d hébergement d urgence à compter du 1 er septembre 2014 ; 2 ) d enjoindre au département du Val-d Oise de reprendre un fonctionnement conforme au code de l action sociale et des familles en abandonnant les critères de sélection mis en place à compter du 1 er septembre 2014 ; 3 ) de dire que, dans la période du 1 er septembre 2014 à la date de notification du jugement à intervenir, l hébergement d urgence des femmes isolées enceintes ou mères d enfants de moins de trois ans est financièrement pris en charge par le département du Val-d Oise. Le préfet soutient que la décision attaquée est entachée d erreur de droit dès lors qu elle méconnaît la répartition des compétences de l Etat et du département ; qu en effet, concernant l hébergement des femmes seules, enceintes ou accompagnées d enfants âgés de moins de trois ans, le département ne pouvait légalement décider que seule une information préoccupante est de
2 N nature à déclencher une prise en charge par le conseil général au titre de l aide sociale à l enfance. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2015, le département du Val-d Oise, représenté par Me Bazin, demande au tribunal de rejeter le déféré et de mettre à la charge de l Etat une somme de euros au titre des dispositions de l article L du code de justice administrative. Il soutient que : - les conclusions à fin d annulation sont irrecevables dès lors que le courrier du président du conseil général en date du 30 juin 2014 ne constitue pas une décision présentant un caractère réglementaire au sens des dispositions de l article L du code général des collectivités territoriales mais une simple ligne directrice donnée à ses services et à ses interlocuteurs ; - les conclusions tendant à ce que le tribunal déclare que l hébergement d urgence des femmes isolées enceintes ou mères d enfants de moins de trois ans est financièrement pris en charge par le conseil général du Val-d Oise sont irrecevables dès lors qu elles constituent des conclusions en déclaration ; - les moyens invoqués par le préfet du Val-d Oise ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l action sociale et des familles ; - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n du 25 mars 2009 ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l audience. Ont été entendus au cours de l audience publique : - le rapport de Mme Dano, - les conclusions de M. Marias, rapporteur public, - et les observations de M. Mouget, représentant le préfet du Val-d Oise et de Me Morant, représentant le département du Val-d Oise. 1. Considérant que le 30 juin 2014, le président du conseil général du Val-d Oise a adressé au préfet du Val-d Oise un courrier l informant de la mise en œuvre d une nouvelle orientation de la politique départementale en matière d hébergement d urgence ; qu il a notamment donné à ses services l instruction d orienter systématiquement vers le service intégré d accueil et d orientation (115) du Val-d Oise toute demande portant sur l hébergement d urgence, à compter du 1 er septembre 2014 ; qu un recours gracieux a été exercé le 1 er septembre 2014 par le préfet du Val-d Oise, rejeté le 11 septembre 2014 par le président du conseil général du Val-d Oise ; que le préfet du Val-d Oise demande notamment l annulation du courrier en date du 30 juin 2014 ;
3 N Sur les fins de non-recevoir opposées par le département du Val-d Oise : 2. Considérant, en premier lieu, que l interprétation que, par voie notamment de circulaires ou d instructions, l autorité administrative donne des lois et règlements qu elle a pour mission de mettre en œuvre n est pas susceptible d être déférée au juge de l excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu en soit le bien-fondé, faire grief ; qu en revanche, les dispositions impératives à caractère général d une circulaire ou d une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d incompétence ou si, alors même qu elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu elles sont illégales pour d autres motifs ; 3. Considérant le département du Val-d Oise fait valoir que le courrier adressé le 30 juin 2014 au préfet du Val-d Oise ne fait pas grief dès lors qu il contient une simple ligne directrice donnée à ses services et interlocuteurs ; que toutefois, par ce courrier, le président du conseil général du Val-d Oise a donné aux services sociaux de ce département l instruction d orienter systématiquement vers le service intégré d accueil et d orientation (115) toute demande portant sur l hébergement d urgence, à compter du 1 er septembre 2014 ; que le président du conseil général a décidé également que «la situation des femmes isolées, enceintes ou accompagnées d enfants âgés de moins de 3 ans sera évaluée exclusivement dans le cadre d une information préoccupante, qui permettra une décision informée du service départemental de l aide à l enfance statuant sur le risque de danger encouru par les enfants» ; que ce courrier, qui contient des dispositions impératives à caractère général, doit ainsi être regardé comme faisant grief ; que, par suite, le préfet du Val-d Oise est recevable à déférer la décision litigieuse en date du 30 juin 2014 ; 4. Considérant, en second lieu, qu il n appartient pas au juge administratif de statuer sur des conclusions à fin de déclaration de droits ; que, par suite, les conclusions du préfet du Val-d Oise tendant à ce que le tribunal déclare que la prise en charge financière par le département de l hébergement d urgence des femmes isolées enceintes ou mères d enfants de moins de trois ans, dans la période du 1 er septembre 2014 à la date de notification du jugement à intervenir sont irrecevables ; Sur les conclusions à fin d annulation : 5. Considérant que l article L du code de l action sociale et des familles dispose que : «Le département définit et met en œuvre la politique d'action sociale, en tenant compte des compétences confiées par la loi à l'etat, aux autres collectivités territoriales ainsi qu'aux organismes de sécurité sociale. ( ) Les prestations légales d'aide sociale sont à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours, à l'exception des prestations énumérées à l'article L » ; que l article L du même code précise que : «Sont à la charge de l'etat au titre de l'aide sociale : / ( ) 8 Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L à L ; ( )» ; que l article L de ce code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, prévoit que : «Bénéficient, sur leur demande, de l'aide sociale pour être accueillies dans des centres d'hébergement et de réinsertion sociale publics ou privés les personnes et les familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d'insertion, en vue de les aider à accéder ou à recouvrer leur autonomie personnelle et sociale.( )» ; qu aux termes de l article L dudit code : «Le service de l'aide sociale à l'enfance est un service non personnalisé du département chargé
4 N des missions suivantes : / 1 Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l'autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu'aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ; / ( ) 5 Mener, notamment à l'occasion de l'ensemble de ces interventions, des actions de prévention des situations de danger à l'égard des mineurs et, sans préjudice des compétences de l'autorité judiciaire, organiser le recueil et la transmission, dans les conditions prévues à l'article L , des informations préoccupantes relatives aux mineurs dont la santé, la sécurité, la moralité sont en danger ou risquent de l'être ou dont l'éducation ou le développement sont compromis ou risquent de l'être, et participer à leur protection ; ( )» ; que l article L du même code précise que : «( ) Le département doit en outre disposer de structures d'accueil pour les femmes enceintes et les mères avec leurs enfants.» ; que l article L du code de l action sociale et des familles dispose que : «Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil général : / ( ) 4 Les femmes enceintes et les mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu'elles sont sans domicile.( )» ; 6. Considérant qu il résulte des dispositions précitées que les mesures d aide sociale en matière d hébergement sont à la charge de l Etat, compétent en matière d aide au logement ; que toutefois, le département, qui détient une compétence générale en matière d aide sociale, doit, au titre de l aide sociale à l enfance, apporter un soutien notamment matériel aux mineurs et à leur famille confrontés à des difficultés ; que l accueil des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d un soutien matériel et psychologique vise en priorité à assurer la protection de l enfant et relève, dès lors, de l aide sociale à l enfance ; que, par conséquent, l hébergement, y compris d urgence, de ces personnes relève nécessairement de la compétence du département, lequel doit assumer leur prise en charge, notamment financière ; 7. Considérant qu il résulte des dispositions précitées du 4 de l article L du code de l action sociale et des familles éclairées par les travaux préparatoires à l adoption de l article 68 de la loi n du 25 mars 2009 que, sauf circonstances particulières, l absence de domicile des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans fait présumer l existence d un besoin de soutien matériel et psychologique, justifiant leur prise en charge par le département ; que, contrairement à ce que fait valoir le département du Val-d Oise, le législateur n a pas entendu subordonner la prise en charge des demandes d hébergement de ces personnes à l existence d une information préoccupante relative aux mineurs, telle que prévue par les dispositions du 5 de l article L du même code ; que, par conséquent, le président du conseil général du Val-d Oise a commis une erreur de droit en décidant que la situation de ces personnes serait évaluée exclusivement dans le cadre d une information préoccupante ; 8. Considérant qu il résulte de ce qui précède que le préfet du Val-d Oise est fondé à demander l annulation de la décision du président du conseil général du Val-d Oise en date du 30 juin 2014 ; Sur les conclusions à fin d injonction : 9. Considérant qu ainsi qu il a été dit au point 7 ci-dessus, il appartient au département du Val-d Oise de se prononcer sur les demandes d hébergement présentées par les
5 N femmes enceintes et les mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans, visées au 4 de l article L du code de l action sociale et des familles, au regard de leur seul besoin de soutien matériel et psychologique, lequel peut être établi lorsque celles-ci sont sans domicile ; qu ainsi, le présent jugement implique nécessairement qu il soit enjoint au département du Val-d Oise d examiner les demandes dont il a été saisi depuis la mise en œuvre de la décision annulée par le présent jugement en se conformant aux obligations énoncées ci-dessus ; qu il y a lieu de lui enjoindre d y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement ; Sur les conclusions tendant à l application de l article L du code de justice administrative : 10. Considérant qu'en vertu des dispositions de l article L du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le département du Val-d Oise doivent, dès lors, être rejetées ;
6 N D E C I D E : Article 1 er : La décision du président du conseil général du Val-d Oise en date du 30 juin 2014 est annulée. Article 2 : Il est enjoint au département du Val-d Oise d examiner les demandes d hébergement présentées par les femmes enceintes et les mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans, visées au 4 de l article L du code de l action sociale et des familles, dont il a été saisi depuis la mise en œuvre de la décision du 30 juin 2014, conformément aux obligations énoncées au point 7 du présent jugement, dans un délai de deux mois à compter de la notification de celui-ci. Article 3 : Le surplus des conclusions du déféré est rejeté. Article 4 : Les conclusions du département du Val-d Oise présentées sur le fondement de l article L du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent jugement sera notifié au préfet du Val-d Oise et au département du Val-d Oise. Délibéré après l audience du 25 juin 2015, à laquelle siégeaient : M. Cornevaux, président, M. Charpentier, premier conseiller, Mme Dano, conseiller. Lu en audience publique le 9 juillet 2015.
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