PROJET DE LOI RELATIVE A DIVERSES DISPOSITIONS CONCERNANT LE FINANCEMENT DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES. Forum Financier Belge
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1 NUMERO SPECIAL 9 octobre 2013 Best Belgian Banking & Finance law firm of the year 2013 PROJET DE LOI RELATIVE A DIVERSES DISPOSITIONS CONCERNANT LE FINANCEMENT DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES Forum Financier Belge Jean-Pierre Buyle Ancien bâtonnier du barreau de Bruxelles Maître de conférences ULB Page 2 La nouvelle loi sur le financement des PME pique aux yeux Page 3 Le mensonge légalisé des mystery shoppers Page 5 Cour Constitutionnelle : le funding loss d un crédit peut dépasser 6 mois d intérêts...
2 LA NOUVELLE LOI SUR LE FINANCEMENT DES PME PIQUE AUX YEUX L e gouvernement vient d adopter un projet de loi prévoyant de nouvelles obligations pour les banques en matière de financement des PME. Plusieurs dispositions ont un relent d eau de javel qui pique aux yeux. L effet escompté par cette nouvelle législation risque en effet de décevoir les acteurs économiques en rendant le crédit plus difficile et plus onéreux. En ce qui concerne le devoir d information du banquier, deux points doivent être épinglés : le prêteur doit toujours rechercher le type de crédit le mieux adapté aux besoins de l entrepreneur. Le juge peut, en cas de manquement, ordonner la conversion, sans frais, du crédit, sous une forme de crédit mieux adaptée. Que se passera-t-il par exemple lorsqu un banquier conseille un taux fixe avantageux pour un crédit alors qu il s avère par la suite que le taux variable enregistré s est montré plus favorable à l emprunteur? L appréciation marginale devrait rester de mise. La faute avérée devra être démontrée. Ceci impliquera la mise au point de procédures et de conservation de données dans le chef du banquier. Tout ceci engendrera des coûts importants. Le législateur introduit une approche Mifid light, en s inspirant du test de suitability prévu pour les clients retails en matière d instruments financiers mais non adaptés à la matière des crédits et en particulier à la clientèle des entreprises, qui est moins formatable. le banquier devra aussi informer l entreprise des raisons pour lesquelles un crédit est refusé. Ce changement fondamental des règles applicables ne devrait pas pouvoir porter atteinte à la liberté de commerce et à l autonomie de volonté des parties. Le banquier doit conserver le droit de refuser un nouveau crédit ou de le renouveler. Le projet de loi prévoit également que la FSMA est chargée de superviser la bonne exécution des dispositions relatives à l obligation d information. Ce renforcement hasardeux des compétences de l autorité de contrôle était-il vraiment adéquat? Le recours devenu systématique à de multiples contrôles judiciaires et administratifs et à l imposition de sanctions diverses parfois mêmes cumulatives traduit un certain estompement de la confiance à l égard du secteur bancaire... En ce qui concerne le funding loss, l on sait qu en cette période de taux d intérêts plancher, la question fait l objet de beaucoup de débats et d incompréhension. Depuis la crise des années 30, le législateur a limité à 6 mois d intérêts l indemnité de remploi en cas de remboursement anticipé d un prêt à intérêts. Cette règle est reprise à l article 1907bis du code civil. Dorénavant, cette indemnité sera également limitée à 6 mois pour les crédits inférieurs à 1 million d euros. Le funding loss peut dépasser ce plafond lorsque le crédit est supérieur à 1 million d euros ou lorsqu il est octroyé à une personne qui n est pas un entrepreneur. Le législateur ne semble pas préciser les raisons objectives de ces différenciations de traitement. Certains y verront-ils un caractère discriminatoire? Numéro spécial 9 octobre / 6
3 Il est clair par ailleurs que la limitation de l indemnité à 6 mois devrait entraîner une augmentation du coût du crédit et que, d une manière ou d une autre, ceci risque d être répercuté à la clientèle comme en matière de prêt à intérêts. Le projet de loi prévoit par ailleurs une meilleure transparence dans le calcul du funding loss pour les crédits supérieurs à 1 million d euros. Même si les banques s étaient déjà engagées dans cette voie, cette obligation doit être favorablement accueillie. En ce qui concerne les dénonciations de crédit, les banques ne pourront plus résilier un contrat de crédit unilatéralement lorsque l entrepreneur respecte ses obligations, sans prévoir de dédommagement et/ou de délai de préavis. La dénonciation de crédit sans préavis, en cas de faute du crédité, reste donc possible. Si les obligations du banquier sont renforcées en matière de financement des PME, rien ne semble entrepris pour remédier aux deux causes fondamentales propres aux PME en difficulté : la sous-capitalisation récurrente de beaucoup de nouvelles entreprises et l insuffisance des compétences de plusieurs gérants de sociétés. LE MENSONGE LEGALISE DES MYSTERY SHOPPERS L a loi du 30 juillet 2013 visant à renforcer la protection des utilisateurs de produits et services financiers ainsi que les compétences de l'autorité des services et marchés financiers, et portant des dispositions diverses, introduit et légalise le "mystery shopping". Pour exercer son contrôle, la FSMA peut charger des membres de son personnel ou des tiers mandatés par ses soins en se présentant comme des clients ou clients potentiels, sans dévoiler leur qualité réelle et sans devoir préciser que les informations obtenues lors de la visite au siège de l'entreprise pourront être utilisées aux fins de l'exercice de son contrôle. Ainsi donc, la FSMA peut avancer masquée et, au mépris de la loyauté des débats, travestir la réalité. Le mensonge est légalisé au détriment de la transparence, principe fondamental de droit interne et de droit international. La vérification porte essentiellement sur les règles que les entreprises doivent appliquer dans leurs relations avec leurs clients ou clients potentiels. Qu'il s'agisse des règles de conduite découlant de la directive Mifid ou des obligations résultant par exemples des législations en matière de contrat d'assurance, d'intermédiation en services bancaires, en services d'investissement ou d'assurance ou des règlements pris par la FSMA sur la commercialisation des produits financiers aux clients de détail. Alors que la FSMA ne peut accéder aux données des clients, l'autorité de contrôle fait créer des dossiers et se fait transmettre des données relatives à ces faux clients. La raison avancée par le législateur est qu'il est important que la FSMA puisse vérifier la manière dont les entreprises soumises à son contrôle appliquent un certain nombre de règles dans leurs relations Numéro spécial 9 octobre / 6
4 avec les consommateurs, utilisateurs de produits, de services financiers et d'assurances. Il faut être en mesure de vérifier comment l'exigence d'une connaissance essentielle des produits est respectée dans la pratique par les intermédiaires et les entreprises réglementées. Cette argumentation n'est pas convaincante, dans la mesure où il y a d'autres moyens de contrôle tout aussi adéquats : test, examen, contrôle sur place à découvert En quoi le contrôle des connaissances d'un professionnel serait-il différent sur le terrain lorsque celui-ci est informé de ce que la FSMA effectue un contrôle? Pourquoi faut-il recourir à des mystery shoppers pour vérifier si une personne exerce une activité soumise à un statut sans disposer de l'agrément requis? RECOURS A DES CONTROLEURS EX- TERNES Les contrôleurs masqués peuvent être non seulement des membres du personnel de la FSMA mais aussi des collaborateurs externes. Les rares exemples étrangers, comme l'angleterre, montrent qu'il est généralement fait appel à des prestataires de services externes. L'impact budgétaire de ces frais de personnel n'est pas négligeable. En outre, la loi ne prévoit aucune qualification professionnelle ou d'éthique particulière dans le chef de ces tiers. La loi ne prévoit ni l'obligation de respecter le code de déontologie arrêté par le conseil de surveillance ni l'obligation au secret professionnel, alors que les membres du personnel de la FSMA sont quant à eux tenus légalement à ces devoirs. Ces tiers ne devraient bénéficier d'aucune exonération de responsabilité civile en raison de leurs actes ou comportements dans l'exercice de leur mission. La loi ne réserve ce privilège qu'à l'autorité de contrôle, les membres de ses organes et les membres de son personnel. SANCTIONS ILLEGALES? Lorsque le mystery shopping permet de conclure à l'existence d'indices de non respect de certaines règles (par exemple, le vendeur ne connaît pas son produit), on est en droit de s'interroger sur la légalité des mesures concrètes qui seraient prises par la suite par l'autorité de contrôle et des sanctions administratives, civiles et pénales qui s'en suivraient. La valeur probatoire des rapports établis nous paraît être sujet à grand questionnement. Est-il acceptable de retenir à charge d'un justiciable un constat ou un rapport parfois rédigé par un tiers non qualifié, obtenu par mensonge et par surprise? Quelle est la valeur d'un tel document établi unilatéralement, sans contradiction, par une personne non assermentée? Qu'en est-il des conditions dans lesquelles le constat est établi et ce, alors que le professionnel contrôlé ignore les fins pour lesquelles il est dressé? Comment le professionnel concerné pourra-t-il établir l'éventuelle provocation de l'infraction et en tirer les conséquences qui s'en dégagent? En établissant de tels documents, au contenu forcément subjectif, l'autorité n'est-elle pas à la fois juge et partie? N'y a-t-il pas atteinte fondamentale aux droits subjectifs des justiciables? L'évolution des pratiques en matière de contrôle et d'enquête n'a de cesse de nous interpeller. Nous nous sommes déjà inquiétés du recours systématique aux pratiques de dénonciation et de collaboration en matière de blanchiment. Le recours au mystery shopping est-il en voie de se généraliser? Déjà utilisée par la Loterie Nationale pour contrôler si l'interdiction de vente de ses produits à des mineurs d'âge est bien respectée par les points de vente, cette technique entre mainte- Numéro spécial 9 octobre / 6
5 nant dans l'arsenal des méthodes de contrôle que la FSMA peut utiliser. On peut imaginer qu un Arrêté Royal intervienne pour étendre la compétence de la FSMA quant au contrôle de la loi relative à diverses dispositions concernant le financement des petites et moyennes entreprises. Ne risque-t-on pas demain de généraliser cette pratique peu éthique à d'autres autorités? Ne va-t-on pas l'étendre par exemple à d'autres autorités de régulation comme le SPF Economie en matière de crédit à la consommation? Est-ce la bonne manière de faire des enquêtes correctes? Faut-il nécessairement mentir pour que fonctionnent correctement les marchés? COUR CONSTITUTIONNELLE : LE FUNDING LOSS D UN CREDIT PEUT DE- PASSER 6 MOIS D INTERETS C e 7 août 2013, la Cour Constitutionnelle a prononcé un arrêt important et attendu en matière d'indemnité de remploi. La Haute juridiction considère que le fait que la limitation légale de l'indemnité de remploi à 6 mois d'intérêts en cas de remboursement anticipé d'un prêt à intérêts ne soit pas applicable au contrat d'ouverture de crédit n'est pas discriminatoire. Une PME de la région de Dinant avait conclu dans les années 2000 successivement plusieurs conventions de crédit et de prêt, dans un but professionnel. A un moment donné, constatant que les taux d'intérêts étaient forts bas, l'entreprise voulut rembourser anticipativement tous ses crédits et prêts. La banque marqua son accord mais réclama à son client différentes indemnités de remploi pour compenser le préjudice subi à la suite de ces remboursements anticipés. Les parties ne s'entendirent pas sur le montant des indemnités réclamées. Il s'en suivit un contentieux devant les juridictions bruxelloises. Le premier juge considéra que la banque ne pouvait réclamer une indemnité de remploi supérieure à 6 mois d'intérêts pour les contrats de crédit, considérant que cette limitation prévue par l'article 1907bis du Code Civil pour les prêts à intérêts s'appliquait également aux contrats de crédit. En appel, la Cour de Bruxelles fit très clairement la distinction entre les contrats de prêt et de crédit mais posa une question préjudicielle à la Cour Constitutionnelle afin de savoir si l'article 1907bis du Code civil interprété en ce sens que cette disposition n'est pas applicable aux ouvertures de crédit -et en particulier aux ouvertures de crédit non réutilisables- violait ou non la Constitution, en ce que les emprunteurs sont traités de manière différente alors qu'ils se trouvent dans une situation identique. La Cour Constitutionnelle a répondu négativement à cette question. Elle indique que l'objectif du législateur était de prémunir les emprunteurs peu versés dans le domaine du crédit contre les indemnités de remploi abusives exigées des bailleurs de fonds professionnels. Elle ajoute qu'il est justifié que la limite à la liberté contractuelle, imposée par l'article 1907bis, ait pas été étendue aux contrats d'ouverture de crédit traditionnellement utilisés dans les relations d'affaires. Et de rappeler que Numéro spécial 9 octobre / 6
6 même si le contrat de crédit non réutilisable présente d'importantes analogies avec un contrat de prêt, il ne s'y assimile ni d'un point de vue juridique, ni d'un point de vue économique. Le contrat d'ouverture de crédit permet au crédité de différer la mise en possession effective des fonds et, partant le paiement des intérêts. En outre, l'acceptation par le crédité d'une indemnité de remploi élevée pourrait lui permettre d'obtenir un taux d'intérêt plus avantageux. Les similitudes entre les prêts et les crédits ne sont en toute hypothèse pas de nature, à elles seules, à imposer au législateur d'étendre la mesure dérogatoire au droit commun prévue à l'article 1907bis du code civil à tout type de contrat analogue, sans égard pour le contexte économique particulier dans lequel il y fait recours. Et de rappeler aussi au passage que dans le cadre d'un contrat d'ouverture de crédit, le crédité n'est pas dépourvu de tout moyen afin de lutter contre les pratiques abusives du créditeur, lorsque celui-ci exige une indemnité de remploi manifestement excessive. Cet arrêt qui met fin à plusieurs controverses jurisprudentielles et doctrinales doit être approuvé. Cette décision constitue aussi un élément de réflexion essentiel dans le cadre du débat en cours sur le projet de loi relative à diverses dispositions concernant le financement des petites et moyennes entreprises. Ce projet adopté par le gouvernement le 14 juin 2013 prévoit de limiter l'indemnité de remploi à 6 mois pour les crédits aux entreprises inférieurs à 1 million d'euros. Il est clair que cette limitation de l'indemnité va entraîner, comme en matière de prêt, une augmentation du coût du crédit et, que d'une manière ou d'une autre, ceci sera répercuté à la clientèle. On se demande en outre comment le législateur va justifier cette limitation du funding loss à 6 mois, alors que par ailleurs l'indemnité de remploi peut dépasser ce plafond lorsque le crédit est supérieur à un million d'euros pour une entreprise ou lorsqu'il est octroyé à une personne qui n'est pas un entrepreneur. Banque & Finance est publié par l association d avocats blegal société civile à forme de S.C.R.L. avec la collaboration de André-Pierre ANDRE-DUMONT Jean-Pierre BUYLE Laurent CLOQUET Sebastien DAEMS Bruno DESSART Naomi GLIBERT Gilles LAGUESSE Thomas MALENGREAU Isabelle MOENS de HASE Pierre PROESMANS Daniël VANDERMOSEN Dorien VAN DONINCK Annelien VERSCHAEVE Jeanine WINDEY Réalisation Colette FLAHAUT Les informations publiées par Banque et Finance sont données à titre de renseignements. Il ne s agit pas de consultations juridiques portant sur des situations déterminées. Les destinataires de cette lettre d informations sont informés par la présente de ce qu ils sont enregistrés dans un fichier établi en vue de l envoi de la lettre d informations. Le cas échéant, ils peuvent demander l application de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée. Reproduction autorisée, sauf à des fins commerciales, moyennant mention de la source. Editeur responsable : Jean-Pierre Buyle Avenue Louise 240, 1050 Bruxelles Tél Fax : jpbuyle@buylelegal.eu 6 / 6 Numéro spécial 9 octobre 2013
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