Les relations amoureuses des jeunes adolescents: quand la violence s en mêle

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1 Les relations amoureuses des jeunes adolescents: quand la violence s en mêle Carmen Lemelin & Yvan Lussier Département de psychologie 9 mai 2008 Congrès de l ACFAS, Centre des congrès de Québec

2 Prévalence de la violence physique et sexuelle chez les couples mariés Selon l Enquête sociale générale de 2004 Environ 7 % des Canadiennes et 6 % des Canadiens vivant en couple ont signalé avoir été victimes d une quelconque forme de violence physique ou sexuelle (de la simple menace de frapper l autre à l agression sexuelle) de la part de leur conjoint au cours des cinq années précédant l enquête (Statistique Canada, 2005) Ça correspond à femmes et hommes

3 Étude réalisée auprès de 316 couples 8,1 % des hommes et 13,8 % des femmes ont manifesté au moins un comportement de violence physique envers leur partenaire au cours des 12 mois précédant l étude 17,2 % des hommes et 7 % des femmes ont été violents sexuellement envers leur partenaire au moins une fois au cours de cette même période

4 Prévalence de la violence psychologique Selon l'enquête sociale générale de % des Canadiennes et 17 % des Canadiens ont déclaré en avoir été victimes au cours des cinq dernières années

5 Étude avec échantillon représentatif de couples américains 74 % des hommes et 75 % des femmes ont manifesté au moins une forme de violence conjugale psychologique durant les douze derniers mois

6 Étude réalisée auprès de 316 couples 64,7 % des hommes et 69,3 % des femmes ont indiqué avoir été violents psychologiquement envers leur conjoint au moins une fois au cours des 12 mois avant l enquête

7 Intérêt de recherche Il devient intéressant d étudier l incidence de la violence dans les couples en fréquentation pour vérifier comment ces jeunes sont touchés par cette problématique Il est important d examiner les débuts d une relation de couple Auparavant, les couples en fréquentation étaient traités sans distinction avec d autres couples (mariés ou en cohabitation)

8 Statistiques américaines 60% à 80% des couples en fréquentation utilisent la violence verbale envers leur partenaire 20% à 50% des collégiens auraient expérimenté une agression physique dans au moins une de leurs relations de fréquentation 25% à 50% des femmes en fréquentation subissent de la violence sexuelle

9 Étude québécoise Enquête de Lavoie et Vézina (2002) Garçons de 16 ans - 1/5 a infligé de la violence psychologique - 1/10 a infligé de la violence physique - 1/20 a infligé de la violence sexuelle Filles de 16 ans 1/3 a vécu de la violence psychologique 1/5 a vécu de la violence physique 1/10 a vécu de la violence sexuelle

10 Violence psychologique Violence physique Nonvictime 26% Victime 19% Victime 74% Nonvictime 81% Violence sexuelle Nonvictime 51% Victime 49%

11 Conséquences personnelles de vivre de la violence conjugale Traumatisme psychologique (p.ex., état de stress post-traumatique) Détresse psychologique (+ élevée si violence psychologique et sexuelle) de la présence d idéation suicidaire des tentatives de suicide des ITS, grossesse non-désirée des pertes de désir sexuel et des craintes de la sexualité

12 Facteurs interpersonnels associés à la violence dans les relations amoureuses adolescentes Âge de la première relation amoureuse Plus les relations amoureuses sont vécues tôt, plus les jeunes ont des chances de subir de la violence psychologique, physique ou sexuelle Nombre d amoureux fréquentés Plus il y en a, plus les risques de violence sont élevés d autres études contredisent ces résultats

13 Facteurs interpersonnels associés à la violence dans les relations amoureuses adolescentes Fréquence des rencontres amoureuses Plus le nombre de rencontres est élevé, plus les adolescentes risquent d être victimes de violence Relation amoureuse antérieure violente 20% à 34% des jeunes impliqués actuellement dans une relation violente déclarent avoir été dans une situation similaire dans le passé Victimes dans les relations passées ont plus de chances de devenir agresseurs dans la relation actuelle

14 Facteurs interpersonnels associés à la violence dans les relations amoureuses adolescentes Expérience sexuelle Victimes de violence physique et psychologique sont majoritairement actifs sexuellement et l ont été plus tôt que ceux ne subissant pas de violence Violence physique sévère associée aux expériences sexuelles précoces et aux partenaires plus âgés Violence sexuelle associée à un grand nombre de partenaires sexuels et à des relations sexuelles précoces

15 Facteurs interpersonnels associés à la violence dans les relations amoureuses adolescentes Engagement relationnel 44% à 80% des comportements violents se produisent dans des relations stables Communication Les jeunes émettant des comportements violents signalent davantage de problèmes dans leur relation et ils croient davantage que leurs problèmes sont sévères

16 Facteurs interpersonnels associés à la violence dans les relations amoureuses adolescentes Soutien social Plus les jeunes reçoivent du soutien et sont conseillés par leur entourage, moins ils semblent vivre de la violence dans leur relation amoureuse

17 Stabilité conjugale 33% des femmes violentées en fréquentation souhaitent poursuivre une relation stable avec leur agresseur 60% à 80% des relations amoureuses adolescentes violentes se poursuivent 30% des femmes ayant subi de la violence lors de leur fréquentation ont épousé leur agresseur

18 Pourquoi les jeunes acceptent-ils de poursuivre la relation?

19 Raisons du maintien de la relation amoureuse adolescente violente Victime ignore qu il s agit de violence Victime minimise la violence Idéalisation de leur relation de couple (couple fusionnel ou problématique de dépendance affective) Faiblesse de l estime de soi Grand investissement de la relation

20 Raisons du maintien de la relation amoureuse adolescente violente Négation ou évitement des situations de violence tente de s y adapter ou de moduler leurs comportements aux attentes de l agresseur Violence = preuve d amour Violence = signe d engagement

21 Dynamique de violence dans les relations amoureuses adolescentes Plusieurs études traitent la violence d une manière unidirectionnelle ( violentées et violents) Des études montrent plutôt que les différences observées entre les comportements subis et perpétrés sont minces (Wekerle & Wolfe, 1999): Donc, hypothèse de mutualité est à retenir

22 Objectifs Étudier les différents types de violence perpétrée et subie dans les relations de fréquentation des adolescents Établir des liens entre ces types de violence et des variables sociodémographiques, interpersonnelles et de personnalité

23 Méthode Participants Échantillon total N = adolescents et jeunes adultes en relation de fréquentation Âge =16-21 ans (M = 18 ans, ÉT = 1,14) 659 filles et 224 garçons Durée des fréquentations = 14,5 mois (ÉT = 14,5)

24 Méthode Participants recrutés auprès des institutions scolaires (collèges, écoles secondaires et professionnelles) Principalement dans la région de la Mauricie et du Centre-du-Québec

25 Instruments de mesure Questionnaire sur la résolution de conflits conjugaux (CTS2 : Straus, Hamby, Boney-McCoy, & Sugarman, 1996) Questionnaire sur l attachement (Brennan, Clark, & Shaver, 1998) Questionnaire sur le bien-être psychologique (Ilfeld, 1976) Questionnaire sur la personnalité (Costa & McCrae, 1989) Questionnaire sur la psychopathie (Levenson, Kiehl, & Fitzpatrick,1995) Échelle d ajustement dyadique (Spanier, 1976) Questionnaire de consommation d alcool et drogue

26 Violence psychologique émise Femmes Hommes Non 28,5% Non 41,8% Oui 58,2% Oui 71,5%

27 Violence psychologique émise Moyenne Femmes = 12,44 comportements Hommes = 9,55 comportements Différence significative

28 Violence psychologique subie Femmes Hommes Non 36,2% Oui 50,9% Non 49,1% Oui 63,8%

29 Violence psychologique subie Moyenne Femmes = 11,82 comportements Hommes = 11,53 comportements

30 Violence physique émise Femmes Hommes Oui 29,8% Oui 17,4% Non 70,2% Non 82,6%

31 Violence physique émise Moyenne Femmes = 16,04 comportements Hommes = 4,13 comportements Différence significative

32 Violence physique subie Femmes Oui 20.0% Oui 21,8% Hommes Non 80.0% Non 78,2%

33 Violence physique subie Moyenne Femmes = 6,79 comportements Hommes = 5,52 comportements

34 Violence sexuelle émise Femmes Hommes Oui 13,0% Oui 18,7% Non 87,0% Non 81,3%

35 Violence sexuelle émise Moyenne Femmes = 4,95 comportements Hommes = 4 comportements

36 Violence sexuelle subie Femmes Hommes Oui 26,3% Oui 12,3% Non 73,7% Non 87,7%

37 Violence sexuelle subie Moyenne Femmes = 7,05 comportements Hommes = 3,30 comportements Différence significative

38 Variables associées à la violence Avoir été témoin de violence entre les parents ou avoir subi de la violence de la part des parents Liens positifs avec les 3 types de violence Abus sexuels dans l enfance Oui (n = 70) > Non (n = 808) Violence psychologique émise et subie Violence physique et sexuelle subie

39 Divorce des parents Oui (n = 256) > Non (n = 622) Violence psychologique émise et subie Durée de la relation est liée positivement à: Violence psychologique et physique émise et subie Violence sexuelle subie Nombre de partenaires sexuel est lié positivement à: 3 types de violence à l exception de la violence physique subie

40 Age de la première relation sexuelle Gr.1 13 ans et moins (n = 72) Gr. 2 Entre 14 et 15 ans (n = 339) Gr ans et plus (n = 397) Violence psychologique émise 1 > 2, 3 2 > 3 Violence psychologique subie 1 > 3 2 > 3 Violence physique émise 1 > 3 Violence physique subie 1 > 2, 3

41 Consultation en santé mentale Oui (n = 145) > Non (n = 719) Violence psychologique émise et subie Violence sexuelle Consommation d alcool et drogue est liée positivement à: 3 types de violence À l exception de drogue et violence sexuelle subie Alcool et violence psychologique et physique émise

42 Est-ce que la violence conjugale qui se développe tôt dans les relations intimes est associée à des caractéristiques psychologiques et de personnalité particulières?

43 Analyses de variance VI: Ajustement dyadique Ajustement dyadique: niveau faible (n = 83) et élevé (n = 776) Violence psychologique et physique émise et subie, violence sexuelle subie Faible > Élevé Violence sexuelle émise - NS

44 Psychopathie Psychopathie: niveau faible (n = 397), modéré (n = 344), élevé (n = 142) Violence psychologique, physique et sexuelle émise et subie Élevé > Faible, Modéré

45 Névrotisme Névrotisme: niveau faible (n = 164), modéré (n = 307) et élevé (n = 362) Violence psychologique émise et subie Élevé > Faible, Modéré Violence physique émise et subie Élevé > Faible Violence sexuelle subie Élevé > Faible

46 Extraversion Extraversion: niveau faible (n = 87), modéré (n = 271) et élevé (n = 474) Violence psychologique émise et subie Faible > Modéré, Élevé Violence physique émise et subie Faible > Élevé Violence sexuelle subie Faible > Élevé

47 Amabilité Amabilité: niveau faible (n = 284), modéré (n = 335) et élevé (n = 219) Violence psychologique émise et subie et violence physique émise Faible > Modéré, Élevé Violence physique subie Faible > Élevé Violence sexuelle subie Faible > Modéré

48 Ouverture et conscience Aucune différence significative

49 Attachement amoureux Attachement: sécurisant (n = 481), craintif (n= 53), préoccupé (n = 318), détaché (n = 28) Violence psychologique émise et subie et physique subie Préoccupé > Sécurisant Violence physique émise Craintif, Préoccupé > sécurisant

50 Prédiction de la violence psychologique perpétrée Variance expliquée (31%) Sexe du répondant - Violence enfance + Durée de la relation + Consultation en santé mentale + Psychopathie + Amabilité - Évitement - Anxiété + Ajustement dyadique -

51 Prédiction de la violence psychologique subie Variance expliquée (30,5%) Sexe du répondant - Violence enfance + Durée de la relation + Nbre de partenaires sexuelles + Psychopathie + Névrotisme - Amabilité - Évitement - Anxiété + Ajustement dyadique -

52 Prédiction de la violence physique perpétrée Variance expliquée (19,4%) Sexe du répondant - Violence enfance + Durée de la relation + Psychopathie + Névrotisme - Anxiété + Ajustement dyadique -

53 Prédiction de la violence physique subie Variance expliquée (14,4%) Abus sexuels + Durée de la relation + Psychopathie + Évitement - Anxiété + Ajustement dyadique -

54 Prédiction de la violence sexuelle perpétrée Variance expliquée (7%) Violence enfance + Consommation alcool + Névrotisme - Psychopathie + Évitement -

55 Prédiction de la violence sexuelle subie Variance expliquée (18%) Sexe du répondant - Abus sexuels + Consommation alcool + Psychopathie + Évitement - Ajustement dyadique -

56 Discussion L hypothèse de la bidirectionnalité est à retenir selon les données recueillies puisque les femmes semblent aussi violentes que les hommes dans les couples adolescents en fréquentation Il en est de même pour la violence subie

57 Discussion L ajustement dans les couples en fréquentation semblent suivre celui des couples mariés et en cohabitation 10% des couples en relation de fréquentation vivent de la détresse conjugale % identique à ceux des enquêtes nationales

58 Discussion Personnalité et violence Névrotisme: un score élevé à cette dimension a été associé à des attitudes négatives envers la sexualité et les relations intimes (Shafer, 2001) Un score élevé à cette échelle implique souvent que ces individus sont en détresse psychologique Il devient donc difficile d être disponible à une relation dans ces conditions et la violence pourraient être un outil de mise à distance La nature du lien (+ ou -) varie selon le type de violence

59 Discussion Personnalité et violence Extraversion: Un score faible à cette échelle signifie que l individu est plus introverti. L introversion a été associée à des relations intimes plus pauvres (Shafer, 2001) Étant moins outillé au niveau de ses habiletés relationnelles, l individu aurait recours, lors de conflits, à la violence suite à une accumulation de frustration

60 Discussion Personnalité et violence Amabilité: Un score faible à cette échelle signifie un manque d empathie à l égard de l autre L utilisation de violence dans ce contexte est plus facile puisque ces individus sont peu sensibles à l autre Il faut préciser qu à l adolescence, les adolescents sont, au plan de leur développement cognitif en plein égocentrisme adolescent, période essentiel à la formation de leur identité

61 Discussion Attachement et violence Préoccupé et craintif: ces deux styles ont souvent été identifiés à la violence conjugale chez les couples mariés ou en cohabitation (Dutton, 1998; Holtzworth-Munroe et al., 1999) Il n est pas surprenant de retrouver ces deux mêmes styles associés à la violence dans les relations de fréquentation

62 Discussion Attachement et violence Préoccupé : Ce style a été associé chez les personnes en relation de fréquentation à des problématiques de jalousie et de dépendance (Furman & Wehner, 1997; Mayseless & Sharf, 2007, Tracy & al., 2003) De telles comportements pourraient contribuer à l augmentation de la violence dans le couple

63 Discussion Attachement et violence Préoccupé: L attachement préoccupé a également été lié à un score élevé sur le névrotisme (Noftle & Shaver, 2006), variable également associée à la violence dans cette étude.

64 Discussion Attachement et violence Craintif: Ce style est associé à des relations amoureuses plus distantes et méfiantes (Furman & Wehner, 1997; Mayseless & Sharf, 2007, Tracy & al., 2003). L attachement craintif serait prédit par un névrotisme élevé, par l extraversion et l amabilité faible (Noftle & Shaver, 2006; Shafer, 2001) Ce sont toutes des caractéristiques de la personnalité associées à la violence dans la présente étude

65 Discussion Psychopathie et violence La psychopathie secondaire (impulsivité) a été associée dans plusieurs études à des conduites délinquantes avec utilisation de violence Cela n est pas surprenant que la psychopathie soit associée à la violence dans les relations de fréquentation

66 Pistes de recherche Élaborer des modèles explicatifs de la violence dans les relations amoureuses à partir de ces variables (compréhension plus dynamique) Élaborer des profils d adolescent(e)s violent(e)s ou violenté(e)s ou violent(e)s et violenté(e)s pour vérifier leurs distinctions à partir de caractéristiques personnelles, familiales et sociales.

67 Pistes de recherche Inclure des questionnaires vérifiant l attachement aux parents étant donné la correspondance entre ce concept et la présence de violence Ajouter des questionnaires mesurant le style éducationnel des parents étant donné nos résultats sur la psychopathie

68 Pistes d intervention Démystifier ce qu est la violence, ses facteurs et ses conséquences Outiller les adolescents afin de mieux réagir à la violence Maintenir des cours dans les écoles où ces thématiques sont abordées avec les adolescents Le taux élevé de psychopathie et de violence bidirectionnelle laissent présager l usage de violence en réponse à la violence

69 Pistes d intervention Importance de sensibiliser les parents à leurs méthodes éducationnelles La psychopathie réfère nécessairement à l apprentissage des normes sociales Celles-ci sont majoritairement apprises par les modèles parentaux et à travers l éducation

70 DES QUESTIONS? Projet de recherche financé par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada