Demain revient. Ecrit par Océane Ouillon En collaboration avec Solène Ouillon et San Yvin

Transcription

1 Demain revient Ecrit par Océane Ouillon En collaboration avec Solène Ouillon et San Yvin Personnage : La Danseuse Scène 1 : Parce que tout a bien commencé La Danseuse, assise par terre, la tête entre les mains : Je me souviens... Ca y est... un visage. Un morceau de papier. Du stylo. Un beau stylo et une écriture étrangère. Il est là, assis, il me regarde, il me dit quelque chose. Parles, que dis-tu, tu ris? Ah non.... Elle lève la tête, les yeux dans le vide Il est derrière son bureau, il se lève, me serre la main. Confiant qu il est. Il ne le savait pas encore. Comment aurait-il pu s en douter? Elle s arrête et danse un peu. Elle tombe au sol. Quoi. Rien. Un doute mais rien. Je ne me perds pas. Là il me demande, je lui réponds. Il déclame. Je tousse, il voit rouge. Il déchire son papier, me demande d attendre un instant dans le couloir. Je le fais. Sa voix forte. On aurait dit qu il parlait seul. Clap. Fini. J attends toujours. Il ressort dans un attirail étrange. Tout de bleu et peu de sa peau n est caché. J attends. Il me refait entrer. On attend. Il parle mais il lui a suffi de prononcer un mot fatal pour me perdre. Là je me noie et mon cerveau vomit tout. Souvenirs, envies, idées. Il n en reste rien après quelques minutes. Juste du vide. Il sait que je ne l écoute pas mais il s en fiche. D autres arrivent comme lui. On sort, et là ils me poussent dans une camionnette rouge et blanche. Fini la tranquillité. Parce que tout a bien commencé quelque part. 1

2 Scène 2 : Moi La Danseuse : Là, il y a moi et le blanc. Tout est blanc. Un monde rempli de neige pas matérielle. Je ne sais plus comment on est arrivé. Je ne voyais plus la surface. Les hommes me poussent. Le personnel est absent mais pas vraiment. Je parie qu ils sont tous terrés derrière leur amertume liquide. Comme si dans ce lieu, ils n en ingurgitaient pas assez. Un coup, un clac, tourne, fermé. Je frappe. Des bruits se font entendre Ça c est mon moi qui essaie de sortir en vain. Mon moi qui refuse l isolement. Qui a peur de la solitude.. Elle s assoit sur une chaise. Ça c est mon moi quelques jours après. Seule et compréhensive. On est généralement seul et incompréhensif mais moi je savais. J avais vu dans la boîte. Elle débitait tellement de débilités et massacres qu on y comprenait rarement quelque chose. Mais on l avait vu. Ce massacre humain non humain. Je n y croyais pas. Pour moi, impossible. Seul lui pouvait l avoir contracté. Moi? Oh je l aime et il m avait manqué alors voilà. C est comme ça. Stupide. On s est cru hors d atteinte. L espace d un rêve futile. Les draps nous ont bercés dans une fichue illusion. Elle se lève, se rassoit dans une autre position. Ils disent vrai. L amour partage le meilleur et le pire. Là, c était le pire. Mais l amour n a pas disparu. Moi, je le sais. Scène 3 : Je me suis réinventée La Danseuse : J ai beaucoup rêvée à lui. Ils ont aussi du l isoler comme moi. Alors j ai pensé à autre chose. J étais sûre qu il était dans les mêmes conditions que moi. Aucun doute. J ai regardé un peu plus où j étais. Elle marche dans la pièce comme si elle cherche quelque chose. Elle s approche d une étagère et prend un livre. Des lettres. Que ça à lire. Des gens qui s aimaient. Ignorants! Bouffis! Faisceaux! Fallacieux!!! Elle jette le livre par terre. Alors j ai regardé par la fenêtre. Des enfants, des vieux, du bonheur. Impossible de l ouvrir. Triste mais pas définitif. Autant garder ça pour plus tard. Je m ennuyais. Les jours stupides 2

3 fatigués et partiels. J ai décidé de faire un truc, je me suis réinventée. Au moins un milliard de fois. Je me suis vue à Alexandrie. En la Guerra Civil. Hitler gestorben! Cubes, cubes, que des cubes!!!! NOOOOON! My husband was in this tower... Maintenant, allons-nous mettre fin à la race humaine, ou l'humanité renoncera-t-elle à la guerre? J ai pleuré, beaucoup trop. Puis j ai dansé pour les célébrer. Elle se lève et danse. Mais... non. J ai rêvé mais vite je me suis endormie. Trop vite. Trop court. Ennui en embuscade partout. Scène 4 : Et comment! Tellement! La Danseuse : Longuement, j ai souhaité une lettre moi aussi. Pourquoi ceux du passé et pas moi? Alors j ai crié. Beaucoup! Fort! Vite! Ils ont accouru. J ai dit que je voulais lui parler. Ils m ont dit non. J ai dit, on est tous deux condamnés alors pourquoi? Ils n ont pas répondu. J ai supplié une lettre. Les voix se sont tues puis sont revenues et ont accepté. Les autres ne veulent sans doute pas me parler. Lui, il me comprend. On est pareils alors... J ai été la première à écrire. Il m a répondu une lettre éplorée. Je me suis laissé aller. Je l ai relue à voix haute tant de fois. J ai pleuré mon corps, mon âme et ce qu il restait de moi. Il m a écrit «Je t aime tant! Je suis désolé. Pardon. Je t ai trop aimée et je t ai sacrifiée avec moi». Moi je voulais peindre le ciel avec ses mots. Avec mon amour. Je voulais lui voler la réponse dans ses rêves. Teinter son intérieur de bleu. Une forêt dans son âme amoureuse. La nôtre qu on aimait. Il me disait je t aime et je riais. Mais moi aussi je lui disais je t aime! Et comment! Tellement! Elle essaie de sortir mais ne peut pas. Une situation minable que la nôtre. Empreints de douleur et de souvenirs cruels. Quand j ai eu sa première lettre et qu il me rappelait des souvenirs qu il ressassait, je me suis perdue. Je lui ai répondue et on a continué. Ses lettres étaient salées, comme les miennes. Scène 5 : Tant de temps La Danseuse : Le temps passe. Tant de temps. Des lettres toujours si, des médicaments. Le dehors me manque je me dis sans arrêt. Puis, doucement, je commence à me demander où je vais, où lui il va. Guérison? J y crois difficilement. Je me pose trop de questions. Alors pour tout taire, je danse. Je danse. Encore et encore. 3

4 Elle danse de plus en plus vite. Elle soudain, elle s arrête. Mes poumons sont plus faibles qu avant. Les spectacles d une voire trois ne m effrayaient pas. Je vendais mon âme au plaisir. Plus que le public et moi. Mes partenaires n étaient que le décor. Mais toujours respect. Le public m aspirait. J aimais ça plus que tout. Lui aussi je l aimais plus que tout. Que me reste-t-il maintenant? Je ne sais pas. Le temps passe. Je m ennuie. Je rêve mais ils m empoisonnent ces rêves. Je volais, et maintenant, je suffoque. De l air! Du monde! Suis-je condamnée? Scène 6 : Ne t en va pas! La Danseuse : J ai paniqué un jour. La lettre me paraissait étrangement bizarroïde et différente. Je sais pas, instinct. Pas salée, l écriture, peut-être imitée, les mots pas sortis de sa bouche. J ai réfléchi, calmement. Je tentais de taire cette foutue cacophonie dans mon dedans. Trop de flux et impossible d aligner deux phrases correctes complètes. J ai abandonné. Elle se dirige vers la porte. J ai appelé les autres de dehors. Ils sont venus. J ai dit «Que lui est-il arrivé?» Ils n ont pas répondu. J ai insisté. Ma voix tremblait. Rien. J ai crié «QUE LUI EST-IL ARRIVE? J AI LE DROIT DE SAVOIR? C ETAIT MON PRECIEUX AMOUR! DITES-MOI! J AI LE DROIT!». Je me suis effondrée sur le sol et j ai étalé mon âme par terre. Une voix m a dit que c était terminé. Là, j ai hurlé tous mes poumons. Je voulais les étouffer. Je voulais le rejoindre. Ne plus être. Ne t en va pas sans moi! J ai besoin de toi. Mais tu es parti loin déjà. Tu nous a tous oubliés. Mon tour vient-il bientôt? Scène 7 : A tous Il doit rire là-haut. Enfin s il est là. Enfin s il existe. Les mortels ne peuvent en juger. La vérité après. Si c est sa faute, je lui en veux. Trop mais Il le mériterait. J y pensais plus à mesure que 4

5 je me sentais différente dans mon corps et mon âme. Comme si quelque bourgeon se préparait à éclore. J avais peur aussi. J ai prié un peu pour mon salut. Moi qui n y croyais pas. Peut-être que la peur m a rendue croyante. J ai pris ma feuille et mon crayon (Elle les prend). Mais là, je ne lui écrivais pas. Aux autres je destinais cette lettre. avec le regard dans le vague. La lettre et le crayon lui tombent des mains. J ai brisé la fenêtre avec le livre et d autres objets. J ai pris une grande bouffée d air et je me suis lancée. Elle danse. C était mon dernier spectacle avec pour public le ciel, le soleil et l extérieur. Je ne le regretterais pas. Là, c est fini, je sais. Pourquoi continuer, j arrête. Le beau Roméo est mort alors doit le rejoindre la belle Juliette. Ensemble, ailleurs, à jamais. 5