Responsabilité des baptisés dans la vie et la croissance des communautés ecclésiales.

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1 Responsabilité des baptisés dans la vie et la croissance des communautés ecclésiales. Les textes parlant des laïcs à Vatican II Le Concile de Vatican II a traité de la place des laïcs dans au moins cinq constitutions et décrets (Constitution dogmatique de l Eglise (Lumen gentium), Constitution pastorale sur l Eglise dans le monde de ce temps (Gaudium et spes), Constitution sur la sainte liturgie (Sacrosanctum concilium), décret sur l apostolat des laïcs (Apostolicam actuositatem), décret sur l activité missionnaire de l Eglise (Ad gentes). Est-ce une innovation de Vatican II? Le Concile aurait-il donné aux laïcs une place qu ils n auraient jamais eue auparavant dans l Eglise? A cette question il faut bien sûr répondre «non» Le sacerdoce commun des baptisés La première épitre de Pierre parle du sacerdoce commun à tous les baptisés (I P2, 9). Par la grâce du baptême et de la confirmation, l Esprit Saint consacre chaque fidèle pour qu il participe à l œuvre du Christ. Par ce même Esprit, une égalité fondamentale existe entre tous les membres du peuple de Dieu qu ils soient laïcs ou prêtres. Lumen Gentium le réaffirme avec vigueur : «les laïcs ont pour frères ceux qui, appliqués au sacré ministère, font près de la famille de Dieu office de pasteurs.., Saint Augustin dit à ce sujet ces très belles paroles : «D être là pour vous me remplit de terreur ; mais d être là avec vous me rassure. Car pour vous, je suis évêque ; avec vous je suis chrétien. Cela exprime un devoir, ceci est une grâce ; cela évoque un péril, ceci est le salut» 32. Il ne s agit donc pas d une innovation, c est seulement la reprise de la plus ancienne tradition. Pour participer à la mission du Christ, il n est pas nécessaire d avoir une lettre de mission de l évêque ou une reconnaissance institutionnelle, cela nous est confié à tous par le baptême. Pourtant à propos de cette affirmation on a pu parler de révolution. Rappelons nous pour les plus anciens d entre nous - la décision prise par les pères conciliaires de faire passer le chapitre sur le peuple de Dieu, avant celui sur la constitution hiérarchique de l Eglise et donc de mettre en évidence l égalité de tous les baptisés dans le sacerdoce baptismal : cela fit l effet d un changement radical, voire d un tremblement de terre. Pourquoi? Parce que la place des laïcs dans l Eglise catholique depuis la Contre-Réforme était devenue institutionnellement secondaire voire subalterne. 1

2 Mgr Gérard Philips, l un des principaux rédacteurs de LG, a parlé d un «laïcat réduit à une obéissance de mineur sous tutelle». Si je me réfère au catéchisme questions/réponses de 1947 à l usage du diocèse d Aixen Provence c est bien ce qui ressort. A la question : «Quels sont les devoirs des fidèles à l égard des Evêques et des prêtres?» la réponse est : «les respecter, leur obéir et les aider dans leur apostolat notamment en payant le denier du culte.» ( p. 72, 124 et 125 ) Je n ai pas le temps de modérer la portée de cette affirmation par l évocation de l immense effort entrepris au même moment par les mouvements d Action Catholique pour évangéliser les différents milieux. Le ton de LG au 32, sonne bien différemment : «Si, dans l Église, tous ne marchent pas par le même chemin, tous, cependant, sont appelés à la sainteté et ont reçu une foi qui les rends égaux dans la justice du Christ (cf. 2 P 1, 1). Même si certains, par la volonté du Christ, sont institués docteurs, dispensateurs des mystères et pasteurs pour le bien des autres, cependant, quant à la dignité et à l activité commune à tous les fidèles dans l édification du Corps du Christ, il règne entre tous une véritable égalité.» Et le texte poursuit : «Les pasteurs sacrés savent bien l importance de la contribution des laïcs au bien de l Église entière. Ils savent qu ils n ont pas été eux-mêmes institués par le Christ pour assumer à eux seuls tout l ensemble de la mission salutaire de l Église à l égard du monde, leur tâche consistant à reconnaître les services et les charismes propres à ceux-ci, de telle sorte que tout le monde à sa façon et dans l unité apporte son concours à l œuvre commune». Bien sûr, au 31 du chap. 4, il est rappelé que les laïcs ont pour vocation propre de «chercher le règne de Dieu à travers la gérance des choses temporelles qu ils ordonnent selon Dieu. Ils vivent au milieu du siècle, c est-à-dire engagés dans tous les divers devoirs et travaux du monde, dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale dont leur existence est comme tissée C est à eux qu il revient, d une manière particulière, d éclairer et d orienter toutes les réalités temporelles auxquelles ils sont étroitement unis, de telle sorte qu elles se fassent et prospèrent constamment selon le Christ et soient à la louange du Créateur et Rédempteur. (Lumen gentium - Chap 4 : les laïcs 31) C est leur tâche première. Mais, cherchant à témoigner du Christ au milieu du siècle, les laïcs n en sont pas moins partie prenante des communautés ecclésiales et y prennent le plus souvent des responsabilités importantes. Il faut évoquer ici tout l effort de prise en charge des communautés paroissiales et des tâches nécessaires à leur vie : catéchèse, liturgie, diaconie, gestion temporelle. Dans les années 80/90 on comptait catéchistes sur le territoire français. Aujourd hui en de très nombreux lieux des EAP constituent un conseil du curé et l aident à faire face à tout ce que nécessite une communauté chrétienne locale. La plupart de ces prises en charge de la vie ecclésiale locale relèvent du sacerdoce commun à tous les baptisés et s exercent sous la responsabilité du curé. Ce sont les 2

3 «ministères baptismaux», fondés sur les sacrements de l initiation chrétienne. Elles ne nécessitent pas de lettres de mission, seulement une reconnaissance de la communauté par la voix du curé. Cela se vit souvent dans un climat de grande fraternité et de respect mutuel. Cependant au cours des 50 années qui nous séparent de Vatican II des tensions et des souffrances se sont manifestées. Par exemple, au niveau paroissial, le changement de curé peut entrainer sans délai un autre choix d orientations catéchétiques, et toute la formation reçue, toute l expérience acquise par des laïcs deviennent lettre morte. Je peux citer une paroisse de grande ville dont le curé en arrivant déclarât : «J ai une pastorale, je vais l exposer, je lancerai un certain nombre d initiatives Si ce que vous faisiez jusqu ici n entre pas dans cette pastorale, vous pourrez continuer mais vous n aurez pas mon soutien.» Cela fût suivi, de fait, par le départ d un bon nombre des laïcs les plus engagés vers d autres paroisses et leur retour, pour quelques uns, douze ans plus tard. Je pense aussi à une expérience pastorale menée par une équipe de prêtres dans un secteur pastoral dans les années 80/90. Ils avaient mené une réflexion avec les laïcs, leur avaient confié des responsabilités d animation différents lieux de culte, avaient institué des mandats, suscitant un grand enthousiasme pour beaucoup, descritiques acerbes de la part d autres. En tous cas, un grand dynamisme apostolique. Au bout de quelques années, l expérience est interrompue. Ce fût pour les prêtres eux-mêmes une épreuve douloureuse et pour les laïcs la perte d une grande espérance. Certains ont quitté la paroisse - forces vives perdues pour l Eglise - d autres soignent encore leurs blessures. Oui, il y a bien des «blessés de la pastorale» dans notre Eglise du 21ème siècle. Unecollaboration heureuse a parfois du mal à s instaurer. La question des ministères Déjà le Concile posait la question de collaborations plus importantes. Lumen Gentium disait: En plus de l apostolat «ordinaire», qui concerne tous les fidèles, Les laïcs peuvent en outre, de diverses manières, être appelés à coopérer plus immédiatement avec l apostolat de la hiérarchie [114], à la façon de ces hommes et de ces femmes qui étaient des auxiliaires de l apôtre Paul dans l Évangile, et, dans le Seigneur, dépensaient un grand labeur (cf. Ph 4, 3 ; Rm 16, 3 s.). En outre, ils ont en eux une aptitude à être assumés par la hiérarchie en vue de certaines fonctions ecclésiastiques à but spirituel.» Le 24 du texte sur l Apostolat des laïcs fait l hypothèse d une collaboration épisodique et exceptionnelle de laïcs à certaines tâches du ministère ordonné. Je cite : «Il arrive que la hiérarchie confie aux laïcs certaines charges touchant de plus près aux devoirs des pasteurs : dans l enseignement de la doctrine chrétienne, par exemple, dans certains actes liturgiques et dans le soin des âmes. Par cette mission, les laïcs sont pleinement soumis à la direction du supérieur ecclésiastique pour l exercice de ces charges.» 3

4 Cela va, dans la réalité bien concrète, soulever la question des ministères qui est une question débattue depuis Vatican II jusqu à aujourd hui. Cependant le problème théologique de la collaboration des laïcs au ministère pastoral n apparaît pas comme tel dans les textes de Vatican II. Pourquoi? Parce qu il n y a alors pas d urgence à s engager dans cette voie. Mais très rapidement la réalité de la vie de l Eglise va donner chair à cette hypothèse. Le droit canon de 1983 au canon entérine cela en envisageant même de pouvoir confier la charge pastorale d une paroisse à des laîcs sous la responsabilité d un modérateur.. Déjà dans les années 80, dans le diocèse d Orléans dont Mgr Lustiger était alors l évêque, une religieuse (n oublions pas que les religieuses font partie des laïcs!) fût permanente en pastorale dans un secteur paroissial rural de sept clochers. Dûment diplômée, elle assurait déjà la formation des catéchistes dans ce secteur mais aussi au niveau du diocèse. Un prêtre âgé responsable de deux paroisses dut en être déchargé parce qu il était malade. La religieuse fût alors nommée par Mgr Lustiger pour être responsable de la vie paroissiale et mettre en place une équipe de laïcs. Elle assurât avec eux l ensemble des charges paroissiales y compris, de fait la «cure d âmes». Le vicaire épiscopal du secteur était son référent des prêtres venaient pour la célébration des sacrements. Dans le diocèse de Poitiers, Mgr. Rouet mena une recherche systématique de constitution d équipes de laïcs assumant la responsabilité des paroisses. Autre exemple en ce qui concerne «l enseignement de la doctrine chrétienne» : en 1985, Mgr. Panafieu m a confié, à la suite d un prêtre, le P. Edouard Thomas, la responsabilité du service de la catéchèse en me disant qu il considérait cette charge comme un ministère, non ordonné bien sûr. Il ne souhaitât pas nommer un prêtre accompagnateur. J étais sous sa seule responsabilité. Ce n est que quelques années plus tard qu à ma demande, me semble-t-il, il a nommé le P. Patrick de Fleurian comme membre de l équipe diocésaine pour sa compétence biblique et pour une plus juste représentation du Peuple de Dieu en sa diversité au sein de l équipe. Une laïque mère de famille m a succédé : Francette Bon Mardion. En me parlant de ministère, Mgr. Panafieu se référait aux écrits du Pape Paul VI qui s est exprimé plusieurs fois à ce sujet. Ecoutons ce qu il redit en 1972 dans l Encyclique Evangélii Nutiandi. : «Il est certain qu à coté des ministres ordonnés,l Eglise reconnaît des ministères non ordonnés, mais qui sont aptes à assurer un service spécial dans l Eglise De tels ministères, nouveaux en apparence, mais très liés à des expériences vécues par l Eglise tout au long de son existence, sont précieux pour l implantation, la vie et la croissance de l Eglise, et pour sa capacité d irradier autour d elle et vers ceux qui sont au loin.» 1 Vers 1988 Mgr. Panafieu me précisera qu il vaudrait mieux ne plus employer ce terme de ministère mais plutôt celui de service pour éviter toute confusion. 1 Evangelii nuntiandi -N 73 4

5 Pourquoi cette mise au point? Elle est clairement datée : en 1987 s est tenu le Synode sur les laïcs. L instruction Christifidelis laïci en 1988, en donne les conclusions et recommande d utiliser un autre terme que celui de ministère pour qualifier ces charges confiées à des laïcs. Si nous relisons l histoire nous voyons que ce problème des ministères s est posé aux plans théologique, œcuménique et pastoral de façon de plus en plus prégnante dans les 20 ans qui suivirent le Concile et jusqu à aujourd hui. L appel de laïcs pour des tâches proprement pastorales n a cessé de s accroître. Par exemple, le nombre de ceux qui ont reçu des lettres de mission doit se situer actuellement en France autour de 9000 personnes dont sans doute ¾ de femmes. Ces «laïcs en charge ecclésiale» exercent de véritables responsabilités, beaucoup de services diocésains leur sont confiés notamment catéchèse et catéchuménat, communication, pastorale de la santé, aumônerie de l Enseignement Public ou Pastorale de l Enseignement Catholique, Pastorale des funérailles etc A travers eux, c est tout un visage de l Eglise qui se trouve profondément modifié. Cette évolution ne se fait pas sans tensions, avancées et reculs, comme tout enfantement. Deux lignes d interprétation Nous ne devons pas nous étonner de ce qu un certain «flou» demeure quand au statut ou à la place des laïcs dans l Eglise et surtout face à la question des ministères, car pendant plusieurs siècles la diversité des ministères fût réduite et concentrée on pourrait même dire «confisquée» sous la seule figure du prêtre. Dans le débat, encore inachevé, sur les ministères se manifeste de fait un conflit entre deux courants d interprétation : Certains pensent : «Face à la diminution du nombre des prêtres, il faut bien parer aux urgences, mais lorsque leur nombre augmentera à nouveau les laïcs retourneront à leurs tâches séculières.» C est une perspective de suppléance. C est celle de Christifidelis laïcis - qui est une ligne prudentielle dont Jean-Paul II lui-même disait qu elle ne faisait pas l unanimité des évêques 2. Mais les laïcs ressentent alors le plus souvent une précarité dans l appel qui leur est fait. L autre manière de penser s inscrit dans la théorie paulinienne des charismes et porte un regard il me semble plus positif en disant que nous voyons naître sous nos yeux un nouveau «groupe» d acteurs nécessaire aujourd hui pour répondre à la diversification du travail pastoral dans le monde moderne. Et c est un don fait à l Eglise. Christoph Théobald, qui s inscrit dans ce courant et le réfléchit théologiquement, propose de remettre en valeur un vocabulaire paulinien des «auxiliaires» ou ««collaborateurs apostoliques», selon le beau mot grec de synergoi «ceux qui travaillent avec» 2 DC p. 208 Allocution, visite ad limina des évêques de France région nord. 5

6 Ils doivent être formés et expérimentés, avoir fait preuve de leur sens de l Eglise. L Eglise diocésaine se doit de les reconnaître, de les «instituer». Mais ces «collaborateurs apostoliques» ou ministres non ordonnés, sont appelés non seulement à une tâche spécifique mais aussi à «porter avec les pasteurs un souci apostolique commun». C est à une expérience de communion que toute l Eglise est invitée à travers eux. C est aussi un appel à une conversion que chacun à la place où il est doit opérer. Un vrai changement de mentalité est en jeu : Du coté des laïcs : prendre pleinement conscience de leur vocation baptismale Du coté des ministres ordonnés, refuser de confisquer les ministères au profit du ministère ordonné. Pour tous, regarder ce qui se vit dans l Eglise aujourd hui comme une naissance et pas comme une perte. Dans ce temps de grande mutation sociale et culturelle l institution Eglise cherche la figure dont elle a besoin pour être présente à ce monde et y témoigner du Christ dans un langage qui soit entendu. Comme au temps de l appel des 72 disciples par Jésus, l urgence de la mission nécessite non pas un couple mais un trio d ouvriers apostoliques : les clercs, les laïcs «de bases» et les «collaborateurs apostoliques». Invitation à relire ensemble la première épitre aux Corinthiens chap «Il y a diversité de dons, mais c'est le même Esprit; diversité de ministères, mais c'est le même Seigneur; diversité d'opérations, mais c'est le même Dieu qui opère tout en tous. A chacun la manifestation de l'esprit est donnée pour l'utilité commune. En effet, à l'un est donnée par l'esprit une parole de sagesse, à l'autre une parole de connaissance, selon le même Esprit; à un autre, la foi, par le même Esprit; à un autre, le don des guérisons, par ce seul et même Esprit; à un autre, la puissance d'opérer des miracles; à un autre la prophétie; à un autre, le discernement des esprits; à un autre la diversité des langues; à un autre le don de les interpréter. Mais c'est le seul et même Esprit qui produit tous ces dons, les distribuant à chacun en particulier, comme il lui plaît.» En cette année de «nouvelle évangélisation» l Esprit nous invite surement à porter ensemble et chacun à notre place le souci apostolique commun, pour que les hommes et les femmes de ce temps puissent entendre la Bonne nouvelle chacun dans sa propre langue. Et il nous invite à valser à trois temps. 6