Théorie des groupes et symétrie : de l atome au solide. Daniel MALTERRE

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1 Théorie des groupes et symétrie : de l atome au solide. Daniel MALTERRE

2 Table des matières 1 Notion d invariance et propriétés de symétrie Introduction Notions de théorie des groupes Définitions Exemple : la molécule de NH Théorie des représentations Définitions Caractères et théorèmes d orthogonalité Représentations en mécanique quantique Produit direct de représentations Eléments de matrice et règles de sélection Exemple : modes de vibration de NH Groupes continus Définition et généralités Opérateur de translation et quantité de mouvement Groupe et algèbre de Lie Perturbation et symétrie Abaissement de la symétrie Exemple La parité Le renversement du temps Généralités L opérateur renversement du temps Représentation et coreprésentation Le groupe de rotation. Application à l atome Invariance par rotation Généralités Les rotations géométriques Rappel sur le moment cinétique Représentations du groupe des rotations Combinaison des moments cinétiques Les groupes SO(3) et SU(2) Les matrices de rotations Le théorème de Wigner-Eckart Opérateurs tensoriels irréductibles Le théorème de Wigner-Eckart Illustrations

3 2.3 Modèle de l atome de Russel-Saunders Approximation du potentiel central Au-delà du potentiel central Susceptibilité magnétique : la formule de van Vleck Sous-groupes des rotations. Application au magnétisme Le sous-groupe des rotations Décomposition d une représentation Eléments de matrice et règles de sélection Notion de groupe double Développement multipolaire Interactions multipolaires Passage au traitement quantique L interaction quadrupolaire nucléaire Hamiltonien d interaction Considérations de symétrie Interaction avec un champ magnétique Champ cristallin Symétrie locale et interaction de champ cristallin Hamiltonien de champ cristallin Exemples et illustrations Cas des composés de terres rares Cas des sels de métaux de transition Limite du champ cristallin fort Diagrammes de Tanabe-Sugano Le groupe des permutations Particules identiques Indiscernabilité et symétrie Permutations et transpositions Postulat de symétrisation Groupe S n et représentations irréductibles Classes du groupe S n et partitions Diagrammes et tableaux de Young Représentations irréductibles Atome dans un cristal, termes moléculaires Symétrie de permutation dans un groupe ponctuel Une relation bien utile Quelques applications Les états électroniques dans les cristaux Introduction les fondements de la théorie des bandes L hamiltonien Les approximations fondamentales Symétrie de translation dans les solides Le groupe des translations Opérateur de translation Les zones de Brillouin

4 5.3.4 Le théorème de Bloch Illustration : le modèle des électrons presque libres Groupe ponctuel et groupe d espace Réseau de Bravais et groupe ponctuel cristallographique Groupe d espace Représentations irréductibles Théorie générale Etats de Bloch et groupe du vecteur d onde Les petites représentations Exemple : le réseau carré Les relations de compatibilité Dégénérescence des bandes Le cas des groupes non-symmorphes Introduction du spin Hamiltonien de spin-orbite Petites représentations du groupe double Renversement du temps et dégénérescence Epilogue : symétries exotiques Introduction La violation de la parité L inversion : une symétrie des lois physiques? L inversion et l interaction faible Les symétries cachées Dégénérescence accidentelle, atome d hydrogène Le vecteur de Laplace-Runge-Lenz Le groupe SO(4) Le groupe de l isospin Généralités L isospin Réactions nucléaires et conservation de l isospin Le modèle des quarks et le groupes SU(3) Charge, hypercharge et étrangeté Classification des particules L octet de SU(3) Le modèle des quarks

5 Chapitre 1 Notion d invariance et propriétés de symétrie 1.1 Introduction La symétrie a toujours fasciné l esprit humain, longtemps pour des raisons essentiellement esthétiques et artistiques. C est assez récemment que les sciences s y sont intéressées. Pourtant, les considérations de symétrie des objets étudiés, en physique et en chimie, s avèrent particulièrement précieuse car elles permettent très souvent de simplifier considérablement un problème et d obtenir des solutions de manière élégante. Le théorème de Gauss en électrostatique illustre l utilisation de la symétrie de la distribution de charge pour calculer le champ électrique créé. Toutefois l intérêt fondamental de la symétrie ne réside pas de la symétrie des objets mais du fait que les lois fondamentales, qui gouvernent le comportement de l univers, sont elles-mêmes symétriques. Ainsi les interactions fondamentales et les lois qui régissent la dynamique des systèmes (équations de Newton ou de Schrödinger) présentent des propriétés remarquables : elles ne dépendent pas du sens du temps, de l orientation absolue dans l espace par exemple. La symétrie est ainsi liée à l invariance d une propriété sous l effet de transformations. Ces transformations sont souvent des transformations spatio-temporelles (translations dans l espace et le temps, rotations). Cependant, la symétrie n a que rarement été à l origine de nouvelles découvertes et de nouvelles théories. Ce n est généralement qu a posteriori qu on remarque les propriétés de symétrie d une théorie. Par exemple, la conservation de la quantité de mouvement ou du moment cinétique n a pas été déduite de l invariance par translation et par rotation. Si l importance de la symétrie a été reconnue dès la fin du XIXème siècle dans le cadre de la mécanique classique (principe de Curie et théorème de Noether), c est la mécanique quantique qui lui a permis d atteindre le statut très particulier qu elle occupe désormais en physique. La physique contemporaine la place maintenant au centre de ses préoccupations et la notion d invariance a été étendue à des symétries plus subtiles (par exemple, invariance de jauge ou invariance par permutation de particules identiques). La notion de brisure spontanée de symétrie s est également imposée en physique des particules 4

6 ou en physique statistique comme l un des concepts les plus fondamentaux de la physique moderne. Par ailleurs, la symétrie sert de guide lorsqu on ne connaît pas les lois de la nature, on citera comme exemple l hypothèse de l existence des neutrinos, formulée par Pauli, pour satisfaire les lois de conservation. L histoire de la physique a montré qu il est essentiel de préserver les lois de conservation même lorsqu elles paraissent prise en défaut. Elles semblent être des socles extrêmement robustes de la physique. Ces lois de conservation sont ellesmêmes des conséquences des symétries sous-jacentes aux théories physiques. Ainsi, l étude de la symétrie constitue l essence des lois de la nature et la physique des particules élémentaires a permis de montrer que la symétrie permet de sélectionner les théories possibles pour décrire les interactions fondamentales. C est Wigner qui, à la fin des années 20, a sans doute été le premier à reconnaître le rôle extrêmement important de la symétrie en mécanique quantique, et s est attaché à appliquer la théorie des groupes à cette nouvelle mécanique. On peut facilement comprendre l intérêt spécifique de la symétrie en mécanique quantique. Considérons le comportement d une particule dans un potentiel à symétrie centrale (particule dans un champ de gravitation ou le champ électrique d une autre particule). En mécanique classique, la trajectoire est dans un plan (par ex. Oxz). La symétrie de rotation permet simplement de dire qu une trajectoire dans un autre plan (par ex. Oxy) est également possible. En mécanique quantique, le principe de superposition va permettre de construire de nouvelles solutions : en effet, si deux états propres de l hamiltonien sont reliés par une opération de symétrie, toute combinaison linéaire est également un état propre de l hamiltonien. Cette construction n a pas d équivalent en mécanique classique. Pour exprimer l invariance lors d une transformation, Wigner a introduit des opérateurs de transformation agissant sur les opérateurs et les fonctions d onde de la théorie quantique. Ces opérateurs, associés à la symétrie du système, commutent avec l hamiltonien et leur étude permet de trouver les caractéristiques du spectre en énergie. En effet, la dégénérescence des valeurs propres de l hamiltonien est une conséquence directe des propriétés de symétrie. Un hamiltonien H, ne possédant aucune symétrie, doit avoir, en l absence de dégénérescence accidentelle, un spectre non dégénéré (deux fonctions d onde différentes n ont en effet aucune raison de donner la même valeur de l énergie). Cela constitue le principe de Wigner 1. Que se passe-til si l hamiltonien reste invariant sous une transformation de symétrie. Des états possédant une symétrie différente par rapport à cette transformation ne peuvent pas être couplés par H. De plus, les états propres de l hamiltonien présentent une symétrie particulière. Considérons par exemple l hamiltonien de l oscillateur harmonique. Le potentiel présente un point d inversion (V (x) = V ( x)), et les états propres de l hamiltonien sont soit pairs soit impairs. Mais, l existence d opérations de symétrie laissant l hamiltonien 1 Il existe néanmoins des cas de figure où le principe de Wigner est pris en défaut. On parle alors de dégénérescence accidentelle. 5

7 invariant n introduit pas obligatoirement une dégénérescence des niveaux d énergie. Pour l oscillateur harmonique unidimensionnel, tous les niveaux d énergie sont non dégénérés mais ont une parité bien définie. Plus généralement, considérons N transformations de symétrie telles que les opérateurs associés commutent mutuellement et commutent avec l hamiltonien. Dans ce cas, on peut construire une base commune où chaque état propre de H possède une symétrie bien définie par rapport aux opérateurs de transformation. Ces états n ont aucune raison d être dégénérés. En revanche si, dans les N opérateurs de transformation, il en existe un (P 1 ) qui ne commute pas avec un ou plusieurs autres opérateurs, on ne pourra plus définir une base d états propres communs à tous les opérateurs de symétrie. L opérateur P 1 couplera donc des états de symétrie bien définie par rapport aux autres opérateurs de transformation et ces états devront avoir même énergie. C est donc l existence d opérateurs de symétrie qui ne commutent pas mutuellement qui donne naissance à un spectre dégénéré. Par exemple, nous verrons que la dégénérescence des états électroniques de l atome d hydrogène résulte de la non-commutativité de L x, L y et L z. Réciproquement, cette relation entre la symétrie et la dégénérescence du spectre de l hamiltonien permet de comprendre la levée de dégénérescence qui apparaît généralement lorsqu on soumet un système à un potentiel extérieur. En effet, on ajoute à l hamiltonien un terme supplémentaire traduisant l interaction du système avec le potentiel extérieur dont la symétrie est souvent plus basse. Cet abaissement de symétrie permet souvent d éliminer un ou plusieurs opérateurs de transformation qui ne commutent pas avec les autres et ainsi réduit les dégénérescences des niveaux d énergie. L étude de la symétrie s avère extrêmement précieuse pour prédire les modifications qualitatives du spectre d énergie lorsqu on introduit une perturbation. L existence de symétrie est intimement liée à la notion d invariance d une quantité physique. On fait subir à un système physique une transformation (rotation, translation, etc.) et il apparaît comme inchangé. Plus précisément, à chaque propriété de symétrie correspond une loi de conservation. Ainsi les conservations du moment cinétique, de la quantité de mouvement et de l énergie pour un système isolé résultent respectivement de l invariance par rotation, translation dans l espace, et translation dans le temps. Techniquement, il existe deux points de vue équivalents, le point de vue actif où la transformation est effectuée sur le système, et le point de vue passif où la transformation inverse est effectuée sur le reférentiel. Dans le point de vue actif, le système et le système transformé sont décrits dans le même référentiel alors que dans le point de vue passif, le même système est décrit dans deux référentiels différents. Nous adopterons dans la suite de ce cours la plupart du temps le point de vue actif. Le point de vue passif est toutefois plus pratique quand on considère l invariance relativiste où on décrit le même système dans des repères galiléens différents. Le plan de ce chapitre est le suivant : dans la section (1.2) nous allons rappeler quelques notions de la théorie des groupes que nous illustrerons sur un exemple physique. Puis nous présenterons dans la section (1.3) la 6

8 théorie des représentations en nous attachant aux résultats les plus utiles pour la physique. Par exemple, les relations d orthogonalité ne seront pas démontrées mais on pourra trouver leurs démonstrations dans les ouvrages généraux de théorie des groupes [1, 2, 3, 4]. Nous montrerons ensuite dans la section (1.4) comment ces notions peuvent être étendues aux groupes continus et nous discuterons brièvement l abaissement de la symétrie qui résulte de l application d une perturbation et ses conséquences sur le spectre en énergie dans la section (1.5). Enfin, nous présenterons deux symétries discrètes, la parité et le renversement du temps qui jouent un rôle important dans de nombreux domaines de la physique, de la chimie et de la biologie. 1.2 Notions de théorie des groupes Définitions Groupe Un groupe G est un ensemble d éléments muni d une loi de composition qui vérifie les propriétés suivantes : - le produit de composition de deux éléments est un élément qui appartient à l ensemble, - la loi est associative : A(BC)=(AB)C, - il existe un élément neutre E : EA=AE=A, - il y a un inverse A 1 pour chaque élément A : A 1 A=AA 1 =E. Un groupe est dit commutatif ou abélien si AB=BA. Si le nombre d éléments est h, le groupe est dit d ordre h. Isomorphisme et homomorphisme Deux groupes G et G sont dits isomorphes s il y a une correspondance un à un (biunivoque) entre les éléments des 2 groupes : A A, B B etc. (figure 1.1) et si la loi de multiplication est conservée. Si la correspondance entre G et G n est plus biunivoque mais reste une application, les 2 groupes sont homomorphes. (a) (b) A B C B ' C ' D ' A B C A ' B ' D A ' D C ' Fig. 1.1 (a) isomorphisme, (b) homomorphisme. 7

9 Eléments conjugués et classe d équivalence Un élément A est dit conjugué à un élément B, s il existe un élément X (X G) tel que : B=X 1 AX. Le sous-ensemble des éléments conjugués forme une classe. Le groupe peut ainsi être décomposé en classes. Pour un groupe abélien, on a X 1 AX=AX 1 X=AE=A et donc il n existe aucun élément conjugué à un élément donné. Toutes les classes ne contiennent alors qu un seul élément. Pour tout groupe, l élément neutre E forme à lui seul une classe. Nous verrons dans l exemple traité ci-dessous que la structure de classe peut être interprétée physiquement. Les éléments appartenant à une même classe correspondent à des symétries de même nature Exemple : la molécule de NH 3 Nous allons illustrer ces notions sur le groupe des opérations de symétrie qui laissent la molécule NH 3 (pyramide à base triangulaire) inchangée. Le groupe de transformation contient 6 éléments : l identité E, C 3 la rotation de 2π/3, C 2 3 la rotation de 4π/3 (on peut la noter également C 3) et 3 plans de symétrie passant par les arêtes de la pyramide : σ 1,σ 2 et σ 3. La combinaison des différents éléments de symétrie montre que la table de composition est : C 3v E σ 1 σ 2 σ 3 C 3 C 3 E E σ 1 σ 2 σ 3 C 3 C 3 σ 1 σ 1 E C 3 C 3 σ 3 σ 2 σ 2 σ 2 C 3 E C 3 σ 1 σ 3 σ 3 σ 3 C 3 C 3 E σ 2 σ 1 C 3 C 3 σ 2 σ 3 σ 1 C 3 E C 3 C 3 σ 3 σ 1 σ 2 E C 3 Attention à l ordre, on applique d abord l élément de ligne puis l élément de colonne. On constate que le groupe n est pas abélien. Ainsi, on peut vérifier qu il admet trois classes de symétrie, les deux rotations forment une classe et les trois réflexions une autre. On constate que les opérations de même symétrie appartiennent à la même classe. 1.3 Théorie des représentations Définitions Comme nous l avons vu dans l introduction, la symétrie traite non seulement de l invariance du système sous l effet de transformations mais aussi et surtout de l invariance des lois physiques. Les éléments du groupe de symétrie conduisent à des transformations sur les grandeurs mathématiques associées aux différentes grandeurs physiques. Ainsi une quantité physique donnée est représentée par une entité mathématique (scalaire, vecteur, tenseur) qui va se transformer suivant les opérations de symétrie selon sa nature mathématique : une grandeur scalaire ne se transforme pas dans une rotation comme une grandeur vectorielle. Par représentation d un groupe, on entend un ensemble de h entités mathématiques représentant l effet des h éléments du groupe de symétrie sur une grandeur physique donnée. Cet ensemble 8

10 σ 2 σ 1 2 σ 3 y 3 1 z x Fig. 1.2 éléments de symétrie de NH 3 : les deux axes de rotation sont suivant Oz et les 3 plans de symétrie sont perpendiculaires au plan défini par les trois atomes d hydrogène. Sur la partie droite, nous indiquons notre choix d axes de coordonnées. forme un groupe homomorphique au groupe de symétrie. Les représentations peuvent être construites à partir d un ensemble de matrices carrées obéissant à la loi de composition du groupe. Ainsi, à tout élément R i du groupe de symétrie, on associe une matrice Γ(R i ). L ensemble des matrices Γ(R) reproduit la structure du groupe initial : Γ(R i )Γ(R j ) = Γ(R i R j ) (1.1) le nombre de lignes ou de colonnes définit la dimension de la représentation. Reprenons l exemple de la molécule de NH 3. Les liaisons chimiques introduisent une dissymétrie dans la distribution de charge de sorte que les atomes d hydrogène portent une quantité de charge positive et l atome d azote une quantité de charge négative. La molécule NH 3 possède ainsi un moment dipolaire électrique. Pour illustrer le concept de représentation, nous allons étudier comment trois grandeurs physiques (les charges dans la molécule, le moment dipolaire et le champ électrique) se transforment par les opérations de symétrie du groupe. Considérons les charges (ou plus précisément la distribution de charge) de la molécule. Il est facile de voir que la position de l atome d azote restant inchangée sous toutes les transformations du groupe, la charge portée par l azote est invariante. Par conséquent, la représentation qui décrit les transformations de la charge de l azote, associe le nombre 1 à chaque élément de symétrie du groupe (il s agit d une représentation de dimension 1). Pour les charges localisées sur les atomes d hydrogène, l analyse est plus complexe puisque leurs positions sont susceptibles de changer. Ainsi, lors de la rotation de 2π/3, les positions des atomes d hydrogène sont interchangées mais comme la charge de chaque atome d hydrogène est la même, la représentation associe également 1 à chaque élément de symétrie. De façon plus précise, si on considère la distribution de charge de la molécule, on la définit par une fonction ρ( r). Cette fonction reste invariante comme la molécule sous toutes les opérations R du groupe : ρ ( r) = R[ρ( r)] = ρ( r) 9

11 On constate que cette représentation associe 1 à chaque élément de symétrie. Considérons maintenant le moment dipolaire de la molécule. Il est porté par l axe de symétrie de la molécule (axe Oz). Cet axe restant invariant sous toutes les transformations du groupe, le moment dipolaire, et par extension la composante z de toute grandeur vectorielle, est conservée. La représentation correspondante associe 1 à tous les éléments du groupe, la composante suivant Oz se transforme donc comme les charges. Analysons enfin le champ électrique créé par la distribution de charge de la molécule. On se limitera à la contribution dipolaire qui domine à grande distance. C est une grandeur vectorielle qui en un point quelconque est caractérisée par trois composantes non nulles. On peut noter toutefois que ce champ présente une symétrie plus riche que celle de la molécule ou de la distribution de charge qui lui donne naissance. En effet, le moment dipolaire étant sur l axe Oz, le champ électrique a une symétrie de révolution autour de cet axe. On peut définir une représentation décrivant la loi de transformation du champ électrique. Pour cette représentation de dimension 3, les éléments du groupe sont représentés par des matrices 3 3 décrivant la transformation des composantes du champ : E = Γ(R) E où R est un des éléments du groupe de symétrie de la molécule. Ces matrices Γ(R) se calculent facilement : E σ σ 1 σ 3 1/2 3/2 0 3/2 1/ C 3 1/2 3/2 0 3/2 1/2 0 C /2 3/2 0 3/2 1/ /2 3/2 0 3/2 1/ Bien entendu, ces matrices correspondent à un choix de base, ici l axe Oz est l axe de la molécule et Oy est choisi dans le plan σ 2. On constate qu avec ce choix de base, la composante E z est conservée dans toutes les opérations de symétrie alors que les 2 autres composantes (E x, E y ) se transforment entre elles comme des combinaisons linéaires. On a vu que les charges (quantités scalaires) se transforment selon une loi très simple puisqu elles sont invariantes suivant toutes les transformations du groupe. La représentation correspondante, dite triviale et notée généralement Γ (1) (ou A 1 ), associe à chaque élément du groupe le nombre 1. Comme 1 1=1, la loi de multiplication du groupe est obligatoirement satisfaite. On reverra dans la suite du cours l intérêt d une telle représentation. En revanche, les grandeurs vectorielles se transforment selon une loi plus complexe : pour la symétrie de la molécule de NH 3, la composante suivant z se transforme selon la représentation triviale alors que les deux autres composantes se transforment suivant une représentation de dimension 2. Deux représentations d un groupe Γ et Γ sont dites équivalentes si elles ont même dimension et si chaque matrice Γ (R) se déduit par une certaine 10

12 représentation linéaire T de la matrice Γ(R). C est à dire que pour chaque opération de symétrie, on a : Γ (R) = T Γ(R) T 1 Les matrices Γ (R) et Γ(R) apparaissent différentes car elles sont simplement exprimées dans des bases différentes (T correspond à la matrice de changement de base). On écrit symboliquement l équivalence des deux représentations par : Γ Γ. Ainsi, la forme relativement simple des six matrices ci-dessus décrivant la représentation associée à une grandeur vectorielle (ici le champ E) reflète un choix de base adaptée à la symétrie de la molécule. Une base quelconque aurait conduit à des matrices sans caractéristiques apparentes. Une représentation Γ est dite réductible si, par un changement de base, on peut mettre toutes les matrices Γ(R) sous la forme de blocs. Ces blocs (Γ 1,..., Γ n ) constituent également des représentations du groupe puisqu ils satisfont la loi de composition du groupe. Cette séparation en bloc permet d écrire la représentation Γ comme une somme directe de représentations de dimensions plus petites : Γ = Γ 1 Γ 2... Γ n. L exemple traité au dessus de la représentation (de dimension 3) du champ électrique dipolaire créé par NH 3 illustre cette notion de réductibilité. Avec le choix judicieux de la base de travail (axe Oz coïncidant avec l axe de la molécule), nous avons montré que la composante E z se transforme selon la représentation triviale (de dimension 1) alors que les deux autres composantes (E x, E y ) se transforment selon une représentation de dimension 2. Comme les rotations de 2π/3 entraînent une combinaison linéaire des composantes E x et E y, il n est pas possible de réduire la représentation de dimension 2. Les deux composantes (E x, E y ) forment un sous-espace vectoriel invariant (l application des transformations du groupe sur n importe quelle combinaison linéaire de E x et E y conduit à une autre combinaison linéaire des mêmes vecteurs). C est donc une représentation dite irréductible. En résumé, pour une représentation réductible de dimension d, il existe plusieurs sous-espaces vectoriels de dimensions inférieures à d qui restent invariants sous l effet des transformations du groupe de symétrie et qui correspondent aux représentations irréductibles du groupe. Le nombre de représentations irréductibles différentes d un groupe fini est fini. On peut montrer qu il est égal au nombre de classes. Ce résultat permet de dénombrer les représentations irréductibles et nous verrons plus bas qu il peut être utilisé pour la construction des tables des caractères des groupes finis Caractères et théorèmes d orthogonalité Nous allons énoncer dans cette section un certain nombre de théorèmes formels de la théorie des groupes. Ces théorèmes d orthogonalité, dont la démonstration pourra être trouvée dans les références 1 à 3, sont très utiles car ils permettent de construire la table des caractères des groupes de symétrie, table qui constitue en quelque sorte, la carte d identité du groupe. 11

13 Définition du caractère La trace de la matrice représentant l élément R du groupe est appelée le caractère de la représentation pour l élément R et notée χ(r). Il est intéressant de caractériser une représentation par ses caractères car la trace est invariante par changement de base. La table des caractères rassemble, pour un groupe fini donné, les caractères de toutes les représentations irréductibles. Ces tables de caractères, pour les groupes ponctuels peuvent être trouvées dans les ouvrages classiques de théorie des groupes. On pourra également consulter le fascicule de Atkins [5] qui tabule un grand nombre de données utiles de théorie des groupes. Si une représentation est réductible, on peut mettre les matrices, par un changement de bases approprié, sous forme de blocs et dans ce cas, le caractère de la représentation réductible apparaît comme la somme des caractères des représentations irréductibles associées aux différents blocs : χ(r) = i a i χ (i) (R) si Γ = i a i Γ (i) (1.2) Grand théorème d orthogonalité Les matrices de deux représentations irréductibles Γ (n) et Γ (m) d un groupe, de dimensions respectives d n et d m, vérifient les relations : où h est le nombre d éléments du groupe. Petit théorème d orthogonalité R Γ (m) ij (R) Γ (n) lk (R) = h δ mn δ il δ kj (1.3) d n En considérant les éléments diagonaux de la relation (1.3), on trouve les relations d orthogonalité que doivent satisfaire les caractères des deux représentations : χ (m) (R) χ (n) (R) = hδ mn (1.4) R Ce théorème est très utile pour décomposer une représentation réductible Γ en représentations irréductibles. En effet si Γ = i a iγ (i), a i est obtenu par : 1 χ (n) (R) χ(r) = a i (1.5) h Théorème de dimensionalité R On peut également montrer que la somme des carrés des dimensions des représentations irréductibles est égale au nombre d éléments du groupe : d 2 i = h (1.6) i Comme le nombre de représentations irréductibles est égal au nombre de classes, ce théorème, associé au Petit théorème d orthogonalité, suffit très 12

14 souvent pour construire la table des caractères d un groupe donné. Reprenons par exemple le groupe de symétrie de la molécule de NH 3. On a vu que ce groupe admettait 3 classes de symétrie : l identité E, les deux rotations C 3 et les trois symétrie-plans σ. On a donc trois représentations irréductibles (Γ (1), Γ (2), Γ (3) ) de dimensions respectives d 1, d 2 et d 3. Appelons Γ (1) la représentation triviale qui associe 1 à tous les opérateurs de symétrie. On a donc : E 2C 3 3σ Γ (1) Γ (2) Γ (3) Le théorème de dimensionalité ( 3 i=1 d 2 i = 6) permet de déduire la dimension des deux autres représentations irréductibles : d 2 = 1 et d 3 = 2. On peut donc commencer à construire la table des caractères en utilisant le fait que le caractère de l identité est simplement la dimension de la représentation : E 2C 3 3σ Γ (1) Γ (2) 1 Γ (3) 2 Pour obtenir les caractères inconnus, on utilise le petit théorème d orthogonalité que l on applique à Γ (1) et Γ (2) d une part et Γ (1) et Γ (3) d autre part. Soient a et b les caractères de Γ (2) pour respectivement C 3 et σ. La relation d orthogonalité de Γ (1) et Γ (2) conduit à : 1 +2a +3b = 0 d où a = 1 et b = 1, et donc on a : E 2C 3 3σ Γ (1) Γ (2) Γ (3) 2 Enfin, on complète la table des caractères en considérant l orthogonalité de Γ (3) avec les deux autres représentations : E 2C 3 3σ Γ (1) Γ (2) Γ (3) Dans la plupart des groupes finis, la table des caractères est obtenue uniquement en utilisant les relations d orthogonalité et le théorème de dimensionalité Représentations en mécanique quantique Opérateurs de transformation et théorème de Wigner. Une transformation dans l espace consiste à faire correspondre à tout point r un point r tel que : r = R r 13

15 où R est une matrice 3 3 qui traduit l effet de la transformation sur les coordonnées du vecteur position. Une transformation géométrique quelconque peut se mettre sous la forme d une combinaison d une translation et d une rotation, éventuellement impropre. L ensemble de ces transformations géométriques forme un groupe. Il existe également d autres transformations de l espace temps, comme les changements de repères galiléens qui peuvent être associés à des symétries puisqu ils préservent les lois physiques (covariance relativiste). En mécanique quantique, on doit rendre compte des effets de la transformation dans l espace sur les entités mathématiques de la théorie (opérateurs et fonctions d onde). Wigner a montré le théorème suivant : A chaque transformation de symétrie, on peut associer un opérateur agissant dans l espace de Hilbert. Ces opérateurs sont unitaires (ils ne doivent pas changer la norme de la fonction d onde) et linéaires (ou antilinéaires pour le renversement du temps). Ainsi à chaque opération de symétrie R dans l espace, on définit un opérateur de transformation unitaire P R (P R = P R 1 ). Ainsi, au groupe des opérations de symétries géométriques G={R} on associe le groupe G ={P R } des opérateurs qui agissent dans l espace de Hilbert (figure 1.3). Les groupes G et G sont souvent isomorphes mais il peut arriver, comme dans le cas de systèmes de spin demi-entier, qu il n existe qu un homomorphisme entre ces deux groupes (chapitre 2). En d autres termes, l ensemble de ces opérateurs unitaires P R forme une représentation du groupe de symétrie. Cet opérateur équivaut à un changement de base dans l espace de Hilbert : en effet tourner par exemple un système d un angle θ équivaut à représenter le système initial dans une base tournée de θ par rapport au repère initial, que ce soit dans l espace géométrique ou dans l espace de Hilbert. Il faut noter qu à l inverse de la transformation géométrique R, que l on note R 1, on associe l opérateur P R 1 = P R. Fig. 1.3 Transformation géométrique R du système et représentation P r dans l espace de Hilbert. Le transformé d un point r est obtenu à l aide de l opération de symétrie R alors que les états se transforment suivant l opérateur unitaire P R. 14

16 Un opérateur P R de l espace de Hilbert dont la dimension peut être arbitraire, agit sur les observables et les vecteurs d état selon les transformations : Ψ = P R Ψ et O = P R OP 1 R = P ROP R (1.7) En effet le système étant invariant sous l effet de la transformation on doit avoir : Ψ O Ψ = Ψ O Ψ l état Ψ De plus, d après la loi de transformation des états on a : Ψ O Ψ = Ψ P R O P R Ψ = Ψ O Ψ d où on déduit la loi de transformation des opérateurs. On peut comprendre la loi de transformation (1.7) des observables en imaginant un appareil permettant de mesurer la grandeur physique associée à l opérateur O. L opérateur O, transformée de A par la transformation géométrique R, est alors la grandeur mesurée par l appareil de mesure auquel on a fait subir la transformation R. L expression précédente signifie que si on fait subir à un système et à tout son environnement, y compris les instruments de mesures, une transformation géométrique donnée, les résultats de toute mesure seront les mêmes que celles obtenues sur le système avant la transformation. Ce comportement résulte des propriétés (homogénéité, isotropie) de l Univers. En représentation position, la transformation des vecteurs des états (relation 1.7) conduit, pour un système à une particule, à la transformation des fonctions d onde : r P R Ψ = Ψ ( r) = r P R Ψ = R 1 r Ψ = Ψ(R 1 r) (1.8) avec éventuellement un terme de phase multiplicatif, comme par exemple dans le cas d un changement de repère galiléen 2. En utilisant la transformation des vecteurs position r = R r, l expression précédente peut être écrite Ψ ( r ) = Ψ( r). Toutefois, les fonctions d onde n étant a priori définies qu à une phase près, l invariance conduit seulement à : Ψ ( r ) = Ψ( r) ou Ψ ( r ) = e iφ Ψ( r) 2 Le groupe des transformations associées aux changements de repères galiléens n admet pas de véritables représentations, mais des représentations projectives, c est à dire à un facteur de phase près. En effet, la loi de composition des matrices s écrit pour des changements de repère caractérisés par les transformations S et S : Γ(S)Γ(S ) = exp(if(x, t)) Γ(SS ) De même, la fonction d onde se transforme selon : Ψ j(x j, t) = exp if(x i, t) Ψ i(x i, t) où Ψ j (x j, t) et Ψ i (x i, t) sont les fonctions d onde du système dans deux repères galiléens R i et R j alors que l argument du terme de phase s écrit : f(x i, t) = i( 1 2 mv2 t + mvx i ) où v est la vitesse relative des deux repères R i et R j [6]. 15

17 L arbitraire de phase peut être levé si on impose à l ensemble G = {P R } de former un groupe. En effet, considérons trois transformations géométriques R i, R j et R k telles que : R k = R i R j. On leur associe trois opérateurs P Ri, P Rj et P Rk, chacun faisant apparaître un terme de phase arbitraire dans l expression de la loi de transformation des fonctions d onde. On a ainsi, entre les opérateurs de transformation, la relation : P Rk = e iφ ijk P Ri P Rj où Φ ijk est un terme de phase dépendant des phases des trois opérateurs. S il existe un choix des phases de ces opérateurs tel que toutes les phases Φ ijk soient nulles, alors la loi de composition du groupe des transformations géométriques G est conservée et G = {P R } possède une structure de groupe isomorphe à celle de G. Toutefois, il n est pas toujours possible d effectuer un choix de phase unique pour conserver cette structure de groupe. On doit alors associer à chaque élément R plusieurs opérateurs P R différant les uns des autres par un facteur de phase bien défini. On peut alors conserver une structure de groupe pour G et une homomorphie avec le groupe des transformations géométriques G. Il faut noter qu en mécanique quantique, on ne rencontre que deux cas de figure : soit on peut construire une structure de groupe isomorphe avec un seul opérateur P R associé à une transformation R, soit il est nécessaire d introduire deux opérateurs associés à R. Le second cas de figure est rencontré pour les systèmes à spin demi-entier (nombre impair de particules de spin-demi-entier) pour les rotations (groupe SU(2)) ou le renversement du temps (groupe double). Nous reviendrons plus loin sur ces difficultés. Nous illustrons sur la figure 1.4 l exemple d une translation de vecteur ρ sur la fonction d onde. On constate que la fonction d onde, centrée sur la position a, est centrée sur a+ ρ après translation. Dans un point de vue passif, où on ne transforme pas le système mais où on le décrit dans un nouveau repère, l examen de la figure 1.4 montre qu il faudrait translater le repère du vecteur ρ pour obtenir une situation équivalente à une translation du système de + ρ dans le point de vue actif. Fig. 1.4 Transformation de la fonction d onde lors d une translation de vecteur ρ. 16

18 De même, un grandeur dépendant de la position du système, comme par exemple le potentiel intervenant dans l équation de Schrödinger V ( r) se transforme de façon similaire suivant : V ( r) = P R V ( r)p R = V (R 1 r) La loi de transformation des opérateurs vectoriels est également intéressante. Soit A un opérateur vectoriel dont les composantes dans le système d axe ( e 1, e 2, e 3 ) valent A i = A e i. On va considérer comme transformation géométrique, une rotation R. Si on applique la rotation à l opérateur A i, on obtient l opérateur transformé A i = A e i où e i est le vecteur transformé de e i défini par e i = R e i. On a donc : A i = A e i = j A j R ji = j R 1 ji A j ce qui, combiné à la relation 1.7, donne : A = P R AP R = R 1 A (1.9) On constate que les opérateurs vectoriels se transforment selon la loi de transformation inverse des vecteurs puisque c est la matrice R 1 qui intervient. Pour une transformation géométrique quelconque R, c est à dire la combinaison d une rotation et d une translation telle que R r = R r + ρ. Ainsi la transformation des opérateurs position et quantité de mouvement donne : P R r P R = R 1 ( r ρ) P R p P R = R 1 p puisque la quantité de mouvement n est pas affectée par une translation puisque R p = R p. Enfin, un opérateur champ vectoriel A( r), c est à dire un opérateur vectoriel défini en tout point, se transforme lors d une transformation géométrique quelconque selon : A ( r) = P R A( r)p R = R 1 A (R 1 ( r ρ)) (1.10) les composantes se transformant suivant la rotation et le point suivant la transformation géométrique (rotation et translation). Ces considérations permettent de comprendre comment se transforme un hamiltonien lors d une opération de symétrie géométrique quelconque : H = P R H P R = 1 2m P R p P R P R p P R + P R V ( r) P R = p2 2m + V (R 1 r) (1.11) puisque, R étant une transformation orthogonale, R 1 p R 1 p = p 2. L hamiltonien doit présenter les propriétés de symétrie du système et doit donc rester inchangé (H = H) sous toutes les opérations de symétrie du groupe. 17

19 Cette condition est satisfaite si le potentiel est invariant par la transformation considérée, c est à dire si V (R 1 r) = V ( r). On a alors H = P R HPR 1, ce qui conduit à : [H, P R ] = 0 (1.12) l hamiltonien commute avec tous les opérateurs de symétrie du système. On en déduit que l hamiltonien n a pas d éléments de matrice non nuls entre états correspondants à des valeurs propres de P R différentes. En effet, en projetant le commutateur sur deux états propres différents de P R, (P R i = p i i et P R k = p k k ) on obtient : i [H, P R ] k = 0 (p k p i )H ik = 0 et donc H ik = 0 On peut maintenant démontrer le résultat annoncé dans l introduction concernant la relation entre l existence d opérateurs de transformation qui ne commutent pas mutuellement et la dégénérescence des états d énergie. Considérons un hamiltonien H qui reste invariant sous l action de deux opérateurs de symétrie [H, P 1 ]=0 et [H, P 2 ]=0, mais avec [P 1, P 2 ] 0. Il n existe donc pas de base d états propres communs à H, P 1 et P 2. Soit { Φ i } la base des états propres de H et P 1 et { Ψ j } la base des états propres de H et P 2. On a donc : H Φ i = E i Φ i Comme [P 1, P 2 ] 0, il existe au moins un état Φ i qui se décompose sur plusieurs états Ψ j : Φ i = a j Ψ j j avec au moins deux coefficients a j non nuls. L application de l hamiltonien donne : H Φ i = a j H Ψ j j E i Φ i = j E j a j Ψ j ce qui donne : E i ( j a j Ψ j ) = j E j a j Φ j (1.13) d où on en déduit que si a j 0, E j = E i. Par conséquent, tous les états propres de P 2 intervenant dans la combinaison linéaire d un état propre de P 1 doivent avoir même énergie et correspondent à un état dégénéré. C est ainsi que la dégénérescence des niveaux d énergie de l atome d hydrogène est une conséquence de la non commutation des composantes du moment cinétique. Considérons par exemple un état p. On décrit généralement les états propres de H dans la base des états propres de L 2 et de L z noté φ m l avec m = +1, 0, 1. Mais, les états propres de L x ou L y, qui sont également états propres de H, s écrivent comme une combinaison linéaire des φ m l qui doivent donc être associés à la même valeur de l énergie. Cette dégénérescence sera levée en abaissant la symétrie. Si on place l atome dans 18

20 un champ uniforme suivant Oz (symétrie cylindrique), seul L z commute avec l hamiltonien et les trois états φ m l n ont plus de raison d être dégénérés. C est effectivement ce que l on observe lorsqu on applique un champ magnétique (effet Zeeman). En revanche, une dégénérescence des états m = ±1 subsiste dans un champ électrique (effet Stark) mais révèle l existence d une symétrie cachée : ces deux états se transforment l un dans l autre par renversement du temps. Remarque Les lois de transformation des opérateurs peuvent conduire à des confusions qu il convient d éviter. Considérons un système dans un état Ψ, le système transformé est dans l état Ψ = P R Ψ. Pour savoir comment se transforme la valeur moyenne dans un état donné d une observable O, on doit considérer la quantité : Ψ O Ψ = Ψ P R OP R Ψ = Ψ Õ Ψ qui permet de définir l opérateur Õ = P R OP R qu il ne faut pas confondre avec l opérateur O défini par la relation 1.7. Ici on mesure le système ayant subi la transformation (état le décrivant a changé) avec des instruments de mesures qui eux sont resté fixes. L expression précédente signifie que la mesure d un système ayant subi une transformation est équivalent à mesurer le système initial (état Ψ ) avec des instruments auquels on aurait fait subir la transformation inverse (Õ =P R 1OP R 1 ). Pour un opérateur vectoriel A, on a alors : A = P R AP R = R A où R est la matrice orthogonale 3 3 de transformation des vecteurs. L opérateur vectoriel A, contrairement à l opérateur transformé A, se transforme alors comme un vecteur ordinaire, c est à dire que l on a : A = R A Ainsi, si on considère l opérateur position, on a : c est à dire que l on peut écrire : r = P R rp R = R r r r = R r r = r r L opérateur r admet comme valeur propre, pour le vecteur propre r, la nouvelle position de la particule lorsqu on a appliqué la transformation au système. Base des représentations et projecteurs Considérons un groupe de symétrie et une fonction Ψ quelconque des coordonnées dans l ensemble de configuration du système physique considéré. Dans une transformation des coordonnées correspondant à un élément 19

21 de symétrie du groupe G, la fonction Ψ se transforme en une autre fonction. Ainsi les h éléments du groupe donnent naissance en général à h fonctions différentes. Toutefois, pour certains choix de Ψ, ces fonctions ne sont pas toutes linéairement indépendantes. Si seules f fonctions Ψ i (i = 1,..., f; avec f h) sont linéairement indépendantes, elles vont se transformer linéairement entre elles dans les transformations du groupe. On écrit alors : P R Ψ i = f Ψ k Γ ki (R) où Γ ki (R) = Ψ k P R Ψ i (1.14) k=1 Comme P R est unitaire (P R =PR 1 =P R 1),les éléments de matrice vérifient : Γ ki(r) = ϕ k P R ϕ i = ϕ i P R ϕ k = ϕ i P R 1 ϕ k = Γ ik (R 1 ) L ensemble des opérateurs P R, où plus précisément leurs matrices dans une base donnée Γ(R), forme une représentation du groupe et les f fonctions Ψ k constituent une base de cette représentation dont la dimension est f. La représentation ainsi obtenue est généralement réductible. Considérons alors une représentation irréductible de dimension l m supérieure à 1. Deux indices sont alors nécessaires pour caractériser une fonction de base, l un m désigne la représentation alors que l autre j caractérise l un des l m vecteurs de base de la représentation. Soit φ (m) i une fonction de base de la représentation irréductible Γ (m), elle se transforme selon : P R φ (m) i = l m k=1 φ (m) k Γ (m) ki (R) (1.15) En multipliant par Γ (n) k i (R), la sommation sur R donne d après le grand théorème d orthogonalité : R Γ (n) k i (R) P R φ (m) i = l m Γ (n) k=1 On définit alors l opérateur : P (m) ki R = l m h k i (R) Γ (m) ki (R) φ (m) k = h δ mn δ ii φ (m) l m qui permet d obtenir la relation suivante : Si k = i, on obtient : φ (m) k P (m) ki P (m) kk φ(m) φ p (n) R k Γ (m) ki (R) P R (1.16) = δ mn δ kj δ ip φ (m) j (1.17) k = 0 et P (m) kk φ(m) k = φ (m) k (1.18) est état propre de P (m) kk avec la valeur propre 1. Les projecteurs présentent les propriétés suivantes : P (m) ki = l m h = l m h R R Γ (m) ki (R) P R Γ (m) ik (R 1 ) P R 1 = P (m) ik 20

22 et P (m) ki P (n) jl = δ mn δ ij P (n) kl (1.19) en effet, en appliquant sur un vecteur de base quelconque ( φ (p) q ) : P (m) ki P (n) jl φ (p) q = P (m) ki δ pn δ lq φ (n) j = δ pn δ lq δ mn δ ij φ (m) k = δ mn δ ij P (n) kl φ (p) q Ces opérateurs permettent de construire, à partir d un état de base donné, les autres états de base des représentations irréductibles d un groupe. On peut démontrer deux théorèmes sur ces opérateurs. i) Théorème 1 Les opérateurs P (m) kk sont des projecteurs, c est à dire qu ils projettent tout de la représentation irréductible Γ (m). Comme tout projecteur, ils vérifient (P (m) kk )2 = P (m) kk. état sur le sous espace engendré par l état de base φ (m) k Pour démontrer ce théorème, considérons une représentation réductible Γ red d un groupe fini. Celle ci peut se décomposer sur les représentations irréductibles Γ (m) du groupe : Γ red = m a m Γ (m) Tout état Ψ se transformant suivant Γ red, peut donc s écrire comme une combinaison linéaire des états de base des représentations irréductibles : Ψ = m l m k=1 c km φ (m) k En appliquant l opérateur P (p) nn on obtient : ( P nn (p) Ψ = P nn (p) m l m k=1 c km φ (m) ) k = c np φ (p) n On obtient donc la projection de Ψ sur l état φ (p) n, et en appliquant de nouveau P nn (p), on a : Les opérateurs P (p) kk (P (p) nn ) 2 Ψ = c np φ (p) n = P nn (p) Ψ sont donc bien des projecteurs. ii) Théorème 2 Deux états appartenant à deux représentations irréductibles différentes ou deux états de base de la même représentation irréductible sont orthogonaux. 21

23 Pour démontrer ce théorème, considérons le produit scalaire ϕ (j) ) k ϕ(j k de deux fonctions de base quelconque des représentations Γ (j) et Γ (j ). On peut écrire : ϕ (j) k ϕ(j ) k = P R ϕ (j) k P Rϕ (j ) k = Γ (j) λk (R) Γ(j) λ k (R) ϕ (j) ) λ ϕ(j λ λ,λ En sommant sur toutes les opérations R du groupe et en divisant par h, on obtient d après le Grand théorème d orthogonalité : ϕ (j) k ϕ(j ) k = δ jj δ kk l j 1 ϕ (j) λ l j λ=1 ϕ(j) λ ce qui démontre le théorème en précisant de plus que le produit scalaire ne dépend pas de k. On peut construire l ensemble des états de base d une représentation irréductible quelconque. En effet, partant d un état quelconque Ψ, on obtient par projection φ (m) k l action des opérateurs sur l état normalisé φ (m) k partenaires φ (m) i selon : P (m) ik φ(m) k qu il faut ensuite normaliser. Ensuite, = φ (m) i permet d obtenir les états Enfin on peut définir le projecteur sur le sous-espace des états de base de la représentation irréductible Γ (m) : P (m) = k P (m) kk = l m h χ (m) (R) P R (1.20) R où on somme sur les états de base de Γ (m). P (m) satisfait : P (m) Ψ = φ (m) (1.21) où φ (m) est une combinaison d états de base φ (m) k de la représentation irréductible Γ (m). Par conséquent on vérifie bien que P (m) projette tout état sur le sous-espace associé à la représentation Γ (m). Nous allons illustrer ce concept de projecteur sur l exemple trivial de la molécule d hydrogène. Le groupe contient l identité et l inversion, sa table de caractère est la suivante : E σ Γ (1) 1 1 Γ (2) 1-1 Les projecteurs associés à Γ (1) et Γ (2) sont respectivement P (1) = 1/2(P E + P σ ) et P (2) = 1/2(P E P σ ). Appliqués à une fonction 1s d un des 2 atomes d hydrogène, on obtient : P (1) φ a = 1 2 (φ a + φ b ) 22

24 P (2) φ a = 1 2 (φ a φ b ) On trouve ainsi les fonctions d onde paire et impaire correspondant aux orbitales liante et antiliante de la molécule. Nous verrons dans la suite de ce cours d autres exemples d utilisation des projecteurs. Groupe de l équation de Schrödinger On peut définir le groupe de l équation de Schrödinger comme l ensemble des éléments de symétrie qui laissent le système inchangé. L hamiltonien est donc un opérateur qui doit rester invariant sous toutes les opérations de symétrie du groupe. Il se transforme donc suivant la représentation totalement symétrique (ou triviale). Considérons un niveau d énergie E n, d n fois dégénéré de cet hamiltonien, et correspondant aux états Ψ (n) k. L application de P R sur un de ces états, où R est une transformation quelconque du groupe de symétrie du système, s écrit comme une combinaison linéaire de tous les états du sous-espace associé à E n : P R Ψ (n) i = d n k=1 a (n) k Ψ(n) k (1.22) Les vecteurs d état Ψ (n) k se transforment entre eux et forment donc une base pour la représentation Γ (n) du groupe de l équation de Schrödinger. La représentation Γ (n) est associée à la valeur de l énergie E n et les coefficients a (n) k correspondent aux éléments de matrice de la représentation : a (n) k = Γ (n) ki (R). De plus, d après le principe de Wigner, cette représentation est irréductible (sauf cas exceptionnel de dégénérescence accidentelle). Ainsi à chaque niveau d énergie du système correspond une représentation irréductible de son groupe de symétrie dont la dimension détermine la dégénérescence du niveau. Naturellement, une même représentation irréductible peut apparaître plusieurs fois dans le spectre de l hamiltonien puisque des états d énergie différente peuvent avoir même symétrie. Le second théorème de la section précédente établit que deux états appartenant à deux représentations irréductibles différentes ou deux états de base différents de la même représentation irréductible sont orthogonaux. En effet, ce sont des états propres de l hamiltonien correspondant soit à deux énergies différentes, soit à des états propres différents d un niveau dégénéré. Par ailleurs, il faut souligner que la symétrie des fonctions propres peut être plus basse que celle de l hamiltonien. Chaque état présente la symétrie de la représentation irréductible à laquelle il est associé. Ainsi, seules les fonctions propres associées à la représentation totalement symétrique (ou triviale) Γ (1) possèdent la symétrie de l hamiltonien. C est le cas par exemple des fonctions d onde s de l atome d hydrogène qui sont les seules à être sphériques. Les trois états 2p par exemple ont une symétrie plus basse mais se transforment les uns dans les autres lors d une rotation. Toutefois, il faut préciser une propriété remarquable. Même si les états propres de H, qui sont des états propres d une représentation irréductible du 23

25 groupe de l équation de Schrödinger, peuvent avoir une symétrie plus basse que celle de l hamiltonien, la densité de charge ou plus précisément la densité moyenne, possède la symétrie de l équation de Schrödinger. En effet, dans ce cas, les différents états de base de la représentation irréductible associée au niveau d énergie considéré doivent être considérés comme équiprobables. Il faut alors décrire le système par un mélange statistique et donc par une matrice densité dont l expression est : D = d n i=1 1 Ψ (n) i d n Ψ (n) i (1.23) où les Ψ (n) i sont les états de base de la représentation Γ (n) de dimension d n. Bien que les d n vecteurs ne soient pas invariants et se transforment les uns dans les autres suivant une opération quelconque du groupe de symétrie, on peut montrer que l opérateur densité D est invariant. En effet, si P R est l opérateur associé à une opération de symétrie R du groupe, on a : D = P R D P R où D est l opérateur densité transformé par l opération R. On a donc : D = 1 d n = 1 d n d n i=1 d n i=1 j,k P R Ψ (n) i Γ (n) ki Ψ (n) i P R (R) Γ(n) ji (R) Ψ (n) k Ψ(n) j On somme sur les h éléments R du groupe, et l utilisation du grand théorème d orthogonalité conduit à : D = 1 h = d n j=1 R 1 d n d n i=1 j,k 1 Ψ (n) j d n Ψ (n) Γ (n) ki (R) Γ(n) ji (R) Ψ (n) k Ψ(n) j j = D (1.24) L opérateur D est donc bien invariant sous l effet de toutes les opérations de symétrie du groupe et se transforme suivant la représentation totalement symétrique Γ (1). Il en résulte que la valeur moyenne de toute grandeur physique sur le mélange statistique associé à une représentation irréductible, A = T r[d A], se transforme également suivant Γ (1) et reste donc invariante. En effet, si l observable A se transforme sous l effet d une opération de symétrie R en l observable A (A = P R A P R ), on a : A = T r[d A ] Or, d après les propriétés de la trace, on peut écrire : T r[d A ] = T r[p R (D A )P R ] = T r[p R (D P RP R A )P R ] = T r[p R D P R A] = T r[d A] 24

26 Cette invariance de la valeur moyenne d une observable pour un mélange statistique associé à une valeur dégénérée de l énergie peut paraître surprenante pour un niveau qui relève d une représentation irréductible dégénérée (et donc différente de Γ 1 ). Dans ce cas, si les fonctions d onde sont de symétrie plus basse que celle de l hamiltonien, la symétrie de celui-ci est retrouvée si on tient compte de toutes les fonctions dégénérées possibles. Par exemple, pour le problème de l atome d hydrogène (symétrie sphérique), les niveaux d énergie et donc les représentations irréductibles du groupe des rotations sont caractérisés par le moment cinétique. Nous verrons plus loin que la partie radiale des fonctions d onde est donnée par les harmoniques sphériques. En moyennant sur les différentes valeurs de m, on doit obtienir que : +l m= l Y m l (θ, ϕ) 2 est invariant pour toute rotation. On peut prendre par exemple les trois fonctions de symétrie p. Comme p x x etc., on a p 2 x + p 2 x + p 2 x x 2 + y 2 + z 2 = r 2. La densité de charge d un mélange statistique est donc à symétrie sphérique. On peut généraliser ce résultat pour tout groupe quelconque : la densité de charge est invariante sous toute opération du groupe et se transforme suivant Γ 1. Considérons la quantité : d n i=1 Ψ (n) i ( r) 2 qui est proportionnelle à la densité de probabilité de trouver une particule au point r dans un mélange statistique associé à Γ (n) (les Ψ (n) i ( r) forment une base de la représentation irréductible Γ (n) ). L application de P R conduit à : P R d n Ψ (n) i=1 Ψ (n) j = ijk i ( r) 2 = P R d n ( r)ψ (n) k i=1 ( r) Γ(n) ji Ψ (n) i ( r)ψ (n) ( r) i (R) Γ (n) (R) (1.25) ki = jk Ψ (n) j ( r)ψ (n) d n ( r) k i=1 Γ (n) ki (R) Γ(n) ij (R 1 ) puisque la transformation associé à la symétrie R est unitaire (P R = P R 1 donc Γ (n) ji (R 1 ) = Γ (n) ij (R). En remarquant que on obtient : d n i=1 Γ (n) ki (R) Γ(n) ij (R 1 ) = Γ (n) kj (RR 1 ) = Γ (n) kj (E) = δ kj et P R d n i=1 Ψ (n) i ( r) 2 = d n j=1 Ψ (n) j ( r) Ψ (n) j ( r) = d n i=1 Ψ (n) i ( r) 2 (1.26) 25

27 et par conséquent la densité de probabilité est invariante et possède donc la symétrie de l hamiltonien et donc du système considéré. Ce résultat se généralise à toutes les grandeurs du système. Par exemple, l atome d hydrogène dans son état fondamental (état 1s de symétrie sphérique) ne porte pas de moment magnétique orbital ( L = 0) suivant Oz. En revanche, un état p +1 dont la partie angulaire est Y 1 +1 (θ, ϕ), porte un moment magnétique égal +µ B (magnéton de Bohr). Mais, si on considère le mélange statistique correspondant aux trois états p, la moyenne du moment magnétique est nulle puisque à p 1 correspond un moment égal à µ B et à p 0 un moment nul : on a donc la moyenne statistique L = (µ B µ B ) e z = 0 en accord avec la symétrie sphérique de l hamiltonien. Le même comportement est rencontré lors de la brisure spontanée de symétrie qui accompagne une transition de phase du deuxième ordre. Par exemple, la phase paramagnétique possède la symétrie sphérique puisque toutes les directions de l espace sont équivalentes. En revanche, en dessous de la température d ordre ferromagnétique, la symétrie est abaissée puisque la direction de l aimantation brise cette invariance par rotation. Toutefois, la direction de l aimantation spontanée est aléatoire et lorsqu on moyenne sur toutes les directions possibles et équivalentes de l aimantation, on restaure la symétrie sphérique du problème Produit direct de représentations Nous allons introduire la notion de produit direct de représentations à l intérieur d un groupe sur l exemple de l addition de deux moments cinétiques. Considérons deux particules de moment cinétique j 1 et j 2. Nous verrons au chapitre 2 que les états propres de chaque moment cinétique se transforment les uns dans les autres lors d une rotation de sorte qu ils constituent une base d une représentation irréductible du groupe des rotations. Ainsi au moment j 1, on peut associer une représentation irréductible notée D (j 1) de dimension 2j 1 + 1, et à j 2 une représentation irréductible notée D (j 2) de dimension 2j Les règles de combinaison des moments cinétiques indiquent que le moment cinétique total J satisfait : j 2 j 1 J j 2 + j 1 (1.27) Le système constitué des deux particules peut être décrit dans un espace de dimension (2j 1 + 1) (2j 2 + 1) obtenu à partir des produits tensoriels des états propres des deux moments cinétiques : j 1, m 1 j 2, m 2 Des combinaisons linéaires de ces vecteurs permettent de construire les états propres de J 2 et de J z (notés J, M ), pour toutes les valeurs de J autorisées par la relation (1.27). A chaque valeur possible du moment cinétique total, on peut également associer une représentation irréductible D (J) de dimension 2J + 1. Sous l action d une rotation, les états se transforment suivant la relation : P R ( j 1, m 1 j 2, m 2 ) = m 1 j 1, m 1 D (j 1) m 1,m (R) j 1 2, m 2 D (j 2) m m 2,m (R)

28 où D (j) m,m (R) = j, m P R j, m et P R l opérateur associé à la rotation R. On peut écrire : P R ( j 1, m 1 j 2, m 2 ) = ( j 1, m 1 j 2, m 2 ) D m 1 m 1,m 2 m (R) 2 m 1,m 2 avec D m 1 m 1,m 2 m 2 (R) = D(j 1) m 1,m 1 (R)D(j 2) m 2,m 2 (R). On constate que les (2j 1 +1) (2j 1 +1) vecteurs j 1, m 1 j 2, m 2 forment une base d une représentation que l on a notée D et qui peut se construire à partir du produit des représentations irréductibles D (j 1) et D (j 2). On appelle cette opération un produit direct de représentations à l intérieur du groupe des rotations que l on note : D(R) = D (j 1) (R) D (j 2) (R) On démontre sans difficulté que D est une représentation du groupe des rotations. D est généralement réductible (il faut que j 1 0 et j 2 0) et peut être décomposée sur les représentations irréductibles du groupe, c est à dire : D (j1) (R) D (j2) (R) = a j1 j 2 JD (J) (1.28) J où les D (J) sont les représentations irréductibles de dimension 2J + 1 dont les J, M sont les vecteurs de base. Les règles de composition des moments cinétiques permettent d obtenir les coefficients a j1 j 2 J : et a j1 j 2 J = 0 sinon. a j1 j 2 J = 1 si j 2 j 1 J j 2 + j 1 (1.29) En résumé, en faisant le produit de deux représentations irréductibles de dimensions d 1 et d 2 du groupe des rotations, on obtient une représentation de dimension d 1 d 2 que l on peut décomposer sur les représentations irréductibles du groupe. Ce résultat se généralise à tous les groupes. Soient deux représentations Γ (α) et Γ (β) d un groupe donné et { Ψ (α) i } et { Ψ (β) j } leurs états de base respectifs. Alors les produits tensoriels { Ψ (α) i Ψ (β) j } constituent une base d une représentation Γ appelée produit direct de Γ (α) et Γ (β) et notée Γ = Γ (α) Γ (β). Le caractère de la représentation produit direct est égal au produit des caractères des représentations : χ Γ (R) = χ Γ (α)(r) χ Γ (β)(r) (1.30) Comme toute représentation, la représentation produit direct peut se décomposer sur toutes les représentations irréductibles du groupe. Cherchons le nombre de fois que la représentation triviale (Γ (1) ) apparaît dans le produit direct de deux représentations irréductibles (Γ (n) ) et (Γ (m) ). D après la relation précédente, on a : χ (nm) (R) = χ (n) (R) χ (m) (R) (1.31) 27

29 où χ (n), χ (m) et χ (nm) sont respectivement les caractères des représentations (Γ (n) ) et (Γ (m) ) et du produit direct (Γ (n) Γ (m) ). La formule de décomposition 1.5 en représentations irréductibles permet d obtenir le nombre de fois a 1 que la représentation triviale apparaît dans le produit direct de Γ (n) et Γ (m) : a 1 = 1 χ (1) (R) χ (nm) (R) (1.32) h R Comme χ (1) (R) = 1, on a d après le Petit théorème d orthogonalité : a 1 = 1 χ (n) (R) χ (m) (R) = δ mn (1.33) h R En conséquence le produit direct de deux représentations irréductibles différentes (n m) ne contient jamais la représentation triviale alors que le produit direct d une représentation irréductible avec elle même ne le contient qu une seule fois. Nous verrons l intérêt de ce résultat pour le calcul des éléments de matrice dans la section suivante Eléments de matrice et règles de sélection Nous avons vu que deux fonctions appartenant à deux représentations irréductibles différentes ou deux fonctions de base différentes de la même représentation irréductible sont orthogonales. Ce résultat se généralise au théorème suivant : Les éléments de matrice d un opérateur invariant sous toutes les opérations du groupe entre deux fonctions appartenant à deux représentations irréductibles différentes ou deux fonctions de base différentes de la même représentation irréductible sont nuls. En effet, un opérateur A invariant sous toutes les opérations du groupe, comme par exemple l hamiltonien, relève de la représentation irréductible triviale ou totalement symétrique Γ (1). Par conséquent, A Ψ (j) k appartient à la représentation obtenue par le produit direct Γ (1) Γ (j) = Γ (j) (la symétrie de Ψ (j) k n est pas affectée par l application d un opérateur totalement symétrique), donc A Ψ (j) k = α jk Ψ (j) k et : Ψ (j) k A Ψ(j ) k = α jk δ jj δ kk (1.34) On peut également obtenir des informations intéressantes sur un opérateur qui n est pas totalement symétrique. Cet opérateur peut, par exemple, être une perturbation de symétrie plus basse que l hamiltonien qui va pouvoir lever la dégénérescence ou induire des transitions entre niveaux d énergie. Considérons une observable M qui se transforme suivant la représentation irréductible Γ M et considérons l élément de matrice Ψ (j ) k M Ψ (j) k entre deux états de base des représentations irréductibles Γ (j) et Γ (j ). Cet élément de matrice, qui peut être associé à une quantité physique comme une amplitude de probabilité de transition, doit se comporter comme un scalaire, c est à dire qu il doit être invariant suivant toutes les opérations de symétrie du groupe, 28

30 et donc il doit relever de la représentation Γ (1). Comme l état M Ψ (j) k appartient à la représentation Γ M Γ (j), l orthogonalité des fonctions de base des représentations irréductibles permet d obtenir : Ψ (j ) k M Ψ (j) k = 0 (1.35) à moins que la représentation Γ (j ) soit contenue dans Γ M Γ (j). En général, le produit direct de deux représentations irréductibles d un groupe se décompose en plusieurs représentations irréductibles. Une autre façon d exprimer ce résultat est d écrire que l élément de matrice ci-dessus est nul à moins que la représentation triviale Γ (1) soit contenue dans le produit Γ (j ) Γ M Γ (j). Ce que nous résumons dans le théorème suivant : Les éléments de matrice d un opérateur M, dont la symétrie est celle de la représentation Γ M, entre deux fonctions appartenant à deux représentations irréductibles Γ (j) et Γ (j ) sont nuls si la représentation Γ (1) n est pas contenue dans le produit Γ (j ) Γ M Γ (j). Ce théorème permet d établir des règles de sélection. Les transitions sous l effet d une perturbation de symétrie donnée, ne pourrons s effectuer qu entre états de symétrie bien définie. En d autres termes, la connaissance de la symétrie de l état initial et de la perturbation, permet de déduire quels sont les états finals susceptibles d être atteints. Ainsi par exemple, l interaction d un atome avec une onde électromagnétique induit des transitions entre états de moments cinétiques bien définis. Ces transitions sont régies par les règles de sélection multipolaire. Pour une transition dipolaire électrique, l hamiltonien d interaction s écrit H = r i E où E est le champ électrique de l onde, supposé uniforme, et r i représente la position d un électron. Comme r i s écrit en fonction de l harmonique sphérique Yl=1 m (ϑ, ϕ), H a la même symétrie que la représentation irréductible D (1) du groupe des rotations. Si l état initial de l atome possède un moment cinétique orbital total L (représentation D (L) ) alors les états finals doivent avoir la symétrie d une des représentations irréductibles obtenues par le produit D (1) D (L) = D (L 1) D (L) D (L+1). Cela donne une condition sur la variation du moment cinétique : L = 0, ±1. Nous reviendrons sur ces règles de sélection au chapitre Exemple : modes de vibration de NH 3 Représentations irréductibles Reprenons l exemple de la molécule de NH 3, et considérons les transformations des coordonnées spatiales sous l effet des opérations de symétrie du groupe. Un point M(x, y, z) se transforme en un point M (x, y, z ). Les matrices de transformation associées aux différentes symétries s écrivent : E σ 1 1/2 3/2 0 3/2 1/ C 3 1/2 3/2 0 3/2 1/

31 σ σ 3 1/2 3/2 0 3/2 1/2 0 C /2 3/2 0 3/2 1/ Ces matrices obéissent évidemment à la loi de multiplication du groupe et l ensemble de ces matrices forme une représentation. On constate qu avec le choix de l axe Oz que nous avons fait, les matrices sont diagonales par blocs. La représentation de dimension 3 est donc réductible en 2 représentations irréductibles de dimension 1 et 2 respectivement (la représentation de dimension 2 est irréductible car aucun changement de base ne permet de mettre simultanément les six matrices sous forme diagonale, l axe de symétrie de la molécule couplant les deux variables perpendiculaires à z). La représentation irréductible de dimension 1 associe 1 à tous les éléments du groupe ; il s agit donc de la représentation triviale. Le groupe de symétrie de la molécule NH 3, contenant 3 classes, admet 3 représentations irréductibles. La somme des carrés des caractères devant être égale au nombre d éléments du groupe (c est à dire 6) on a 2 représentations de dimension 1 (Γ (1) et Γ (2) ) et une représentation de dimension 2 (Γ (3) ) ( = 6). Les caractères de Γ (2) sont déduits facilement des relations d orthogonalité : [χ (2) (E)] [χ (2) (C)] [χ (2) (σ)] 2 = 6 χ (2) (E) 1 + χ (2) (C) 2 + χ (2) (σ) 3 = 0 avec χ (2) (E) = dimγ (2) = 1, d où χ (2) (C) = 1 et χ (2) (σ) = 1. Quant aux caractères de Γ (3), on peut directement les obtenir à partir des traces des blocs 2 2 des matrices ci-dessus. On a donc la table de caractère suivante : E C 3 C 3 σ 1 σ 2 σ 3 z Γ (1) (A 1 ) R z Γ (2) (A 2 ) (R x, R y ); (x, y) Γ (3) (E) Il existe plusieurs conventions pour la dénomination des représentations irréductibles, ainsi Γ (1), la représentation triviale, est souvent appelée A 1, Γ (2) A 2 et la représentation Γ (3) de dimension 2 est désignée par E. Dans la première colonne de la table de caractère, on a indiqué les propriétés de transformation des coordonnées (x, y, z) et des rotations (R x, R y, R z ). Ainsi z reste invariant sous toutes les transformations du groupe et se transforme comme Γ (1) alors que les composantes x et y se transforment entre elles suivant Γ (3). On peut noter que les composantes z et R z appartiennent à des représentations différentes. Cela résulte de la nature différente de ces deux vecteurs : (x, y, z) est un vecteur polaire alors que (R x, R y, R z ) un vecteur axial. Vecteurs polaires et vecteurs axiaux se transforment de la même façon par rotation mais de façon différente par inversion ou par une symétrie par rapport à un miroir. Vibrations de la molécules NH 3 Nous allons illustrer l intérêt de la théorie des représentations sur le problème des vibrations de la molécule NH 3. Nous allons ainsi montrer que la 30

32 théorie des groupes permet de simplifier grandement le problème en donnant le nombre, la symétrie et la dégénérescence des modes de vibration d une molécule. Commençons par rappeler quelques éléments de la théorie élastique des molécules. L énergie d un système de particules accomplissant de petites vibrations s écrit dans l approximation harmonique : E = 1 2 i,k m ik δu i δu k k ik δu i δu k i,k où les δu i désignent les déplacements des particules par rapport à leurs positions d équilibre et m ik et k ik sont des coefficients constants. Une transformation unitaire permet de passer des déplacements δu i à un système de coordonnées qui permet d écrire l énergie sous une forme quadratique (coordonnées normales, Q iβ et P iβ = Q iβ, qui découplent les équations du mouvement) : E = 1 ( Q 2 iβ + ω 2 2 βqiβ) 2 = 1 ( ) Piβ 2 + ω 2 2 βq 2 iβ i,β où les ω β sont les fréquences propres du système et l indice i représente les différentes coordonnées de même énergie. Cette expression de l énergie doit rester invariante dans les transformations de symétrie de la molécule. Par conséquent les Q iβ (i = 1, 2... f β ) se transforment entre elles dans les opérations de symétrie du groupe et forment une base de la représentation irréductible associée à ω β et de dimension f β. Pour traiter le problème des vibrations d une molécule par la théorie des groupes, il faut trouver la représentation vibratoire totale, généralement réductible, contenant toutes les coordonnées normales. Ensuite, il suffit de décomposer cette représentation, généralement réductible, en représentations irréductibles qui donneront les modes normaux, du moins leurs multiplicités et leurs propriétés de symétrie. Si la même représentation irréductible apparaît plusieurs fois, cela signifie qu il existe des modes de même symétrie mais d énergies différentes. Comment trouver la représentation vibratoire totale? On définit pour chaque atome un déplacement quelconque qui peut s exprimer comme une combinaison linéaire de tous les modes normaux. Mais comme la décomposition en représentations irréductibles ne nécessite que la connaissance des caractères qui sont invariants par transformation linéaire, on utilise la base des déplacements cartésiens de chaque atome : δu i (x, y, z). On a donc 4 3 variables δu i. Toutefois, le nombre de degrés de liberté de vibrations de la molécule se réduit à 6 puisqu il faut décompter les 2 3 degrés de liberté de rotation et de translation de la molécule. On peut donc décrire une modification de la molécule par un vecteur colonne composé des 12 déplacements δu i (x, y, z). Dans une transformation de symétrie, un déplacement quelconque δu i se transforme a priori en une combinaison linéaire de tous les δu k. Pour chaque élément de symétrie, on a une matrice, de dimension 12, qui traduit la transformation des déplacements individuels des quatre atomes de la molécule. i,β 31

33 δu N (y) δ'u N (x) δu N (x) δ'u N (y) Fig. 1.5 Transformation des déplacements δu N (x) et δu N (y) de l atome d azote lors d une rotation de 2π/3. La position des atomes d hydrogène n étant pas invariante, leur contribution au caractère de la représentation déplacement total est nulle. L ensemble des matrices constitue une représentation du groupe de symétrie. Pour la détermination du caractère, seuls les atomes dont la position reste inchangée lors d une transformation, peuvent contribuer. Pour la rotation C 3, les trois éléments diagonaux non nuls correspondent aux trois déplacements δu N (x), δu N (y) et δu N (z) de l atome d azote (seul atome invariant dans la rotation puisque les atomes d hydrogène se transforment les uns dans les autres). La rotation étant selon z, δu N (z) est invariant et contribue pour 1 au caractère. δu N (x), δu N (y), quant à eux, tournent de 2π/3 (figure 1.5). Les éléments de déplacements de l atome d azote après rotation s expriment en fonction des déplacements avant rotation : δ u N (x) = cos(2π/3)δu N (x) + sin(2π/3)δu N (y) (1.36) δ u N (y) = cos(2π/3)δu N (y) sin(2π/3)δu N (x) (1.37) La matrice de la rotation C 3 s écrit (on n explicite que les éléments diagonaux) : δ u N (x) δ u N (y) δ u N (z) δ u H1 (x) δ u H1 (y) δ u H1 (z) δ u H2 (x) δ u H2 (y) δ u H2 (z) δ u H3 (x) δ u H3 (y) δ u H3 (z) = δu N (x) δu N (y) δu N (z) δu H1 (x) δu H1 (y) δu H1 (z) δu H2 (x) δu H2 (y) δu H2 (z) δu H3 (x) δu H3 (y) δu H3 (z) 32

34 La contribution de ces déplacements au caractère de la représentation déplacement total est de 2 cos(2π/3) et donc χ(c 3 ) = = 0. De même, pour les symétries de réflexion, il faut considérer les 2 atomes (N et H) dont les positions restent inchangées. On trouve facilement χ(σ)=2. Pour l élément neutre E du groupe, la matrice est la matrice identité ; tous les δu i restent inchangés et χ(e) = 12. Pour obtenir les caractères associés à la seule représentation vibratoire, il faut tenir compte du déplacement global de la molécule correspondant à une translation et à une rotation et retirer les caractères correspondant à ces déplacements. Pour déterminer les représentations associées à une translation et à une rotation de la molécule, il suffit de considérer les transformations δx, δy et δz du centre de gravité (pour la translation) et de R x, R y et R z (pour la rotation). Attention, le vecteur rotation est un pseudo-vecteur et ne se comporte pas comme un vecteur polaire lors d une réflexion. L inspection de la table des caractères permet de répondre simplement à cette question. En effet, les fonctions de base (x, y, z) et (R x, R y, R z ) apparaissant dans les tables de caractères permettent de déduire la contribution de la translation et la rotation de la molécule. On peut résumer tous les résultats sur le tableau suivant : E C 3 C 3 σ 1 σ 2 σ 3 Γ(total) Γ(transl) Γ(rot) Γ(vib) Les trois premières lignes indiquent les caractères des représentations associées aux déplacements des atomes, à la translation et à la rotation respectivement. La dernière ligne donne les caractères associés à la représentation vibratoire. Les relations d orthogonalité permettent de décomposer Γ(vib) en représentations irréductibles. On trouve : alors que Γ(vib) = 2 Γ (1) 2 Γ (3) (1.38) Γ(transl) = Γ (1) Γ (3) et Γ(rot) = Γ (2) Γ (3) (1.39) On en déduit que la molécule possède six modes propres de vibration : deux modes non-dégénérés associés à la représentation triviale Γ (1) et quatre modes associés à la représentation doublement dégénérée Γ (3). Les modes non-dégénérés correspondent à la représentation totalement symétrique, c est à dire que la variable normale se transforme en elle-même sous toutes les opérations de symétrie du groupe. Pour déterminer la variable normale, on considère les déplacements δu i des différents atomes (la variable normale est un vecteur à 12 composantes). Considérons l atome d azote. Il reste invariant sous toutes les opérations du groupe mais seule δu N (z) intervient dans les modes Γ (1) (δu N (x) = δu N (y) = 0 puisqu ils sont invariants et doivent changer de signe par réflexion par rapport aux plan de symétrie). Quant aux déplacements des atomes d hydrogène, ils doivent se transformer les uns dans les autres et avoir une composante selon z pour compenser celle de l atome 33

35 Fig. 1.6 Vibrations symétriques de NH 3 : la symétrie de la molécule reste inchangée au cours de la vibration ; dans le premier cas, seules les distances changent les angles restant constants alors que dans le second cas, c est le contraire. d azote (sinon on a une translation globale de la molécule). Deux types de déplacements sont possibles : soit dans la direction des liaisons N-H : soit perpendiculairement à ces liaisons, ce qui conduit aux deux modes de vibration représentés schématiquement à la figure 1.6. Toute combinaison linéaire de ces deux modes forme également une base de la représentation irréductible Γ (1). On ne peut donc pas, sur des arguments de symétrie seuls, séparer les modes relevant d une même représentation irréductible. C est la forme précise de l hamiltonien qui permet de le faire, mais la théorie des groupes a grandement simplifié le problème puisque, dans le cas des vibrations symétriques de NH 3, il suffit de diagonaliser une matrice 2 2. Un cas similaire se présente pour les états électroniques de l atome d hydrogène : la théorie des groupes ne permet pas de séparer les différents états p (l = 1), c est la résolution de la partie radiale de l équation de Schrödinger qui conduit aux fonctions d onde 2p, 3p, etc.. Les modes normaux de type Γ (3) sont plus délicats à traiter car deux modes interviennent simultanément. La détermination est assez technique et la méthode générale est succinctement exposée dans les ouvrages classiques [2, 7]. Il est toutefois intéressant de noter que les n modes d une représentation irréductible de dimension n forment un sous-espace vectoriel et par conséquent toute combinaison linéaire peut également être considérée comme un mode propre. Spectroscopies Raman et infrarouge Les niveaux vibratoires des molécules peuvent être étudiées à l aide de plusieurs techniques spectroscopiques, notamment l absorption infra-rouge et la diffusion Raman. Dans les deux cas, on utilise l interaction d une onde électromagnétique avec la distribution de charge de la molécule. La symétrie impose des règles de sélection dont nous allons rappeler le principe. Dans l approximation dipolaire électrique, c est à dire à la limite des 34

36 grandes longueurs d onde, on néglige la dépendance spatiale du champ électrique et l hamiltonien d interaction s écrit : H int (t) = µ E(t) (1.40) où le moment dipolaire électrique de la molécule µ est donné par : µ = q i r i + q α Z α Rα (1.41) expression dans laquelle on somme sur les électrons (i) et les noyaux (α). Le terme d interaction induit des transitions entre des états propres Ψ i et Ψ f de la molécule. Au premier ordre, il conduit à un processus l absorption avec une probabilité de transition : P if Ψ f H int Ψ i 2 (1.42) Les états initial et final ( Ψ i et Ψ f ) doivent tenir compte de tous les degrés de liberté de la molécule, notamment des degrés de liberté électroniques et vibrationnels (mais également rotationnels que nous ne considérerons pas), les fonctions d onde s expriment donc comme un produit d une fonction d onde électronique qui dépend des positions des électrons et des noyaux, et d une fonction d onde vibrationnelle qui dépend des variables normales Q β : Ψ( r i ; R α ; Q β ) = ϕ elec ( r i ; R α ) ψ vib (Q β ) (1.43) Dans le domaine de l infra-rouge, les photons n ont pas suffisamment d énergie pour exciter les degrés de liberté électroniques, de sorte que les fonctions d onde initiale et finale ont même partie électronique mais peuvent différer par la partie vibrationnelle. La relation 1.42 devient : P if ψ vib,f µ. E(t) ψ vib,i 2 (1.44) avec le moment dipolaire de la molécule pour une position des noyaux donnée : µ(q β ) = ϕ elec( r i ; R α ) µ( r i ; R α ) ϕ elec ( r i ; R α ) d r i (1.45) Par conséquent, une transition ne sera possible que si l élément de matrice de µ entre états vibratoires initial et final est non nul. Comme µ est un vecteur polaire, ces composantes se transforment dans les opérations du groupe comme x, y et z. Par exemple pour NH 3, µ z a la symétrie de la représentation Γ (1) alors que (µ x, µ y ) se transforment suivant Γ (3). D après le paragraphe 1.3.5, l absorption infra-rouge obéit à des règles de sélection que l on peut énoncer de la façon suivante : Si les états vibratoires ψ vib, i et ψ vib, f appartiennent respectivement aux représentations Γ (i) et Γ (f) et que la composante du moment dipolaire appartient à Γ (µ), alors l absorption infra-rouge est autorisée si et seulement si Γ (f) est contenue dans la représentation Γ (µ) Γ (i). Ce résultat général se simplifie si on considère que l état initial est l état fondamental. Dans ce cas, la représentation Γ (i) est la représentation triviale 35

37 Γ (1). L état fondamental possède la symétrie de la molécule! En effet, l état fondamental d un oscillateur étant une gaussienne, l état fondamental de la molécule peut s écrire comme une somme sur tous les modes : ψ vib,0 = exp 1 2 h ω β Q 2 i,β i,β où on voit que ψ vib,0 a la même symétrie (Γ (1) ) que le potentiel de la molécule i,β ω2 β Q2 i,β. On peut montrer que les transitions les plus intenses correspondent aux excitations à un seul quantum de vibration [2]. Les règles de sélection pour ce cas conduisent au résultat simple suivant : une transition infra-rouge est autorisée si le mode de vibration appartient à la même représentation irréductible que la composante de µ considérée. Dans le cas de la molécule de NH 3, la représentation vibratoire se décompose suivant : 2Γ (1) 2Γ (3). Comme µ z et (µ x, µ z ) se transforment suivant Γ (1) et Γ (3) respectivement, les quatre modes de vibrations de NH 3 sont actifs en absorption infra-rouge. La spectroscopie d absorption infra-rouge est très largement utilisée, notamment en chimie organique. En effet, les modes de vibrations d une molécule complexe constituent une signature des différents fragments de la molécule. Un spectre d absorption typique est représenté sur la figure 1.7. Chaque pics d absorption correspond à la vibration d un groupement dans la molécule. Par conséquent, il permet d obtenir des informations structurales sur la molécule. Fig. 1.7 Spectre infrarouge d un composé. Chaque structure correspond à l absorption d un mode de vibration d une partie de la molécule. Un autre résultat peut être déduit. Si la molécule admet un centre d inversion, alors les modes de vibration complètement symétriques, c est à dire de symétrie Γ (1), ne sont pas actifs en infra-rouge. On peut comprendre qualitativement ce résultat. Dans un mode de vibration complèment symétrique, la symétrie de la molécule est préservée lors de la vibration. Si elle présente un centre d inversion, elle ne possède pas de moment dipolaire ni dans l état fondamental ni dans les états excités des modes symétriques. Par conséquent l interaction dipolaire avec une onde électromagnétique est nulle. En revanche, un mode de vibration qui n est pas complètement symétrique 36

38 va faire apparaître un moment dipolaire et l interaction avec une onde est alors possible. On retrouve ce résultat en remarquant que l élément de matrice de transition entre états symétriques ψ vib, f (Γ (1) ) µ i ψ vib, i (Γ (1) ) est nuls puisque les états sont pairs alors que l opérateur µ i est une fonction impaire. L autre technique très souvent utilisée est la diffusion Raman. Il s agit d une diffusion inélastique pour laquelle la différence d énergie des photons incidents et diffusés correspond à la création ou la destruction d un quantum de vibration de la molécule (hν hν = ± hω). Ainsi, deux raies inélastiques (Stokes et anti-stokes) apparaissent de part et d autre de la raie élastique (Rayleigh) et correspondent au processus de diffusion inélastique avec création et destruction d un quantum de vibration respectivement (figure 1.8(b)). ± ω ν ν raie Rayleigh Intensité raie Stokes ν ν raie anti-stokes 0 Déplacement Raman ( ω) Fig. 1.8 a) Diagrammes de Feynman illustrant le principe de la diffusion Raman ; b) Spectre Raman schématique, la raie anti-stokes est d intensité faible puisque pour détruire un quantum de vibration, il faut que le mode soit peuplé. Dans la diffusion Raman, le photon incident disparaît et un photon diffusé apparaît. Le processus est décrit à l ordre 2 en perturbation de l hamiltonien dipolaire électrique, et l amplitude de transition s écrit entre un état initial Ψ i et final Ψ f [8] : [ Ψf d E Ψ int, 0 Ψ int,0 d E Ψ ] i T if E int i E int + hω + iη + [ Ψf d E Ψ int, 2 Ψ int, 2 d E Ψ ] i E int i E int hω + iη (1.46) où on somme sur deux types d états intermédiaires, (des états à zéro photon Ψ int,0 pour lesquels le photon incident est absorbé avant l émission du photon diffusé et des états à deux photons Ψ int,0 pour lesquels le photon diffusé est émis avant l absorption du photon incident). L amplitude diffusée est proportionnelle à : T if Ψ f α IJ Ψ i ( ɛ e I )( ɛ e J ) (1.47) où ɛ et ɛ représentent les vecteurs de polarisation des photons incident et diffusé, e I le vecteur unitaire dans la direction Ox I et α IJ, le tenseur de 37

39 polarisabilité électronique, tenseur de rang deux qui traduit la distorsion du mouvement des électrons dans la molécule sous l effet du champ électrique de l onde. Classiquement, le champ induit l apparition d un dipôle : µ I = j α IJ E J Comme pour l absorpion, la partie électronique est la même et l état final ne diffère de l état initial que par la partie vibratoire. On a donc comme amplitude de diffusion Raman : T if ψ vib, f α IJ ψ vib, i (1.48) Les composantes du tenseur de polaribilité se transforment comme les cinq polynômes canoniques de degré 2. Pour le groupe de NH 3, deux composantes (x 2 + y 2 et z 2 ) se transforment comme Γ (1) et deux couples ((xz, yz) et (x 2 y 2, 2xy) se transforment selon la représentation bi-dimensionnelle Γ (3). Les règles de sélection sont similaires à celles de l absorpion infra-rouge : Une transition entre l état vibratoire ψ vib, i de symétrie Γ (i) et l état ψ vib, f de symétrie Γ (f) est autorisée si et seulement si le produit direct de la représentation associée à une composante du tenseur de polarisabilité Γ (α) avec Γ (i) contient la représentation Γ (f). Ici encore, une simplification est obtenue si l état initial est l état fondamental (symétrie Γ (1) ). Seules les transitions vers des états finals dont la symétrie est celle de Γ (α) sont possibles. On voit qu un mode complètement symétrique peut être actif en spectroscopie Raman contrairement à l absorption infra-rouge. 1.4 Groupes continus Définition et généralités Il existe des groupes contenant un nombre infini d éléments caractérisés par une variable continue, comme par exemple le groupe de rotation et le groupe de translation. Dans le groupe des rotations, ces paramètres continus peuvent être les angles d Euler [9, 10] alors que pour le groupe des translations, il s agit des vecteurs de translation. Les notions de sous-groupes, de classes s étendent sans difficulté à ces groupes continus. De même, la notion de représentation (réductible et irréductible) garde tout son sens. Toute représentation irréductible contient un ensemble continu de matrices, mais le nombre de fonctions de base qui se transforment entre elles reste en général fini. En revanche le nombre des différentes représentations irréductibles est infini. Par exemple, les représentations irréductibles du groupe des rotations tridimensionnelles sont associées au moment cinétique. Nous verrons au chapitre 2 que l opérateur rotation dépend du moment cinétique dont les valeurs propres peuvent prendre toutes les valeurs entières ou demi-entières. Pour une valeur du moment cinétique donnée J, il existe (2J +1) fonctions propres différentes se distinguant par la valeur de la projection M J sur l axe 38

40 Oz et qui se transforment entre elles si on effectue une rotation du système. Ces fonctions forment donc une base d une représentation irréductible du groupe caractérisée par J. On constate donc que le groupe des rotations possède une infinité de représentations irréductibles (J=0, 1/2, 1, 3/2, etc.) de dimension finie (2J +1). Nous allons dans le paragraphe suivant montrer comment on peut relier l opérateur de transformation continue à une grandeur conservée. Nous l illustrerons sur l exemple du groupe des translations Opérateur de translation et quantité de mouvement Considérons un système placé dans un potentiel constant. Dans ce cas, l hamiltonien est invariant par translation d un vecteur quelconque. Soit Ψ le vecteur d état caractérisant le système. Si on translate le système d un vecteur a, le vecteur d état devient par définition : où T ( a) est l opérateur de translation. Ψ = T ( a) Ψ (1.49) L invariance par translation s exprime par la relation de commutation : [H, T ( a)] = 0. L ensemble des opérateurs de translation possède une structure de groupe abélien : T ( a)t ( b) = T ( a + b) = T ( b)t ( a) (1.50) Pour éviter les ambiguïtés, on désignera par x l opérateur position et par x une valeur propre de cet opérateur, par exemple : x x + a = ( x + a) x + a (1.51) Pour un déplacement infinitésimal δ x, T (δ x) est au premier ordre un opérateur linéaire en δ x que l on choisit d écrire : T (δ x)) = 1 i k δ x, où k est un opérateur dont on va préciser les propriétés. On peut écrire : T ( a + δ x) = T ( a)t (δ x)) = T ( a)(1 i k δ x) et donc T satisfait l équation différentielle : δt T = i k δ x Comme T ( a) commute avec H, [ k, H] = 0 et k est associé à une constante du mouvement. Nous allons démontrer une propriété très utile de T ( a). Appliquons T ( a) sur un état propre de x : T ( a) 0 = a et donc T ( a) x = x + a ce qui exprime le fait qu une particule initialement au point x se trouvera après translation au point x + a. On obtient alors x T ( a) Ψ = x a Ψ puisque T ( a) = T ( a) (1.52) Ce qui permet d obtenir l équation (1.49) en représentation x : Ψ ( x) = Ψ( x a) (1.53) 39

41 On peut alors calculer facilement [ x, T ( a)] [ x, T ( a)] x = ( x + a) x + a T ( a) x x = ( x + a) x + a x T ( a) x = a T ( a) x ce qui conduit à la relation importante : [ x, T ( a)] = a T ( a) (1.54) On peut désormais montrer que k est proportionnel à la quantité de mouvement p. Considérons une translation infinitésimale T (δ x). D après l équation(1.54), on a : [ x, T (δ x)] = δ x T (δ x) mais on peut également écrire, comme T (δ x) = 1 i k.δ x : [ x, T (δ x)] = iδ x [ x, k] par conséquent [ x, k] = i et donc k = p/ h. k commutant avec l hamiltonien, l invariance par translation conduit à la conservation de la quantité de mouvement. L opérateur translation s écrit donc : T ( a) = exp( ī p. a) (1.55) h On peut facilement déduire de l opérateur de translation infinitésimale la forme de l opérateur p en représentation x : x T (δ x) Ψ = x δ x Ψ = x 1 ī p.δ x) Ψ = Ψ( x δ x) h d où Ψ( x) Ψ( x δ x) = ī h δ x x p Ψ et on retrouve la forme différentielle de p en représentation position : x p Ψ = h i ( x Ψ ) (1.56) La forme explicite de l opérateur translation permet de retrouver l expression de la loi de transformation de l opérateur position (relation 1.9). En effet, pour une translation infinitésimale T (δ a)=1 i/ h p δ a, on a : x = T (δ a) x T (δ a) = (1 ī h p δ a) x (1 + ī p δ a) = x δ a h puisque [ x, p] = i h et pour une translation finie : x = T ( a) x T ( a) = x a 40

42 1.4.3 Groupe et algèbre de Lie Générateurs du groupe Ces résultats peuvent se généraliser à tous les groupes continus ; l opérateur de transformation se met sous la forme d une exponentielle d une observable conservée que l on appelle le générateur du groupe. On vient de vérifier que l invariance par translation conduit à la conservation de la quantité de mouvement qui est donc le générateur du groupe des translations. De même, pour le groupe des rotations (groupe non-abélien en raison de la non-commutativité des rotations), la grandeur conservée est le moment cinétique. Les opérateurs moments cinétiques sont par conséquent les générateurs du groupe des rotations et l opérateur de transformation s écrit (voir Chapitre 2) : T ( ω) = exp( ī h L ω) (1.57) où ω est le vecteur de rotation, sa direction est selon l axe de rotation alors que sa norme correspond à l angle de la rotation. De même l invariance par translation dans le temps constitue un autre groupe continu et conduit à la conservation de l énergie (opérateur H) et à l opérateur d évolution : U(τ) = exp( ī Hτ) (1.58) h Algèbre de Lie Nous verrons pour le groupe des rotations que les générateurs infinitésimaux J i (i=1,2,3) obéissent à des relations de commutation : [J i, J j ] = iε ijk hj k (1.59) où ε ijk est le tenseur complètement antisymétrique par rapport aux permutations des trois indices ; ε ijk vaut +1 si l ordre des indices est direct et vaut 1 dans le cas contraire. Ces relations constituent l algèbre de Lie du groupe des rotations, et les nombres ε ijk sont appelés les constantes de structure de l algèbre de Lie du groupe des rotations. 1.5 Perturbation et symétrie Abaissement de la symétrie La symétrie d un système peut être a priori abaissée par application d une contrainte ou d un champ extérieur. La question d une éventuelle levée de dégénérescence se pose. Le nouveau groupe de symétrie du système est un sous-groupe du groupe de départ, la perturbation (H pert ) pouvant faire disparaître un ou plusieurs éléments de symétrie. Il faut considérer les représentations irréductibles du groupe de l hamiltonien non-perturbé (H 0 ) qui, on le sait, sont associées aux niveaux d énergie éventuellement dégénérés de H 0 et étudier leur réductibilité dans le sous-groupe. Considérons un niveau d énergie E 0 n, associé à la représentation Γ (n) du groupe de H 0. 41

43 Si Γ (n) reste irréductible pour le groupe de H 0 + H pert, la dégénérescence n est pas levée. En revanche, si la représentation se décompose, sur b représentations irréductibles du sous-groupe, alors le niveau d énergie qui lui est associé donne naissance à b niveaux d énergie en présence de la perturbation. Il faut toutefois noter que parfois dans un calcul en perturbation, la levée de dégénérescence n apparaît pas à l ordre le plus bas. On est alors en présence d une dégénérescence accidentelle et il faudra pousser le calcul à un ordre supérieur Exemple Nous allons illustrer l effet de l abaissement de la symétrie sur les niveaux d énergie de la molécule CCl 4. Cette molécule est tétraédrique et appartient au groupe T d. Ce groupe de symétrie cubique contient 24 éléments de symétrie regroupés en 5 classes (l identité E, 8 axes d ordre 3 (rotations de 2π/3 et 4π/3) C 3, 3 axes d ordre 2 (rotations de π) : C 2, 6 axes rotation-réflexion ou rotation impropre d ordre 4 : S 4, et 6 plan de symétrie : σ d. La table des caractères s écrit [5] : T d E 8C 3 3C 2 6S 4 6σ d A A E T T Le groupe T d comprend donc 5 représentations irréductibles que l on note A 1, A 2, E, T 1, T 2 de dimensions respectives 1, 1, 2, 3 et 3. On envoie sur ces molécules des photons X d énergie suffisante pour exciter l électron 1s d un des atomes de Cl et le ioniser. La symétrie de la molécule ionisée CCl + 4 diffère de celle de CCl 4 puisque l atome de Cl excité n est plus équivalent aux trois autres atomes de Cl. Le groupe de symétrie de CCl + 4 ne comporte plus, comme éléments de symétrie, que l identité, 2 rotations d ordre 3 conservant les 3 atomes de Cl équivalents, et 3 plans de symétrie, il est donc identique à celui de NH 3 et sa table des caractères est celle de C 3v : C 3v E 2C 3 3σ v A A E On vient de voir que le groupe C 3v peut être obtenu à partir du groupe T d en éliminant plusieurs symétries. C 3v est donc un sous-groupe de T d. On peut ainsi décomposer les représentations du groupe T d sur les représentations irréductibles du sous-groupe C 3v, en utilisant les règles habituelles de décomposition. Les caractères des représentations irréductibles du groupe T d pour les éléments de symétrie de C 3v sont directement donnés par la table des 42

44 caractères de T d puisque ces éléments de symétrie sont communs aux deux groupes (σ d = σ v ). Par exemple pour la représentation irréductible T 2, on a : C 3v E 2C 3 3σ v T Les règles de décomposition donne facilement : T 2 (T d ) = E(C 3v ) A 1 (C 3v ) de même on trouve pour les autres représentations irréductibles de T d : T 1 (T d ) = E(C 3v ) A 2 (C 3v ) A 1 (T d ) = A 1 (C 3v ) A 2 (T d ) = A 2 (C 3v ) Quelque soient les degrés de liberté considérés (niveaux électroniques, vibrationnels, etc.), les états d énergie de CCl 4 ont la symétrie des représentations irréductibles du groupe T d, c est à dire la symétrie de A 1, A 2, E, T 1 ou T 2. Lorsque la molécule est ionisée par emission d un électron de coeur d un atome de chlore, la dégénérescence des niveaux est susceptible d être modifiée puisque la symétrie de la molécule change. Ainsi, les états de symétrie A 1 et A 2 restent évidemment non dégénérés de même que les états de symétrie E restent doublement dégénérés ; en revanche, la dégénérescence des états de symétrie T 1 et T 2 est levée et chaque niveau donne un doublet et un singulet. Cet exemple démontre qu un abaissement de symétrie peut avoir des effets variés sur le spectre en énergie d un système, la dégénérescence pouvant être levée pour certains niveaux et inchangée pour d autres. Il illustre clairement la puissance de la théorie des groupes en montrant qu une analyse relativement économique de la symétrie du problème permet d obtenir les éventuelles levées de dégénérescence. 1.6 La parité Il existe, en plus de l invariance par rotation et par translation, une opération de symétrie importante qui peut laisser un hamiltonien inchangé : il s agit de l inversion qui consiste à changer le sens des axes de coordonnées et donc à transformer un point M(x, y, z) de l espace en un point M ( x, y, z). Cette opération est équivalente à une rotation de π suivie d une réflexion par rapport au miroir perpendiculaire à l axe de rotation. L invariance par inversion est associée à la conservation d une quantité appelée la parité et est étroitement liée à la symétrie gauche-droite des lois de la nature. Introduisons l opérateur parité P dont l action sur une fonction d onde est telle que : P Ψ( r) = Ψ( r) (1.60) 43

45 Les fonctions propres de cet opérateur, définies par P ψ( r) = pψ( r), sont soit des fonctions paires soit des fonctions impaires des coordonnées. En effet comme P 2 est l identité, la valeur propre p vaut 1 ou -1 ; on désigne les états pairs par la lettre g (de l allemand gerade) et les états impairs par la lettre u (ungerade). L invariance de l hamiltonien par inversion ([H, P ] = 0) conduit à la loi de conservation de la parité. L intérêt de ce concept est double. D une part, il permet de caractériser les états, pairs ou impairs, d un objet (molécule, cristal, etc.) qui présente un point d inversion. D autre part, la parité apparaît comme une symétrie des interactions fondamentales. C est ainsi que la notion de droite-gauche est conventionnelle et résulte d un choix complètement arbitraire comme l est celui du sens d un trièdre direct. En effet, l image dans un miroir d une expérience de physique, du moins pour des expériences relevant de la gravitation ou de électromagnétisme, obéit aux mêmes lois physiques. L exemple de la figure 1.9 illustre cette propriété d invariance. Le sens de l intensité de la boucle de courant est inversé, ce qui conduit à inverser le champ magnétique. Nous sommes donc incapable de dire si nous regardons une expérience directement ou son image dans un miroir. Attention toutes les interactions fondamentales ne conservent pas la parité. En effet, l interaction faible viole cette loi de conservation, ce qui a été suggéré par Lee et Yang en 1956 [11] et magistralement démontré en 1957 par l expérience de Wu et al. [12] sur la désintégration β de noyaux de 60 Co. Nous reviendrons sur ce point au chapitre 6. Champ magnétique miroir Champ magnétique Fig. 1.9 Image dans un miroir d une boucle de courant et du champ magnétique associé. Le moment cinétique orbital d une particule L commute avec l opérateur parité puisque l inversion change à la fois le signe des coordonnées et des opérateurs de dérivation. Un système peut donc avoir L, M et la parité définis simultanément. De plus la parité d un état ne dépend pas de la valeur de M. Pour le démontrer considérons l élément de matrice de [P, L + ] = 0 entre un état L, M + 1 et un état L, M : L, M + 1 (P L + L + P ) L, M = h L(L + 1) M(M + 1) ( L, M + 1 P, M + 1 L, M P L, M ) = 0 44

46 et donc les éléments de matrice de P ne dépendent pas de la valeur de M. Cette symétrie est importante car elle introduit des règles de sélection suivant la parité pour les éléments de matrice de grandeurs physiques. Considérons les opérateurs scalaires. On distingue les opérateurs scalaires (qui ne changent pas lors d une inversion) des opérateurs pseudo-scalaires (qui changent de signe). Un opérateur scalaire est tel que seuls les éléments de matrice entre états de même parité peuvent être non nuls alors que pour des opérateurs pseudo-scalaires seuls les états de parités différentes peuvent être couplés. En effet considérons un opérateur scalaire A S ; on a [A S, P ] = 0. Si on considère l élément de matrice entre un état pair, Ψ g, et un état impair, Ψ u, on a : Ψ g A S P P A S Ψ u = 2 Ψ g A S Ψ u = 0 et donc l élément de matrice d un opérateur scalaire quelconque entre états de parités différentes est nulle (un raisonnement similaire permet de trouver la règle de sélection inverse pour les opérateurs pseudo-scalaires). De la même façon, les opérateurs vectoriels associés aux vecteurs polaires (qui changent de signe par inversion) n ont d éléments de matrice non nuls qu entre états de parités différentes alors que les opérateurs associés aux vecteurs axiaux (qui sont invariants par inversion) n ont d éléments de matrice non nuls qu entre états de même parité. Pour terminer, il faut noter que la parité de l état d une particule de moment cinétique L est donnée par ( 1) L, c est à dire que les états à L pair sont pairs et ceux à L impair sont impairs 3. En effet, en coordonnées sphériques, l inversion conduit à r r, θ π θ, et φ φ+π. Les propriétés des harmoniques sphériques permettent d obtenir : Y m l (θ, φ) = ( 1) l Y m (π θ, φ + π). Nous allons terminer cette section sur la parité par quelques considérations sur le groupe de l inversion et la notion de produit direct d un groupe avec le groupe de l inversion. Le groupe de l inversion, C i, possède deux éléments : l identité E et l inversion I, il admet deux représentations irréductibles de dimension 1. Sa table de caractère est la suivante : l C i E I A g 1 1 A u 1-1 L opérateur inversion change la parité et commute donc avec tout opérateur associé à une opération propre, c est à dire conservant le sens du trièdre de référence. Considérons un groupe ne contenant que des éléments propres, par exemple le groupe appelé C 2 constitué de l identité E et d une rotation de π, notée C 2. On peut construire un nouveau groupe C 2h par le produit direct du groupe C 2 avec le groupe C i : C 2h = C 2 C i. Ce groupe contient 2 2 éléments : EE, EI, C 2 E, C 2 I, où C 2 I correspond à une réflexion par 3 Attention, pour un système à n particules carctérisées par leur moment cinétique individuel l i, la parité n est pas associée au moment cinétique total L. En revanche, elle est donnée par le produit des parités de chaque particule, c est à dire par ( 1) i l i. 45

47 rapport à un plan perpendiculaire à l axe d ordre 2 et est noté σ h. La table des caractères de C 2h s obtient très facilement à partir de celles de C 2 et de C i : C 2h E C 2 I σ h A g B g A u B g On double ainsi le nombre de représentations irréductibles et celles-ci ont une parité bien définie. 1.7 Le renversement du temps Généralités Nous avons vu qu il existait une symétrie discrète : l inversion spatiale qui laisse la plupart des lois physiques invariantes. Il en va de même pour une autre symétrie discrète : le renversement du temps. Celle ci consiste à renverser le sens du temps et donc à changer les vitesses en leurs opposées sans affecter la position des particules. En mécanique classique, la loi fondamentale de la dynamique, faisant apparaître une dérivée seconde, est invariante par renversement du temps. Cette invariance se manifeste par l existence de deux solutions aux équations du mouvement correspondant à la fonction r(t) et à la fonction r(t) renv. r( t). Par exemple, en choisissant une origine des temps (O) quelconque on a pour deux points A et B de la trajectoire : r(t) p(t) r renv. (t) p renv. (t) A r(t 1 ) p(t 1 ) r( t 1 ) p( t 1 ) O r(0) p(0) r(0) p(0) B r(t 2 ) p(t 2 ) r( t 2 ) p( t 2 ) En d autres termes, les équations du mouvement sont symétriques par renversement du temps. A la trajectoire r(t) (sens croissant du temps) correspond la trajectoire r( t) (sens décroissant du temps) pour laquelle les vitesses et les impulsions sont renversées. Une situation similaire est rencontrée en mécanique quantique. En effet, si Ψ( r, t) est solution de l équation de Schrödinger, il est facile de voir que Ψ( r, t) n est pas une solution avec la même énergie. En revanche, la fonction Ψ ( r, t), conjuguée complexe satisfait l équation de Schrödinger. Considérons, une particule sans spin dont l hamiltonien est : H = p2 + V ( r) (1.61) 2m Si le potentiel est réel, H l est également (systèmes conservatifs), c est à dire qu il transforme une fonction réelle en une fonction réelle. A partir de l équation de Schrödinger, Ψ( r, t) HΨ( r, t) = i h t (1.62) 46

48 si on transforme t en -t et si on prend le complexe conjugué, on obtient : HΨ ( r, t) = i h Ψ ( r, t) ( t) = i h Ψ ( r, t) t (1.63) Puisque H = H. Par conséquent un état Ψ évolue temporellement avec +t exactement comme l état Ψ avec t. Considérons les états stationnaires de l équation : Ψ( r, t) = Ψ( r, 0) e iet/ h. La symétrie par renversement du temps implique que Ψ et Ψ ont même énergie. En effet, on a : Ψ ( r, t) = Ψ ( r, 0) e iet/ h (1.64) Cette propriété a des conséquences importantes. Si Ψ est Ψ sont linéairement indépendants, on a deux fonctions différentes de même énergie et l invariance par renversement du temps introduit alors une dégénérescence essentielle. L objectif de cette partie est de préciser les conditions qui conduisent à une telle dégénérescence. Il faut également noter qu un champ extérieur peut briser l invariance par renversement du temps. Considérons un atome dans un état caractérisé par un moment cinétique J. L invariance par rotation conduit à la dégénérescence des 2J + 1 états propres de J z de valeur propre M J avec J M J +J. L invariance par renversement du temps ne conduit alors à aucune dégénérescence supplémentaire. En effet, le renversement du temps renverse la vitesse et le moment cinétique des particules et transforme un état J, M J en J, M J, deux états déjà dégénérés par invariance par rotation. Qu advient-il si on applique un champ suivant Oz? La symétrie est abaissée et seule l invariance par rotation autour de Oz subsiste. On a alors un groupe abélien et donc les états sont a priori non dégénérés. Il faut alors considérer le renversement du temps. Considérons l application d un champ électrique extérieur. L hamiltonien est l interaction dipolaire électrique, nous avons vu que pour un seul électron, il s écrit : H int = q r E La position de l électron restant inchangée par renversement du temps, H int est invariant. Par ailleurs, comme l état J, M J se transforme en l état J, M J sous l effet du renversement du temps, ces deux états doivent posséder la même énergie, c est ce que l on trouve dans l effet Stark. On constate que dans ce cas le renversement du temps conduit à la dégénérescence des états de valeurs de M J opposées. La situation est différente si on applique un champ magnétique. En effet, cette fois l interaction est de nature dipolaire magnétique : H int = g J µ B / h J B Cette fois, comme le renversement du temps transforme J en J, l hamiltonien d interaction n est plus invariant. Le champ magnétique extérieur a donc brisé la symétrie par renversement du temps. Dans ce cas, les états J, M J et J, M J ne sont pas dégénérés (E = ±g J µ B BM J, effet Zeeman). Bien entendu, l invariance par renversement du temps est restaurée si on intégre le champ magnétique dans le système puisque ce champ, créé 47

49 par des courants, est également inversé par le renversement du temps ce qui conduit à l invariance de l hamiltonien dipolaire magnétique. Contrairement aux autres opérateurs de transformation qui sont des opérateurs linéaires et unitaires, l opérateur associé au renversement du temps est antilinéaire. Ces opérateurs obéissent à des règles mathématiques différentes et il faut les manipuler avec beaucoup de précaution. Nous allons, dans la partie suivante, rappeler les propriétés des opérateurs antilinéaires et construire l opérateur renversement du temps L opérateur renversement du temps Les opérateurs antiunitaires Les opérateurs unitaires et antiunitaires (unitaires et antilinéaires) jouent un rôle important en mécanique quantique, notamment en raison du théorème de Wigner qui établit que les opérateurs de symétrie sont soit unitaires soit antiunitaires. Nous allons dans cette partie rappeler et résumer les principales propriétés des opérateurs antilinéaires. Un opérateur antilinéaire A est défini par son action sur une combinaison linéaire de vecteurs d états : A(λ 1 ϕ 1 + λ 2 ϕ 2 ) = λ 1A ϕ 1 + λ 2A ϕ 2 (1.65) L algèbre des opérateurs antilinéaires rappelle celle des opérateurs linéaires, toutefois elle s en distingue sur de nombreux points. Il faut noter qu ils anticommutent avec des scalaires (complexe) : Par ailleurs, l action sur les bras est la suivante : Ac = c A (1.66) (λ 1 ϕ 1 + λ 2 ϕ 2 )A = λ 1 ϕ 1 A + λ 2 ϕ 2 A (1.67) ce qui donne l identité entre produit scalaire : ( ϕ 1 A) ϕ 2 = [ ϕ 1 (A ϕ 2 )] (1.68) où on constate que la position des parenthèses, qui indiquent sur quel état on applique l opérateur A, est fondamentale. Le produit de deux opérateurs antilinéaires est un opérateur linéaire : (A 1 A 2 )c ϕ = A 1 c A 2 ϕ = c(a 1 A 2 ) ϕ Enfin, on définit l opérateur adjoint A d un opérateur antilinéaire A : A ϕ est le ket conjugué de ϕ A quel que soit ϕ. Cela conduit à l identité : ϕ 1 (A ϕ 2 ) ϕ 2 (A ϕ 1 ) (1.69) Enfin, un opérateur antiunitaire est antilinéaire et unitaire, c est à dire qu il vérifie comme les opérateurs unitaires : AA = A A = 1 48

50 Un exemple typique d opérateurs antilénaires est la conjugaison complexe K 0 qui transforme une fonction en son complexe conjugué. L application de K 0 sur des opérateurs linéaires permet de distinguer les opérateurs réels, par exemple r, des opérateurs imaginaires purs comme p = i h. Ainsi, on a : K 0 r K 0 = r et K 0 p K 0 = p Renversement du temps pour une particule sans spin Appelons T l opérateur renversement du temps. Nous allons le définir par son action sur les variables dynamiques, en particulier sur la position et la vitesse d une particule. Le renversement du temps n affectant pas la position, mais changeant de signe la quantité de mouvement, nous avons donc : T r T = r et T p T = p (1.70) On impose donc à l opérateur T de commuter avec l opérateur position et d anticommuter avec l opérateur quantité de mouvement. De même, le moment cinétique se transforme selon : T ( r p) T = ( r p) (1.71) L opérateur renversement du temps s identifie, dans le cas d une particule sans spin, avec l opérateur de conjugaison complexe K 0. Celui-ci vérifie : K 2 0 = 1 et K 0 = K 0 (1.72) Pour un hamiltonien réel, on a H( r, p) = H( r, p) et le renversement du temps est une symétrie de l hamiltonien de sorte que l on peut écrire : [H, T ] = 0 (1.73) L action de T = K 0 sur l équation de Schrödinger donne : ) K 0 (H Ψ(t) = K 0 (i h ) t Ψ(t) (1.74) ce qui conduit à : ( ) H K 0 Ψ(t) = i h t (K 0 Ψ(t) ) = i h t (K 0 Ψ( t) ) (1.75) Comme pour les systèmes conservatifs, H( r, p) ne dépend pas explicitement du temps, HK 0 Ψ(t) = HK 0 Ψ( t) et K 0 Ψ( t) est solution de l équation de Schrödinger si l état Ψ(t) est lui même solution. K 0 Ψ( t) peut donc être considéré comme l état dynamique du système à l instant t obtenu par renversement du temps. Il est facile de voir que l opérateur renversement du temps commute avec toutes les transformations d espace (translation, réflexion, rotation). En effet, pour une rotation infinitésimale d angle δϕ autour de u, on a : ( T 1 i( L. u)δϕ/ h ) T = 1 + i(t L T. u)δϕ/ h = 1 i( L. u)δϕ/ h ce qui donne pour une rotation finie : T e i( L u)ϕ/ h T = e +i(t ( L u) T )ϕ/ h = e i( L u)ϕ/ h (1.76) 49

51 Renversement du temps dans le cas général Pour généraliser le renversement du temps sur des particules avec spin, il faut considérer son effet sur les variables de spin. Le spin étant un moment cinétique, il vérifie : T s T = s (1.77) Pour construire l opérateur renversement du temps, il est encore utile de considérer l opérateur de conjugaison complexe associée à la représentation ({ r, s z }). Les matrices de Pauli de s x et s z étant réelles alors que celle de s y est imaginaire, on a : K 0 s x K 0 = +s x, K 0 s y K 0 = s y et K 0 s z K 0 = +s z (1.78) Les opérateurs T et K 0 étant antilinéaires, leur produit définit un opérateur linéaire R : R = T K 0 (1.79) Compte tenu des propriétés de K 0 (K 0 = K 0 ), on a R = K 0 T et on obtient : ainsi que : R s x R = s x, R s y R = +s y et R s z R = s z (1.80) R r R = r, et R p R = p (1.81) On constate que R est proportionnel, à un facteur de phase près, à l opérateur de rotation du spin seul d un angle π autour de Oy. Par conséquent, on choisira d écrire, R = e iπsy/ h. Pour une particule de spin un-demi, on a donc la relation entre les opérateurs renversement du temps et conjugaison complexe : T = is y K 0 (1.82) Il faut noter que le renversement du temps sur les états propres de s z conduit à : T + = is y + = et T = is y + = + (1.83) de sorte que : T ( ) φ( r) + + χ( r) = φ ( r) χ( r) + (1.84) On peut étendre ce résultat à un système de N particules. Si K 0 est la conjugaison complexe attaché à la représentation { r 1, s z1 r 2, s z2... r N, s zn } et T le produit tensoriel des opérateurs renversement du temps de chaque particule, on a : T = e iπsy/ h K 0 (1.85) où S y = s yi. On retrouve la même difficulté qu avec les rotations pour les spin demi-entiers. En effet, on a T 2 = e i2πsy/ h K0 2, c est à dire que pour un nombre impair de spin un-demi on a T 2 = 1 alors que pour un nombre pair T 2 = +1. Pour que l hamiltonien commute avec le renversement du temps dans le cas général où H dépend explicitement des variables de spin, il faut que les 50

52 termes de couplage fassent intervenir un nombre pair de moments cinétiques. C est le cas par exemple du couplage spin-orbite ( l i s i ) ou des couplages spin-spin ( s i s j ). En revanche, ce n est pas le cas du couplage Zeeman dans un champ extérieur pour lequel l hamiltonien est seulement linéaire en moment cinétique et change donc de signe par renversement du temps. Par ailleurs, on étend la notion de conjugaison complexe au cas des systèmes avec spin. On dit que deux opérateurs sont conjugués complexes s ils sont transformés l un de l autre par renversement du temps, le complexe conjugué de l opérateur Q est donc : T Q T (1.86) De même, Ψ et T Ψ sont appelés vecteurs conjugués complexes. Dans le cas où T 2 = 1, la conjugaison complexe est une correspondance réciproque et on définit un vecteur réel par : T φ = φ (1.87) En revanche, dans le cas où T 2 = 1, φ et T φ sont orthogonaux quel que soit φ (il n existe pas dans ce cas de vecteur réel) puisque nous avons : φ (T φ ) φ (T φ ) = φ (T φ ) = 0 (1.88) Principe de microréversibilité Nous avons vu que si un hamiltonien H est réel, le renversement du temps est une symétrie du problème, c est à dire que [H, T ] = 0. Cela revient à postuler que l évolution d un système est réversible. Ainsi, si Ψ(t) = U(t, 0) Ψ (1.89) décrit l évolution d un système où U(t, 0) = exp ( i/ h Ht) est l opérateur d évolution, alors : T U( t, 0) Ψ (1.90) est également une évolution possible. Il faut noter que : Par ailleurs, on a la relation : U( t, 0) = exp( ī h Ht) = U(t, 0) (1.91) T U(t, 0) T = T ( i h Ht) n T = (i h Ht) n n! n! n=0 n=0 = U(t, 0) (1.92) puisque les termes impairs dans le développement sont des imaginaires purs (T ( ih) T = ih) et les termes pairs des réels (T H 2 T = H 2 ). 51

53 Théorème de Kramers Nous avons vu que le renversement du temps pouvait être à l origine d une dégénérescence supplémentaire. Pour cela, il faut que Ψ et T Ψ soient linéairement indépendants et représentent ainsi deux états différents, de même énergie puisque [H, T ] = 0. On vient de montrer que, pour un système constitué d un nombre impair de spin un-demi, T 2 = 1, c est à dire que T 2 Ψ = Ψ. Cette propriété conduit au théorème de Kramers qui énonce que pour un système composé d un nombre impair de spin demientier, tous les niveaux d énergie sont au moins doublement dégénérés. C est ce qu on appelle la dégénérescence de Kramers. La démonstration est simple. En effet, dans ce cas T Ψ et Ψ sont des états complexes conjugués et donc orthogonaux. En effet, supposons que T Ψ = c Ψ. Comme T 2 = 1, on a : T 2 Ψ = c T Ψ = c c Ψ = Ψ (1.93) à cause des propriétés antilinéaires de T. On a donc c 2 = 1 ce qui est impossible. Par conséquent, T Ψ et Ψ sont linéairement indépendants Représentation et coreprésentation Pour tenir compte de l invariance par renversement du temps, il est tentant d inclure l opérateur T dans le groupe des opérateurs de transformations spatiales. Toutefois, T (antilinéaire) est de nature différente des autres opérateurs (linéaires) et cela conduit à des difficultés quasi-incontournables. En raison du caractère antiunitaire de l opérateur de renversement du temps, il n est pas possible de construire des représentations matricielles usuelles pour un groupe comportant des transformations d espace R, décrites par des opérateurs linéaires P R et l opérateur renversement du temps T. En effet, on peut toujours définir des matrices D(T R) permettant de décrire l action de T P R : T P R Ψ µ = Ψ λ D(T R) λµ (1.94) λ Considérons le produit de la transformation T P Ri avec la transformation P Rj. On a : T P Ri P Rj Ψ µ = Ψ λ D(T R i R j ) λµ (1.95) λ En développant on peut écrire : ) ( ) T P Ri (P Rj Ψ µ = T P Ri Ψ ν D(R j ) νµ ν = Ψ λ D(T R i ) λν D(R j ) νµ (1.96) λ,ν en raison du caractère antilinéaire de T P Ri. On constate que, contrairement aux matrices de représentations usuelles, on a : D(T P Ri P Rj ) = D(T R i )D(R j ) D(T R i )D(R j ) (1.97) 52

54 en effet, si on considère une base Ψ (j) k d une représentation D(j), associée à une symétrie spatiale, on peut former un ensemble d états en appliquant l opérateur T : T Ψ (j) k = Ψ(j) k. Ces nouveaux états se transforment suivant Γ (j). En effet, on peut écrire : P R Ψ (j) k = P RT Ψ (j) k = T P R Ψ (j) k = T λ Ψ (j) λ D(j) (R) λk = λ (T Ψ (j) λ )D(j) (R) λk = λ Ψ (j) λ D(j) (R) λk (1.98) où on a utilisé la commutation des opérateurs T et P R. On ne peut donc pas utiliser la théorie habituelle des représentations. Les matrices D(T R) ont été appelées par Wigner des co-représentations. La question est de savoir quand une dégénérescence essentielle est introduite par le renversement du temps, c est à dire quand Ψ (j) λ et Ψ(j) λ sont linéairement indépendants. Ce point a été étudié en détails par Wigner qui a montré qu il suffisait de considérer les matrices des opérations spatiales D(R) et D(R). En effet, si l ensemble des fonctions ( Ψ (j) 1, Ψ(j) 2,..., Ψ(j) n,) constitue la base d une représentation D (j) associée à un niveau d énergie E, alors l ensemble des fonctions obtenues par renversement du temps (T Ψ (j) 1, T Ψ(j) 2,..., T Ψ(j) n,) forme une base de la représentation complexe conjuguée D (j) associée à la même énergie. Pour des particules sans spin, ce résultat est trivial puisque l opérateur T s identifie à l opérateur de conjugaison complexe K 0. Pour des particules de spin 1/2, l action de T sur les deux états de spin donne : T + = et T = + (1.99) et l ensemble (, + ) constitue une base de la représentation D (1/2) du groupe de rotation. Trois cas de figure se présentent : a) D et D sont équivalentes à la même représentation irréductible réelle, a) D et D sont inéquivalentes, c) D et D sont équivalentes mais ne peuvent pas être rendues réelles. Deux représentations conjuguées D et D sont équivalentes, si et seulement si, leur caractères sont réels. La dégénérescence dépend aussi du théorème de Kramers et donc de la nature entière ou demi-entière du spin. Frobenius et Schur ont établi un critère ou test qui permet, à partir des caractères, de distinguer les différents cas de figure. +h cas a χ (j) (R 2 ) = 0 cas b R h cas c Ce test et les caractéristiques des représentations D et D permettent de déterminer l effet du renversement du temps sur la dégénérescence. Les résultats sont résumés dans le tableau suivant : 53

55 cas a critère de Frobenius h b 0 c -h relation entre D et D S entier S demi-entier D et D réelles pas de dég. dég. double et équivalentes suppl. D et D dég. double dég. double inéquivalentes D et D non réelles pas de dég. dég. double et équivalentes suppl. On constate que pour les cas a et c, le renversement du temps peut éventuellement donner, selon le caractère entier ou demi-entier du spin, une dégénérescence supplémentaire. Dans le cas b en revanche, les états Ψ (j) λ et Ψ (j) λ sont linéairement indépendants de sorte que le renversement du temps introduit une dégénérescence que le spin soit entier ou demi-entier. Ces règles peuvent être justifiées de la façon suivante. cas a : D et D sont équivalentes à une même représentation irréductible réelle. ( Ψ (j) 1, Ψ(j) 2,..., Ψ(j) n,) et (T Ψ (j) 1, T Ψ(j) 2,..., T Ψ(j) n,) sont bases de la même représentation réelle D. Il faut examiner si Ψ (j) α et T Ψ (j) α sont linéairement indépendants. Supposons T Ψ (j) 1 = c Ψ(j) 1. On a donc : T 2 Ψ (j) 1 = c 2 Ψ (j) 1. Pour des spins entiers, T 2 = +1 et il n y a pas de problème. En revanche, pour des spins demi-entiers T 2 = 1 et les états ne peuvent pas être linéairement indépendants d où une dégénérescence supplémentaire. cas b : D et D sont inéquivalentes. Les bases ( Ψ (j) 1, Ψ(j) 2,..., Ψ(j) n,) et (T Ψ (j) 1, T Ψ(j) 2,..., T Ψ(j) n,) sont linéairement indépendantes et une dégénérescence apparaît quel que soit la valeur du spin. cas c : D et D sont inéquivalentes mais non réelles. Examinons la possibilité que Ψ (j) 1, Ψ(j) 2,..., Ψ(j) n, et T Ψ (j) 1, T Ψ(j) 2,..., T Ψ(j) n, soient linéairement dépendantes, c est à dire qu on ait : T Ψ (j) α = β M αβ Ψ (j) β (1.100) en appliquant T sur les deux membres, on a : ± Ψ (j) α = β MαβT Ψ (j) β = MαβM βγ Ψ (j) γ (1.101) βγ avec le signe pour les spins demi-entiers et + pour les spins entiers. L orthogonalité des états conduit à : M αβm βγ = ±δ αγ (1.102) ou de façon équivalente : M.M = ±1 (1.103) 54

56 qui signifie que M est soit symétrique, soit antisymétrique. Dans le cas de spins entiers, M est symétrique ce qui voudrait dire que l on peut transformer D en D avec une matrice symétrique. Comme cela n est pas possible, les deux bases ne peuvent pas être linéairement indépendantes et une dégénérescence double apparaît. En revanche, pour des spins demi-entiers, M.M = 1. Comme on peut transformer D en D avec une matrice antisymétrique, il n apparaît pas de dégénérescence supplémentaire. Nous allons illustrer ces résultats sur un exemple. Considérons le cas du groupe C 3. Ce groupe est un sous-groupe du groupe C 3v, celui de la molécule NH 3 que nous avons étudiée plus haut. Seules subsistent les deux rotations de 2π/3 et 4π/3 ; par conséquent C 3 est un groupe abélien dont la table des caractères est la suivante : C 3 E C 3 C3 2 A B 1 ω ω 2 B 1 ω 2 ω avec ω = exp(2πi/3). Comme attendu pour un groupe abélien on obtient 3 représentations unidimensionnelles (c est à dire non dégénérées). Les représentations B et B sont inéquivalentes et ne sont pas réelles. Appliquons le critère de Frobenius-Schur à ces représentations : Σ R χ(r 2 ) = 1+ω+ω 2 = 0. D après le tableau ci-dessus, le groupe C 3 doit présenter donc une dégénérescence double quel que soit le système envisagé (spin entier ou demi-entier). Le renversement du temps conduit à introduire, à la place des représentations B et B, une représentation bi-dimensionnelle (E). Toutefois, aucune opération spatiale du groupe ne permet de passer d une fonction de base de B à celle de B. Physiquement, on peut comprendre la formation de la représentation dimensionnelle E en remarquant qu une rotation de 4π/3 équivaut à une rotation de 2π/3, c est à dire à une rotation de +2π/3 dans le sens inversé du temps. En revanche, si on applique un champ magnétique extérieur, on abaisse la symétrie puisque le renversement du temps n est plus une symétrie du problème. Dans ce cas, les états propres de B ne sont plus transformés dans ceux de B, la représentation E se décompose alors suivant les représentations B et B, et la dégénérescence est levée. Nous avons vu que la symétrie par renversement du temps joue un rôle particulier. En effet, le caractère antilinéaire de l opérateur qui lui est associé ne permet pas de traiter le renversement du temps comme les autres opérateurs de symétrie en particulier les opérateurs géométriques. L impossibilité de construire de véritables représentations introduit de nouvelles difficultés. Toutefois, le critère de Frobénius permet de lever certaines de ces difficultés en identifiant les cas où le renversement du temps conduit à une dégénérescence supplémentaire. Il faut noter qu il faut généralement distinguer le cas des spins entiers et demi-entiers. 55

57 Chapitre 2 Le groupe de rotation. Application à l atome. Nous avons vu dans le chapitre 1 que l espace est doté de propriétés remarquables : l homogénéité et l isotropie, c est à dire que ses propriétés sont les mêmes en tout point et que toutes les directions sont équivalentes. On a donc invariance par translation et rotation. Les deux groupes de symétrie correspondant sont des groupes continus et on peut leur associer des lois de conservation : conservation de la quantité de mouvement pour les translations et moment cinétique pour les rotations. Ces quantités conservées apparaissent comme les générateurs des opérateurs de symétrie (algèbre de Lie). La première partie de ce chapitre sera consacrée à l invariance par rotation et aux propriétés du moment cinétique. Nous mettrons l accent sur les liens entre le moment cinétique et les représentations irréductibles du groupe des rotations. Nous présenterons les relations entre le groupe SO(3) et le groupe SU(2). Nous montrerons également que la combinaison des moments cinétiques apparaît simplement comme une décomposition d un produit direct de représentations irréductibles du groupe. Nous discuterons dans la deuxième partie le théorème de Wigner-Eckart qui permet de calculer les éléments de matrice des opérateurs tensoriels. Enfin, nous utiliserons les différents aspects de l invariance par rotation, rotation d un seul électron, rotation des variables orbitales des électrons et rotation des variables orbitales et de spin, pour discuter le modèle de l atome de Russel-Saunders dans la section Invariance par rotation Généralités Le moment cinétique est une grandeur fondamentale en physique au même titre que l énergie ou la quantité de mouvement. La raison du rôle prépondérant de ces grandeurs est leur invariance dans l évolution temporelle d un système physique. En mécanique classique, elles constituent des intégrales premières du mouvement et en mécanique quantique, elles sont associées à des opérateurs qui commutent avec l hamiltonien. Ainsi, la conser- 56

58 vation du moment cinétique d un système isolé (ou soumis à un potentiel central) résulte de l isotropie de l espace. Toutes les directions étant équivalentes, une rotation d un angle quelconque d un système laisse son énergie inchangée. Cette conservation du moment cinétique simplifie le traitement des systèmes invariants par rotation. Ainsi on montre que pour le problème de Keppler ou pour l atome d hydrogène, il est possible de séparer les variables en se plaçant en coordonnées sphériques. Il ne reste qu à résoudre une équation unidimensionnelle associée à la variable radiale. Ces considérations sont très utiles en physique atomique puisque les atomes constituent des systèmes isolés invariants par rotation d un angle quelconque. Toutefois, c est le moment cinétique total qui est conservé et non les moments cinétiques individuels des électrons. En effet, l interaction entre électrons introduit un terme non central dans l hamiltonien qui brise l invariance par rotation des variables d un seul électron. De plus, l introduction des moments de spin et des corrections relativistes (couplage spinorbite) conduit à une modification de la symétrie : seules les rotations des variables d espace et des variables de spin laissent l atome invariant. cela justifie l introduction du moment cinétique total de l atome, somme des moments cinétiques orbital et de spin. Cette invariance par rotation est perdue lorsqu on place un atome dans une molécule ou dans un cristal ou bien encore lorsqu on soumet un atome à une perturbation de symétrie plus basse que la symétrie sphérique. C est le cas par exemple d un atome plongé dans un champ électrique ou magnétique uniforme (symétrie cylindrique). L abaissement de symétrie pourra être utilisé pour prédire les éventuelles levées de dégénérescence puisque le groupe de symétrie du système perturbé constitue un sous-groupe du groupe des rotations Les rotations géométriques Les générateurs des rotations Comme nous l avons déjà rappelé dans le chapitre 1, le groupe de rotation est un groupe continu non-abélien. Ce caractère est illustré sur la figure 2.1 où nous comparons les deux compositions de rotations de π/2 autour de Ox et Oy. Cette figure montre que la loi de composition des rotations n est pas commutative (R x (π/2) R y (π/2) R y (π/2) R x (π/2)). Par ailleurs, le groupe continu des rotations est également organisé en classe, comme pour les groupes finis. En effet, on peut montrer que toutes les rotations d un même angle appartiennent à la même classe quel que soit l axe de rotation. Une rotation R fait correspondre à un point r de l espace un point r tel que r = R r où R est une matrice 3 3 traduisant l effet de la rotation sur les coordonnées du vecteur position. Par exemple, pour une rotation de θ autour de Oz, la matrice R est : R( u z, θ) = R( θ) = cos θ sin θ 0 sin θ cos θ

59 Fig. 2.1 Composition de deux rotations de π/2 autour de Ox et Oy. On vérifie que R x (π/2) R y (π/2) R y (π/2) R x (π/2). On peut l exprimer sous une forme différente en considérant une rotation infinitésimale δθ. En effet, les composantes de r se transforment selon : x = x y δθ y = y + x δθ (2.1) z = z que l on peut résumer par la relation vectorielle : En appelant δx = x x : r = r + iδθ e z r (2.2) δx = y δθ δy = +x δθ δz = 0 ce qui s écrit sous forme matricielle : δx 0 δθ 0 δy = δθ 0 0 δz Si on appelle J z la matrice : on obtient la relation : J z = 0 i 0 i x y z (2.3) (2.4) 3 δx i = iδθ (J z ) ij x j (2.5) j=1 58

60 De même on obtiendrait des relations similaires pour des rotations infinitésimales suivant Ox et Oy : i J x = 0 0 i et J y = (2.6) 0 i 0 i 0 0 Remarques i) Le générateur des rotations ( J ) apparaît comme une grandeur vectorielle et une matrice! C est en fait un tenseur antisymétrique de rang 2 comme tout vecteur axial (ou pseudo-vecteur) qui reste invariant par parité contrairement aux vecteurs polaires qui changent de signe. ii) On remarque que J 2 x + J 2 y + J 2 z donne, à un facteur deux près, la matrice identité. Une rotation d angle fini peut être considérée comme la succession d une infinité de rotations infinitésimales (δθ = θ/n) : x i = lim 3 N j=1 [ 1 i θ ] N N (J z) ij La matrice de rotation peut s écrire formellement : R( u z, θ) = lim N [1 i θ N (J z)] N = 3 x j = R( θ) ij x j (2.7) j=1 ( iθ) k (J z ) k = e iθjz (2.8) k! k=0 Ce résultat se généralise à une rotation quelconque autour d un axe u, la matrice de rotation s écrivant alors : R( u, θ) = e iθ J. u = e iθ(uxjx+uyjy+uzjz) (2.9) où u=(u x, u y, u z ) est un vecteur unitaire 1.Il faut noter que J est un vecteur dont les composantes sont des matrices 3 3 qui vérifient les relations de commutation : [J x, J y ] = ij z (2.10) comme nous l avons vu au chapitre 1, les trois J i et leurs relations de commutation constituent l algèbre de Lie du groupe des rotations. Elles reflètent l isotropie de l espace et le caractère non commutatif des rotations. En effet, considérons les rotations infinitésimales R x (dα) et R y (dα ) et la différence R x R y R y R x. On obtient facilement que : R x (dα) y (dα ) R x (dα)r y (dα ) = 0 dαdα 0 dαdα = R z (dαdα ) 1 confirmant que, pour des rotations infinitésimales, R x R y R y R x est proportionnelle à R z comme attendu à partir des relations de commutations de J. 1 Attention, cette expression ne signifie pas que la rotation de l angle θ autour de u est la composée d une rotation de θ u x autour de Ox, θ u y autour de Oy et θ u z autour de Oz, car ces trois rotations ne commutent pas. On rappelle que e A e B e A+B lorsque [A, B] 0. 59

61 On peut vérifier facilement que le développement de l exponentielle 2.8 permet de retrouver la forme habituelle de la matrice de rotation : R( u z, θ) = e iθjz = 1 + iθ J z + (iθ)2 Jz θ 0 = θ = cos θ sin θ 0 sin θ cos θ θ 2 / θ 2 / Exercice 1) Chercher la base qui diagonalise J z. L équation aux valeurs propres : λ i 0 i λ λ = λ 3 + (i 2 )λ = 0 indique que les 3 valeurs propres sont : 1, 0 et +1. 2) Montrer que les vecteurs propres sont : e +1 = 1 2 ( e x + i e y ), e 0 = e z et e 1 = 1 2 ( e x i e y ). On retrouve la représentation sphérique du vecteur position ( (x + iy), z et x iy). Interprétation géométrique des relations de commutation Soit deux rotations infinitésimales d angle α suivant Ox (R x (dα)) et d angle α suivant Oy (R y (dα )). Notons que l inverse d une rotation est la rotation d angle opposé, c est à dire R 1 (dα) = R( dα). Par conséquent, la succession de rotations suivante : R y ( dα ) R y (dα ) R x (dα) R x ( dα) vaut l identité. Inversons l ordre des deux rotations R y (dα ) R x (dα) et considérons le produit : R y ( dα ) R x (dα) R y (dα ) R x ( dα) (2.11) Le groupe des rotations n étant pas abélien, cette succession ne donne pas l identité mais une rotation infinitésimale dont l angle est proportionnel au produit dα dα. En effet, si dα=0, la succession des quatre rotations donne l identité. La rotation résultante doit donc être proportionnelle, à l ordre le plus bas, à dα. De façon symétrique, elle est également proportionnelle à dα. Comme les rotations infinitésimales sont proportionnelles aux composantes du moment cinétique suivant l axe de rotation, nous allons montrer que la différence entre les deux successions de rotations est proportionnelle au commutateur [L x, L y ]. Nous allons dans un premier temps déterminer le produit des quatre rotations (relation (2.11)). Pour calculer l effet de ces rotations sur le vecteur 60

62 position, il suffit de se limiter au premier ordre par rapport à dα et dα séparément. La première rotation conduit à : R x ( dα) r = r dα e x r l effet de la deuxième transforme le vecteur obtenu en : R y (dα ) R x ( dα) r = ( r dα e x r) + dα e y ( r dα e x r) = r dα e x r + dα e y r dα dα e y ( e x r) L action de la troisième rotation R x (dα) donne, en ne gardant que le terme d ordre 1 en dα et en développant les doubles produits vectoriels : R x (dα) R y (dα ) R x ( dα) r = r + dα [ e y r ] + dα dα e x ( e y r) e y ( e x r) = r + dα e y r + dα dα ( e z r) enfin, la dernière rotation conduit à la somme de ce vecteur et de son produit vectoriel par dα e y. Au premier ordre en dα, le produit vectoriel se réduit à dα e y r de sorte que l on a : R y ( dα ) R x (dα) R y (dα ) R x ( dα) r = r + dα dα ( e z r) = R z (dα dα ) r On en conclut que le caractère non-abélien du groupe des rotations conduit à : R y ( dα ) R x (dα) R y (dα ) R x ( dα) = R z (dα dα ) (2.12) Dans l espace de Hilbert, nous avons vu que chaque rotation est représentée par un opérateur unitaire, par exemple la rotation R x (dα) est représentée par P Rx(dα) =1 ī h dα L x. La relation entre rotations est représentée par : [1 + ī h dα L y ][1 ī h dαl x][1 dα ī h L y][1 + ī h dαl x] = [1 + ī h dαdα L z ] (2.13) qui après développement et en identifiant les termes en dαdα se réduit à la relation de commutation des composantes du moment cinétique : [L x, L y ] = i h L z Rappel sur le moment cinétique L invariance par rotation qui traduit l isotropie de l espace, conduit à la conservation du moment cinétique. En mécanique quantique, le moment cinétique n est pas un vecteur comme en mécanique classique mais un opérateur vectoriel dont les composantes ne commutent pas deux à deux. Alors que le moment cinétique d une particule par rapport à un point O est défini classiquement par L = r p. L opérateur moment cinétique orbital est obtenu à partir du produit des deux opérateurs position et quantité de mouvement. En coordonnées cartésiennes, il s écrit : L x = h i [y z z y ] L y = h i [z x x z ] (2.14) L z = h i [x y y x ] 61

63 En raison des relations de commutation particulières de r et de p, les composantes du moment cinétique satisfont les relations suivantes [13] : [L x, L y ] = i hl z [L y, L z ] = i hl x (2.15) [L z, L x ] = i hl y Ces relation définissent l algèbre de Lie du groupe et toutes les propriétés du moment cinétique en sont des conséquences directes. Comme nous l avons vu au chapitre 1, le moment cinétique peut être considéré comme le générateur des rotations, c est à dire que pour une rotation infinitésimale d angle δϕ autour de l axe Oz, l opérateur de rotation s écrit : P δϕ = 1 ī h δϕl z (2.16) de sorte que l opérateur L z possède la forme différentielle suivante : L z = h i ϕ (2.17) Les opérateurs et leurs états propres Lorsqu il n y a pas d équivalent classique, on définit un moment cinétique J par les relations de commutation de ses composantes : [J x, J y ] = i hj z [J y, J z ] = i hj x (2.18) [J z, J x ] = i hj y On définit également l opérateur J 2 =J 2 x +J 2 y +J 2 z représentant la norme au carré du moment cinétique. L opérateur J 2 commute avec ses trois composantes, ce qu on écrit symboliquement par [J 2, J] = 0. Il existe donc des états propres communs à J 2 et à l une de ses composantes (on choisit arbitrairement J z ). Ces états propres de J 2 et de J z ( τ, J, M ) forment une base orthonormée de l espace des états E (τ représente les autres nombres quantiques du problème considéré). On a : avec J 2 τ, J, M = J(J + 1) h 2 τ, J, M et J z τ, J, M = M h τ, J, M τ, J, M τ, J, M = δ τ,τ δ J,J δ M,M On définit des opérateurs de montée et de descente J + = J x + ij y et J = J x ij y. On peut montrer facilement que ces opérateurs obéissent aux relations : J + τ, J, M = h J(J + 1) M(M + 1) τ, J, M + 1 J τ, J, M = h J(J + 1) M(M 1) τ, J, M 1 62

64 Ils permettent, dans un sous-espace associé à une valeur de J donné, de passer d un état caractérisé par M aux états caractérisés par M ± 1 ; on en déduit que les valeurs de M sont limitées, en effet : J + τ, J, J = J τ, J, J = 0 A partir des relations de commutation du moment cinétique, on peut établir les propriétés suivantes (nous appelons E(τ, J), l espace des états engendré par les états τ, J, M avec τ et J fixés) [14] : i) J est un nombre entier ou demi-entier positif ou nul, ii) pour une valeur de J donnée, il existe 2J + 1 valeurs de M comprises entre -J et +J : (M = J, J + 1,..., J 1, J)) de sorte que la dimension du sous-espace E(τ, J) vaut 2J + 1, iii) E(τ, J) est invariant sous l effet de J 2, J z et J ±, iv) dans la restriction de l espace des états à E(τ, J), les éléments de matrice d une fonction quelconque de J sont indépendants de τ, v) E est la somme directe des E(τ, J). Remarques : Les relations de commutation montrent que le nombre quantique J ne peut prendre que des valeurs entières et demi-entières, mais elles ne permettent pas de résoudre complètement le problème des valeurs propres, à savoir déterminer quelles sont les valeurs de J effectivement présentes dans le spectre du moment cinétique pour un système donné. Ainsi, pour les degrés de liberté internes, seules certaines valeurs de J sont rencontrées (par ex. J=1/2 pour le spin de l électron) alors que pour le moment orbital, toutes les valeurs entières de 0 à sont possibles. Les états à valeurs entières et demi-entières ont un comportement très différent lors d une rotation de 2π. Alors que pour J entier, on retrouve l état de départ, un changement de signe est observé pour les états à J demi-entier. Ce comportement résulte de l existence de 2 opérateurs de rotation associés à une rotation finie pour J demi-entier et nécessite l introduction de la notion de groupe double et de représentation bi-valuée Représentations du groupe des rotations En mécanique quantique, la rotation agit sur les entités mathématiques de la théorie (vecteurs d état et observables) par un opérateur P R : Ψ = P R Ψ et A = P R AP 1 R (2.19) Considérons un système à une particule décrit par la fonction d onde Ψ( r) ; la fonction d onde du système tourné est telle que : Ψ ( r ) = P R Ψ( r) = Ψ(R 1 r) (2.20) Les différentes propriétés du moment cinétique que nous avons rappelées ci-dessus peuvent s interpréter dans le cadre de la théorie des groupes. En effet, nous avons montré que les espaces E(τ, J) sont irréductibles vis à vis des rotations ce qui signifie que les 2J +1 vecteurs d états se transforment les uns dans les autres par application d une fonction quelconque de J. On peut 63

65 donc définir des représentations irréductibles, de nombre infini, associées à chaque valeur de J. Leur dimension est 2J + 1 et les τ, J, M en forment une base. Ces états se transforment suivant la loi : avec P R τ, J, M = M D (J) M M (R) τ, J, M (2.21) D (J) M M (R) = τ, J, M P R τ, J, M Ces représentations irréductibles (notées D (J) ) sont donc indexées par la valeur de J qui est entier ou demi-entier. Pour une rotation d angle α autour de Oz, la représentation est diagonale dans la base standard : e ijα e i(j 1)α... 0 D (J) = e ijα et leur caractère est donc : ce qui donne : 2J χ (J) (α) = T rd (J) = e ijα (e ijα ) k = e ijα ei(2j+1)α 1 e ijα 1 k=0 = ei(j+1/2)α e i(j+1/2)α e iα/2 e iα/2 χ (J) (α) = sin (J + 1/2)α sin α/2 (2.22) Le caractère ne dépendant pas de la base, il est le même pour toute rotation d angle α quel que soit l axe de la rotation. Pour un groupe continu, le grand théorème d orthogonalité s écrit : dr D (J 1) M 1 M (R)D (J 2) 1 M 2 M (R) = δ J 1,J 2 δ M1,M 2 δ M 1,M 2 2 2J dr (2.23) La dimension des représentations irréductibles donne directement la dégénérescence des niveaux d énergie. Un hamiltonien invariant par rotation sera diagonal par bloc, chaque bloc étant caractérisé par une valeur de J. La dégénérescence des niveaux est donc 2J + 1 ce qui montre que l énergie ne dépend pas de M J. On peut également démontrer ce résultat à partir de l algèbre des opérateurs du moment cinétique. Considérons un opérateur A (hamiltonien ou autre) commutant avec le moment cinétique et donc satisfait la relation [A, J + ] = 0. L élément de matrice de [A, J + ] entre les états τ, J, M et τ, J, M + 1 doit être nul : τ, J, M + 1 (AJ + J + A) τ, J, M = h ( J(J + 1) M(M ) + 1) τ, J, M + 1 A τ, J, M + 1 τ, J, M A τ, J, M = 0 d où on déduit que les éléments de matrice de A ne dépendent pas de la valeur de M. Ce résultat traduit simplement l indépendance des propriétés 64

66 physiques en fonction de l orientation dans l espace. Une représentation irréductible (un moment cinétique J donné) peut apparaître plusieurs fois dans le spectre des valeurs propres de l hamiltonien. Il s agit d états de même symétrie mais qui se distinguent par les autres nombres quantiques. Ainsi dans l atome d hydrogène, des états l = 1 (états p) existent pour différentes valeurs du nombre quantique principal et donc différentes valeurs de l énergie (états 2p, 3p etc.) Combinaison des moments cinétiques Comme nous l avons mentionné au chapitre 1, l addition de deux moments cinétiques est associée au produit direct de deux représentations irréductibles du groupe des rotations : au moment j 1, on associe la représentation irréductible, notée D (j 1), de dimension 2j 1 + 1, et au moment j 2, la représentation irréductible, notée D (j 2), de dimension 2j Le système total est décrit par un vecteur de dimension (2j 1 + 1) (2j 2 + 1) obtenu à partir de produits tensoriels des états propres des deux moments cinétiques : j 1, m 1 j 2, m 2 produits qui forment une base d une représentation (D) de dimension (2j 1 + 1) (2j 2 + 1) qui se construit à partir du produit direct des représentations irréductibles D (j 1) et D (j 2) : D(R) = D (j 1) (R) D (j 2) (R) D est généralement réductible (il faut que j 1 0 et j 2 0) et peut être décomposée sur les représentations irréductibles du groupe, c est à dire : D (j 1) (R) D (j 2) (R) = J a j1 j 2 J D (J) où les D (J) sont les représentations irréductibles de dimension 2J + 1 dont les J, M sont les vecteurs de base. pour déterminer les coefficients a j1 j 2 J, on utilise les règles des caractères, c est à dire : χ(r) = χ (j 1) (R)χ (j 2) (R) = J a j1 j 2 J χ (J) Pour une rotation d angle α autour de Oz, les matrices D (j) (R) sont diagonales dans la base standard et le calcul des caractères donne simplement : χ (j1) (R)χ (j2) (R) = M=+J e i(m 1+m 2 )α = a j1 j 2 J e imα. m 1,m 2 J=0 M= J Il apparaît immédiatement que M j 1 + j 2 et donc que a j1 j 2 J = 0 pour J > j 1 + j 2. La détermination des a j1 j 2 J non nuls est un peu plus délicate. Comme il n y a qu une façon d obtenir M = j 1 + j 2 (m 1 = j 1 et m 2 = j 2 ), on conclut que a j1 j 2 J=j 1 +j 2 = 1. En revanche, il y a deux façons d obtenir M = j 1 +j 2 1 (m 1 = j 1 et m 2 = j 2 1 ou m 1 = j 1 1 et m 2 = j 2 ). Comme une des façons provient du terme J = j 1 + j 2, on obtient a j1 j 2 J=j 1 +j 2 1 = 1. 65

67 On procède de même jusqu à J = j 1 j 2. Cette décomposition en représentations irréductibles : D (j 1) (R) D (j 2) (R) = j 1 +j 2 J= j 1 j 2 D (J) (2.24) permet de retrouver la loi de composition des moments cinétiques, à savoir que l addition de deux moments cinétiques conduit à un moment cinétique total dont la valeur est comprise entre j 1 j 2 et j 1 + j Les groupes SO(3) et SU(2) Topologie du groupe des rotations Comme nous l avons vu, les opérateurs moments cinétiques sont les générateurs du groupe des rotations. Ce groupe continu est défini par une algèbre de Lie qui est formée par les relations de commutation des composantes du moment cinétique. Les rotations dans l espace peuvent être paramétrées par la donnée de trois paramètres (par exemple, les trois angles d Euler ou un vecteur unitaire et un angle) et s expriment par des matrices orthogonales à coefficients réels de déterminant égal à +1. Par exemple, la matrice de rotation d angle θ autour de Oz s écrit : R( e z, θ) = R( θ) = cos θ sin θ 0 sin θ cos θ Ces matrices forment un groupe appelé SO(3) (O pour orthogonal et S pour spécial (det=+1)). Ces matrices 3 3 permettent de transformer les vecteurs lors d une rotation. SO(3) est donc également la représentation vectorielle du groupe des rotations d un espace à 3 dimensions. L algèbre du groupe est fixé par l algèbre des générateurs du groupe, les moments cinétiques. Les représentations du groupe décrivent comment se transforment lors des rotations les grandeurs mathématiques associées aux propriétés physiques. Ces grandeurs peuvent être de dimension arbitraire, une dimension pour un scalaire, trois pour un vecteur ou plus pour des tenseurs. Pour construire une représentation de dimension N du groupe des rotations (matrices N N), il suffit en principe d obtenir une représentation de l algèbre du groupe, c est à dire d avoir trois matrices hermitiennes N N, associées aux trois composantes du moment cinétique, vérifiant les relations de commutation. On comprend alors que les représentations irréductibles seront obtenues à partir des sousespaces vectoriels invariants par rotation qui sont engendrés par les états propres du moment cinétique ( J, M ). Ces représentations irréductibles seront caractérisées par les valeurs possibles de J. A priori, J est un entier ou un demi entier. Toutefois, les conditions de continuité de la fonction d onde, Ψ(r, θ, ϕ) = Ψ(r, θ, ϕ+2π), interdisent les valeurs demi-entières, pour les rotations dans l espace et donc pour le groupe SO(3). En effet, une rotation de 2π sur les degrés de spin d une particule de spin demi-entier, n est pas égale à l identité, et conduit à un changement de signe de l état. En conclusion, les représentations irréductibles de SO(3) correspondent seulement aux valeurs 66

68 de J entières et les harmoniques sphériques en constituent une base. Toutefois, il est possible de définir des représentations de dimension (2J + 1) pair, par exemple, de dimension 2 pour décrire le comportement des spineurs lors des rotations. On cherche trois matrices 2 2 qui vérifient l algèbre du groupe. Ce sont les matrices de Pauli ( S = h 2 σ) dont on rappelle la forme : σ x 2 = 1 2 ( ), σ y 2 = 1 ( 0 i 2 i 0 ), σ z 2 = 1 ( ) (2.25) Les matrices de cette représentation U( u, α), correspondant aux rotations d angles α autour de l axe de rotation suivant u (figure 2.2), sont : U( u, α) = exp( i σ. α ( cos α 2 ) = 2 iu ) z sin α 2 (iu x + u y ) sin α 2 ( iu x + u y ) sin α 2 cos α 2 + iu z sin α 2 (2.26) où les u i sont les cosinus directeurs de l axe de la rotation u = u x e x + u y e y + u z e z ( e i est le vecteur unitaire dans la direction Ox i ). En les exprimant à partir des angles θ et ϕ, on peut ré-écrire les matrices sous la forme : U( u, α) = exp( i σ. α ( cos α 2 ) = 2 i cos θ sin ) α 2 i sin θ e iϕ sin α 2 i sin θ e iϕ sin α 2 cos α 2 + i cos θ sin α 2 Fig. 2.2 Rotation d angle α autour de l axe u. La matrice U( u, α) est une matrice 2 2 unitaire (U) à coefficients complexes de déterminant égal à +1. L ensemble de ces matrices forment le groupe SU(2). L algèbre des générateurs du groupe SU(2) est la même que pour les générateurs de SO(3) (mêmes relations de commutation des composantes du moment cinétique qui décrivent les rotations infinitésimales et constituent l algèbre de Lie). Cela signifie qu au voisinage de la transformation identique, les deux groupes agissent de la même manière et qu ils sont localement isomorphes. Néanmoins, la topologie des deux groupes est différente (SU(2) est simplement connexe alors que SO(3) est doublement connexe) et les deux groupes ne sont pas isomorphes. En effet, représentons 67

69 Fig. 2.3 Pour SO(3), le domaine des paramètres des rotations est une boule de diamètre 2π (B(2π)) alors que pour SU(2), c est une boule de diamètre 4π (B(4π)). A une rotation de SO(3) d angle α, on associe deux rotations de SU(2) d angles α et 2π α. une rotation par un vecteur dont la direction est l axe de rotation et le module, l angle de la rotation. L espace des paramètres de SO(3) correspond à une boule de rayon π puisque pour une direction donnée, les rotations possibles sont comprise entre -π et +π. Comme R( u, α + π) = R( u, π α), toute rotation d angle supérieur à π est égale à une rotation d angle inférieur à π suivant u. Ainsi, à la surface de la boule, R( u, π)=r( u, π), et donc, pour le groupe de SO(3), deux points opposés (aux antipodes l un de l autre) correspondent à la même rotation et doivent être identifiés. L espace des paramètres de SO(3), qui est connexe, n est pas simplement connexe puisque un chemin, partant d un point intérieur de la boule arrivant à la surface et repartant du point opposé pour revenir au point de départ ne peut pas être déformé de façon continue pour être ramené à un point. En revanche, pour le groupe SU(2), la topologie est différente puisque R( u, π) R( u, π). On peut alors considérer que l espace des paramètres est une boule de diamètre 4π. Une rotation de 4π ramène le système dans le même état (exp( ī h ( h 2 ) 4π)=1). Les points de la surface, qui représentent les rotations de 2π, ne correspondent pas à la matrice identité mais à son opposé. Ainsi à chaque rotation d angle α de SO(3) (α < π), on peut associer deux rotations de SU(2), l une d angle α et l autre, d angle α 2π (figure 2.3). On a donc une correspondance bivaluée entre éléments de SO(3) et SU(2). D un point de vue topologique, SU(2) est simplement connexe puisque un chemin fermé peut être réduit en un point par une déformation continue. Les représentations irréductibles de SU(2), caractérisées par une valeur de J demi-entière, sont donc bivaluées. En effet, au produit de deux rotations de SO(3), R 1 R 2, on associe le couple ±U 1 U 2 obtenu à partir des matrices unitaires ±U 1 et ±U 2 de SU(2) représentant les rotations R 1 et R 2. L application qui envoie un élément U de SU(2) sur l élément R(U) de SO(3) est un homomorphisme. SO(3) peut ainsi être considéré comme une représentation de SU(2). En effet, considérons la matrice hermitique 2 2 de trace 68

70 nulle suivante : M = ( z x + iy ) x iy z avec x, y et z réels. On peut écrire cette matrice à partir des matrices de Pauli : M = xσ x + yσ y + zσ z = r. σ, avec de plus x i = 1/2 T r(mσ i ). L effet d une rotation sur cette matrice va s exprimer à partir des matrices (U) du groupe SU(2) selon : M = U( u, θ)mu( u, θ) 1 (2.27) M est toujours hermitique et de trace nulle. On peut donc l écrire sous la forme : M = r σ. Cherchons la matrice R U qui envoie r sur r, c est à dire r = R U r. La rotation R U conserve le déterminant de M (detm = (x 2 + y 2 + z 2 ) = detm ) et par conséquent, R U qui permet de passer de r à r, appartient au groupe SO(3) des rotations dans l espace. On peut facilement construire la matrice R U de SO(3) à partir de celle (U) de SU(2). En effet, les composantes de r vérifient : x i = 1 2 T r(m σ i ) = 1 2 T r( r σu 1 σ i ) = 1 T r(uσ j U 1 σ i )x j (2.28) 2 j comme, x j = (R U) ij x j, on a : (R U ) ij = 1 2 T r(σ ju 1 σ i ) (2.29) Par exemple, la rotation d angle θ autour de Oz correspond dans SU(2) à la matrice : ( ) e iθ/2 0 U( e z, θ) = exp( iθσ z /2) = 0 e iθ/2 (2.30) ce qui donne, pour R U, en utilisant l équation (2.29) : R U = cos θ sin θ 0 sin θ cos θ = exp( iθj z ) (2.31) En revanche, comme aux matrices U( u, θ) et U( u, θ + 2π) = U( u, θ) est associé le même élément de SO(3) (R(U)=R(-U)), SU(2) n est pas une représentation de SO(3) (figure 2.4). On a donc bien seulement un homomorphisme SU(2) SO(3). En résumé, à chaque rotation de l espace, on associe une matrice des représentations D (j) de SO(3) (j entier) mais deux matrices U et U de la représentation D (1/2), ou plus généralement des représentations D (j) pour j demi-entier, d où le caractère bi-valué de ces représentations. 69

71 Fig. 2.4 Illustration de l homomorphisme SU(2) SO(3) : aux deux matrices U( u, θ) et U( u, θ + 2π) = U( u, θ) est associée la même matrice R( u, θ) de SO(3). Spineurs On appelle spineurs, des objets à deux composantes qui se transforment lors d une rotation suivant les matrices de SU(2) : ( z 1 z 2 ) = U( u, θ) ( z1 z 2 ) (2.32) Les états des particules de spin un-demi sont des spineurs. Soit Ψ un état physique d une telle particule. On peut le projeter sur la base r, s où s désigne la composante du spin suivant Oz (s = ±1/2 = ±) pour obtenir la quantité : Ψ s ( r) = r, s Ψ que l on note : [Ψ( r)] = alors que spineur adjoint s écrit : [Ψ( r)] = ( Ψ+ ( r) Ψ ( r) ) ( ) Ψ +( r) Ψ ( r) (2.33) Ainsi, si on considère deux états physiques Ψ et Φ, leur produit scalaire vaut : Φ Ψ = d 3 r Φ s( r) Ψ s( r) = d 3 r [Φ( r)] [Ψ( r)] s Enfin, un spineur se transforme, lors d une rotation, selon la matrice de SU(2) correspondante pour la partie de spin, et selon la loi de transformation habituelle de la fonction d onde : ( Ψ + ( r) Ψ ( r) ) = ( cos α 2 iu z sin α 2 (iu x + u y ) sin α 2 ( iu x + u y ) sin α 2 cos α 2 + iu z sin α 2 ) ( Ψ+ (R 1 r) Ψ (R 1 r) Cette expression est similaire à celle trouvée pour la loi de transformation d un champ vectoriel, les composantes tournées du spineur s obtiennent à partir d une combinaison linéaire des composantes de départ mais elles doivent être considérés au point R 1 r (rotation de l espace et des composantes). ) 70

72 2.1.7 Les matrices de rotations Les angles d Euler Une rotation d un solide dans l espace à trois dimension peut être définie par la donnée d un vecteur définissant l axe de rotation et de l angle de rotation autour de cet axe. On peut également paramétrer une rotation par la donnée de trois angles : les angles d Euler. Nous allons brièvement rappeler la définition de cette paramétrisation. Considérons un système d axes orthogonaux O, xyz. Une rotation définie par les angles d Euler α, β, γ résulte de la succession de trois rotations (figure 2.5) : i) rotation de l angle α autour de Oz, l axe Oy se transforme en Oy ii) rotation de l angle β autour de Oy, l axe Oz se transforme en Oz iii) rotation de l angle γ autour de Oz, de sorte que la rotation s écrit : R(α, β, γ) = R z (γ) R y (β) R z (α) On peut voir (ce n est pas très facile) que si on veut décrire la même rotation par des rotations successives par rapport aux axes fixes (Oy et Oz), on doit effectuer les rotations de mêmes angles mais dans un sens inversé, c est à dire : i) une rotation d angle γ autour de Oz, ii) une rotation d angle β autour de Oy, iii) et finalement une rotation d angle α autour de Oz, on peut donc écrire : R(α, β, γ) = R z (α) R y (β) R z (γ) Fig. 2.5 Succession des rotations définissant les angles d Euler. Les directions du système d axe sont successivement transformées, par exemple dans les directions Ox, Ox et Ox pour Ox. Nous démontrerons cette équivalence plus bas dans le cadre de la mécanique quantique en utilisant les opérateurs de rotations. Cette décomposition en fonction de rotations autour des axes fixes Oy et Oz est particulièrement 71

73 utile en mécanique quantique puisqu elle fait intervenir les composantes du moment cinétique (générateurs des rotations) du système d axes fixes. On peut calculer aisément la matrice de rotation R(α, β, γ) : cos γ cos β cos α sin γ sin α sin γ cos β cos α cos γ sin α sin β cos α cos γ cos β cos α + sin γ sin α sin γ cos β sin α + cos γ cos α sin β sin α cos γ sin β sin γ sin β cos β Rappelons que cette matrice permet de calculer la transformation des composantes d un vecteur dans l espace à trois dimension : V = R V ou en notation matricielle V j = i R ji V i (2.34) où V i est la composante du vecteur V sur le vecteur e i de la base orthonormée ( e x, e y, e z ). On peut également écrire : V = i R (V i e i ) = i V i (R e i ) = i V i e i e i est donc le vecteur transformé du vecteur de base e i. En projetant la relation précédente sur le vecteur e j, on obtient : e j V = V j = i V i e j e i En confrontant avec le relation (2.34), on obtient : R ji = e j e i (2.35) Pour calculer les éléments de matrice de R(αβγ), il suffit donc de déterminer comment se transforment les vecteurs de base. Par exemple, considérons le vecteur e x. Son transformé par la rotation R z (α) vaut : cos γ e x + sin γ e y La deuxième rotation (R y (β)) transforme le vecteur obtenu en : cos γ(cos β e x sin β ey) + sin γ e z et enfin après la dernière rotation, R z (γ), on obtient : (cos γ cos β cos α sin γ sin α) e x +(cos γ cos β cos α+sin γ sin α) e y cos γ sin β e z on trouve ainsi la première colonne de R(α, β, γ). Enfin, notons, que la rotation inverse vaut : R 1 (αβγ) = R( γ, β, α) c est à dire qu elle consiste à effectuer la succession des rotations dans le sens inverse avec des angles opposés. En effet, on a R(αβγ) R( γ, β, α) = R z (α) R y (β) R z (γ) R z ( γ) R y ( β) R z ( α) = 1. 72

74 Opérateurs de rotation Nous avons vu que dans l espace de Hilbert, une rotation est représentée par un opérateur unitaire P R. L algèbre des opérateurs permet d exprimer une rotation quelconque, paramétrée par les angles d Euler, par une succession de rotations autour des axes fixes. L opérateur associé à la rotation R(α, β, γ) peut s exprimer à partir des rotations individuelles et des générateurs correspondant : P R(α,β,γ) = P Rz (γ)p Ry (β)p Rz (α) = e iγj z / h e iβj y / h e iαj z/ h Comme l axe Oy est le transformé de l axe Oy par la rotation R z (α), l opérateur J y peut être déduit de J y par la rotation d angle α autour de Oz (relation (1.7)) : J y = P Rz (α) J y P R z(α) = e iαj z/ h J y e +iαj z/ h Le développement de l opérateur P Ry (β) = e iβj y / h : e iβj y / h = ( iβj y / h) n = n! n=0 n=0 ( iβ/ h) n (e iαjz/ h J y e +iαjz/ h ) n n=0 = e iαjz/ h ( iβj y / h) n e +iαjz/ h (2.36) n! = e iαj z/ h e iβj y/ h e +iαj z/ h L opérateur de rotation P Ry (β) peut donc s écrire : P Ry (β) = e iαjz/ h P Ry (β) e +iαjz/ h n! ce qui donne : P R(α,β,γ) = e iγj z / h e iαj z/ h e iβj y/ h (2.37) On transforme de la même façon l opérateur J z qui est obtenu à partir J z par application successive des rotations R z (α) et R y (β) : J z = e iβj y / h (e iαjz/ h J z e +iαjz/ h ) e +iβj y / h = e iβj y / h J z e +iβj y / h d où : P Rz (γ) = e iγj z / h = e iβj y / h P Rz (γ) e +iβj y / h et en utilisant l équation (2.36) : P Rz (γ) = e iαj z/ h e iβj y/ h e +iαj z/ h P Rz(γ) e iαj z/ h e +iβj y/ h e +iαj z/ h ce qui, d après la relation (2.37), conduit à l expression : P R(α,β,γ) = e iαjz/ h e iβjy/ h e iγjz/ h = P Rz(α)P Ry(β)P Rz(γ) (2.38) On constate bien que la rotation définie par les angles d Euler est équivalente à une succession de rotations autour des axes fixes mais dans l ordre inverse. 73

75 Matrices de représentation Le sous-espace E(τ, J) est invariant par rapport aux rotations, il est dit irréductible. Chaque opérateur P R est représenté dans le sous-espace E(τ, J) par une matrice de dimension 2J + 1 indépendante des nombres quantiques τ. les éléments de matrice s écrivent : D (J) MM (αβγ) = J, M P R(αβγ) J, M = J, M e iαj z/ h e iβj y/ h e iγj z/ h J, M = e iαm J, M e iβj y/ h J, M e iγm (2.39) = e iαm d (J) MM e iγm où les d (J) MM sont les éléments de matrice de la rotation d angle β suivant Oy. La matrice d (1/2) (β) n est bien sûr pas diagonale et il faut la déterminer pour toute valeur de J. Calculons la matrice de représentation d (1/2) (β), c est à dire pour J =1/2. Dans le sous-espace E(τ, J =1/2), J y s écrit : J y = h 2 ( 0 i i 0 et ses vecteurs propres, que l on note + y et y, s expriment dans la base standard : 2 + y = ( 1/2, 1/2 + i 1/2, 1/2 ) 2 2 y = ( 1/2, 1/2 i 1/2, 1/2 ) 2 On calcule les éléments de matrice d (1/2) MM, en projetant sur les états propres de J y. Par exemple, d (1/2) MM = J, M + y e iβ/2 y + J, M + J, M y e iβ/2 y J, M ) ce qui permet d obtenir : d (1/2) (β) = ( cos β 2 sin β 2 sin β 2 cos β 2 ) (2.40) le caractère bi-valué des représentations du groupe des rotations pour J demi-entier conduit à deux matrices unitaires de SU(2) (d (1/2) (β) et d (1/2) (β)) correspondant toutes deux à la rotation de SO(3) d angle β autour de Oy : R y (β) = cos β 0 sin β sin β 0 cos β (2.41) On constate que pour la représentation d (1/2), l angle moitié β/2 apparaît dans les éléments de matrice et est à l origine du caractère bi-valué. Comme d (1/2) (β) est une matrice unitaire et réelle, elle satisfait : d (1/2) (β) = ( 1) M M d (1/2) M, M (β) = d (1/2) M, M(β) = d(1/2) M M ( β) (2.42) 74

76 Elle conduit, pour la matrice de la représentation D (1/2) de la rotation R(αβγ) dans la base standard, à : ) D (1/2) (αβγ) = ( e i(α+γ)/2 cos β 2 e i(α γ)/2 sin β 2 e i(α γ)/2 sin β 2 e i(α+γ)/2 cos β 2 (2.43) Les matrices d (J) (β) peuvent être obtenues, pour J quelconque, à partir de la composition des moments cinétiques. Toutefois, cette méthode n est efficace que pour des petites valeurs de J. Le principe est simple. En effet, nous avons vu que la composition des moments cinétiques conduit au produit direct des représentations irréductibles : D (j 1) D (j 2) = j 1 +j 2 J= j 1 j 2 D (J) (2.44) Considérons les éléments de matrice de l opérateur de rotation (d angle β suivant Oy) sur la base des états propres des moments j 1 et j 2 : d (j 1) m 1 m 1 = d (j 2) m 2 m 2 = j 1, j 2, m 1, m 2 P Ry (β) j 1, j 2, m 1, m 2 j 1 +j 2 J J= j 1 j 2 M,M = J j 1, j 2, m 1, m 2 J, M d (J) MM J, M j 1, j 2, m 1, m 2 où d (J) MM = J, M P Ry (β) J, M. De même, en projetant la relation (2.44) sur les états propres du moment total J, on peut exprimer inversement les éléments de matrice d (J) MM en fonction de ceux de D (j 1) et de D (j 2) : d (J) MM = J, M P Ry(β) J, M = j 1 j 2 m 1,m 1 m 2,m 2 j 1, j 2, m 1, m 2 J, M d (j 1) m 1 m d (j 2) 1 m 2 m 2 J, M j 1, j 2, m 1, m 2 Illustrons cette méthode en calculant d (J) (β) pour J = 1. Les éléments de matrice de d (1) MM s écrivent : d (1) 11 = d(1/2) ++ d (1/2) ++ = (1 + cos β)/2 ( d (1/2) ++ d (1/2) ) + + = d (1) 2 10 = 2 d (1) 1 1 = d(1/2) + d (1/2) + = (1 cos β)/2 etc. 2 2 sin β de sorte que l on peut écrire : 1 d (1) 2 (1 + cos β) 2 2 sin β 1 2 (1 cos β) (β) = 2 2 sin β cos β 2 2 sin β (2.45) 1 2 (1 cos β) 2 2 sin β 1 2 (1 + cos β) J étant entier il n y a pas d ambiguïte sur le signe et une seule matrice d (1)(β) est associé à la rotation R y (β). En utilisant la relation (2.39), on obtient la 75

77 matrice représentant la rotation R(αβγ) : e i(α+γ) e D (1) 2 (1 + cos β) iα 2 e 2 sin β i(α γ) 2 (1 cos β) (αβγ) = e iγ 2 2 sin β cos β eiγ 2 2 sin β e i(α γ) e 2 (1 cos β) iα 2 e 2 sin β i(α+γ) 2 (1 + cos β) (2.46) La formule de Wigner Wigner a démontré une formule générale donnant les matrices d (J) (β) pour toutes une valeur quelconque de J, que nous rappelons sans démonstration : d (J) MM (β) = [(J + M)!(J M)!(J + M )!(J M )!] 1/2 s ( 1) s (cos β 2 )2J+M M 2s ( sin β 2 )M M+2s (J M s)!(j + M s)!(m M + s)!s! (2.47) où on doit sommer sur toutes les valeurs entières de s pour lesquelles les factoriels de l équation sont plus grandes ou égales à 0. Une démonstration de la formule de Wigner peut être trouvée dans les livres de Wigner ou de Rose [3, 13]. 2.2 Le théorème de Wigner-Eckart Opérateurs tensoriels irréductibles Opérateurs scalaires Lorsqu une observable A est invariante par rotation, le sous-espace de chacune de ses valeurs propres est invariant par rapport aux rotations. On peut écrire formellement [A, J] = 0. Les états τ, J, M étant états propres de A, on a : τ, J, M A τ, J, M = a J (τ, τ) δ JJ δ MM l élément de matrice ne dépend pas de M. Dans le sous-espace E(τ, J), la matrice de A est diagonale et proportionnelle à l identité. Il en est de même pour tous les opérateurs scalaires de sorte que toutes les restrictions des opérateurs scalaires dans E(τ, J) sont proportionnelles entre elles : P (τ, J)A P (τ, J) = λ(τ, J) P (τ, J)B P (τ, J) où A et B sont 2 opérateurs scalaires quelconques et P (τ, J) le projecteur sur le sous-espace E(τ, J) : P (τ, J) = M τ, J, M τ, J, M. Il faut noter que des états de même symétrie (mêmes J et M) mais pouvant être distingués par un autre nombre quantique (ici désigné par τ) peuvent être couplés par un opérateur scalaire. Opérateurs vectoriels Un opérateur vectoriel V est un ensemble de trois observables qui se transforment par rotation comme des grandeurs vectorielles. Plus précisément ce sont les trois valeurs propres de V x, V y, et V z qui se transforment 76

78 comme un vecteur. Un axe u se transformant par rotation dans un axe u, la transformée de la composante suivant l axe u de l opérateur vectoriel correspond à la composante de l opérateur suivant u. En effet, si le système est initialement dans un état propre de V u = V u, il doit, après rotation, être état propre de V u = V u, où u correspond au vecteur u tourné. On peut, à partir des lois de transformation, obtenir des relations de commutation avec le moment cinétique. En effet, si on effectue une rotation infinitésimale d angle ɛ autour de l axe Ox, la composante V x est évidemment inchangée ; on a donc [J x, V x ] = 0. En revanche, la rotation va transformer les composantes V y et V z en V y et V z. Les vecteurs unitaires se transformant selon (figure 2.6) : e x e y e z = e x = e y + ɛ e z (2.48) = e z ɛ e y on obtient pour les composantes de l opérateur vectoriel V : V x = V x V y = V. e y = V.( e y + ɛ e z ) = V y + ɛv z (2.49) V z = V. e z = V.( e z ɛ e y ) = V z ɛv y Il faut noter que les composantes d un opérateur vectoriel ne se transforment pas comme les composantes d un vecteur ordinaire mais selon la loi de transformation inverse. Ce sont les valeurs propres des opérateurs vectoriels qui se comportent, lors d une transformation, comme les vecteurs. z e z e z ' e y ' x ε e y y Fig. 2.6 Effet d une rotation infinitésimale autour de Ox sur les directions des composantes d un opérateur vectoriel. Par ailleurs, la loi de transformation des opérateurs (A = P R AP 1 R ), avec P R = 1 iɛj x / h pour une rotation infinitésimale, permet d écrire à 77

79 l ordre un : V x = V x V y = (1 ī h ɛj x) V y (1 + ī h ɛj x) = V y ī h ɛ[j x, V y ], (2.50) V z = (1 ī h ɛj x) V z (1 + ī h ɛj x) = V z ī h ɛ[j x, V z ] La comparaison des deux systèmes d équations ci-dessus, relations 2.49 et 2.50, permet d obtenir les relations de commutation que doivent satisfaire les composantes d un opérateur vectoriel : [J x, V x ] = 0 [J x, V y ] = i hv z (2.51) [J x, V z ] = i hv y ainsi que les relations similaires pour J y et J z obtenues par permutations circulaires. Il est intéressant d exprimer ces relations de commutation à partir des composantes sphériques de l opérateur vectoriel que l on définit par : V +1 = V x + iv y 2, V 0 = V z, (2.52) V 1 = V x iv y 2 ce qui conduit aux relations de commutation suivantes (q = +1, 0, 1) : [J +, V q ] = h 2 q(q + 1)V q+1 [J, V q ] = h 2 q(q 1)V q 1 (2.53) [J z, V q ] = hqv q Pour résumer, les trois composantes d un opérateur vectoriel se transforment entre elles par rotation. Elle peuvent donc être considérées comme une base d une représentation de dimension 3 du groupe de rotation. Cette représentation est irréductible et correspond à D (1). Les composantes sphériques sont construites pour se transformer comme les vecteurs de la base standard τ, J =1, M lors d une rotation : P R V q P +1 R = q = 1 D (1) q q (R) V q (2.54) On peut s en convaincre en considérant l opérateur position r. Ses composantes sphériques (proportionnelles à x + iy, x iy et z) correspondent aux harmoniques sphériques Yl=1 m (θ, ϕ) avec m=±1, 0. Ce résultat démontre que les trois composantes d un opérateur vectoriel quelconque se comportent vis à vis des rotations, comme les états propres d un moment cinétique J = 1. 78

80 pour illustrer, nous allons calculer explicitement comment se transforment les composantes d un opérateur vectoriel. Nous venons de voir qu elles se transforment suivant une rotation inverse, à savoir pour la composante cartésienne V i : V i = P R V i P R = V j R ji j En utilisant la matrice R(αβγ) établie à la section précédente, on trouve : V x=(cos γ cos β cos α sin γ sin α)v x + (cos γ cos β cos α + sin γ sin α)v y cos γ cos β V z V y= (sin γ cos β cos α + cos γ sin α)v x + ( sin γ cos β sin α + cos γ cos α)v y + sin γ sin β V z V z=(sin β cos α)v x + (sin β sin α)v y + cos β V z A partir de ces composantes cartésiennes, on peut construire les composantes sphériques et exprimer les transformations, on obtient alors : V +1 i(α+γ) 1 + cos β = e 2 V 0 = e iα 2 2 sin β V +1 + cos β V 0 + e iα V 1 i(α γ) 1 cos β = e 2 2 V +1 + e iγ 2 sin β V i(α γ) 1 cos β 0 + e sin β V 1 2 V +1 e iγ 2 sin β V i(α+γ) 1 + cos β 0 + e 2 On retrouve ainsi la matrice D (1) (αβγ) de la représentation vectorielle du groupe des rotations et la loi de transformation : V q = q D(1) q q V q. Opérateurs tensoriels Outre les scalaires et les vecteurs, on utilise en physique des objets mathématiques plus complexes, les tenseurs, pour décrire des quantités physiques comme les moments multipolaires, les déformations mécaniques dans les milieux anisotropes, etc.. Les tenseurs se caractérisent, comme les vecteurs, par des lois de transformation linéaires lors d un changement de coordonnées. On passe de la notion de tenseur à celle d opérateur tensoriel de même façon qu on passe de la notion de vecteur à celle d opérateur vectoriel. Un tenseur est dit irréductible, si l espace vectoriel dans lequel il est défini, est irréductible par rapport aux rotations. Rappelons que les espaces irréductibles par rotation sont les espaces engendrés par les états τ, J, M. Précisons les lois de transformation d un tenseur irréductible d ordre k. Ce tenseur possède 2k + 1 composantes standards et on a ainsi 2k + 1 opérateurs T q (k) avec q = k, k+1,...,k 1,k. Pour un opérateur tensoriel d ordre un (un opérateur vectoriel V ), on a trois composantes sphériques reliées aux composantes cartésiennes selon les relations Par définition et comme pour un opérateur vectoriel, les 2k+1 opérateurs associés aux composantes standards d un tenseur irréductible d ordre k, se transforment par rotation suivant la loi : V 1 V 1 P R T q (k) P +k R = q = k T (k) q D (k) q q (R) (2.55) 79

81 où P R l opérateur de rotation et D (k) q q (R) un de ses éléments de matrice dans la base des états standards : D (k) q q (R) = τ, k, q P R τ, k, q. Cette loi de transformation permet d obtenir les relations de commutation avec les composantes du moment cinétique. En effet, pour une rotation infinitésimale suivant une direction u quelconque, on a : P R = 1 ī h ɛ J. u = 1 ī h ɛ(j zu z + J + u + J u + ) avec u ± = (u x ± iu y )/2. La loi de transformation s écrit alors : (1 ī h ɛ J. u) T (k) q (1 + ī h ɛ J. u) = +k q = k T (k) q k, q (1 ī h ɛ J. u) k, q ce qui donne pour les trois composantes sphériques du moment cinétique : (1 ī h ɛj i) T (k) q (1 + ī h ɛj i) = +k q = k En gardant le terme d ordre un, on obtient : T (k) q T (k) q k, q (1 ī h ɛj i) k, q ī h ɛ [J i, T (k) q ] = q T (k) q k, q k, q ī h ɛ q T (k) q k, q J i k, q Les propriétés des composantes des J i conduisent alors aux relations de commutation suivantes : [J +, T q (k) ] = h k(k + 1) q(q + 1) T (k) q+1 [J, T q (k) ] = h k(k + 1) q(q 1) T (k) q 1 (2.56) [J z, T q (k) ] = hq T q (k) On constate aisément que le cas k = 1 redonne la transformation des opérateurs vectoriels. On peut noter que les harmoniques sphériques Yl m (θ, ϕ), considérées comme opérateurs, constituent les composantes standards d un tenseur d ordre l. Nous allons dans ce paragraphe illustrer la notion de tenseur irréductible et en particulier montrer comment un tenseur cartésien peut se décomposer en tenseurs irréductibles. Considérons un tenseur cartésien de rang 2, il comporte neuf composantes T ij (i, j = x, y, z). Par exemple, on peut construire un tel tenseur de rang 2 à partir du produit tensoriel de deux vecteurs V W : T = V 1 W 1 V 1 W 2 V 1 W 3 V 2 W 1 V 2 W 2 V 2 W 3 V 3 W 1 V 3 W 2 V 3 W 3 (2.57) La question qui se pose, est de déterminer comment les éléments de ce tenseur se transforment lors d une rotation, c est à dire suivant quelle représentation du groupe de rotation. La transformée [ V W ] lors d une rotation s exprime à partir de la matrice de rotation : [ V W ] ij = kl R ik R jl V k W l (2.58) 80

82 On peut également représenter les neuf composantes du tenseur dans un vecteur colonne. Chaque rotation est alors représentée par une matrice 9 9 : T T 1 = V 1 W 1 T T 2 = V 2 W 2 T T T 4 3 = V 3 W 3 T T 4 = V 1 W 2 = T 5 = V 2 W 3 (2.59) T T 6 = V 1 W 3 T T T 8 7 = V 3 W T 8 = V 2 W 3 T T 9 = V 3 W 2 La représentation de dimension 9 est-elle réductible? En d autres termes, existe-t-il des combinaisons linéaires de certaines composantes qui se transforment en elles-mêmes, définissant ainsi un sous-espace vectoriel? On peut se convaincre aisément que le tenseur est réductible. En effet, une combinaison linéaire triviale reste invariante et correspond à un tenseur d ordre 0. Il s agit de T 1 + T 2 + T 3 = V 1 W 1 + V 2 W 2 + V 3 W 3 qui constitue la trace de T ij mais également le produit scalaire V W. Par ailleurs, on constate que les trois combinaisons linéaires : V 2 W 3 V 3 W 2 V 3 W 1 V 1 W 3 V 1 W 2 V 2 W 1 correspondent aux composantes du produit vectoriel V W. Le produit vectoriel est un vecteur, et ses trois composantes se transforment les unes dans les autres formant la base d une représentation irréductible de dimension 3. Il reste donc 9-1-3=5 composantes. Ces composantes forment la base d une représentation irréductible de dimension 5. Si on choisit les combinaisons linéaires suivantes : 1/2(V 1 W 2 + V 2 W 1 ) 1/2(V 2 W 3 + V 3 W 2 ) 1/2(V 3 W 1 + V 1 W 3 ) (V 1 W 1 V 2 W 2 ) (2V 3 W 3 V 1 W 1 V 2 W 2 ) elles se transforment suivant la même loi de transformation que les polynômes indépendants : xy, yz, zx, x 2 y 2 et 2z 2 x 2 y 2 (base standard des polynômes de degré 2). On retrouve la forme de ces polynômes en considérant le cas où V = W = r). En utilisant les combinaisons linéaires que nous venons de définir, les matrices dans 2.59 se mettent toutes sous une forme diagonale par blocs, un bloc 1 1, un bloc 3 3 et un bloc 5 5. En résumé, le tenseur T est réductible et se décompose en un tenseur de rang 0 (une composante), un tenseur de rang 1 (trois composantes) et un tenseur de rang 2 (cinq composantes). Nous verrons plus bas que cette réduction correspond à la décomposition en représentations irréductibles d une addition de deux moments cinétiques J =1 : D (1) D (1) = D (2) D (1) D (0) Le théorème de Wigner-Eckart Le théorème de Wigner-Eckart permet de calculer les éléments de matrice d un opérateur tensoriel irréductible entre états de la base standard du 81

83 moment cinétique. Il permet de déterminer de façon économique un grand nombre de grandeurs en physique atomique (moments multipolaires, probalilités de transition, etc.) où les états de base sont les états propres du moment cinétique. Enoncé Dans une représentation standard de vecteurs de base τ, J, M, l élément de matrice τ, J, M T q (k) τ, J, M d une composante d un tenseur irréductible est égal au produit du coefficient de Clebsch-Gordan J, k, M, q J, M par une quantité indépendante de M, M et de q. On a : τ, J, M T (k) q τ, J, M = τ, J T (k) τ, J 2J + 1 J, k, M, q J, M (2.60) τ, J T (k) τ, J est une quantité qui ne dépend que des nombres quantiques τ, J, τ et J ; elle porte le nom d élément de matrice réduit. Le théorème de Wigner-Eckart établit que les (2J +1) (2k+1) (2J +1) éléments de matrice d un tenseur irréductible sont déterminés par un seul facteur multiplicatif. Démonstration Considérons un élément de matrice donné. Il se transforme par rotation suivant le triple produit direct : D (J) D (k) D (J ). Un tel produit peut se décomposer comme une somme directe de représentations irréductibles I D(I) où I prend toutes les valeurs possibles du moment cinétique somme des trois moments J, k et J. Par ailleurs, un élément de matrice ne dépend pas de la base dans laquelle on effectue le calcul et est donc invariant par changement de repère. C est donc un scalaire et il relève de la représentation irréductible triviale D (0). Comme il n existe au maximum qu une seule façon d obtenir un moment nul à partir de 3 moments cinétiques, D (0) n apparaît qu une seule fois dans la décomposition de D (J) D (k) D (J ) en représentations irréductibles. Par conséquent, un élément de matrice quelconque est proportionnel au coefficient de Clesch-Gordan qui assure que la somme des trois moments cinétique est nul : τ, J, M T q (k) τ, J, M = a τ,τ,j,j,k M,M,q J, k, M, q J, M On peut maintenant démontrer que a ne dépend pas de M, M et q. En utilisant les relations 2.56, on obtient que : τ, J, M T (k) q+1 τ, J, M = le développement du commutateur permet d écrire : 1 h k(k + 1) q(q + 1) τ, J, M [J +, T (k) q ] τ, J, M 1 k(k + 1) q(q + 1) τ, J, M T (k) q+1 τ, J, M = 82

84 J(J + 1) M(M 1) τ, J, M 1 T q (k) τ, J, M J (J + 1) M (M + 1) τ, J, M T q (k) τ, J, M + 1 ce qui donne l équation : a τ,τ,j,j,k M,M 1,q J(J + 1) M(M 1) J, k, M, q J, M 1 = a τ,τ,j,j,k M,M,q+1 +a τ,τ,j,j,k M +1,M,q k(k + 1) q(q + 1) J, k, M, q + 1 J, M J (J + 1) M (M + 1) J, k, M + 1, q J, M La relation de récurrence des coefficients de Clebsch-Gordan : J(J + 1) M(M 1) J, k, M, q J, M 1 = k(k + 1) q(q + 1) J, k, M, q + 1 J, M + J (J + 1) M (M + 1) J, k, M + 1, q J, M permet de montrer que : a τ,τ,j,j,k M,M 1,q = aτ,τ,j,j,k M,M,q+1 = aτ,τ,j,j,k M +1,M,q et donc que a ne dépend pas de M, M et q Illustrations Justification du modèle vectoriel Le théorème de Wigner-Eckart permet de justifier le modèle vectoriel, modèle semi-classique qui consiste à représenter les opérateurs vectoriels par des vecteurs. Soit un opérateur vectoriel quelconque V, nous allons montrer que, à l intérieur d une restriction de l espace de Hilbert E(τ, J), V est proportionnel au moment cinétique J. En effet, le théorème de Wigner-Eckart permet d écrire : τ, J, M V (1) q τ, J, M = 1 2J + 1 τ, J V (1) τ, J J, 1, M, q J, M où V q (1) représente les composantes sphériques de l opérateur vectoriel. D après les propriétés des coefficients de Clebsch-Gordan, M doit être égal à M + q. Il en résulte que pour q = 0, c est à dire pour V q (1) = V z, seuls les éléments diagonaux, proportionnels à J, 1, M, 0 J, M, sont non nuls. Il en est de même pour l opérateur J z de sorte que l on a : τ, J, M V z τ, J, M = τ, J V (1) τ, J τ, J J (1) τ, J τ, J, M J z τ, J, M Comme les éléments de matrice réduits ne dépendent pas de M et de q, la même relation de proportionnalité est également obtenue pour les 2 autres 83

85 composantes. On peut donc considérer que, à l intérieur de E(τ, J), V est proportionnel à J, ce que l on note : P (τ, J) V P (τ, J) = a(τ, J) P (τ, J) J P (τ, J) P (τ, J) est le projecteur sur E(τ, J). Le coefficient de proportionnalité a(τ, J) peut être calculé simplement. En effet, considérons le produit scalaire V. J, on a : P (τ, J) V. JP (τ, J) = a(τ, J) P (τ, J)J 2 P (τ, J) = a(τ, J) J(J + 1) h 2 P (τ, J) La valeur moyenne de V J sur un état Ψ τ,j quelconque de E(τ, J) vaut : V J τ,j = a(τ, J) J(J + 1) h 2 Ce qui permet d écrire le théorème de projection : P (τ, J) V P (τ, J) = V J τ,j J(J + 1) h 2 P (τ, J) JP (τ, J) (2.61) Ce théorème établit que, à l intérieur d une restriction donnée E(τ, J), tous les opérateurs vectoriels sont proportionnels à J. On peut donner à ce théorème une interprétation classique qui est à la base du modèle vectoriel. Si V est la valeur moyenne sur un état du moment cinétique total d un système isolé, V tourne ou précesse autour de J (figure 2.7). Ainsi, seule la composante de V parallèlement à J est stationnaire (la moyenne temporelle de la composante perpendiculaire étant nulle). On retrouve une formule analogue à celle d une projection vectorielle : V = V. J J 2 J J V V Fig. 2.7 Illustration du théorème de projection par le modèle vectoriel : la composante perpendiculaire précesse autour de J et seule la composante parallèle subsiste. Le modèle vectoriel est souvent utilisé en physique atomique où des vecteurs ordinaires associés à des grandeurs physiques représentent les valeurs moyennes des observables ; des mouvements de précession autour du vecteur moment cinétique sont obtenus et reflètent l évolution temporelle du système. Ce comportement rappelle le mouvement de précession du moment magnétique dans un champ. 84

86 Le facteur de Landé Le calcul de la valeur des niveaux d énergie d un atome plongé dans un champ magnétique constitue une application du théorème de Wigner- Eckart. Les atomes possèdent généralement un moment orbital et un moment de spin. Comme nous le verrons plus loin, ces deux moments interagissent via le couplage de spin-orbite (Λ L. S) et seul le moment cinétique total J ( J = L + S) est une constante du mouvement. En présence d un champ magnétique, on doit ajouter à l hamiltonien atomique, un terme d interaction des moments magnétiques orbital, ML, et de spin, ML, de l atome avec le champ (hamiltonien Zeeman) : H Z = ( M L + M S ) B = µ B h B(L z + 2S z ) (2.62) pour un champ magnétique suivant Oz (µ B = q h/2m est le magnéton de Bohr). On calcule l effet du champ magnétique en perturbation sur le niveau fondamental de l atome (2J + 1) fois dégénéré. D après le théorème de projection, on a à l intérieur de E(τ, L, S, J) : L = L. J L,S,J J(J + 1) h 2 J S = S. J L,S,J J(J + 1) h 2 J Le calcul des valeurs moyennes sur un état quelconque de E(τ, L, S, J) donne simplement : L J L,S,J = L(L + 1) h 2 + h2 (J(J + 1) L(L + 1) S(S + 1) 2 S J L,S,J = S(S + 1) h 2 + h2 (J(J + 1) L(L + 1) S(S + 1) 2 à l intérieur de E(τ, L, S, J), L z + 2S z est proportionnel à J z de sorte que l on peut écrire : avec g J le facteur de Landé égal à : H Z = ( µ L + µ S ) B = µ B h g JJ z B g J = S(S + 1) L(L + 1) 2J(J + 1) (2.63) Les valeurs propres de H Z correspondent à g J µ B M et la dégénérescence est complètement levée. Dans les cristaux, l interaction avec l environnement (champ cristallin) abaisse la symétrie. Toutefois, nous montrerons que dans un champ cristallin octaédrique, on peut associer un moment cinétique orbital fictif ( L = 1) pour des états d. Dans cette optique, on remplace, dans l équation 2.62, L z par γ L z où γ est un nombre réel qui vaut 1 pour des ions libres, ce qui donne pour l énergie Zeeman : H Z = µ B h B(γ L z + 2S z ) (2.64) 85

87 ce qui conduit pour le facteur gyromagnétique à l expression : J(J + 1) + S(S + 1) L(L + 1) g = γ + (2 γ) 2J(J + 1) (2.65) on retrouve l expression du facteur de Landé pour γ = 1. Dans les cristaux cubiques, l expression reste valable à condition de prendre la valeur adéquate pour γ. Les règles de sélection Une autre application importante du théorème de Wigner-Eckart est l établissement des règles de sélection. En effet, la probabilité de transition entre deux niveaux d énergie d un atome sous l effet d une perturbation, comme par exemple le couplage avec un champ électromagnétique, est non nulle si la symétrie des niveaux initial et final et de l hamiltonien d interaction l autorise. L atome ayant une symétrie sphérique, les états propres initial et final sont également états propres de J 2 et de J z. On doit considérer l élément de matrice du couplage entre ces deux états de type τ, J, M. L hamiltonien d interaction peut généralement se mettre sous la forme d une composante d un tenseur irréductible. Le théorème de Wigner-Eckart indique alors les transitions permises. Pour illustrer ce point, nous prendrons l exemple de l interaction dipolaire électrique où l atome interagit avec le champ électrique d une onde électromagnétique qui, à la limite des grandes longueur d onde, peut être considéré uniforme. L hamiltonien d interaction est de la forme : H int = q r E(t) Il est donc proportionnel à l opérateur vectoriel r (tenseur de rang 1 ; k = 1, q =0, ±1). A l ordre 1, ce terme décrit l absorption ou l émission d un photon. Des transitions entre l état initial τ, J, M et un état final τ, J, M ne sont autorisées que si J, 1, M, q J, M = 0, c est à dire si : J = J J = ±1, 0 M = M M = ±1, 0 (2.66) relations, qui constituent les règles de sélection dipolaires électriques. Des règles de sélection du même type peuvent être obtenues pour des tenseurs d ordres plus élevés (transitions multipolaires électriques et magnétiques). 2.3 Modèle de l atome de Russel-Saunders Dans cette partie, nous montrerons comment la symétrie peut nous guider dans la description des atomes à plusieurs électrons. Nous verrons que les différentes approximations, qui peuvent être faites, correspondent à des symétries différentes de l hamiltonien, symétries de plus en plus basse au fur et à mesure que l on introduit les termes de perturbations dans l hamiltonien. 86

88 2.3.1 Approximation du potentiel central Les différentes approximations Considérons un atome à plusieurs électrons. L hamiltonien s écrit : H = i p 2 i 2m i Ze 2 r i + i,j(i>j) e 2 r ij (2.67) où on a négligé toutes les corrections relativistes notamment l interaction de spin-orbite. On rappelle que e 2 = q 2 /4πɛ 0. A cause du terme multiélectronique de répulsion coulombienne, cet hamiltonien est insoluble. L approximation la plus simple consisterait à négliger le terme en e 2 /r ij. Toutefois, comme il est du même ordre de grandeur que l interaction avec le noyau (Ze 2 /r i ), une telle approximation est illégitime. En revanche, on peut espérer tenir compte de la répulsion entre électrons par un potentiel effectif. Slater, par exemple, a proposé un hamiltonien hydrogénoïde avec une charge nucléaire effective (Z eff ) traduisant l écrantage du noyau par les autres électrons (Z eff est obtenue par une méthode variationnelle). Plaçons nous dans ce type d approche en supposant que les effets d interaction entre électrons peuvent être, en première approximation, décrits par un potentiel à symétrie centrale. L hamiltonien s écrit alors : H 0 = i p 2 i 2m i V (r i ) (2.68) où V (r i ) tient compte du terme d interaction avec le noyau et d un terme à symétrie centrale modélisant les interactions électron-électron. Si on introduit les interactions de spin-orbite, l hamiltonien total s écrit H = H 0 + H C + H S.O. avec : H C = i Ze 2 r i + i,j(i>j) e 2 r ij i V (r i ) et H S.O. = i ξ(r i ) l i s i (2.69) H C permet de tenir compte des interactions coulombiennes négligées dans H 0, c est à dire dans l approximation du champ central (V (r)). On traitera H C et H S.O. en perturbation sur H 0. On distingue deux cas extrêmes : i) H C H S.O., on traite d abord H C en perturbation sur H 0 puis H S.O. sur H 0 + H C. C est le couplage dit de spin-orbite qui conduit au modèle de l atome de Russel-Saunders. ii) H C H S.O., on traite d abord H S.O. en perturbation sur H 0 puis H C sur H 0 + H S.O.. C est le couplage appelé jj. Notion de configuration électronique Revenons à la première étape et considérons l hamiltonien H 0. Il s écrit simplement sous la forme d une somme d hamiltonien à un électron (système d électrons indépendants). La fonction d onde s écrit donc comme un produit de fonctions d onde à un électron ou plutôt un produit antisymétrisé de fonctions d onde pour tenir compte du caractère fermionique des électrons. L hamiltonien H 0, présentant une symétrie sphérique pour chaque électron, commute avec les moments cinétiques individuels l i des électrons. Les fonctions 87

89 d onde monoélectroniques sont donc caractérisées par les mêmes nombres quantiques que l atome d hydrogène. Chaque niveau d énergie de l atome, dans cette approximation, correspond à une configuration électronique où on dénombre le nombre d électrons dans chaque sous-couche atomique caractérisée par les nombres quantiques principal (n) et secondaire (l). Par exemple, l atome de carbone dans son état fondamental est dans la configuration (1s) 2 (2s) 2 (2p) 2, ce qui signifie que les sous-couches n=1, l=0 et n=2, l = 0 sont pleines alors que la sous-couche n=2, l = 1 contient 2 électrons. La classification périodique des éléments classe les éléments en fonction de leur configuration électronique dans l état fondamental. Enfin, il faut signaler qu une configuration électronique est souvent fortement dégénérée, par exemple la dégénérescence de l état fondamental du carbone est C6 2 =15, c est à dire qu il existe 15 déterminants de Slater de même énergie Au-delà du potentiel central Les considérations de symétrie permettent de mieux comprendre l élaboration des modèles qui décrivent les atomes à N électrons. En effet, un atome est un système isolé, invariant par rotation, et donc son moment cinétique est conservé. De quel moment cinétique s agit-il? A priori, on doit considérer le moment cinétique total de l atome, qui est la somme des moments cinétiques orbital et de spin de chaque électron (on peut légitimement ignorer le moment cinétique du noyau dont les effets sont très faibles). Dans l approximation du potentiel central, on a considéré que le système présentait une symétrie approximative, plus riche que la symétrie réelle, l invariance par rotation d un seul électron. Les termes négligés dans cette première étape brisent cette invariance. Toutefois, dans le modèle de Russel-Saunders, le terme additionnel prépondérant correspond aux interactions coulombiennes entre électrons. L hamiltonien ne dépend pas des variables de spin des électrons de sorte que les degrés de liberté orbitals et de spin sont toujours découplés. L atome est invariant par rotation de toutes les variables orbitales des électrons ou des variables de spin. On peut alors considérer que le moment cinétique orbital total de l atome : L = N li i=1 et le moment cinétique de spin de l atome : N S = s i i=1 sont indépendamment conservés. A ce niveau de description, l atome est donc caractérisé par les valeurs propres (L et S) qui définissent un niveau énergétique, appelé terme spectroscopique (L, S), de dégénérescence (2L + 1) (2S + 1), et correspondant aux états τ, L, S, M L, M S ; τ décrit l ensemble des autres nombres quantiques caractérisant le niveau. Il faut enfin introduire le terme de spin-orbite. Ce terme, qui couple les degrés de liberté orbital et de spin, abaissent encore une fois la symétrie et l atome est seulement invariant par la rotation simultanée de ses degrés de liberté 88

90 orbital et de spin. Le générateur de ces rotations est le moment cinétique total J. Les règles de Hund Le modèle de potentiel central conduit à des niveaux d énergie fortement dégénérés. Les termes négligés dans l hamiltonien, interactions coulombiennes et terme de spin-orbite, qui couplent les degrés de liberté orbitale et de spin lèvent cette dégénérescence. Les niveaux atomiques sont alors caractérisés par leurs moments cinétiques orbital L, de spin S et total J ( J = L + S). Hund, en 1925, a proposé des règles empiriques déterminant, pour l état fondamental d un atome, les différentes valeurs de L, S et J. Première règle de Hund : Pour une configuration électronique donnée, la valeur de S est égale au maximum de S compatible avec le principe de Pauli. Deuxième règle de Hund : La valeur de L est égale au maximum de L compatible avec la première règle et le principe de Pauli. Troisième règle de Hund : La valeur de J est égale à L S pour une couche moins qu à moitié remplie et L + S pour une couche plus qu à moitié remplie. L origine physique des deux premières règles est l énergie d échange. En effet, c est pour une configuration des spins parallèles (fonction d espace symétrique) que l énergie coulombienne des électrons est minimisée (fonction d onde antisymétrique interdisant à deux électrons d être au même point de l espace). De même, la valeur maximale de L conduit à mimimiser l énergie coulombienne (à ma connaissance il n existe pas d argument qualitatif complètement satisfaisant pour justifier cette propriété). Enfin, la troisième règle de Hund est justifiée, comme nous allons le voir, par la minimisation de l énergie de spin-orbite. Couplage spin-orbite et termes spectroscopiques L interaction de Coulomb entre électrons conduit à des états propres associés aux moments cinétiques L et S : τ, L, S, M L, M S. Néanmoins un couplage entre ces différents degrés de liberté apparaît lorsqu on considère les corrections relativistes. Pour l atome d hydrogène, on montre qu il faut ajouter à l hamiltonien le terme dit de couplage spin-orbite qui s écrit : H S.O. = 1 2mc 2 r dv (r) l s = ξ(r) l s (2.70) dr où V (r) est l énergie potentielle de l électron dans le champ du noyau. Pour un atome à plusieurs électrons, cette expression se généralise, dans l approximation d un potentiel atomique à symétrie sphérique : n H S.O. = ξ(r i ) l i s i (2.71) i=1 89

91 Si ce couplage spin-orbite est faible (devant les termes d interactions coulombiennes), il pourra être traité en perturbation sur les (2L + 1) (2S + 1) états τ, L, S, M L, M S. A l ordre le plus bas, il suffit de diagonaliser H S.O. dans cette base. On cherche donc les éléments de matrice du type : τ, L, S, M L, M S H S.O. τ, L, S, M L, M S D après le théorème de Wigner-Eckart, le terme de spin-orbite dans la restriction à l espace des états τ, L, S, M L, M S peut s écrire : H S.O. = Λ(τ, L, S) L S (2.72) En effet, les vecteurs τ, L, S, M L, M S étant antisymétriques par permutation de deux particules, les n contributions de (2.71) sont identiques. De plus, chaque terme du produit scalaire l i s i est à la fois composante d opérateur irréductible par rapport aux rotations des variables orbitales seules et composante d opérateur irréductible par rapport aux rotations des spins seuls. Le théorème de Wigner-Eckart établit que, à l intérieur du sous-espace engendré par les τ, L, S, M L, M S, l i et s i sont proportionnels à L et S de sorte que : τ, L, S, M L, M S ξ(r i ) l i s i τ, L, S, M L, M S = τ, L ξ(r i ) l i τ, L ce qui démontre l égalité (2.72) avec : τ, S s i τ, S L, M L L L, M L S, M S S S, M S Λ(τ, L, S) = i τ, L ξ(r i ) l i τ, L τ, S s i τ, S (2.73) Attention, les expressions (2.71) et (2.72) ne sont équivalentes qu à l intérieur d un terme spectroscopique donné (espace E(L, S)). On peut s en convaincre facilement en remarquant que L. S ne couple pas deux termes spectroscopiques différents alors que li. s i le permet (le même ensemble de moments cinétiques individuels donnent plusieurs valeurs possibles pour le moment total). La relation (2.72) ne doit donc être utilisée que lorsque le couplage spin-orbite est petit devant les interactions coulombiennes et traité en perturbation à l ordre le plus bas. Pour le traitement en perturbation aux ordres supérieurs, il faut tenir compte des autres niveaux d énergie et c est l expression générale de H S.O. (2.71) qu il faut introduire dans les éléments de matrice. Comme L. S = (J 2 L 2 S 2 )/2, l énergie d un multiplet (2J + 1 états associés au moment cinétique total), notée E J = E(τ, L, S, J), et provenant du terme spectroscopique (L, S) d énergie E 0 = E 0 (τ, L, S) vaut : E J = E 0 + Λ(τ, L, S) 2 (J(J + 1) L(L + 1) S(S + 1)) (2.74) La dégénérescence du terme spectroscopique (L, S) est donc levée et on obtient autant de sous-niveaux qu il y a de valeurs de J autorisées par la combinaison des moments cinétiques ( L S J L + S)). Par ailleurs, 90

92 la séparation entre le J ème et le (J 1)ème niveaux de spin-orbite est proportionnelle à J, cela constitue la règle des intervalles de Landé : E J E J 1 = Λ(τ, L, S) [J(J + 1) (J 1)J] = Λ(τ, L, S) J (2.75) 2 Enfin, on peut facilement vérifier que le barycentre des niveaux de spinorbite est égal à E 0 (τ, L, S), l énergie du terme spectroscopique. On peut calculer Λ(τ, L, S) à partir des ξ(r) et du nombre d électrons. Ce calcul ne relève plus de la théorie des groupes puisqu il faut déterminer la valeur d un paramètre qui fixe l échelle caractéristique de la structure fine d un terme LS donné. On peut néanmoins calculer facilement ce paramètre en remarquant qu un élément de matrice peut s exprimer de deux façons différentes. Considérons un élément diagonal, on peut écrire : N τ, L, S, M L, M S ξ(r i ) l i. s i τ, L, S, M L, M S i=1 = Λ(τ, L, S) L, S, M L, M S L. S L, S, M L, M S = Λ(τ, L, S) M L M S Par ailleurs, pour un déterminant de Slater Ψ (produit antisymétrisé d états monoélectroniques ( a i ), les éléments de matrice d un opérateur somme d opérateurs identiques à un électron, comme H S.O., s écrivent comme une somme sur les états monoélectroniques : Ψ H S.O. Ψ = i a i ξ(r) l. s a i = i λ(n i, l i ) m i lm i s avec λ(n i, l i ) l intégrale radiale de ξ(r). Cela permet une évaluation directe de Λ(τ, L, S) dès lors qu il n existe qu un seul déterminant ayant les mêmes M L et M S. C est le cas d un atome possédant une seule sous-couche incomplète, par exemple d pour les métaux de transition ou f pour les terres rares. Dans ce cas tous les λ(n i, l i ) sont identiques et valent λ(n, l). Pour calculer Λ, on choisit l état L, S, M L, M S qui ne s exprime que par un seul déterminant. Les règles de combinaison des moments cinétiques indiquent que c est le cas pour les valeurs maximales de M L et de M S, c est à dire pour M L = L et M S = S. Pour un état de ce type, l énergie de spin-orbite peut se calculer avec les deux approches et donc les deux bases (base d états monoélectroniques et base standard L, S, M L, M S ), ce qui donne : M L M S Λ(τ, L, S) = i λ(n, l) m i lm i s (2.76) On doit alors distinguer deux cas : i) couche moins qu à moitié pleine : Pour satisfaire la première règle de Hund, tous les spins sont parallèles m i s = 1/2 et S = x/2 où x est le nombre d électrons de la sous couche. D après la relation (2.76), on a : Λ(τ, L, S) = λ(n, l) m i M L M lm i s = S i λ(n, l) LS 1 2 m i l i 91

93 avec i mi l = M L = L et donc : Λ(τ, L, S) = λ(n, l) 2S (2.77) ii) couche plus qu à moitié pleine : Dans ce cas, le principe de Pauli interdit aux électrons d avoir leurs spins dans la même direction. On peut raisonner en termes de trous. Ainsi, si on a x électrons dans la sous-couche, on a 2(2l + 1) x trous qui permettent de fixer L et S selon les règles de Hund. Là encore on utilise le déterminant de Slater unique qui satisfait M L = L et M S = S. On a donc des états à m l donné doublement occupés qui ne contribuent pas à la somme dans (2.76) et des états occupés une seule fois. Leur contribution vaut (la somme est limitée aux états m l qui ne sont occupés que par un seul électron) : m i lm i s = 1 m i l = M L i i puisque i mi l = t mt l = M L. La quantité m t l désigne le moment orbital d un trou. Le moment total des trous est l inverse du moment de la souscouche. Ce résultat permet de calculer Λ(τ, L, S) : λ(n, l) Λ(τ, L, S) = 2S (2.78) Energie (cm -1 ) λ(n,l) Λ(τ,LS) nombre d'électrons f Fig. 2.8 Evolution de λ(n, l) et Λ(τ, L, S) dans la série des terres rares. Cette expression permet de comprendre la troisième règle de Hund. Sur la figure (2.8) on a reporté λ(n, l) et Λ(τ, L, S) en fonction de l occupation de la couche f dans la série des terres-rares. λ(n, l) est positif et augmente de façon monotone en fonction de la charge nucléaire alors que la constante de couplage Λ(τ, L, S) change de signe au demi-remplissage comme on vient de le montrer. Au demi-remplissage, l état fondamental est caractérisé par L=0 et le couplage de spin-orbite s annule. Cette évolution permet de comprendre le comportement magnétique des atomes de terres-rares. En effet, 92

94 la séparation entre le niveau fondamental et le premier état excité de spinorbite est généralement importante dans la série (par exemple, elle vaut 0.28 ev (3200K) pour le cérium de sorte que les propriétés magnétiques ne dépendent que de l état fondamental (les états excités de spin-orbite ne sont pas peuplés thermiquement). Toutefois, la figure (2.8) montre une forte diminution de Λ(τ, L, S) au voisinage du demi-remplissage. Cette diminution entraîne une modification du comportement magnétique notamment pour les ions d europium trivalent (n f = 6) et de samarium (n f = 5) [15]. Un effet spectaculaire est observé sur la dépendance en température de la susceptibilité des ions d europium dans la configuration f 6 (ions trivalents). En effet, le niveau fondamental est non magnétique puisque, d après les règles de Hund, J = 0. A basse température, la susceptibilité est constante, mais une dépendance de type Curie-Weiss apparaît vers 120 K. Elle reflète le peuplement de l état excité J = 1 situé à environ seulement 30 mev au dessus de l état fondamental (figure 2.9) susceptibilité magnétique Europium 2 1 J=0 Eu Température 500 Fig. 2.9 A gauche : séparation des niveaux de spin-orbite (elle suit la règle des intervalles de Landé) ; à droite : susceptibilité magnétique des ions d europium trivalent Susceptibilité magnétique : la formule de van Vleck Lorsqu on applique un champ magnétique sur un atome, une aimantation apparaît qui traduit la nature de l état fondamental et éventuellement celle des états excités. Rappelons la forme de l hamiltonien Zeeman : H Z = ( M L + M S ). B = q 2m ( L + 2 S) B où M L et M S sont respectivement les moments magnétiques orbital et de spin. La susceptibilité magnétique est définie par χ(t ) = M T /H, où M est le moment magnétique total de l atome : M = E H la susceptibilité d un ensemble de N atomes s écrit : χ(t ) = N H J,M E H exp( E(J, M)/kT ) J,M exp( E(J, M)/kT ) (2.79) 93

95 où l énergie d un état est donnée à l ordre 2 en perturbation : E(J, M) = E 0 (J) + W 1 (J, M)H + W 2 (J, M)H 2 (2.80) avec : W 1 (J, M) = q 2m J, M g JJ z J, M = g J µ B M pour W 1 (J, M), on peut utiliser l expression de l hamiltonien Zeeman valable uniquement à l intérieur d un sous espace vectoriel associé à J, et pour les termes croisés du deuxième ordre : W 2 (J, M) = µ2 B h 2 J, M L z + 2S z J, M 2 E J,M 0 (J ) E 0 (J) En introduisant les corrections à l énergie dans la susceptibilité (en champ faible E 0 (J) W 1 (J, M)H W 2 (J, M)H 2 ), on obtient la formule de van Vleck : χ(t ) = N J,M (W 1 2(J, M) 2kT W 2(J, M)) exp ( E 0 (J)/kT ) kt J (2J + 1) exp ( E (2.81) 0(J)/kT ) Lorsque la séparation entre les multiplets de spin-orbite est grande devant kt, seul le multiplet fondamental est peuplé et la somme sur les multiplets (J) dans la formule de van Vleck disparaît. On obtient alors une susceptibilité de Curie : χ(t ) = Ng2 J µ2 BJ(J + 1) 3kT (2.82) Ce comportement est observé dans la plupart des ions de terres rares. En revanche, la condition n est pas satisfaite pour les ions trivalents d europium et de samarium pour lesquels une déviation par rapport à la loi de Curie est observée (figure 2.9). 94

96 Chapitre 3 Sous-groupes des rotations. Application au magnétisme. Ce chapitre traite des sous-groupes du groupe des rotations. Cette problématique se rencontre, par exemple, lorsqu on place un atome dans une molécule (ou un cristal) ; le système cesse donc d être invariant sous l effet d une rotation d un angle arbitraire puisque seules les rotations correspondant au groupe ponctuel de la molécule laissent le système inchangé. Cet abaissement de symétrie conduit à des levées de dégénérescence. Dans le cas de systèmes portant un spin demi-entier, le caractère bi-valué des représentations du groupe des rotations nécessite l introduction de la notion de groupe double. Ces différents aspects seront discutés dans la section 3.1. Nous montrerons, dans la section 3.2, comment la symétrie permet de simplifier le développement multipolaire de l hamiltonien d interaction électrostatique. Nous illustrerons ces notions sur l exemple de l interaction quadrupolaire nucléaire (section 3.2) et de champ cristallin (section 3.4). Nous appliquerons ces considérations à l étude du magnétisme atomique dans la matière en montrant, dans la section 3.5, que les propriétés magnétiques résultent d une compétition de plusieurs mécanismes (corrélations électroniques, couplage spin-orbite et interaction de champ cristallin). Nous terminerons par une présentation des diagrammes de Tanabe-Sugano qui permettent d étudier la compétition du champ cristallin et des interactions coulombiennes sur le spectre en énergie (section 3.6). 3.1 Le sous-groupe des rotations On a vu que les états propres de l énergie d un système invariant par rotation sont caractérisés par la valeur du moment cinétique J. Les représentations irréductibles du groupe de rotation correspondantes, notées D (J), sont de dimension 2J + 1 avec J entier ou demi-entier. On peut donc avoir des représentations irréductibles de dimensions arbitrairement grandes. Lorsqu on place un atome dans un environnement tel que seules certaines rotations laissent l hamiltonien invariant, le groupe de symétrie du système est un sous-groupe (généralement fini) du groupe des rotations et ses représentations irréductibles sont de dimension finie (inférieures à 3 pour les 32 groupes ponctuels des systèmes cristallins). Une représentation D (J) du 95

97 groupe des rotations va donc se décomposer en représentations irréductibles du sous-groupe, ce qui conduit généralement à une levée de dégénérescence. Une difficulté supplémentaire apparaît pour les moments cinétiques demientiers (on a vu que pour ceux-ci, une rotation d angle 2π ne laisse pas le vecteur d état inchangé mais change son signe). Cette difficulté est résolue par l introduction du concept de groupe double Décomposition d une représentation Considérons le groupe ponctuel de symétrie cubique O qui contient 24 éléments et 5 classes : l identité E, 8 axes d ordre 3 (rotations de 2π/3) C 3, 3 axes d ordre 2 (rotations de π) : C 2, 6 autres axes d ordre 2 inéquivalents aux précédents : C 2 et enfin 6 axes d ordre 4 (rotations de π/4) : C 4. On montre que la table des caractères du groupe O s écrit [5] : O E 8C 3 3C 2 6C 2 6C 4 A A E T T On a cinq représentations irréductibles (A 1, A 2, E, T 1, T 2 ) dont les dimensions sont comprises entre 1 et 3 ( =24). Considérons un atome dans un cristal de symétrie O. Les niveaux d énergie de l atome sont caractérisés par les représentations irréductibles du groupe ponctuel qui déterminent également le comportement lors d une rotation. Dans une description atomique de potentiel central, chaque électron est caractérisé par son moment cinétique individuel et sa fonction d onde est une fonction propre de l 2 et l z. En revanche, si on considère les interactions électron-électron, les niveaux d énergie sont associés aux termes spectroscopiques LS et donc aux moments cinétiques orbital et de spin de l atome. Enfin, si on tient compte du couplage de spin-orbite, c est le moment cinétique total qu il faut considérer et les états propres sont des états de la base standard τ, L, S, J, M. Les états stationnaires dépendent donc de la description du système et peuvent refléter une symétrie approximative. Nous avons vu au chapitre 2, que le caractère d une rotation d angle α vaut : χ (L) (α) = T rd (L) = sin (L + 1/2)α sin (α/2) où L symbolise le moment cinétique pertinent qui dépend de la symétrie de l hamiltonien que l on considère. Ainsi, pour un terme spectroscopique LS (on tient compte des repulsions coulombiennes entre électrons mais pas du couplage spin-orbite), l hamiltonien commute avec le moment cinétique orbital de l atome et on a : χ (L) (α) = T rd (L) = sin (L + 1/2)α sin (α/2) (3.1) ce qui donne les caractères des représentations D (L) du groupe des rotations : 96

98 χ (L) (C 2 ) = χ (L) (π) = ( 1) L χ (L) (E ) = 2L + 1 χ (L) (C 3 ) = χ (L) ( 2π +1 L = 0, 3,... 3 ) = 0 L = 1, 4,... 1 L = 2, 5,... χ (L) (C 4 ) = χ (L) ( 2π 4 ) = { +1 L = 0, 1, 4, 5,... 1 L = 2, 3, 6, 7,... Les caractères de toutes les représentations D (L) se calculent aisément, ce qui donne pour les cinq premières : O E 8C 3 3C 2 6C 2 6C 4 D (0) D (1) D (2) D (3) D (4) On peut donc décomposer ces représentations en représentations irréductibles du groupe ponctuel O. En suivant les règles de décompositions, on obtient : D (0) = A 1 D (1) = T 1 D (2) = E T 2 D (3) = A 2 T 1 T 2 D (4) = A 1 E T 1 T 2 (3.2) Par conséquent, on en déduit que les états S (D (0) ) possèdent la symétrie de l hamiltonien (A 1 ), la dégénérescence des états P (D (1) ) n est pas levée en symétrie cubique, alors que les états D (D (2) ), 5 fois dégénéré, donnent un niveau doublement dégénéré et un niveau triplement dégénéré, etc.. Dans le cas où le groupe ponctuel contient l inversion comme élément de symétrie, il peut s écrire comme un produit direct du groupe de l inversion C i. Ses représentations irréductibles sont de parité paire (g) ou impaire (u). Ainsi le groupe de symétrie du cube ou de l octaédre (O h ) se construit à partir de O : O h = O C i et sa table de caractères s écrit : 97

99 O h E 8C 3 3C 2 6C 2 6C 4 I 8S 6 3σ v 6σ d 6S 4 A 1g A 2g E g T 1g T 2g A 1u A 2u E u T 1u T 2u Le nombre de classes et de représentations irréductibles est simplement multiplié par 2. Les nouvelles classes se déduisent des classes de O par application de l inversion ; ainsi on obtient : I = IE ; S 6 = IC 3, σ = IC 2 et S 4 = IC 4. Les caractères associés aux éléments de symétries impropres sont identiques pour les représentations paires ou changent de signe pour les représentations impaires. Pour une description à électrons indépendants (on néglige les répulsions coulombiennes) un électron d (moment cinétique l = 2) dans une symétrie octaédrique donne naissance à deux niveaux de symétrie E g et T 2g respectivement doublement et triplement dégénérés que l on notera par des minuscules (e g et t 2g ) pour rappeler qu il s agit d états monoélectroniques. Ce sont des états pairs, puisque la parité pour un électron de moment cinétique orbital l est ( 1) l. Le niveau e g correspond aux deux fonctions d x 2 y 2 et d z 2 alors que t 2g correspond aux fonctions d xy, d yz et d xz. Remarque : Pour calculer les caractères d une représentation D (L) correspondant à la réflexion σ ou à la réflexion-rotation d angle φ, S(φ), il suffit de remarquer que ces éléments se mettent sous la forme : σ = IC 2 et S(φ) = IC(π + φ) (leurs caractères s écrivent comme un produit du caractère de I avec celui de l élément de symétrie concerné) Eléments de matrice et règles de sélection En mécanique quantique, les grandeurs physiques mesurables correspondent aux éléments de matrice des observables. Ainsi, par exemple, les valeurs moyennes d une quantité physique sont données par des éléments diagonaux de l opérateur correspondant ( Q = Ψ Q Ψ ) alors qu une amplitude de probabilité de transition est proportionnelle à l élément de matrice de l opérateur de transition (T ) entre les états initial et final (règle d or de Fermi : A if φ i T φ f ). Nous avons vu que le théorème de Wigner-Eckart permet de calculer ces éléments de matrice entre états propres du moment cinétique. Ce théorème introduit des règles de sélection pour les systèmes invariants par rotation. Nous allons voir que, pour des symétries plus basses, les éléments de matrice obéissent également à des règles de sélection. 98

100 Règles de sélection Nous avons vu dans le premier chapitre que les fonctions de base des représentations irréductibles sont orthogonales ce qui conduit à des règles de sélection (équation 1.35). Considérons un opérateur M se transformant, sous l effet des opérations de symétrie du groupe, suivant la représentation irréductible Γ M. Un élément de matrice entre deux états propres de l hamiltonien ( Ψ (m) i et Ψ (n) j ), et donc entre deux fonctions de base des représentations irréductibles Γ (m) et Γ (n) du groupe de symétrie, est nul : Ψ (n) i M Ψ (m) j = 0 à moins que la représentation triviale Γ 1 soit contenue dans le produit Γ (n) Γ M Γ (m). Nous avons expliqué au chapitre 1 que ce résultat se comprend aisément. En effet, l élément de matrice doit être un scalaire, c est à dire indépendant du système de coordonnées choisi et par conséquent invariant sous toutes les transformations du groupe. L élément de matrice doit se transformer comme la représentation irréductible triviale Γ (1). Par ailleurs, dans Ψ (n) i se transforme suivant Γ (n), M suivant Γ M et Ψ (m) Ψ (n) i j M Ψ (m) j, suivant Γ (m) et l ensemble, se transforme comme Γ (n) Γ M Γ (m). Par conséquent pour que l élément de matrice soit un scalaire, Γ (n) Γ M Γ (m) doit contenir la représentation triviale. Exemple Pour illustrer ces règles de sélection, considérons un atome à un électron se trouvant dans un état de moment angulaire l = 2. Le niveau d énergie, que l on appellera τ, l = 2, m, a donc la symétrie de la représentation irréductible D (2). On envoie une onde électromagnétique et l hamiltonien d interaction dans l approximation dipolaire s écrit : H int = q r E(t) L absorption d un photon induit une transition électronique vers des états τ, l, m et l amplitude de transition est proportionnelle, d après la règle d or, à τ, l, m H int τ, l, m, où H int r est un tenseur d ordre 1. On a vu que cet élément de matrice peut être obtenu par le théorème de Wigner- Eckart, et vaut : τ, l = 2, m r (1) q τ, l, m = τ, l r(1) τ, l 2l + 1 l, 1, m, q l = 2, m la valeur de q dépendant de la polarisation de l onde. Les propriétés des coefficients de Clebsch-Gordan conduisent aux relations suivantes : l = l l = ±1, 0 m = m m = ±1, 0 La parité introduit une contrainte supplémentaire. En effet, r étant un vecteur polaire, seuls des éléments de matrice entre états de parité différente 99

101 peuvent être non nuls. Par conséquent, la parité d un état monoélectronique étant donné par ( 1) l, la transition vers des états l =2 ( l = 0) est interdite et seules les transitions vers des états p (D (1) ) et f (D (3) ) sont autorisées par la symétrie (figure 3.1). Fig. 3.1 (a) transitions possibles entre les niveaux électroniques (a) d un atome isolé, (b) d un atome placé dans un environnement octaédrique (symétrie O h ). Que se passe-t-il si on place cet atome dans une molécule ou un cristal? L hamiltonien de l atome n a plus la symétrie sphérique mais une symétrie plus basse correspondant au groupe ponctuel de la molécule ou du cristal. L interaction de l atome avec son environnement est complexe et nous verrons plus loin comment l exprimer. Toutefois, l étude de la symétrie permet de prédire une levée de dégénérescence des niveaux atomiques. Considérons un environnement octaédrique de symétrie O h. D après les relations 3.2, l état fondamental de l atome se décompose selon : D (2) = E g T 2g (3.3) l indice g indiquant le caractère pair des états. Le niveau D (2), de dégénérescence 5, donne naissance à deux niveaux, deux fois (E g ) et trois fois (T 2g ) dégénérés. Pour les états excités de symétrie D (1) et D (3), ils se décomposent suivant : D (1) = T 1u D (3) = A 2u T 1u T 2u (3.4) On notera que les états excités sont impairs. On va supposer que l état de plus basse énergie est de symétrie T 2g. Les transitions entre l état initial Ψ i, fonction de base de la représentation T 2g, et un état final Ψ f, fonction de base de la représentation Γ f, sont autorisées si l élément de matrice : T ij = Ψ i r Ψ f est non nul. On rappelle que r a la symétrie de T 1u. Pour qu une transition vers un état Ψ f soit autorisée, il faut et il suffit que 100

102 Γ f T 1u T 2g contienne la représentation triviale Γ 1 = A 1g, ou bien que Γ f soit contenu dans la décomposition du produit T 1u T 2g. Le produit se décompose suivant : T 1u T 2g = A 2u E u T 1u T 2u (3.5) Les représentations irréductibles Γ f permises, correspondant aux états finals, sont donc les représentations A 2u, E u, T 1u et T 2u (figure 3.1) Notion de groupe double Nécessité des groupes doubles Considérons le cas des représentations du groupe de rotation qui correspondent à un moment cinétique demi-entier. Dans ce cas une rotation de 2π autour d un axe quelconque ne donne pas l identité. En effet, χ (J) (α + 2π) = sin (J + 1/2)(α + 2π) sin (α/2 + π) = ( 1) 2J χ (J) (α) = χ (J) (α) Pour lever cette difficulté, Bethe en 1929 a proposé une méthode astucieuse [16, 17]. Il a introduit un élément de symétrie supplémentaire artificiel R qui représente cette rotation de 2π et qui est tel que R E et R 2 = E. Pour les éléments de symétrie impropres comme l inversion, on a toujours I 2 = E mais comme la symétrie par rapport à un miroir (σ) peut être considèré comme le produit d une rotation de π et de l inversion, on a σ 2 = R. Le groupe de symétrie contient 2 fois plus d éléments que le groupe original, puisque pour chaque élément X du groupe on construit un nouvel élément RX, mais le nombre de classes n est pas forcément doublé. Par exemple, pour le groupe double noté O associé au groupe cubique O, les axes C 2 et RC 2 forment une même classe puisque pour J demi-entier, sin (J + 1/2)(π) = 0 et donc χ (J) (C 2 ) = χ (J) (RC 2 ) = 0. On a la table des caractères suivante : O E R 8C 3 8RC 3 3C 2 + 3RC 2 6C 2 + 6RC 2 6C 4 6RC 4 Γ 1 (A 1 ) Γ 2 (A 2 ) Γ 3 (E ) Γ 4 (T 1 ) Γ 5 (T 2 ) Γ Γ Γ Ll groupe double O présente 24 éléments et 3 classes supplémentaires et par conséquent 3 nouvelles représentations irréductibles. Ces représentations, notées Γ 6, Γ 7, Γ 8 dans la notation de Bethe, doivent avoir pour dimension 2, 2 et 4 pour satisfaire le théorème de dimensionalité ( = 24). Les caractères associés aux nouveaux éléments et aux nouvelles représentations irréductibles peuvent être obtenue facilement à partir des règles élémentaires suivantes : 101

103 χ(c) = χ(rc) pour les représentations irréductibles du groupe de départ, χ(c) = χ(rc) pour les représentations irréductibles additionnelles, χ(c 2 ) = χ(rc 2 ) = 0 pour les représentations irréductibles additionnelles, enfin les valeurs ± 2 sont obtenues grâce aux relations d orthogonalité. Décomposition des représentations Pour connaître l éventuelle levée de dégénérescence des niveaux atomiques de moment cinétique total J (multiplicité 2J + 1), il faut décomposer les représentations D (J) sur les représentations irréductibles du groupe double O. Pour les J entiers, le problème a déjà été traité et seules les représentations irréductibles normales (Γ 1,... Γ 5 ) interviennent. En revanche, les états à J demi-entiers se décomposent uniquement sur les représentations additionnelles Γ 6, Γ 7 et Γ 8. Le calcul des caractères permet d obtenir : O 3C 2+ 6C 2+ E R 8C 3 8RC 3 6C 3RC 2 6RC 2 4 6RC J = 1 2, 7 2, J = 1 2, 9 2,... D (J) (2J + 1) -(2J + 1) -1 1 J = 3 2, 9 2, J = 5 2, 11 2, J = 3 2, 7 2, J = 5 2, 13 2,... En effet, par exemple pour C 3, on a : χ (J) (C 3 ) = sin (J + 1/2)(2π/3) sin (2π/6) = sin (2J + 1)(π/3) sin (π/3) où pour les moments demi-entiers, 2J + 1 correspond à tous les entiers strictement positifs. Il est facile de voir que, selon la valeur de J, χ (J) (C 3 ) peut valoir 1, 0 et 1. Les relations de décomposition donnent : D (1/2) = Γ 6 D (3/2) = Γ 8 D (5/2) = Γ 6 Γ 8 D (7/2) = Γ 6 Γ 7 Γ 8 D (9/2) = Γ 7 2 Γ 8 La dégénérescence d un moment cinétique J=1/2 ou J=3/2 n est pas levée en symétrie cubique. Par contre, un niveau J=5/2 se sépare en un doublet et un quadruplet alors qu un niveau J=7/2 donne 2 doublets et un quadruplet. On remarque sur ces exemples que la dégénérescence minimale des représentations irréductibles est de deux. Ce résultat est une manifestation du théorème de Kramers et de l invariance par renversement du temps (chapitre 1). Des états non dégénérés pourront être obtenus en brisant l invariance par renversement du temps comme par exemple en appliquant un champ magnétique sur l atome (effet Zeeman). 102

104 Pour s assurer que la symétrie de renversement du temps n introduit pas de dégénérescence supplémentaire, il faut étudier les représentations irréductibles et leurs représentations complexes conjuguées (section 1.7.3). Nous allons illustrer ce point sur l exemple du groupe double obtenu à partir de D 3 (groupe de symétrie du triangle équilatéral et sous-groupe du groupe cubique). Rappelons d abord la table des caractères de D 3 : D 3 E 2C 3 3C 2 A A E Le groupe double associé possède la table de caractère suivante : D 3 E ER 2C 3 2RC 3 3C 2 3RC 2 Γ 1 (A 1 ) Γ 2 (A 2 ) Γ 3 (A 3 ) Γ i -i Γ i i Γ En plus des trois représentations du groupe D 3, apparaissent trois représentations additionnelles qui interviennent pour les systèmes à spin demientiers. La détermination des éventuelles dégénérescences supplémentaires introduites par la symétrie du renversement du temps, résultent des propriétés des représentations irréductibles D du groupe. On rappelle les différents cas de figure : a) D et D sont équivalentes à la même représentation irréductible réelle, a) D et D sont inéquivalentes, c) D et D sont équivalentes mais ne peuvent pas être rendues réelles. Nous avons vu que ces différents cas pouvaient être déterminés à partir d un critère dû à Frobenius et Schur, associé à la valeur que prend la quantité Σ G χ(g 2 ). Il faut donc déterminer ce que vaut G 2 pour chaque élément du groupe. En notant qu une rotation de 2π fait intervenir l élément R, on obtient : (E) 2 = E (C 2 ) 2 = RE (C 2 3 )2 = RC 3 (RE) 2 = E (RC 2 ) 2 = RE (RC 2 3 )2 = RC 3 Les dégénérescences sont données par la valeur du critère de Frobenius (section 1.7.3) : cas critère de Frobenius S entier S demi-entier a h pas de dég. suppl. dég. double b 0 dég. double dég. double c -h dég. double pas de dég. suppl. où h est le nombre d éléments du groupe. L application sur l exemple du groupe double D 3 permet de déterminer les dégénérescences dues au renversement du temps. Les trois représentations rencontrées pour les systèmes à 103

105 spin entier, Γ 1, Γ 2 et Γ 3, sont réelles et relèvent du cas a. Le renversement du temps ne conduit pas à une dégénérescence supplémentaire. Le test de Frobenius permet de le vérifier. On trouve Σ G χ(g 2 ) = 12. Les deux représentations additionnelles (pour des systèmes à spin demientier) Γ 4 et Γ 5, sont inéquivalentes et complexes. Elles relèvent donc du cas b (le test de Frobenius donne Σ G χ(g 2 ) = 0), c est à dire que leurs états de base sont couplés par le renversement du temps. Ensemble elles forment des états doublement dégénérés. Enfin, la dernière représentation additionnelle Γ 6 est non réelle. De plus, elle est équivalente à Γ 6 puisque les caractères sont tous réels. Elle relève donc du cas c (le test de Frobenius donne Σ G χ(g 2 ) = 12) et ne conduit pas à une dégénérescence supplémentaire pour des spins demi-entiers. Considérons un ions J=3/2 placé dans un champ cristallin de symétrie D 3. Il faut décomposer la représentation D (3/2) sur les représentations du groupe double D 3. La décomposition donne : D (3/2) = Γ 4 Γ 5 Γ 6 (3.6) Comme nous venons de montrer que le renversement du temps couple les états de base des représentations Γ 4 et Γ 5, D (3/2) donne deux niveaux doublement dégénérés, l un associé à Γ 6, l autre niveau à l ensemble Γ 4 et Γ 5 couplées par le renversement du temps. 3.2 Développement multipolaire Interactions multipolaires Nous allons considérer une application importante du sous-groupe des rotations. Elle consiste à étudier l effet de l abaissement de la symétrie du groupe O(3) à un groupe ponctuel, sur les propriétés électrostatiques d un système de charges. Nous traiterons essentiellement de l interaction quadrupolaire nucléaire (section 3.3) ou de l interaction de champ cristallin (section 3.4). Nous allons commencer par rappeler brièvement quelques généralités sur les développements multipolaires électriques dans les approches classique et quantique, puis nous montrerons comment on peut exprimer l hamiltonien d interaction de façon générale. Enfin, nous expliciterons en détail le terme quadrupolaire. Approche élémentaire Nous allons montrer que l interaction électrique dans un système électronique quelconque peut se mettre sous la forme d un développement qui, dans la plupart des cas, converge assez rapidement. Considérons une assemblée de charges localisées (q i ) dans l espace autour d un point O, que nous prendrons comme origine, qui interagit avec une répartition de charges que nous supposerons très éloignée. L interaction électrique des deux distributions de charges s écrit : V = q i U( r i ) (3.7) i 104

106 ou pour une distribution continue : V = ρ( r)u( r)d 3 r (3.8) où q i ou ρ( r) peuvent être les charges ou la distribution de charges localisées au voisinage de l origine et U( r) le potentiel engendré par les charges à grande distance. On peut également considérer que la densité de charge à grande distance interagit avec le potentiel créé par la distribution près de l origine. Les deux façons d effectuer le calcul sont complètement symétriques et bien sûr conduisent au même résultat. Plaçons nous dans le cas de figure où le potentiel provient des charges à grande distance. On peut le développer en série de Taylor au voisinage de l origine : U( r) = U(0) + 3 ( ) U i=1 x i 0x i i,j=1 ( 2 U x i x j ) 0 x i x j +... où ( U x i ) 0 = E i (0) représente le champ électrique à l origine alors que le dernier terme désigne le gradient du champ ( 2 U x i x j ) 0 = ( E i x j ) 0. Il faut également noter que le laplacien du potentiel est généralement nul au voisinage de l origine ( U( r = 0) = 0). En effet, la densité de charges qui engendre le potentiel, est supposée être localisée loin de l origine et par conséquent elle est nulle en r 0 1. On obtient donc pour l énergie d interaction : avec V = (Zq) U(0) µ e. E Q ij i,j=1 ( 2 U x i x j ) (3.9) (Zq) = ρ( r) d 3 r la charge µ e = ρ( r) r d 3 r le moment dipolaire électrique Q ij = ρ( r) x i x j d 3 r le tenseur moment quadrupolaire électrique le premier terme décrit l interaction de la charge totale avec le potentiel à l origine (terme monopolaire), le deuxième terme l interaction du moment dipolaire avec le champ électrique (terme dipolaire), le troisième terme l interaction du moment quadrupolaire avec le gradient de champ (terme quadrupolaire). Ces termes sont tous des scalaires au sens où ils sont tous invariants par rotation. Le premier terme est le produit de deux scalaires, une charge électrique avec un potentiel, le deuxième est le produit scalaire de deux vecteurs, le troisième le produit contracté de deux tenseurs de rang deux, etc.. On rappelle quelques propriétés des distributions de charges et des moments associés [18]. i) Dans le cas où la charge totale est non nulle, le moment dipolaire est mal défini puisque sa valeur dépend du choix de l origine des positions. En effet, 1 Cette hypothèse est parfois prise en défaut comme par exemple dans les interactions quadrupolaires nucléaires, puisque les électrons de l atome à l origine du potentiel sur le noyau, peuvent avoir une probabilité de présence non nulle à l intérieur du noyau (pour les états de symétrie s). 105

107 si cette origine est prise sur le barycentre des charges, le moment dipolaire est nul. ii) En revanche, si la charge totale est nulle, alors le moment dipolaire ne dépend pas du choix de l origine. On peut montrer qu il est alors possible, par un choix approprié de l origine et de l orientation des axes, d annuler le terme quadrupolaire. iii) Si la charge totale et le moment dipolaire sont simultanément nuls, alors le moment quadrupolaire est indépendant de l origine choisie. Ce formalisme est également adapté à une description de l interaction électrostatique en mécanique quantique. Les grandeurs classiques, moments multipolaires et dérivées du potentiel, sont alors remplacées par des opérateurs. Cette approche est utilisée notamment pour décrire l interaction de champ cristallin ou encore l interaction quadrupolaire nucléaire. Nous allons dans un premier temps analyser en détail le terme d ordre deux (quadrupolaire) de ce développement avant de généraliser aux termes d ordre supérieur. Le tenseur quadrupolaire Q est un tenseur cartésien de rang 2, réel et symétrique. Il dépend de six variables. Il est d usage de définir un tenseur moment quadrupolaire de trace nulle à partir de l expression : Q ij = 3Q ij T δ ij (3.10) où T désigne la trace du tenseur Q (T = i Q ii ). On peut réécrire l énergie électrostatique quadrupolaire : avec V Q.E. = 1 Q jk U jk T jk j ( 2 ) U U jk = x j x k 0 et U jj = U(0) j U jj (3.11) le second terme de l équation (3.11) (1/2 T U(0)) fait intervenir un produit de deux scalaires, et possède une symétrie différente du premier qui correspond comme on va le voir à un produit (contracté) de deux tenseurs irréductibles de rang 2. Par ailleurs, si de plus on suppose que U(0) = 0, c est à dire que les charges qui créent le potentiel U ne s étendent pas jusqu à l origine, ce second terme ne contribue pas à l énergie. Il faut également noter que Q est un tenseur réel et symétrique avec les éléments : Q xx = d 3 r ρ( r) (3x 2 r 2 ), Q xy = d 3 r ρ( r) 3xy Q yy = d 3 r ρ( r) (3y 2 r 2 ), Q yz = d 3 r ρ( r) 3yz (3.12) Q zz = d 3 r ρ( r) (3z 2 r 2 ), Q xz = d 3 r ρ( r) 3xz Il existe donc un système d axes orthogonaux (axes propres) pour lequel le tenseur est diagonal. Dans ce système d axes, seules les trois composantes 106

108 Q xx, Q yy et Q zz sont non nulles avec la condition Q xx + Q yy + Q zz = 0 (trace nulle). Par convention, l axe Oz est choisi selon le terme diagonal le plus grand en valeur absolue. Lorsque la distribution de charges est de révolution autour de Oz (Q xx = Q yy = 1/2Q zz ), le moment quadrupolaire ne dépend que d un seul paramètre. On désigne habituellement par le terme moment quadrupolaire la quantité Q définie à partir de Q zz, et de la charge élémentaire q (q > 0) : Q zz = qq La quantité Q caractérise la distribution de charge. Q > 0 correspond à un ellipsoïde allongé en forme de cigare alors que Q < 0 correspond à un ellipsoïde aplati en forme de galette (figure 3.2). En résumé, des cinq composantes indépendantes du tenseur quadrupolaire, trois caractérisent la direction et deux la forme de la distribution de charge. Nous reviendrons plus en détail sur ces aspects dans la section suivante. Fig. 3.2 Forme de la distribution de charge en fonction du signe du moment quadrupolaire. Formalisme plus élaboré : moments multipolaires irréductibles Nous allons montrer que l on peut décomposer l interaction électrostatique par un développement de produits contractés de tenseurs sphériques, irréductibles par rapport aux rotations. Comme nous l avons vu au chapitre 2, un tenseur irréductible d ordre k est constitué de (2k + 1) composantes qui se transforment les unes dans les autres lors d une rotation comme les (2k + 1) fonctions harmoniques sphériques Y q k (θ, ϕ). L énergie se présente donc comme une somme de produits des moments multipolaires électriques avec les tenseurs dérivés du potentiel. Considérons deux distributions de charges, l une ρ n ( r n ) localisée près de l origine, l autre ρ e ( r e ) située à grande distance. On peut écrire l énergie d interaction entre ces deux distributions : ρn ( r n ) ρ e ( r e ) V = d 3 r n d 3 r e (3.13) r n r e 107

109 le terme 1/4πε 0 est implicitement inclus dans l expression des densités. L énergie peut également s écrire : V = ρ n ( r)u e ( r)d 3 r où U e ( r) est le potentiel créé par la distribution ρ e ( r e ). L identité bien connue [18] : 1 r n r e = 4π 2k + 1 +k k=0 q= k r< k r> k+1 Y q k (θ n, ϕ n )Y q k (θ e, ϕ e ) (3.14) où les (θ n, ϕ n ) et (θ e, ϕ e ) représentent les directions des vecteurs r n et r e alors que r > et r < sont respectivement les valeurs minimale et maximale de r n et r e. Dans l hypothèse où ρ n ( r n ) est localisée près de l origine et ρ e ( r e ) est située à grande distance, c est à dire pour r n < r e, on a r < r n et r > r e. Ce qui permet d écrire l énergie sous la forme d un développement : V = +k k=0 q= k Q q k U q k = +k k=0 q= k Q q k U q k (3.15) où Q q k et U q k sont des tenseurs irréductibles de rang k : Q q 4π k = 2k + 1 U q k = 4π 2k + 1 r k n ρ n ( r n ) Y q k (θ n, ϕ n ) d 3 r n (3.16) r (k+1) e ρ e ( r e ) Y q k (θ e, ϕ e ) d 3 r e (3.17) les (2k + 1) quantités Q q k correspondent aux composantes du moment multipolaire de rang k de la distribution de charge ρ n ( r n ) alors que est les U q k correspondent aux composantes du tenseur associé aux dérivées k-ièmes du potentiel engendré par la distribution ρ e ( r e ). Avec la convention généralement adoptée pour les harmoniques sphériques (Y q k (θ, ϕ) = ( 1)q Y q k (θ, ϕ)), chaque terme du développement multipolaire de l énergie est bien un scalaire. Il convient de remarquer que, comme ρ( r n ) et ρ( r e ) sont des scalaires, les tenseurs Q q k et U q k possèdent tous deux la symétrie des harmoniques sphériques Y q k (θ, ϕ), c est à dire qu ils se transforment lors d une rotation comme un moment cinétique J = k. Considérons les premiers termes de ce développement multipolaire. A partir de l expression des harmoniques sphériques 2, le terme monopolaire s écrit : ( V k=0 = Q 0 0 U0 0 = ρ n ( r n ) d 3 r n )( ρe ( r e ) r e d 3 r e ) (3.18) où on retrouve le produit de la charge totale associée à la distribution ρ n avec le potentiel à l origine, engendré par la distribution ρ e. Y 0 2 les harmoniques sphériques pour k=0 et k=1 valent : 0 (θ, ϕ) = 1/ 4π Y1 0 3 (θ, ϕ) = cos θ 4π Y ±1 1 (θ, ϕ) = 3 8π sin θ e±iϕ 108

110 Le terme d ordre 1, quant à lui, vaut : avec : Q ±1 1 = 4π 3 Q 0 1 = 4π 3 V k=1 = +1 q= 1 Q q 1 U q 1 (3.19) r n ρ n ( r n ) Y 1 ±1 (θ n, ϕ n ) d 3 r n = 1 ρ n ( r n )(x n ± iy n )d 3 r e 2 r n ρ n ( r n ) Y1 0 (θ n, ϕ n ) d 3 r n = ρ n ( r n ) (z n ) d 3 r n De même, l expression du terme k=1 pour le potentiel conduit aux relations : U ±1 1 = U 0 1 = 4π ρe ( r e ) 3 4π 3 r 2 e ρe ( r e ) r 2 e Y ±1 1 (θ e, ϕ e ) d 3 r e = 1 2 (xe ± iy e ) Y1 0 (θ n, ϕ e ) d 3 r e = z e re 3 r 3 e ρ e ( r e )d 3 r e ρ e ( r e )d 3 r e On retrouve pour Q q 1, les composantes sphériques du moment dipolaire : µ e = ρ n ( r n ) r n d 3 r n et pour U q 1, celles du champ électrique (changé de signe) : E = ρ e ( r e ) r e re 3 d 3 r e Le troisième terme, terme quadrupolaire, est le produit contracté de deux tenseurs irréductibles de rang 2. Les cinq composantes du moment quadrupolaire s écrivent 3 : 4π Q ±2 2 = 5 Q ±1 2 = 4π 5 4π Q2 0 = 5 rn 2 ρ n ( r n ) Y 2 ±2 (θ n, ϕ n ) d 3 r n = 1 2 3(x n ± iy n ) 2 ρ n ( r n )d 3 r n 6 rn 2 ρ n ( r n ) Y 2 ±1 (θ n, ϕ n ) d 3 r n = 1 3z n (x n ± iy n ) ρ n ( r n )d 3 r n 6 rn 2 ρ n ( r n ) Y2 0 (θ n, ϕ n ) d 3 r n = 1 (3zn 2 r 2 2 n) ρ n ( r n )d 3 r n Si on les exprime en fonction des composantes cartésiennes, on obtient : Q ±2 2 = (Q xx ± 2iQ xy Q yy ) Q ±1 2 = 1 6 (Q zx ± iq zy ) Q 0 2 = 1 2 Q zz 3 les harmoniques sphériques pour k=2 valent : Y2 0 5 (θ, ϕ) = (3 16π cos2 θ 1) Y ±1 2 (θ, ϕ) = 15 sin θ cos θ e±iϕ 8π Y ± (θ, ϕ) = 32π sin2 θ e ±2iϕ 109

111 où les composantes cartésiennes du moment quadrupolaire s expriment comme dans les relations (3.12), par exemple : Q xx = ρ( r n )(3x 2 r 2 ) d 3 r n Q xy = ρ( r n )(3xy) d 3 r n On obtient de même pour les termes U q 2, les expressions symétriques : 4π ρe ( r e ) 5 re 3 Y 2 ±2 (θ e, ϕ e ) d 3 r e = 1 2 ρ e ( r e ) 3(x e ± iy e ) 2 6 re 5 d 3 r e 4π ρe ( r e ) 5 re 3 Y 2 ±1 (θ e, ϕ e ) d 3 r e = 1 ρ e ( r e ) 3z e(x e ± iy e ) 6 re 5 d 3 r e 4π ρe ( r e ) 5 re 3 Y2 0 (θ e, ϕ e ) d 3 r e = 1 ρ e ( r e ) (3z2 e re) 2 2 re 5 d 3 r e U ±2 2 = U ±1 2 = U 0 2 = Si on les exprime en fonction des composantes cartésiennes, on obtient : U ±2 2 = (U xx ± 2iU xy U yy ) U ±1 2 = 1 6 (U zx ± iu zy ) U 0 2 = 1 2 U zz où les dérivées secondes du potentiel valent : ( 2 ) U U xx = x 2 = 0 ( 2 ) U U xy = = x y 0 ρ( r e ) 3x2 r 2 r 5 ρ( r e ) 3xy r 5 d 3 r e d 3 r e On peut encore vérifier la grande similitude des expressions des composantes cartésiennes du tenseur quadrupolaire et du gradient de champ ; elles possèdent la même symétrie puisqu elles doivent se transformer de la même façon lors d une rotation. On peut mettre le terme quadrupolaire sous forme cartésienne : V Q.E. = Q q 2 U q 1 ] 2 = [2(Q xx Q yy )(U xx U yy ) + 8 Q xy U xy q ] [2 Q xz U xz + 2 Q yz U yz Q zzu zz En utilisant le fait que les traces de Q ij et U ij sont nulles, on peut ré-écrire : (Q xx Q yy )(U xx U yy ) = 2Q xx U xx + 2Q xx U yy (Q yy + Q yy )(U yy + U yy ) = 2Q xx U xx + 2Q yy U yy Q zz U zz ce qui donne : Q q 2 U q 2 = 1 ] [Q xx U xx +Q yy U yy +Q zz U zz +2 Q xz U xz +2 Q yz U yz +2 Q xy U xy 6 q où on reconnaît l expression classique 1 6 Q iju ij. 110

112 3.2.2 Passage au traitement quantique Formalisme Les différentes expressions ci-dessus se généralisent sans grande difficulté dans le formalisme de la mécanique quantique. L énergie d interaction électrostatique devient un opérateur énergie potentielle et les différents moments multipolaires deviennent des opérateurs tensoriels. Il faut considérer les distributions de charges, non pas comme des distributions classiques mais comme les valeurs moyennes des opérateurs densité de charges sur l état physique du système. Nous avons postulé l existence d une densité de charges ρ n au voisinage de l origine. En mécanique quantique, cette densité pour un système de N charges s exprime comme la valeur moyenne de l opérateur densité de charges : ρ n ( r) = Ψ ρ n ( r) Ψ = Ψ N i=1 q i δ( r R i ) Ψ (3.20) où Ψ décrit l état du système à N particules. Ainsi la forme et la symétrie de la densité de charges dépend de l état du système. L hamiltonien multipolaire électrique s écrit : V = +k k=0 q= k Q q k U q k (3.21) où Q q k et U q k sont des opérateurs tensoriels. Leurs valeurs moyennes sur un état physique redonnent les valeurs classiques exprimées dans le paragraphe précédent. C est ainsi par exemple, que les opérateurs associés aux composantes du moment quadrupolaire, s expriment simplement à partir des opérateurs positions des N particules, par exemple pour une composante sphérique : 3 N Q ±2 2 = q i (x i ± iy i ) 2 (3.22) 8 i=1 expression que l on peut mettre sous la forme : 3 N Q 2 ±2 = d 3 r q i δ( r i r) (x i ± iy i ) 2 8 i=1 3 N = d 3 r q i δ( r i r) (x ± iy) 2 8 i=1 3 = d 3 r ρ n ( r) (x ± iy) 2 (3.23) 8 où ρ n ( r) est l opérateur densité de charges. Pour une composante cartésienne, on a : Q zz = N i=1 q i (3zi 2 ri 2 ) = d 3 r ρ n ( r) (3z 2 r 2 ) 2 (3.24) ce qui permet d obtenir une expression de la valeur moyenne sur un état du système identique à la relation classique : Q zz = d 3 r ρ n ( r) (3z 2 r 2 ) 2 (3.25) 111

113 De même, les composantes du tenseur associé au potentiel s exprime comme une somme d opérateurs sur toutes les charges à l origine du potentiel, par exemple : 3 U 2 ±2 = 8 N i=1 q i (x i ± iy i ) 2 r 5 i (3.26) qui peut s exprimer de la même façon en fonction de l opérateur densité de charges : 3 U 2 ±2 = d 3 (x ± iy)2 r ρ e ( r) 8 r 5 (3.27) Nous avons vu que deux distributions de charges interviennent dans l expression de l énergie. On peut toutefois traiter ces distributions de façon différente. Le traitement quantique complet nécessite de considérer ces deux distributions comme des valeurs moyennes sur un état quantique d un système de charges mais parfois, un traitement intermédiaire semi-classique est suffisant. Par exemple, lorsqu on considère les effets de champ cristallin sur un ion magnétique, ou l effet quadrupolaire nucléaire, on décrit quantiquement les charges au voisinage de l origine (électrons de l ion ou charges nucléaires) alors que les charges à grande distance qui engendrent le potentiel sont modélisées par une densité de charges classique. On écrit alors pour l énergie quadrupolaire : H Q.E. = q V q 2 Q q 2 (3.28) où V q 2 décrit une des composantes classiques du gradient de champ électrique alors que Q q 2 reste un opérateur tensoriel. Méthode des opérateurs équivalents En règle générale, qu il s agisse de l interaction quadrupolaire nucléaire ou de l interaction de champ cristallin, on les traite en perturbation : H = H q= 2 Q q 2 U q 2 = H 0 + H Q.E. L hamiltonien non perturbé H 0 est l hamiltonien nucléaire pour l effet quadrupolaire ou l hamiltonien atomique pour les effets de champ cristallin. Les états propres associés à un niveau donné d énergie E α sont les (2J + 1) états propres α, J, M du moment cinétique de l atome ou du noyau. Dans un calcul en perturbation à l ordre le plus bas, on doit diagonaliser l hamiltonien d interaction quadrupolaire dans le sous-espace associé à une valeur de l énergie E α. Les états perturbés ( Ψ ) à l ordre zéro s expriment comme des combinaisons linéaires des α, J, M. La densité de charges (valeur moyenne de l opérateur ρ n ( r) d après la relation (3.20)) est fonction de l état perturbé Ψ de telle sorte qu à chaque état propre perturbé, on doit associer une densité de charges différente (figure 3.3). Du point de vue de la symétrie, ces états perturbés Ψ doivent être des états de base des représentations irréductibles du groupe de symétrie (ponctuel) de l hamiltonien perturbé. Par conséquent, le calcul de l énergie ou des moments multipolaires fait intervenir des éléments de matrice entre états de la base standard du moment 112

114 ρ ρ α ρ ρ Fig. 3.3 Levée de dégénérescence du niveau de H 0 d énergie E α. Une densité de charges différente est associée aux différents niveaux perturbés. cinétique associés à un même niveau. Le théorème de Wigner-Eckart permet un calcul de ces éléments de matrice : α, J, M Q q k α, J, M = 1 2J + 1 α, J Q k α, J J, k, M, q J, M (3.29) Les propriétés des coefficients de Clebsch-Jordan montrent que : Q q k = 0 pour tout k > 2J (3.30) ce qui signifie que le développement multipolaire de l énergie est borné puisque les valeurs moyennes des moments multipolaires de degrés suffisamment élevés sont toutes nulles. Ainsi un état de moment cinétique J = 0 ou J = 1/2 ne peut porter de moment quadrupolaire. La relation (3.29) montre en outre que tous les tenseurs irréductibles de même rang sont proportionnels entre eux. Nous avons déjà illustré cette propriété sur les opérateurs vectoriels (théorème de projection) où nous avons montré que dans un sousespace E(τ, J), l opérateur x est proportionnel à J x. De même, x n est proportionnel à J n et une composante du moment multipolaire Q q k, qui est un polynôme d ordre k, est proportionnelle au même polynôme des composantes du moment cinétique. Par exemple, la composante du moment quadrupolaire Q zz = i q i (3zi 2 r2 ) est proportionnelle au polynôme équivalent, c est à dire : Q zz = q i (3zi 2 r 2 ) = K (3Jz 2 J 2 ) i puisque J 2 = J 2 x + J 2 y + J 2 z et où K est un facteur de proportionnalité. On peut donc remplacer les opérateurs multipolaires qui s expriment comme une somme de polynômes des coordonnées des particules, par des opérateurs équivalents faisant intervenir les composantes correspondantes de J. Toutefois, une difficulté technique apparaît. Comme les composantes de J ne commutent pas, il faut veiller à symétriser soigneusement les expressions (par exemple, 1/2(J x J y + J y J x ) est l opérateur équivalent de i q i x i y i ). L intérêt des opérateurs équivalents est de simplifier considérablement le calcul des éléments de matrice. Le moment quadrupolaire s exprime ainsi en 113

115 fonction des opérateurs équivalents : 6A Q ±2 2 = 4 h 2 J ± 2 Q ±1 2 = 6A 4 h 2 (J zj ± + J ± J z ) Q 0 2 = A 2 h 2 (3J 2 z J(J + 1) h 2 ) (3.31) où le coefficient de proportionnalité A est déterminé en écrivant : α, J, J Q 0 2 α, J, J = d où : A 2 h 2 α, J, J (3J 2 z J 2 ) α, J, J = A 2 (3J 2 J(J + 1)) = 1 2 α, J, J N i=1 A = q i (3z 2 i r 2 i ) α, J, J = 1 2 qq J(2J 1) qq (3.32) (3.33) Nous reviendrons sur tous ces aspects dans notre présentation de l effet quadrupolaire nucléaire et de l interaction de champ cristallin. 3.3 L interaction quadrupolaire nucléaire Les noyaux des atomes portent un moment magnétique de spin qui interagit avec le champ magnétique local. De plus, la distribution de charges nucléaires peut donner naissance à un moment électrique quadrupolaire. En effet, d après le théorème de Wigner-Eckart, Q q 2 = I, M Qq 2 I, M peut être non nulle pour I 1. Ce moment quadrupolaire nucléaire peut interagir avec le gradient de champ électrique créé par les électrons de l atome considéré et des atomes environnants. Ainsi, en sondant les états nucléaires on peut avoir une information sur la structure électronique locale. C est l objet de la spectroscopie Mössbauer et de la résonance magnétique nucléaire Hamiltonien d interaction Le noyau est une assemblée de particules chargées, dont la densité de charge ρ n ( r) est donnée par : ρ n ( r) = Ψ n A i=1 q i δ( r R i ) Ψ n (3.34) où Ψ n est l état qui caractérise le noyau et q i est la charge d un nucléon (q i =0 pour un neutron et +q pour un proton). La forme du noyau, c est à dire de ρ n ( r), dépend donc de Ψ n. D un point de vue phénoménologique, on modélise souvent le noyau par un ellisoïde de révolution de densité de charges uniforme ρ 0. Si on appelle c la dimension de l ellipsoïde le long de l axe de symétrie et a dans les directions transverses, on obtient le moment 114

116 quadrupolaire de cette distribution ellipsoïdale modèle [21] : +c a 1 (z/c) 2 zz = ρ 0 dz (2z 2 t 2 ) 2πt dt c 0 = 8π 15 ρ 0a 2 c(c 2 a 2 ) = 2 5 (Zq) (c2 a 2 ) (3.35) Q cla. avec t 2 = x 2 + y 2 et la charge nucléaire Zq = 4/3πρ 0 a 2 c. Si c > a, Q cla. zz > 0 et l ellipsoïde est allongé en forme de cigare le long de l axe de symétrie. Pour c < a, Q cla. zz < 0 et l ellipsoïde a la forme d une galette. Pour un noyau isolé, l orientation de l ellipsoïde est aléatoire en raison de l invariance par rotation d un système isolé. Cela signifie que les configurations associées aux différentes orientations ont même énergie. Dans une description quantique, l orientation de la distribution de charge dans l espace, est déterminée par Ψ n. On doit donc décrire le noyau par un mélange statistique (équiprobabilité sur toutes les directions de l orientation de la densité de charges du noyau). En revanche, pour un noyau dans un environnement anisotrope, Ψ n est donnée par la diagonalisation de l interaction électrostatique, essentiellement quadrupolaire, avec les charges de l environnement. En effet, les niveaux nucléaires sont dégénérés (2I + 1 fois pour un spin nucléaire I) et l interaction quadrupolaire, qui peut être traitée en perturbation sur les états nucléaires, lève la dégénérescence de telle sorte que les états perturbés correspondent à un moment quadrupolaire orienté selon le gradient de champ électrique de l environnement. L invariance par rotation est donc rompu et c est l interaction quadrupolaire qui détermine l état fondamental du noyau et par voie de conséquence, l orientation de la distribution de charges et du moment quadrupolaire. Ainsi, si le noyau est dans un état propre du moment cinétique Ψ n = α, I, M, alors on a : Q ±2 2 = 6A 4 h 2 α, I, M I2 ± α, I, M = 0 Q ±1 2 = 6A 4 h 2 α, I, M (I zi ± + I ± I z ) α, I, M = 0 Q 0 2 = A 2 h 2 α, I, M (3I2 z I 2 ) α, I, M = qq 2 ou encore pour les composantes cartésiennes : Q xx = Q yy Q xy = Q xz = Q yz = 0 Q zz = qq 3M 2 I(I + 1) I(2I 1) 3M 2 I(I + 1) I(2I 1) (3.36) Ces résultats montrent que, dans ce cas, le moment quadrupolaire du noyau correspond bien à une densité de charges en forme d ellipsoïde de révolution orienté le long de Oz ( Q xx = Q yy ). Toutefois, la forme de l ellipoïde peut changer avec l état quantique du noyau et notamment la valeur de M. En effet, pour M =I on a : α, I, I Q zz α, I, I = qq 115

117 De même, comme I 2 x = 1/4(I I 2 + I + I + I + I ) et I 2 y = 1/4(I I 2 I + I I + I ) on a : Q yy = Q xx = A α, I, I 3Ix 2 I 2 I(I 1) α, I, I = qq I(2I 1) = qq 2 Si qq > 0, Q zz est positif et le noyau peut être représenté par un ellipsoïde en forme de cigare le long de Oz. En revanche, pour l état α, I, 0 (pour I entier) on obtient : α, I, 0 Q zz α, I, 0 = qq + 1 ( I(I + 1)) = qqi I(2I 1) I 1 on peut facilement vérifier que Q yy = Q xx = Q zz /2. Comme Q zz est négatif, la distribution de charges peut être représentée par un ellipsoïde de révolution en forme de galette. Mais, on peut s écarter d un ellipsoïde de révolution si l état du noyau n est plus un état propre de I z. Par exemple, pour un noyau de spin un (I = 1) considérons l état Ψ = λ α, I =1, M =1 + µ α, I =1, M = 1 avec λ 2 + µ 2 = 1. Un calcul élémentaire conduit à : Q zz = +A (3.37) Q xx = A ( λµ) Q yy = A ( 1 3λµ) (3.38) 2 On constate que si λµ 0, Q xx Q yy et la densité de charges ρ( r) n a plus de symétrie de révolution. La forme de la distribution de charges du noyau dépend de l état de celui ci. On n a une symétrie de révolution autour de l axe Oz si le noyau est dans un état propre du moment cinétique nucléaire. Comme nous l avons vu plus haut, l hamiltonien quadrupolaire électrique peut s écrire : 2 2 H Q.E. = Q q 2 U q 2 = Q q 2 U q 2 (3.39) q= 2 q= 2 où les Q q 2 sont les composantes sphériques de l opérateur associé au moment quadrupolaire nucléaire et les U q 2 sont les composantes sphériques de l opérateur tensoriel de gradient de champ électrique. Si on se place dans le système d axes propres du tenseur gradient de champ, c est à dire si ce tenseur est diagonal (U xz = U xy = U yz = 0), seules les composantes U 2 ±2 et U2 0 sont non nulles. Les directions principales sont données par le groupe ponctuel de l atome dans la molécule ou le solide. Il faut alors uniquement considérer les composantes correspondantes du tenseur moment quadrupolaire (Q ±2 2 et Q 0 2 ) qui s expriment à l aide des opérateurs équivalents : 6qQ Q ±2 2 = 4I(2I 1) h 2 I2 ± Q 0 2 = qq 2I(2I 1) h 2 (3I2 z I(I + 1) h 2 ) (3.40) 116

118 ce qui donne pour l hamiltonien : H Q.E. = Q 2 2 U2 2 + Q 2 2 U2 2 + Q 0 2 U2 0 [ qq (I 2 = + + I 2 ] ) 4I(2I 1) h 2 (U xx U yy ) + (3Iz 2 I 2 ) U zz 2 On peut également reprendre la forme cartésienne du tenseur et écrire : H Q.E. = 1 6 (Q xxu xx + Q yy U yy + Q zz U zz ) (3.41) où les opérateurs peuvent être remplacés par leurs opérateurs équivalents : H Q.E. = 1 ( ) qq 6 I(2I 1) h 2 U xx (3Ix I 2 2 )+U yy (3Iy 2 I 2 )+U zz (3Iz 2 I 2 ) (3.42) ce qui donne compte tenu de U xx + U yy + U zz = U(0) = 0 4 : H Q.E. = 1 ( ) qq 2 I(2I 1) h 2 U xx Ix 2 + U yy Iy 2 + U zz Iz 2 l expression entre parenthèses peut s écrire : ( Uxx + U yy 2 I 2 x + U xx U yy 2 I 2 x + U xx + U yy 2 I 2 y + U yy U xx 2 comme U xx + U yy = U zz, on obtient : ( ) 1 U zz (3Iz 2 I 2 ) + (U xx U yy ) (Ix 2 Iy 2 ) 2 On définit le facteur d asymétrie : (3.43) I 2 y + U zz I 2 z η = U xx U yy U zz (3.44) On rappelle que par convention, on choisit la désignation des axes propres de telle sorte que U zz U xx U yy, η varie donc entre 0 et 1. L hamiltonien quadrupolaire s écrit alors : ou encore : H Q.E. = H Q.E. = qq 4I(2I 1) h 2 U zz ( ) (3Iz 2 I 2 ) + η (Ix 2 Iy 2 ) ( qq 4I(2I 1) h 2 U zz (3Iz 2 I 2 ) + η ) 2 (I2 + + I ) 2 ) (3.45) (3.46) Cet hamiltonien conduit à une levée de dégénérescence des (2I +1) états nucléaires. Dans le cas η =0, nous verrons plus bas quelles symétries conduisent à cette valeur, l hamiltonien ne dépend que de I 2 z et les états de la base standard ( I, M ) sont états propres avec comme seule dégénérescence E(M) = E( M). 4 Attention : les états électroniques de symétrie s ont une densité de probabilité non nulle de se trouver à l origine et donc U(0) 0. Toutefois, leur symétrie étant sphérique, ils ne créent pas de gradient de champ électrique et ne contribuent pas à l hamiltonien quadrupolaire! 117

119 3.3.2 Considérations de symétrie Nous avons vu que l énergie se met sous la forme d un produit contracté de deux opérateurs tensoriels sphériques de rang 2, irréductibles par rapport aux rotations, les tenseurs moment quadrupolaire et gradient de champ. Les cinq composantes de chaque tenseur forment une base de la représentation D (2) du groupe SO(3). Cette forme est imposée par la nécessité d obtenir un terme hamiltonien qui soit un scalaire, c est à dire invariant par rotation. Toutefois, la question qui se pose est de déterminer dans quelles conditions l hamilonien quadrupolaire peut lever la dégénérescence des états atomiques. Il est clair que si le potentiel a une symétrie sphérique, le gradient de champ est identiquement nul. En effet, dans ce cas : U xx = U yy = U zz = 0 puisque U(0) = 0 (3.47) Il faut également noter que la symétrie cubique conduit à la même relation. De façon générale, pour les grandeurs physiques représentées par un tenseur de rang deux, la symétrie cubique apparaît isotrope. La symétrie cubique ne se distingue de la symétrie sphérique que pour des grandeurs représentées par des tenseurs d ordre plus élevé (par exemple, tenseur des contraintes). Par conséquent, aucun effet quadrupolaire n est observable dans une symétrie cubique. Par ailleurs, nous avons vu que l hamiltonien quadrupolaire, donné par la relation (3.45), devait être traité en perturbation sur les niveaux du noyau, c est à dire sur un niveau (2I + 1) fois dégénérés associés aux états I, M du noyau. D après le théorème de Wigner-Eckart, le moment quadrupolaire est proportionnel à un coefficient de Clebsch-Gordan : qq = I, I Q 0 2 I, I I, 2, M, 0 I, I (3.48) qui est nul pour I < 1. Pour avoir une contribution de l interaction quadrupolaire, il faut que le noyau possède un moment quadrupolaire et donc un spin plus grand que 1, mais il faut également que la symétrie du gradient de champ conduise à une levée de dégénérescence. Comment la théorie des groupes permet-elle de résoudre ce problème? Le gradient de champ est une quantité physique qui doit être invariante sous toutes les opérations de symétrie du groupe, et donc relever de la représentation complètement symétrique (A 1 ). Le tenseur gradient possède cinq composantes dont trois déterminent l orientation des axes principaux. Toutefois, lorsqu on se place dans le système d axes propres, c est à dire dans un repère adapté à la symétrie du groupe ponctuel de la molécule ou du solide, il ne dépend que de deux paramètres U zz et η. D un point de vue de la symétrie, U zz et η ont les mêmes propriétés de transformation que les polynômes z 2 et x 2 y 2. Considérons les tables de caractères de quelques groupes ponctuels. Le premier exemple que nous considérons est celui du groupe C 3v. Sa table des caractère est : C 3v E 2C 3 3σ A x 2 + y 2, z 2 A E (x 2 y 2, 2xy) (xz,yz) 118

120 La dernière colonne indique la symétrie des polynômes d ordre deux et fait apparaître que z 2 est base de la représentation irréductible A 1. U zz est donc invariant sous toutes les opérations du groupe de symétrie comme attendue d une grandeur physique. En revanche, x 2 y 2 n est pas base de A 1. Il est base de la représentation bi-dimensionnelle E. En conséquence, η, pour être invariant sous toutes les opérations du groupe C 3v, doit être identiquement nul. L hamiltonien se réduit donc au terme : qq H Q.E. = 4I(2I 1) h 2 (3I2 z I 2 ) U zz En revanche, dans la table des caractères du groupe C 2v, C 2v E C 2 σ σ A x 2, y 2, z 2 A xy B xz B yz x 2 y 2 et z 2 relèvent tous deux de la représentation A 1. Par conséquent, les deux paramètres U zz et η peuvent être non nuls et l hamiltonien s écrit sous sa forme générale. Enfin, dans la table du groupe cubique O, ni z 2 ni x 2 y 2 ne sont fonctions de base de A 1. Comme nous l avons déjà souligné plus haut, le gradient de champ est alors identiquement nul. O E 8C 3 3C 2 6C 4 6C 2 A x 2 + y 2 + z 2 A E (z 2, x 2 y 2 ) T T (xy, yz, xz) Interaction avec un champ magnétique Le noyau atomique porte généralement un moment cinétique de spin ( I). A ce moment de spin, on peut associer un moment magnétique proportionnel à I : µ = g iµ N I (3.49) h où µ N = q h/2m p est le moment de Bohr nucléaire (M p est la masse d un proton) et g i le facteur gyromagnétique du noyau dans l état considéré. Si B est le champ magnétique total (champ extérieur appliqué plus contribution éventuelle de l environnement due à la présence d éléments magnétiques), l interaction magnétique s écrit sous la forme de l hamiltonien Zeeman : H Z = µ B (3.50) L hamiltonien interaction du noyau avec l environnement fait donc apparaître deux termes, une interaction quadrupolaire électrique et une interaction dipolaire magnétique : H int = qq 4I(2I 1) h 2 U zz ( ) (3Iz 2 I 2 ) + η (Ix 2 Iy 2 ) µ. B (3.51) 119

121 Nous allons considérer deux cas limites, celui du champ faible où H Z peut être traité en perturbation sur les état propres de H Q.E., et la limite champ fort où, au contraire, H Q.E. peut être traité en perturbation sur les états propres de H Z. Nous prendrons comme exemple, le noyau du fer 57 ce qui nous permettra d expliquer les principales caractéristiques des spectres Mössbauer de ce noyau. Le niveau fondamental du 57 Fe correspond à un spin I = 1/2 (g f = ) et ne présente donc pas d effet quadrupolaire. Le premier état excité, situé à 14.4 kev, est caractérisé par un spin I =3/2 (g e = 0.103). Les transitions dipolaires (électrique ou magnétique selon les parités des états initial et final) peuvent être étudiées par la spectrométrie Mössbauer. Limite champ faible Dans ce cas de figure, il convient dans un premier temps de diagonaliser l hamiltonien quadrupolaire qui s écrit dans le système des axes propres du gradient de champ électrique : H Q.E. = qq 4I(2I 1) h 2 U zz ( (3Iz 2 I 2 ) + η ) 2 (I2 + + I ) 2 (3.52) Si l environnement du noyau présente une symétrie axiale, c est à dire si le paramètre d asymétrie du gradient de champ est nul (η = 0), les énergies propres de H Q.E. s écrivent simplement pour l état excité : qq ( ) E mi = 4I(2I 1) U zz 3M 2 I(I + 1) (3.53) où M prend toutes les valeurs permises entre +3/2 et -3/2. On constate que le spectre présente deux valeurs propres doublement dégénérées puisque les états I, M et I, M ont même énergie (E M = E M = E M ). Cette dégénérescence résiduelle provient de l invariance par renversement du temps et est une manifestation du théorème de Kramers. L application d un champ magnétique faible va lever cette dégénérescence puisque un champ magnétique extérieur brise l invariance par renversement du temps. En effet, l effet Zeeman conduit à l éclatement de chaque doublet. Les valeurs propres sont obtenues en diagonalisant l hamiltonien Zeeman dans chaque restriction associée à un doublet : H Z = g eµ N I h B (3.54) = g eµ N B (I z cos θ + I x sin θ cos ϕ + I y sin θ sin ϕ) h où θ et ϕ caractérisent la direction du champ magnétique. On rappelle que : I x = 1 2 (I + + I ) I y = 1 2i (I + I ) de sorte que pour le doublet M =±3/2 ( M = 3), les états I = 3/2, ±3/2 ne sont pas couplés par I x et I y. H Z est déjà diagonal dans la base standard ce qui conduit aux énergies : E Z (M = ±3/2) = 3/2g e µ N B cos θ (3.55) 120

122 En revanche, la matrice de l hamiltonien H Z est plus complexe pour le doublet M = ±1/2 puisque les états I, ±1/2 sont couplés par I x et I y. On obtient le déterminant séculaire : g eµ N B 2 cos θ E sin θ cos ϕ + i sin θ sin ϕ qui admet les deux solutions : correspondant aux états : E ± = g eµ N B 2 sin θ cos ϕ i sin θ sin ϕ cos θ E (3.56) cos θ tan 2 θ (3.57) + = sin α I =3/2, M =1/2 + cos α I =3/2, M = 1/2 = cos α I =3/2, M =1/2 + sin α I =3/2, M = 1/2 (3.58) avec tan α = ( tan 2 θ + 1) 1/ tan 2 θ 1 Pour l état fondamental, comme I = 1/2 l effet quadrupolaire est nul et le terme Zeeman conduit à deux niveaux : E ± = g iµ N B 2 (3.59) En résumé, l interaction quadrupolaire donne naissance pour l état excité I = 3/2 à deux doublets M =±3/2 et M =±1/2 dont la dégénérescence est complètement levée par un champ magnétique B (figure 3.4). La spectrométrie Mössbauer permet de mettre en évidence l interaction quadrupolaire. En effet, les énergies de transition entre le niveau excité du noyau de Fer 57 et le niveau fondamental qui n est pas affecté par l hamiltonien quadrupolaire reflète directement la séparation entre les deux doublets quadrupolaires de l état excité. Les règles de sélection dipolaire (électrique ou magnétique selon les parités des états initial et final), qui régissent les transitions nucléaires, font apparaître l élément de matrice entre les états initial et final de l hamiltonien d interaction dipolaire noyau-photon ( q i r i E( r = 0, t) que l on peut écrire d E). L opérateur moment dipolaire d étant un opérateur vectoriel, le théorème de Wigner-Eckart permet d écrire : P if (M, M ) q E q 1 2 I =/2, M d q 1 I =1/2, M 2 = I =3/2 d 1 I =1/2 2 q E q 1 2 I =3/2, M I = 1/2, k =1, M, q 2 où d q 1 représentent les différentes composantes (q = ±1, 0) de l opérateur vectoriel. Chaque probabilité est pondérée par la composante sphérique correspondante du champ électrique E q 1 (on a considéré que les photons ne sont pas polarisés, si les photons sont polarisés, on ne conserve qu une seule composante du champ électrique). Cela permet de déterminer, pour des photons se propageant dans une direction bien déterminée par rapport aux axes principaux du tenseur gradient de champ, la dépendance en angle de la probabilité d absorption. L intensité de la raie d absorption Mössbauer, qui est 121

123 proportionnelle à P if, dépend de la composante d q 1 et donc de la direction de propagation et de la polarisation des photons gamma absorbés. Si on a un solide polycristallin, les trois composantes interviennent avec le même poids et on obtient deux raies d absorption de même intensité (figure 3.4).! #"$%& '('()* Fig. 3.4 (a) Niveau fondamental et niveau d excité d un noyau de Fe 57 dans la limite champ nul (les flèches indiquent les transition entre états) ; (b) Spectre Mössbauer mettant en évidence l effet quadrupolaire. Si le paramètre d asymétrie est non nul, la forme de l hamiltonien quadrupolaire est plus complexe. Toutefois, pour un niveau (I = 3/2), le calcul reste simple puisque le terme d asymétrie ne couple que les états M = 3/2 et M = 1/2 et les états M = 3/2 et M = 1/2. On obtient dans la base standard la matrice : ] [H Q.E. = qq 4I(2I 1) U zz 3 0 η η 3 η η (3.60) où 3 et 3 représentent les valeurs de 3M 2 I(I + 1) pour M = ±3/2 et M = ±1/2. Cette matrice se met sous la forme de deux matrices 2 2 identiques dont l équation séculaire vaut : 3 λ η 3 η 3 3 λ = λ2 9(1 + η2 3 ) = 0 (3.61) Le spectre quadrupolaire est donc constitué de deux doublets, d énergie : E M = qq ( 4I(2I 1) U zz 3M 2 I(I + 1) )(1 + η2 3 )1/2 (3.62) Le couplage Zeeman va lever la dégénérescence de chaque doublet. Les énergies obtenues dépendent du paramètre d asymétrie et de la direction du champ magnétique [22]. Limite champ fort Dans les solides magnétiques, le noyau est soumis à un champ magnétique très intense provenant des contributions des différents moments magnétiques. Ce champ peut atteindre quelques centaines de Teslas (interactions 122

124 hyperfine). L hamiltonien résultant peut s écrire formellement : H Z = g i µ N I. B (3.63) hamiltonien pour lequel il est naturel de choisir l axe de quantification suivant la direction du champ magnétique. Les états propres sont donc les états de la base standard du moment cinétique. Les niveaux d énergie sont représentés sur la figure 3.5. Noter le renversement de l ordre des états entre le niveau fondamental et le niveau excité qui reflète les signes différents du facteur gyromagnétique. Les transitions dipolaires entre ces états sont illustrées par des flèches sur cette figure. Six raies d absorption sont ainsi visibles dans un spectre Mössbauer dont les intensités sont données par le carré du coefficient de Clebsch-Gordan correspondant 5. Ces coefficients valent : 3/2, 3/2 1/2, 1, 1/2, 1 = 3/2, 3/2 1/2, 1, 1/2, 1 = 1 2 3/2, 1/2 1/2, 1, 1/2, 0 = 3/2, 1/2 1/2, 1, 1/2, 0 = 3 1 3/2, 1/2 1/2, 1, 1/2, 1 = 3/2, 1/2 1/2, 1, 1/2, 1 = 3 et permettent de déterminer les probabilités de transition et les intensités des raies d absorption dans le cas d un polycristal. Elles varient avec des rapports 3, 2 et 1. "!$#%&' ()()*+ Fig. 3.5 (a) Niveau fondamental et niveau d excité d un noyau de Fe 57 placé dans un champ magnétique fort et d un gradient de champ électrique faisant un angle θ avec la direction du champ B ; (b) Spectre Mössbauer correspondant. Lorsqu on introduit l interaction quadrupolaire en perturbation, il faut bien distinguer le repère Oxyz associé au champ magnétique de celui OXY Z associé au gradient de champ. Les états propres de l hamiltonien Zeeman sont donc les états propres de I z ( I, M. Pour tenir compte de l interaction quadrupolaire nucléaire, il faut exprimer l hamiltonien quadrupolaire dans 5 La probabilité de transition est proportionnelle à l élément de matrice au carré d une composante du champ électrique (tenseur de rang 1). D après le théorème de Wigner- Eckart, l élément de matrice de I, M E q 1 I, M est proportionnel à I, 1, M, q I, M. 123

125 le repère Oxyz. Si on considère le champ magnétique dans le plan OXZ tel que : I Z = I z cos θ + I x sin θ (3.64) on obtient pour l hamiltonien quadrupolaire dans le cas d un gradient symétrique (η = 0) : H Q.E. = qq 4I(2I 1) h 2 U ZZ ( 3I 2 z cos 2 θ I sin2 θ(i + + I ) ) 2 sin θ cos θ[i z(i + + I ) + (I + + I )I z ] comme (I + + I ) 2 = I I 2 + (I 2 x + I 2 y ) = I I 2 (I 2 z I 2 ), on peut la mettre sous la forme [20, 23] : H Q.E. = ( qq 1 4I(2I 1) h 2 U ZZ 2 (3 cos2 θ 1)(3Iz 2 I 2 ) sin2 θ(i+ 2 + I ) ) 2 sin θ cos θ[i z(i + + I ) + (I + + I )I z ] (3.65) Le calcul en perturbation de l interaction quadrupolaire à l ordre le plus bas est très simple puisque seul le premier terme contribue et donne : E(M) = I, M H Q.E. I, M = et ainsi on a le spectre en énergie suivant : E(M) = gµ N BM + qq U ( ) ZZ 4I(2I 1) (3 cos2 θ 1) 3M 2 I(I + 1) qq U ( ) ZZ 4I(2I 1) (3 cos2 θ 1) 3M 2 I(I + 1) que l on a représenté sur la figure 3.6 pour l état excité I = 3/2. Les états M = ±3/2 sont déplacés de +qq U zz (3 cos θ 1)/4 et les états M = ±1/2 de +qq U zz (3 cos θ 1)/4. Cette expression montre que le terme angulaire (3 cos 2 θ 1) peut conduire à des erreurs sur la valeur de qq si on ne connaît pas parfaitement la direction du gradient de champ. Par ailleurs si θ = cos 1/3, l effet quadrupolaire disparaît même si le gradient de champ électrique est non nul (3 cos 2 θ 1=0). 124

126 Fig. 3.6 Etats du niveau excité d un noyau de Fe 57 placé dans un champ magnétique fort et d un gradient de champ axial. Nous avons vu que les niveaux nucléaires sont sensibles, par l intermédiaire de l interaction hyperfine et de l interaction quadrupolaire à l environnement du noyau. Cette sensibilité fait de la spectrométrie Mössbauer une technique puissante pour l étude locale des systèmes magnétiques puisqu elle permet d obtenir le champ hyperfin ainsi que des informations sur la densité des charges électroniques par l intermédiaire de l effet quadrupolaire. 3.4 Champ cristallin Symétrie locale et interaction de champ cristallin C est au début des années trente que plusieurs auteurs (Van Vleck, 1932 et Bethe, 1929) ont montré que les propriétés magnétiques des ions dans un solide sont modifiées par les interactions électriques avec l environnement. En effet, l invariance par rotation d un angle quelconque étant brisée lorsqu on place un atome dans un réseau cristallin, seules certaines rotations, celles du groupe de symétrie du cristal, laissent le potentiel inchangé. La symétrie est donc abaissée et on peut s attendre à une levée de dégénérescence par rapport au spectre en énergie des ions libres. Pour décrire cet effet, on doit rajouter à l hamiltonien atomique un terme décrivant l interaction de la densité de charges de l atome ou de l ion avec le champ électrique non sphérique dû à l environnement. Cet hamiltonien, appelé hamiltonien de champ cristallin, correspond au développement multipolaire du potentiel électrostatique. Pour comprendre l influence du champ cristallin sur les propriétés magnétiques des atomes, il faut évaluer les ordres de grandeur des différentes interactions. Nous avons vu plus haut que le niveau fondamental d un atome à plusieurs électrons dépend de deux interactions principales : la répulsion coulombienne entre électrons et l interaction de spin-orbite. Dans le modèle de Russel-Saunders, valable pour la plupart des atomes, les interactions électroniques sont prépondérantes et conduisent à la stabilisation du terme 125

127 spectroscopique associé aux valeurs maximales des moments cinétiques de spin et orbital (première et deuxième règles de Hund). L hamiltonien de spin-orbite, beaucoup plus faible, stabilise, à l intérieur de ce terme spectroscopique (c est à dire pour L et S fixés), une valeur du moment cinétique total J. Le moment magnétique de l état fondamental de l atome est donc proportionnel au moment cinétique total ( µ = g J µ B J où gj est le facteur de Landé du multiplet fondamental et µ B le magnéton de Bohr). Ces prédictions sont en bon accord avec les résultats expérimentaux sur les atomes et les ions isolés. Mais, lorsqu un ion est placé dans un solide, c est l hamiltonien de champ cristallin et son ordre de grandeur comparé aux interactions coulombiennes et de spin-orbite, qui impose la nature de l état fondamental et par conséquent, les propriétés magnétiques. Fig. 3.7 Courbe d aimantation pour des échantillons d alun de chrome et de potatium (I), d alun de fer ammoniacal (II) et d octahydrate de sulfate de gadolinium (III) (d après [25]). Sur la figure 3.7 sont reportées les courbes d aimantation à basse température de plusieurs sels d un métal de transition (Fe 3+ et Cr 3+ ) ou d une terre rare (Gd 3+ ). D après les règles de Hund, les 3 ions Gd 3+, Fe 3+ et Cr 3+ sont caractérisés par un moment de spin total égal à 7/2, 5/2 et 3/2 respectivement. L aimantation à saturation indique pour ces 3 ions un moment égal 2µ B S et donc suggère g J = 2. Ce résultat est en accord avec les prédictions du modèle de Russel-Saunders pour Gd 3+ et Fe 3+ puisque les 2 configurations de ces ions (3d 5 et 4f 7 respectivement) correspondent à une sous-couche demi-remplie et à un moment orbital nul. Le moment cinétique est uniquement de spin avec un facteur gyromagnétique de 2. En revanche, pour Cr 3+ de configuration 3d 3, le multiplet fondamental est 4 F 3/2 (c est à 126

128 dire L = 3, S = 3/2, J = 3/2 et g J = 6/5). La valeur expérimentale g = 2 suggère que le moment cinétique orbital ne contribue pas au moment magnétique et donc que le moment magnétique orbital est bloqué ou gelé. Les mesures de susceptibilité magnétique confirment ces courbes d aimantation à basse température. En effet, le moment effectif expérimental estimé à partir de la constante de Curie est voisin de 2µ B S(S + 1) alors que le modèle de Russel-Saunders prédit pour l ion libre µ eff = g J µ B J(J + 1). Le blocage du moment cinétique orbital, généralement observé dans les composés isolants de métaux de transition, est un effet du solide et son explication a constitué le premier succès de la théorie du champ cristallin. Plus généralement, l étude de la symétrie de l interaction d un ion avec son environnement permet de prévoir les propriétés magnétiques de l état fondamental mais également des états excités, ce qui permet l interprétation des expériences de spectroscopies, comme par exemple la résonance paramagnétique électronique [26]. En revanche, pour les composés de Terres-Rares (autres que le Gd), le moment effectif à haute température est généralement en accord avec la valeur de l ion libre, mais l aimantation à basse température, qui reflète le moment magnétique du niveau fondamental, s écarte des valeurs associées au moment cinétique total ou au seul moment de spin. Cette diversité de comportements traduit l importance relative de l hamiltonien de champ cristallin par rapport à celui de spin-orbite. Pour simplifier, trois situations extrêmes peuvent se rencontrer selon la force des différentes interactions. Nous nous limiterons au cas de figure de l atome de Russel-Saunders où le couplage spin-orbite peut être traité en perturbation devant les interactions coulombiennes, c est à dire où le niveau fondamental de l atome est caractérisé par un multiplet (L, S, J), dégénéré (2J + 1) fois : i) champ cristallin faible : Dans ce cas, l énergie de champ cristallin est petite devant l interaction de spin-orbite, c est à dire petite devant l écart en énergie des différents multiplets (mêmes L et S mais J différent). A l ordre le plus bas, l hamiltonien de champ cristallin lève la dégénérescence du multiplet fondamental mais L, S et J restent de bons nombres quantiques. Cette situation prévaut dans les métaux et composés de Terres-Rares où le magnétisme est dû aux états 4f fortement localisés et donc moins sensibles à l environnement cristallin. Comme de plus l interaction de spin-orbite est généralement importante (avec, nous l avons vu, l exception notable des ions d europium 3+ et de samarium), la séparation entre multiplets différents est grande devant k B T et seul le multiplet fondamental intervient (figure 3.8). Le champ cristallin, traité en perturbation sur le multiplet fondamental, en lève la dégénérescence. A basse température, le moment magnétique ne dépend que de la symétrie de l état fondamental de champ cristallin. En revanche, à haute température, les différents niveaux de champ cristallin sont peuplés thermiquement et la valeur de l ion libre est retrouvée. ii) champ cristallin intermédiaire : Dans ce cas, l énergie de champ cristallin est grande devant l énergie de 127

129 J=7/2 4 Γ Γ 7 2 Γ 6 J=5/ Γ 8 Γ 6 Fig. 3.8 Effet d un champ cristallin de symétrie cubique sur un ion de Ce 3+ (configuration 4f 1, L=3, S=1/2 et J=5/2 et J=7/2). La séparation entre les deux niveaux de champ cristallin du multiplet fondamental J=5/2 est de l ordre de 10 mev alors que les 2 états de spin-orbite (J=5/2 et J=7/2) sont séparés par 300 mev. spin-orbite mais reste petite devant les interactions coulombiennes. Le niveau fondamental est toujours caractérisé par L et S mais J cesse d être un bon nombre quantique puisque le champ cristallin mélange les différents multiplets. Dans une approche perturbative, il faut d abord traiter en perturbation l hamiltonien de champ cristallin sur le terme spectrocopique (L, S) puis tenir compte du spin-orbite. C est généralement la situation des ions du groupe du fer (les métaux de transition de la première série) en raison d une extension spatiale des états d relativement importante et d une faible interaction spin-orbite. Le champ cristallin n agissant que sur les variables spatiales, le moment de spin est pratiquement libre alors que le moment orbital est très souvent bloqué et ne contribue pas au moment magnétique. Nous verrons plus loin le mécanisme physique à l origine de ce blocage. La figure 3.9 montre l éclatement des niveaux atomiques (L, S) sous l effet d un champ cristallin octaédrique. La deuxième règle de Hund montre que, sauf pour la configuration d 5, le moment cinétique total L vaut 2 (d 1, d 4, d 6, d 9 ) ou 3 (d 2, d 3, d 7, d 8 ). Les termes spectroscopiques associés ont leur dégénérescence partiellement levée par l interaction de champ cristallin. Toutefois, l interaction spin-orbite, faible dans ce cas et donc pouvant être traitée en perturbation sur les états propres de l hamiltonien de champ cristallin, introduit souvent une anisotropie magnétique. iii) champ cristallin fort : C est le cas limite où le champ cristallin est plus fort que les interactions de Coulomb intra-atomiques. Cette fois, L cesse d être le moment cinétique pertinent et l hamiltonien de champ cristallin agit directement sur les fonctions d onde mono-atomiques. On obtient alors des configurations de champ 128

130 Dq D 10Dq F 8Dq F 3 D Dq 5 10Dq 3 10Dq 3 d 1, d 6 d 2, d d 3, d 8 d 4, d 9 Fig. 3.9 Représentation schématique de l effet du champ cristallin sur les configurations des métaux de transition en symétrie octaédrique. Pour la symétrie tétraédrique, il faut inverser l ordre des niveaux d énergie. 10 Dq représente, d après la notation de van Vleck, la séparation entre les niveaux E et T 2 (les 2 représentations irréductibles obtenues à partir de D). cristallin à un électron sur lesquelles on traitera la répulsion coulombienne en perturbation. Cette situation est principalement rencontrées dans les groupes 4d et 5d (groupe du palladium et du platine mais également dans certains complexes du groupe du fer). Ces états généralement participent aux liaisons chimiques dans le solide. La notion d ions et donc d orbitales strictement localisées, qui est à la base du modèle du champ cristallin, n est plus adaptée mais néanmoins, les propriétés magnétiques, qui dépendent essentiellement de la symétrie de l état fondamental restent qualitativement en accord avec les prédictions du modèle. Ces 3 cas de figure ne constituent que des cas limites : en effet, si les terres-rares relèvent sans ambiguïté de la limite champ faible, les composés des métaux de transition correspondent souvent à des interactions de Coulomb et de champ cristallin d ordres de grandeur comparables Hamiltonien de champ cristallin Les différentes formes de l hamiltonien de champ cristallin L interaction d un ion magnétique avec ses voisins dans un solide est complexe mais on peut distinguer deux mécanismes : i) la densité électronique de l ion interagit avec le potentiel électrostatique dû à l environnement, ii) les orbitales de l ion peuvent intervenir dans les liaisons de caractère covalent avec les ligands. Nous allons dans la suite de ce paragraphe considérer uniquement le premier cas, valable pour des orbitales très localisées qui n interviennent pas dans la liaison chimique (états f des terres-rares ou d des oxydes ou complexes de métaux de transition). Les notations que nous allons adopter dans cette 129

131 partie s écartent de celles utilisées dans la section 3.2 sur les développements multipolaires. Ce choix est imposé par leur utilisation massive dans la plupart des travaux sur les champs cristallins. Nous avons vu dans la section 3.2 que le potentiel électrostatique près de l origine (c est à dire au voisinage de l ion magnétique) créé par des charges éloignées peut se développer en termes multipolaire et donc se mettre sous la forme d un développement d harmoniques sphériques (relation 3.15). Il s écrit sous la forme très générale suivante : U(r, θ, ϕ) = +l l=0 m= l B m l r l Y m l (θ, ϕ) (3.66) où les Bl m sont des grandeurs qui dépendent de la distribution de charge de l environnement. La symétrie impose des conditions de nullité sur les Bl m, en particulier, un centre d inversion à l origine entraîne le caractère pair du potentiel et donc Bl m = 0 pour l impair. La méthode la plus simple pour calculer U(r, θ, ϕ), appelée approximation des charges ponctuelles, consiste à supposer que les ions voisins de l ion magnétique peuvent être représentés par des charges ponctuelles q i = Z i q. Dans ce cas, on a simplement : U(r, θ, ϕ) = i 1 4πɛ 0 q i R i r L énergie potentielle s écrit pour une charge q en r : V (r, θ, ϕ) = qu(r, θ, ϕ) = i Z i e 2 R i r où e 2 = q 2 /4πɛ 0. Cette approximation permet de mener le calcul jusqu à son terme mais néglige toute extension spatiale aux anions ainsi que les éventuels effets d écrantage du potentiel par les couches électroniques externes de l ion magnétique. Toutefois, l éclatement d un niveau par le champ cristallin est essentiellement dû à la symétrie et donc qualitativement reproduit par l approximation des charges ponctuelles. Pour illustrer la méthode, nous allons considérer un ion magnétique dans un environnement octaédrique d anions (figure 3.10). Dans ce cas, le groupe de symétrie est le groupe O h. On calcule l énergie potentielle au voisinage de l origine, (développement limité en r/r). A cause de la symétrie cubique, le premier terme non nul est du quatrième ordre : V (x, y, z) = 6e2 R e 2 R 5 (x4 + y 4 + z r4 ) 21 2 e 2 [ R 7 x 6 + y 6 + z (x2 (y 4 + z 4 ) + y 2 (x 4 + z 4 ) + z 2 (x 4 + y 4 )) r6] +... On peut également l exprimer, en coordonnées sphériques, en fonction des harmoniques sphériques, on obtient en éliminant le terme constant (6 e 2 /R) : V (r, θ, ϕ) = D 4 V 4 + D 6 V

132 z y O x Fig Atome placé dans un environnement de symétrie octaédrique, on supposera Z i =1. avec les constantes : 5 = D 4 [Y4 0 (θ, ϕ) + 14 (Y 4 4 (θ, ϕ) + Y4 4 (θ, ϕ))] + D 6 [Y 0 6 (θ, ϕ) D 4 = 7 e 2 π 3 R 5 r4 7 2 (Y 4 6 (θ, ϕ) + Y 4 6 (θ, ϕ))] + (3.67) et D 6 = 3 2 ( π e2 )1/2 13 R 7 r6. Pour un environnement tétraédrique, V (r, θ, ϕ) a la même forme mais avec des valeurs de D 4 et de D 6 différentes (notamment le signe de D 4 est inversé). En raison de l axe de symétrie d ordre 4 choisi selon Oz, seules les harmoniques sphériques Yl m (θ, ϕ) telles que m est proportionnel à 4 interviennent. pour obtenir l hamiltonien de champ cristallin, il faut sommer sur tous les électrons de la couche magnétique : V C.E.F. = i V i (r i, θ i, ϕ i ) Cet hamiltonien est traité en perturbation, souvent à l ordre le plus bas, c est à dire que l on doit le diagonaliser dans l espace des états associé au niveau fondamental de l hamiltonien non perturbé H 0. Il faut noter que dans le cas d un groupe avec un centre d inversion seuls les termes pairs contribuent aux éléments de matrice. 6 C est ici que les ordres de grandeur des différentes interactions (coulombienne, spin-orbite et champ cristallin) interviennent. En effet, les effets du champ cristallin dépendent des états de l hamiltonien non perturbés sur lesquels il agit. Nous allons montrer que l expression de l hamiltonien de 6 Attention, si l inversion n est plus un élément de symétrie (comme par exemple un environnement tétraédrique, groupe T d ), les termes impairs du développement multipolaire du potentiel ne sont pas nuls. En revanche, leurs éléments de matrice sur les états issus d une même configuration électronique, et donc de même parité, sont nuls. 131

133 champ cristallin dépend également de l hamiltonien non perturbé. Dans la limite champ faible, c est à dire dans la limite champ cristallin plus petit que le couplage spin orbite, nous avons vu que les états de H 0 sont caractérisés par les nombres quantiques L, S et J. On doit donc diagonaliser V C.E.F. dans la base des (2J + 1) vecteurs L, S, J, M associée au niveau considéré de H 0 et on doit calculer des éléments de matrice du type : τ, L, S, J, M V C.E.F. τ, L, S, J, M Dans la limite des champs intermédiaires en revanche, les niveaux de H 0 sont seulement caractérisés par L et S, sa dégénérescence est (2L + 1) (2S + 1) et le champ cristallin n agit que sur la partie orbitale (la partie de spin est complètement découplée). Les éléments de matrice sont alors de la forme : τ, L, S, M L, M S V C.E.F. τ, L, S, M L, M S Enfin dans la limite champ fort, H 0 correspond à l hamiltonien atomique dans l approximation du champ central, de sorte que le champ cristallin agit sur la partie spatiale des fonctions d onde monoélectroniques caractérisées par le moment cinétique individuel l, ce qui conduit au calcul des élément de matrice : τ, l, m l,, m s V C.E.F. τ, l, m l, m s De façon générale, le théorème de Wigner-Eckart permet de calculer ces différents éléments de matrice de V C.E.F.. En particulier, à l ordre le plus bas où seuls les états associés au niveau considéré interviennent, on utilise le théorème de projection. Cela va permettre de simplifier le problème puisque les éléments de matrice obéissent à des règles strictes de nullité. Le développement de V C.E.F. peut donc être tronqué à un ordre donné. En effet, le développement multipolaire de V C.E.F. s exprime à partir de tenseurs sphériques irréductibles : V C.E.F. = k V (k). Par exemple, dans la limite champ faible, l élément de matrice pertinent ( τ, L, S, J, M V (k) q τ, L, S, J, M ) est proportionnel au coefficient de Clebsch-Gordon J, k, M, q J, M qui est nul si k > 2J. Ainsi pour un ion magnétique, dont l état fondamental est associé à J = 5/2, on peut tronquer V C.E.F. au quatrième ordre. De même pour les limites champ intermédiaire et champ fort, il faut considérer les éléments de matrice des tenseurs sphériques entre états propres pertinents, c est à dire états propres du moment cinétique orbital total ( L), ou moment cinétique individuel ( l), ils sont nuls pour k > 2L et k > 2l, respectivement. Comme nous l avons vu plus haut, Stevens a introduit une méthode puissante pour déterminer les éléments de matrice de V C.E.F. à l intérieur d une multiplicité à J ou L donné [27]. Cette méthode, appelée méthode des opérateurs équivalents, utilise la propriété qu à l intérieur du sous-espace E(τ, J) (ou E(τ, L, S) dans la limite champ intermédiaire), les éléments de matrice de x, y, z sont proportionnels à ceux de J x, J y, J z (ou à ceux de L x, L y, L z ). L hamiltonien de champ cristallin s écrit sous la forme d un développement multipolaire, chaque terme s exprimant à partir d une somme sur tous les électrons de l ion de polynômes P q k d ordre k des coordonnées 132

134 d un électron 7 : V C.E.F. = A q k P q k (x i, y i, z i ) (3.68) i k,q on va exprimer les éléments de matrice en fonction des composantes du moment cinétique par l intermédiaire d opérateurs équivalents O q k définis par : τ, J, M i P q k (x i, y i, z i ) τ, J, M = a k (J) r k τ, J, M O q k τ, J, M où les O q k sont des polynômes construits en remplaçant x par J x, y par J y etc.. Par exemple, le polynôme d ordre 2, P2 0 devient : (3zi 2 ri 2 ) α J r 2 O2 0 i avec O 0 2 = (3J 2 z J 2 ), r 2 est la valeur moyenne de r 2 sur la partie radiale de la fonction d onde et α J = a 2 (J) une constante pour un J donné. Cette constante est proportionnelle au moment quadrupolaire correspondant à la distribution de charge de l ion magnétique, celle-ci a la forme d un cigare (α J > 0) ou d une galette (α J < 0). Comme nous l avons déjà fait remarqué, il faut symétriser les expressions pour tenir compte de la non-commutativité des composantes du moment cinétique comme illustré sur l exemple : i x i y i α J r 2 J xj y + J y J x 2 Les opérateurs de Stevens sont tabulés dans les ouvrages de référence [26, 28]. Par exemple, Pour un champ cristallin de symétrie octaédrique, l hamiltonien s écrit à l ordre le plus bas (d ordre 4) : V C.E.F. = 1 20 β J r 4 (O O 4 4) = B 4 (O O 4 4) (3.69) avec O 0 4 = 35J 4 z 30J(J + 1)J 2 z + 25J 2 z 6J(J + 1) + 3J 2 (J + 1) 2 O 4 4 = 1/2(J J 4 ) (3.70) Les coefficients de Stevens α J et β J peuvent être calculés explicitement pour chaque configuration. Par exemple, ils sont reportés pour la série des terres rares sur la figure On constate que leur signe évolue de façon non triviale. Le cas du champ intermédiaire est traité de la même façon en remplaçant dans les opérateurs de Stevens les composantes de J par celles de L. Par exemple, l opérateur de Stevens O 4 4 s écrit : O 4 4 = 1/2(L L 4 ) 7 Attention à la notation : contrairement aux notations que nous avons utilisées pour les tenseurs irréversibles, l ordre du polynôme (k) est en indice alors que la composante (q) est en exposant. La même convention prévaut pour les opérateurs de Stevens O q k. 133

135 40 20 α J β J α J x β J nombre d'électrons f 12-8x10-3 Fig Evolution des coefficients de Stevens α J et β J en fonction du nombre d électrons f dans la série des terres rares [26]. De même, dans la limite des champs forts, il faut considérer les fonctions d onde individuelles et donc le moment cinétique d un électron. On a donc pour le terme P 0 2 (x, y, z) = 3z2 r 2, l élément de matrice calculé pour l état τ, l, l : τ, l, l P 0 2 (x, y, z) τ, l, l = α l r k τ, l, l O 0 2 τ, l, l où O2 0 = 2l2 z l 2. Comme r τ, l, l = R(r)Y2 0 (θ, ϕ), on obtient après intégration de 3z 2 r 2 : 2 α l = (3.71) (2l 1)(2l + 3) On peut obtenir β l de la même façon en calculant l élément de matrice de O4 0 : 6 β l = + (3.72) (2l 1)(2l 3)(2l + 3)(2l + 5) Le calcul des termes correspondants, α L et β L dans la limite champ intermédiaire, ou α J et β J dans la limite champ faible, s obtiennent à partir des termes à un électron (α l et β l ) en évaluant les opérateurs équivalents sur le déterminant de Slater de l état fondamental associé à M maximum [26]. Le lecteur pourra trouver la forme explicite des opérateurs équivalents de Stevens et des différents états propres correspondants, en fonction de la valeur de J ou L dans les références [26, 28]. Il faut enfin rappeler que si la symétrie donne directement les états propres du champ cristallin, la séparation en énergie, quant à elle, dépend de la force de l interaction, et donc du système considéré, décrit par les paramètres B k. Comparaison champ faible-champ intermédiaire Du point de vue de la théorie des groupes, l hamiltonien de champ cristallin a la symétrie du groupe ponctuel du réseau ce qui indique les possibles levées de dégénérescence des niveaux atomiques. Nous allons ré-examiner l importance relative des interactions de spin-orbite et de champ cristallin 134

136 à la lumière des considérations de symétrie, ce qui permettra de distinguer les cas du champ faible et du champ intermédiaire. Considérons un atome de moment cinétique orbital L=3 et de moment de spin S=3/2. En notation spectroscopique, ce niveau est noté 4 F et sa dégénescence totale est (2L + 1) (2S + 1) = 28. En présence d un couplage spin-orbite, le moment cinétique total J est un bon nombre quantique et on a dans ce cas 4 niveaux associés aux valeurs de J comprises entre L + S et L S et que l on note 4 F 9/2, 4 F 7/2, 4 F 5/2 et 4 F 3/2 (figure 3.12). Plaçons cet atome dans un réseau cristallin de symétrie O. le groupe de symétrie, en tenant compte des degrés de liberté de spin est donc le groupe double O dont nous rappelons la table des caractères : O E R 8C 3 8RC 3 3C 2 + 3RC 2 6C 2 + 6RC 2 6C 4 6RC 4 Γ 1 (A 1 ) Γ 2 (A 2 ) Γ 3 (E ) Γ 4 (T 1 ) Γ 5 (T 2 ) Γ Γ Γ On doit décomposer les représentations associées aux niveaux 4 F 9/2, 4 F 7/2, 4 F 5/2 et 4 F 3/2 de l atome, c est à dire D (9/2), D (7/2), D (5/2) et D (3/2), sur les représentations irréductibles du groupe double O. A la section précédente, on a montré que : D (3/2) = Γ 8 D (5/2) = Γ 6 Γ 8 D (7/2) = Γ 6 Γ 7 Γ 8 D (9/2) = Γ 7 2 Γ 8 (3.73) On obtient donc neuf niveaux associés aux représentations irréductibles de O (c.f. troisième colonne de la figure 3.12). Cette description relève de la limite champ faible puisqu on considère d abord l interaction de spin-orbite puis celle de champ cristallin. On peut également considérer l autre cas limite, le champ intermédiaire, pour lequelle l hamiltonien de champ cristallin est beaucoup plus important que le couplage spin-orbite. L hamiltonien non perturbé correspond alors aux états propres de L 2, S 2, L z et et S z, et l hamiltonien de champ cristallin n agit que sur les variables orbitales. Pour déterminer la levée de dégénérescence induite par l hamiltonien de champ cristallin de symétrie O, il faut décomposer les représentations irréductibles décrivant la partie orbitale de l atome libre. La représentation orbitale D (L=3) se décompose selon : D (3) = A 2 T 1 T 2 = Γ 2 Γ 4 Γ 5 135

137 où Γ 2 (A 2 ), Γ 4 (T 1 ) et Γ 5 (T 2 ) sont des représentations irréductibles du groupe O. On peut également décomposer la partie de spin sur les représentations additionnelles de O, on obtient : D (3/2) = Γ 8 On note les niveaux obtenus en indiquant la dégénérescence de spin (4) en indice : 4 Γ 2, 4 Γ 5 et 4 Γ 4 (quatrième colonne de la figure 3.12). Ces trois repré- Γ 8 (4) Γ 8 (4) 4 F9/2 (10) Γ 6 (2) Γ 6 (2) 4 Γ4 (12) Γ 8 (4) Γ 8 (4) Γ 7 (2) 4 F (28) 4 F7/2 (8) Γ 7 (2) Γ 8 (4) Γ 8 (4) Γ 6 (2) 4 Γ5 (12) Γ 6 (2) Γ 8 (4) 4 F5/2 (6) Γ 8 (4) Γ 7 (2) Γ 7 (2) 4 F3/2 (4) Γ 8 (4) Γ 8 (4) 4 Γ2 (4) sans C.C et S.O sans C.C avec S.O. faible C.C avec S.O. fort C.C avec S.O. avec C.C sans S.O. Fig Représentation schématique des niveaux d energie du terme spectrocopique 4 F en fonction de l importance relative des interactions de champ cristallin (C.C) et de spin orbite (S.O.). Les nombres entre parenthèses correspondent à la dégénérescence des différents niveaux. sentations ne sont pas des représentations irréductibles du groupe double. Ce sont des produits directs des représentations irréductibles décrivant le moment orbital avec la représentation irréductible associée au moment de spin. Par exemple, 4 Γ 2 = Γ 2 Γ 8 Ces niveaux présentent donc une dégénérescence accidentelle que l introduction du couplage de spin orbite va lever. La symétrie des états résultants est obtenue en décomposant les trois représentations sur les représentations irréductibles de O. On trouve : 4 Γ 2 = Γ 2 Γ 8 = Γ 8 4 Γ 4 = Γ 4 Γ 8 = Γ 6 Γ 7 2 Γ 8 (3.74) 4 Γ 8 = Γ 5 Γ 8 = Γ 6 Γ 7 2 Γ 8 136

138 On retrouve les neuf niveaux d énergie déjà obtenus dans la limite champ faible. Les approches conduisent bien évidemment à la même symétrie, (la symétrie des états ne dépendant pas de l ordre de grandeur des différents termes), mais relèvent de situations physiques différentes. Dans la seconde approche, c est l interaction de champ cristallin qui domine, de sorte que le couplage spin-orbite peut être traité en perturbation sur les états propres du champ cristallin. C est la situation qui prévaut dans les métaux de transition. En revanche, dans la première approche, l énergie est principalement déterminée par le couplage spin-orbite, le champ cristallin, en première approximation, donnant naissance à plusieurs niveaux issus d un même terme spectrocopique (attention, il permet de coupler, aux ordres supérieurs, des multiplets de spin-obite différents). Ce cas de figure caractérise le comportements des Terres-Rares. Nous allons dans les deux prochains paragraphes examiner plus en détail les propriétés de ces deux familles d éléments. 3.5 Exemples et illustrations Cas des composés de terres rares Comme nous l avons expliqué plus haut, les terres-rares correspondent à la limite du champ cristallin faible en raison de l extension spatiale réduite des états f. L interaction de champ cristallin, dont l ordre de grandeur est de 10 mev environ dans les composés intermétalliques de cette série, peut donc être traitée en perturbation sur le multiplet fondamental de spin-orbite (L, S, J) puisque celui-ci est séparé du premier multiplet excité (L, S, J ) par plusieurs centaines de mev. Le problème se réduit donc à la diagonalisation de V C.E.F. dans le sous-espace de dimension 2J + 1 associé au multiplet fondamental. La théorie des groupes simplifie considérablement le problème puisque, en décomposant la représentation du multiplet fondamental sur les représentations irréductibles du groupe ponctuel, on obtient le nombre de niveaux, leur dégénérescence et leur symétrie [29]. Si l on veut être plus quantitatif et déterminer la séparation entre niveaux, la méthode des opérateurs équivalents de Stevens est bien adaptée. Mais avant de considérer quelques exemples, nous allons rappeler la différence essentielle que l on doit faire entre ions à moment cinétique entier (ions non-kramers) et demi-entier (ions Kramers). Dégénérescence de Kramers Nous avons vu dans le chapitre 1, un théorème très général dû à Kramers que nous pouvons reformuler ainsi : En absence de champ magnétique appliqué, pour un système comportant n électrons, il pourra exister des niveaux non dégénérés uniquement si n est pair. En revanche, si n est impair, alors tous les niveaux sont nécéssairement dégénérés. Cette dégénérescence de Kramers résulte de l invariance des lois de la 137

139 mécanique par renversement du temps. En effet, nous avons vu que pour un système de n particules de spin un-demi, l opérateur renversement du temps T, satisfait l équation T 2 = ( 1) n. Renverser le temps 2 fois ne conduit pas à l opérateur identité pour un nombre impair d électrons et donc pour un spin demi-entier. Cette propriété des systèmes à spin demi-entier est à rapprocher du comportement lors d une rotation de 2π qui a conduit à l introduction de la notion de groupe double. Ce théorème revêt une importance toute particulière dans l étude du magnétisme puisque seuls les niveaux dégénérés peuvent porter un moment magnétique. En effet, supposons un état nondégénéré et portant un moment magnétique µ. Le renversement du temps (et donc des moments cinétiques orbitaux et de spin) conduit à un renversement du moment magnétique sans changer l état qui est unique. L état doit donc porter un moment µ égal à son opposé, d où µ = 0. Par ailleurs, nous avons également montré que l application d un champ magnétique extérieur brise l invariance par renversement du temps et peut donc lever la dégénérescence de Kramers et faire apparaître un moment magnétique. La symétrie de l état fondamental d un atome de terre-rare est caractérisée par la valeur de J, c est à dire par la représentation D (J) du groupe des rotations. Dans un solide, cette représentation est décomposée en représentations irréductibles du groupe ponctuel considéré dont les vecteurs de base diagonalisent de fait l hamiltonien de champ cristallin. Deux cas de figure se présentent : si J est entier, D (J) se décompose sur les représentations irréductibles normales du groupe alors que les représentations irréductibles additionnelles du groupe double interviennent exclusivement pour les valeurs de J demi-entières. Ainsi pour le groupe cubique O, les ions à J entier peuvent donner naissance à des niveaux non dégénérés (Γ 1, Γ 2 ), des niveaux doublement (Γ 3 ) ou triplement (Γ 4, Γ 5 ) dégénérés. Pour des ions à J demientier, on a des niveaux dégénérés 2 fois (Γ 6, Γ 7 ) ou quatre fois (Γ 8 ). Exemple d un ion non-kramers : le praséodyme La configuration électronique du praséodyme est 4f 2 et le multiplet fondamental, d après les règles de Hund, est L = 5, S = 1 et J = 4 ( 3 H 4 ). Le premier état excité, correspondant à J = 3, est suffisamment séparé du niveau fondamental de sorte qu il n est pas nécessaire de le considérer. Le multiplet fondamental J = 4 de l ion libre, 9 fois dégénéré, est décomposé par un champ cristallin cubique en un singulet Γ 1, un doublet Γ 3 et deux triplets Γ 4 et Γ 5 (figure 3.13) : D (4) = Γ 1 Γ 3 Γ 4 Γ 5 comme J est entier, cette décomposition fait intervenir les représentations irréductibles normales du groupe. Les représentations irréductibles n apparaissant qu une seule fois dans la décomposition, la théorie des groupes seule permet d obtenir les vecteurs de base des différentes représentations irréductibles en utilisant par exemple les opérateurs de projections dans le sous-espace E(τ, J). Ces vecteurs diagonalisent l hamiltonien de champ cristallin et sont tabulés, pour les symétries 138

140 Γ 5 Γ Pr (4f 2 ) Nd (4f 3 ) 3 H 4 4 K 9/2 9 Γ Γ 8 Γ Γ 1 Γ Fig Décomposition du multiplet fondamental dans un champ cristallin octaédrique pour le Pr J = 4 et le Nd J = 9/2. les plus communes, dans la plupart des ouvrages sur le champ cristallin [26]. On a : niveau dég. E vecteurs Γ , , , , , 4 Γ , , , , , , , 0 3 Γ , , , , 2 Γ , , , 1 4, 3 Lorsqu on ne considère que le terme de champ cristallin d ordre 4 (V C.E.F. = B 4 (O O4 4 ), la séparation des différents niveaux ne dépend que d un seul paramètre. On peut obtenir les différentes énergies à l ordre le plus bas en calculant les éléments de matrice : Ψ(Γ (i) ) V C.E.F. Ψ(Γ (i) ) = Ψ(Γ (i) ) B 4 (O O 4 4) Ψ(Γ (i) ) où Ψ(Γ (i) ) est un vecteur de base de la représentation Γ (i). Il est alors aisé de calculer la susceptibilité magnétique. On constate que le niveau singulet Γ 1 mais également le doublet Γ 3 sont non magnétiques (en effet, dans Γ 3, tous les éléments de matrice de J z sont nuls et J z =0) 8. Le niveau fondamental (Γ 1 ) étant non-magnétique, on peut comprendre la dépendance thermique de 8 On a compensation des contributions des M z (d où J z = 0) ; par ailleurs, la symétrie cubique permet de conclure qu on a également J x = J y =

141 la susceptibilité : à basse température (kt ), seul le singulet est peuplé et l atome de Pr est non magnétique alors qu un moment localisé est observé à haute température lorsque les niveaux excités se peuplent thermiquement (susceptibilité de van Vleck). Exemple d un ion Kramers : le néodyme Le néodyme (4f 3 ) a pour état fondamental le multiplet (L = 6, S = 3, J = 9/2). Ce multiplet, de dégénérescence 10, se décompose sous l action d un champ cristallin cubique, sur les représentations irréductibles additionnelles (J demi-entier) du groupe double en un quadruplet Γ 6 et deux doublet Γ 8 (figure 3.13) : D (9/2) = Γ 6 2 Γ 8 La théorie des groupes seule ne permet pas d obtenir les vecteurs qui diagonalisent V C.E.F. puisque la représentation irréductible Γ 8 apparaît 2 fois. On doit donc diagonaliser explicitement V C.E.F. dans le sous-espace de dimension 8 de symétrie Γ 8. Le moment cinétique étant demi-entier, tous les états sont magnétiques (dégénérescence de Kramers) et la susceptibilité diverge à 0 K. Nous allons terminer cette section par le cas particulier de la couche à demi-pleine : 4f 7 (Gd). D après les règles de Hund, l état fondamental correspond à une distribution de charge f sphérique puisque L=0 et J =S =7/2. Ce type d ions est appelé un ion S et, en première approximation, est insensible au champ cristallin (les éléments de matrice de V C.E.F. à l intérieur du multiplet J = 7/2 étant nuls). Toutefois, il ne faut pas conclure que les effets du champ cristallin sont inexistants pour les ions S. En effet, ils doivent apparaître lorsqu on pousse le calcul en perturbation à un ordre suffisant. En effet, dans un calcul à l ordre 2 et plus, ce sont les éléments de matrice du champ cristallin entre le multiplet fondamental et tous les multiplets excités qui interviennent et il n y a aucune raison qu ils soient tous nuls. La symétrie permet alors de prévoir la levée de dégénérescence. En effet, la représentation D (7/2) de la configuration 4f 7 (dimension 8) se décompose, dans un environnement cubique, sur les différentes représentations irréductibles du groupe ; on a : D (7/2) = Γ 6 Γ 7 Γ 8 c est à dire que le multiplet J = 7/2 doit donner naissance à 2 doublets (Γ 6 et Γ 7 ) et à un quadruplet (Γ 8 ). Cette levée de dégénérescence apparaît au deuxième ordre en perturbation. La séparation entre les états de champ cristallin, représentée sur la figure 3.14, est toutefois très faible et ne modifie pas sensiblement la susceptibilité magnétique. Toutefois, cette séparation conduit à un pic étroit dans la chaleur spécifique de spin qui est utilisé dans la méthode de refroidissement par désaimantation adiabatique du sel de sulfate de gadolinium hydraté [30] Cas des sels de métaux de transition Dans le cas des ions du groupe du fer, l effet du champ cristallin est particuliérement important puisqu il conduit souvent à un blocage presque 140

142 Γ 7 J=7/2 2 5/8 θ Gd : 4f Γ 8 Γ 6 3/8 θ θ=1.4 K 2 Fig Levée de dégénérescence du multiplet fondamental J = 7/2 du Gd due à l effet du champ cristallin à l ordre 2 en perturbation. total du moment magnétique orbital [30]. On peut le vérifier sur le tableau suivant où on a comparé, pour les différentes configurations de la première série de transition, la valeur du moment effectif de l ion libre calculée dans le modèle de Russel-Saunders avec une valeur expérimentale typique pour les ions dans les solides. Ions Config. not. g J (J(J + 1)) 1/2 2(S(S + 1)) 1/2 p exp Ti 3+, V 4+ 3d 1 2 D 3/ V 3+ 3d 2 3 F Cr 3+, V 2+ 3d 3 4 F 3/ Mn 3+, Cr 2+ 3d 4 5 D Fe 3+, Mn 2+ 3d 5 6 S 5/ Fe 2+ 3d 6 5 D Co 2+ 3d 7 4 F 9/ Ni 2+ 3d 8 3 F Cu 2+ 3d 9 2 D 5/ On constate que, contrairement aux terres-rares, le moment effectif observé est très différent de la valeur de l ion libre. Pour la plupart des ions, il semble que le moment magnétique ne reflète que la partie de spin. Ce comportement suggère que le moment orbital est bloqué par les effets de réseau. Cela n est pas le cas, pour des ions comme Fe 2+ ou Ni 2+ où une contribution orbitale augmente le moment magnétique. Nous montrerons dans cette section comment les effets de champ cristallin, très importants pour les métaux de transition, affectent les propriétés magnétiques. Toutefois, même dans le cas où le moment magnétique est essentiellement de spin, le résidu du moment orbital dû au couplage de spin-orbite conduit à une anisotropie magnétique importante. Une phénoménologie très riche est donc observée dans les ions du groupe du fer : dans la plupart des cas, le champ cristallin est grand devant le couplage spin-orbite mais pas suffisamment pour invalider la première et deuxième règle de Hund (l échange imposera toujours une valeur maximale du spin). Toutefois, il existe des cas pour lesquels le champ cristallin est tellement fort qu il agit directement sur un niveau 3d individuel 141

143 en levant sa dégénérescence en fonction de la symétrie de l environnement local. Ce cas de figure relève de la théorie des ligands. Dans cette section, nous allons montrer quelle est l origine du blocage du moment magnétique orbital et dans quelles circonstances ce blocage ne se produit pas. Nous commencerons par analyser le cas particulier de l ion Cu 2+ qui correspond à un seul trou 3d, et nous montrerons que l état fondamental du champ cristallin ne porte pas de moment mais que la perturbation due au couplage spin-orbite, poussée à un ordre suffisamment élevé, conduit à l apparition d une anisotropie magnétique. Ensuite, nous ferons une rapide systématique des autres ions du groupe du fer et nous montrerons dans quel cas le moment orbital de l état fondamental persiste. Enfin nous terminerons par quelques généralités sur la limite du champ cristallin fort. Le cas du Cu 2+ La configuration de l ion Cu 2+ est 3d 9. Les deux premières règles de Hund donnent donc le terme spectroscopique L = 1/2 et S = 2 de dégénérescence 10. Ce terme spectroscopique appartient à la représentation D (2) D (1/2). Contrairement au cas des terres rares, on doit d abord traiter l effet du champ cristallin puis du couplage spin-orbite. Considérons un environnement octaédrique (symétrie du groupe O h ). Il faut décomposer la représentation D (2), associée à la partie orbitale, sur les représentations irréductibles du groupe O h. On trouve : D (2) = Γ 3 Γ 5 = E g T 2g La représentation irréductible Γ 3 (E g ) admet comme états de base, les fonctions d x 2 y 2 et d 3z 2 r 2, alors qu à la représentation Γ 5 (T 2g ) sont associées les fonctions d xy, d yz et d xz. Les cinq orbitales d se construisent à partir des harmoniques sphériques. Pour les états monoélectroniques de symétrie T 2g, on a comme fonctions de base : t 2g ξ = i 2 ( 2, 1 + 2, 1 ) d yz t 2g η = 1 2 ( 2, 1 2, 1 ) d zx t 2g ζ = 1 i ( 2, 2 2, 2 ) d 2 xy et pour les états de symétrie E g, on a : (3.75) e g θ = ( 2, 0 ) d 3z 2 r 2 e g ε = 1 2 ( 2, 2 + 2, 2 ) d x 2 y 2 (3.76) On peut comprendre cette levée de dégénérescence sur la figure 3.15 où on représente schématiquement, les cinq orbitales du trou 3d. Dans un environnement octaédrique, ces cinq orbitales ne sont plus équivalentes. Dans le cas de l ion Cu 2+, la distribution correspond à une charge positive puisque on considère un trou 3d, et l énergie de Γ 3 (E g ) est plus petite que celle de Γ 5 (T 2g ). Ce serait le contraire pour la configuration complémentaire 3d 1 ou pour l ion Cu 2+ dans un environnement cubique ou tétraédrique [31]. Le champ cristallin lève donc la dégénérescence orbitale en un doublet 142

144 Fig Les cinq orbitales d ; un champ cristallin octaédrique lève la dégénérescence, on trouve un niveau doublement dégénéré d x 2 y 2 et d z 2 et un niveau triplement dégénéré d xy, d xz et d yz. fondamental et un triplet excité. Nous avons vu que l hamiltonien de champ cristallin d ordre 4 s écrit en fonction des opérateurs équivalents : ce qui donne : V C.E.F. = B 4 (O O 4 4) V C.E.F. = B 4 [35L 4 z 30L(L + 1)L 2 z + 25L 2 z 6L(L + 1) ] +3L 2 (L + 1) 2 + 5/2(L L 4 ) Les deux niveaux de champ cristallin, le doublet E g et le triplet T 2g sont séparés de 120 B 4, quantité que l on convient de nommer 10Dq. Pour obtenir cette valeur, il suffit de calculer les deux valeurs propres de V C.E.F. : t 2g ξ V C.E.F. t 2g ξ et e g θ V C.E.F. e g θ. Toutefois, une levée supplémentaire de dégénérescence peut spontanément se produire, associée à une faible distorsion du réseau. En effet, un théorème, dû à Jahn et Teller, démontre qu une molécule non linéaire possédant un niveau fondamental dégénéré est instable et qu une distorsion de symétrie plus basse doit se produire pour conduire à un niveau fondamental non dégénéré. Bien entendu, la dégénérescence de Kramers ne peut pas être levée par ce mécanisme. L hamiltonien résultant de cette petite distorsion est un terme de champ cristallin d ordre 2 (quadrupolaire). On peut comprendre qualitativement cet effet. Au premier ordre en perturbation, le barycentre des niveaux d énergie étant inchangé 9, une distorsion abaisse linéairement l énergie de l état fondamental. Par ailleurs, l énergie élastique, associée à cette distorsion, varie quadratiquement de sorte qu une énergie minimale sera toujours obtenue pour une distorsion finie. D après ce théorème, une déformation quadratique spontanée (de symétrie D 4h ) de l environnement de l ion Cu 2+ lève totalement la dégénérescence orbitale du niveau fondamental E g (figure 3.16). Cette distorsion peut être par exemple l allongement 9 L hamiltonien de Jahn-Teller s exprime à partir d un tenseur sphérique de rang 2 et est donc de trace (barycentre) nulle. 143

145 de l octaèdre dans la direction Oz. La table des caractères du groupe O h et de son sous-groupe quadratique D 4h montre que la décomposition de T 2g et E g donne : T 2g (O h ) = E g (D 4h ) B 2g (D 4h ) E g (O h ) = A 1g (D 4h ) B 1g (D 4h ) La représentation E g du groupe D 4h admet comme états de base les états d xz et d yz, la représentation B 2g (D 4h ), l état d xy, la représentation A 1g (D 4h ), l état d 3z 2 r 2 et la représentation B 1g(D 4h ), l état d x 2 y 2. Ε ( Β ( Α ( Β ( Fig Levée de dégénérescence successive de la configuration d 9 par un champ cristallin cubique puis par une faible distorsion tétragonale. Même en absence de distorsion Jahn-Teller, le moment magnétique orbital du niveau fondamental est nul. Pour s en convaincre, il suffit de calculer les éléments de matrice du moment cinétique orbital dans le sous-espace associé à la représentation irréductible E g, c est à dire engendré par les fonctions d x 2 y 2 et d 3z 2 r 2. L orbitale d 3z 2 r2 a la symétrie de L=2, M =0 alors que d x 2 y 2 est proportionnel à L = 2, M = 2 + L = 2, M = 2. Comme L z n a d élément de matrice nul qu entre états de même valeur de M et L x et L y qu entre états dont les valeurs de M diffèrent de ±1, le niveau fondamental ne porte pas de moment orbital. Introduisons le couplage de spin-orbite : H S.O. = Λ L S (3.77) avec Λ négatif pour la configuration d 9. A l ordre le plus bas, il ne conduit à aucune modification sur le doublet fondamental constitué des états notés a 0 = 2 B 1g, 1/2 = d x 2 y 2, 1/2 et b 0 = 2 B 1g, 1/2 = d x 2 y2, 1/2. puisqu on peut facilement vérifier tous les éléments de matrice de H S.O. entre ces deux états sont nuls. Toutefois, H S.O. permet un mélange avec les états excités de sorte qu un calcul à l ordre un conduit à : a = a 0 Λ f f f L S a 0 E f E B1g 144

146 où on somme sur tous les états excités. On obtient les états perturbés : et : a = a 0 Λ h2 d xz, 1/2 2(E Eg E B1g ) + iλ h2 d yz, 1/2 2(E Eg E B1g ) + iλ h2 d xy, +1/2 E B2g E B1g (3.78) b = b 0 + Λ h2 d xz, +1/2 2(E Eg E B1g ) + iλ h2 d yz, +1/2 2(E Eg E B1g ) + iλ h2 d xy, 1/2 E B2g E B1g (3.79) Ce mélange a pour effet de modifier la valeur du moment magnétique qui sinon se réduirait à la contribution de spin (g=2). Cette modification du moment dépend de la direction du champ appliqué ce qui induit une anisotropie magnétique. Pour montrer que le moment est anisotrope on va appliquer un champ B, soit parallèlement à Oz, soit perpendiculairement. On doit alors considérer l hamiltonien Zeeman : H Z = µ B h B ( L + 2 S) i) on considère B parallèle à Oz : on constate que les éléments non-diagonaux de H Zeeman sont nuls et la variation de l énergie des états se calcule en prenant les éléments diagonaux, ce qui donne : 4Λ h 2 E a = µ B B(1 ) (3.80) E B2g E B1g E b = +µ B B(1 4Λ h 2 E B2g E B1g ) (3.81) seul le couplage entre 2 B 1g et 2 B 1g intervient dans la séparation entre niveaux de spin ±1/2 qui vaut = E b E a = g µ B B avec : g = 2(1 4Λ h 2 E B2g E B1g ) (3.82) ii) on considère B perpendiculaire à Oz : On choisit le champ suivant Ox. L hamiltonien Zeeman est dans ce cas : H Z = µ B h B x.(l x + 2S x ) Il faut diagonaliser H Z dans le sous-espace des états a et b (les éléments diagonaux sont nuls). Cette fois, c est le couplage entre 2 B 1g et 2 E g qui intervient ce qui donne comme variation de la séparation d énergie = E b E a = g µ B B avec g = 2(1 4Λ h 2 E Eg E B1g ) (3.83) Les données spectroscopiques indiquent que g = 2.4 et g = 2.08 démontrant que la contribution du moment orbital est loin d être négligeable et se manifeste par une forte anisotropie. 145

147 Les ions du groupe du fer Dans l approximation du champ intermédiaire, on traite l énergie de spinorbite en perturbation sur les états propres de l hamiltonien du champ cristallin. Mais, il est nécessaire de connaître le degré de gel du moment orbital par le champ cristallin cubique. En effet, le théorème de Jahn-Teller stipule qu une distorsion de l environnement doit se produire pour lever la dégénérescence orbitale du fondamental. Toutefois, le couplage spin-orbite peut empêcher la distorsion Jahn-Teller de se produire. Il faut comparer l énergie du champ cristallin associé à la symétrie de la distorsion, qui est beaucoup plus faible que la partie cubique, avec l hamiltonien de spin-orbite. Si le moment orbital est bloqué par le champ cristallin cubique, c est à dire si L = 0, alors l interaction spin-orbite, Λ L S est faible et la distorsion Jahn-Teller se produit. En revanche, si le moment orbital est incomplètement bloqué par le champ cristallin cubique, l interaction spin-orbite n est plus négligeable et empêche la distorsion. Il faut donc étudier, pour chaque configuration et chaque type d environnement, la symétrie du niveau fondamental de champ cristallin qui détermine le moment magnétique de l ion dans le cristal. Comme nous l avons vu plus haut, les règles de Hund conduisent à des états D (L = 2) pour les configurations 3d 1, 3d 4, 3d 6 et 3d 9, des états F (L = 3) pour les configurations 3d 2, 3d 3, 3d 7 et 3d 8 et S (L = 0) pour la seule configuration 3d 5. Nous allons brièvement discuter ces différents cas. Considérons l effet du champ cristallin pour les états D. On doit décomposer la représentation D (2) sur les représentations du groupe cubique O h, ce qui donne D (2) = T 2g E g (la parité vaut ( 1) li = 1 puisque l i = 2). On obtient les niveaux de champ cristallin en considérant l hamiltonien : V C.E.F. = B 4 (O O 4 4) où les opérateurs de Stevens sont définis à partir des composantes du moment orbital. La diagonalisation du champ cristallin V C.E.F. conduit à deux niveaux séparés de 120 B 4 = 10Dq comme illustré sur la figure Le même calcul peut être effectué pour les états F. La décomposition de D (3) donne : D (3) = T 2g T 1g A 2g. La diagonalisation de V C.E.F. conduit au diagramme de la figure 3.18 où on a également indiqué le signe de B 4. On peut résumer les différents cas de figure sur le tableau suivant qui donne, pour chaque configuration, la dégénérescence orbitale du niveau fondamental (G), la valeur de son spin et sa symétrie en notation spectroscopique pour des environnements octaédriques et tétraédriques. 146

148 2 E g (+72 B 4 ) B 4 >0 B 4 <0 D Octa. d 1 d 6 d 4 d 9 (L=2) 120 B 4 =10 Dq tétra. d 1 d 6 d 1 d (-48 B 4 ) T 2g Fig Décomposition d un niveau D sous l effet d un champ cubique. Le signe de B 4 dépend de la configuration et de l environnement comme indiqué sur la partie droite de la figure pour des ligands chargés négativement. Conf. not. Spin G(oct.) not.(oct) G(tétr.) not.(tétr.) 3d 1 D 1/2 3 T 2g 2 E 3d 2 F 1 3 T 1g 1 A 2 3d 3 F 3/2 1 A 2g 3 T 1 3d 4 D 2 2 E g 3 T 2 3d 5 S 5/2 1 A 1g 1 A 1 3d 6 D 2 3 T 2g 2 E 3d 7 F 3/2 3 T 1g 1 A 2 3d 8 F 1 1 A 2g 3 T 1 3d 9 D 1/2 2 E g 3 T 2 La séparation des différents niveaux dans un champ cristallin donné dépend de l ion considéré (configuration et charge) et du champ des ligands. En effet, B 4 = β L A 4 r 4 où A 4 traduit la force du potentiel des ligands et β L dépend de L et S selon : 2(5 4S) β L = 21(2L 1) 2 7(1 S)(3 2S) (L 1)(2S 3) (3.84) avec le signe pour la première moitié et + pour la seconde moitié de la série de transition. C est la variation de β L avec la configuration électronique et le changement de signe de A 4 entre les environnements octaédriques et tétraédriques qui expliquent la symétrie du niveau fondamental du champ cristallin. Si la séparation entre niveaux peut être très variable d un ion à un autre, elle est toujours beaucoup plus grand que kt de sorte que les propriétés magnétiques à température ordinaire dépendent essentiellement du niveau fondamental. Il suffit donc de considérer la symétrie du niveau fondamental et notamment sa dégénérescence. Trois cas de figure se présentent : 147

149 T 1g (+360 B 4 ) 3 B 4 >0 B 4 <0 F (L=3) 480 B 4 =8 Dq Octa. tétra. d 3 d 8 d 2 d 7 d 2 d 7 d 3 d 8 7 T 2g (-120 B 4 ) B 4 =10 Dq A 2g (-720 B 4 ) 1 Fig Décomposition d un niveau F sous l effet d un champ cubique. Le signe de B 4 dépend de la configuration et de l environnement comme indiqué sur la partie droite de la figure pour des ligands chargés négativement. i) Le niveau fondamental est un singulet Pour la configuration 3d 5 ( 6 S), la décomposition due au champ cristallin, nulle au premier ordre, n apparaît que pour un ordre d approximation élevé. Le facteur de Landé g est égal à 2 et l anisotropie est extrêmement faible (de l ordre de 10 3 ). Lorsque le niveau fondamental est le singulet A 2g, ou A 2, le moment orbital est encore presque complètement bloqué, g est très proche de 2 et l anisotropie très faible. L effet Jahn-Teller n intervient pas (l état est déjà singulet) et l environnement reste cubique. C est le cas par exemple de l ion Cr 3+ (3d 3 ) dans un environnement octaédrique. L alun de Chrome CrNH 4 (SO 4 ) 2 12H 2 O présente un pur magnétisme de spin puisqu il suit un comportement de type Curie avec g = 2 et S = 3/2 jusqu à très basse température et est utilisé pour la désaimantation adiabatique. ii) Le niveau fondamental est un doublet C est le cas des configurations 3d 4 et 3d 9 dans un environnement octaédrique ou 3d 1 et 3d 6 dans un environnement tétraédrique. Nous avons vu qu il n y a pas d éléments de matrice de L entre les 2 états du doublet E g de sorte que le moment orbital est bloqué au premier ordre en perturbation. Comme L = 0, le couplage spin-orbite n a pas d effet à l ordre le plus bas. Toutefois, le couplage spin-orbite peut éventuellement lever la dégénérescence à un ordre plus élevée. Il faut alors considérer la réductibilité de la représentation produit E g Γ S, où E g et Γ S représentent respectivement les représentations des parties orbitale et de spin. Si Γ S est le doublet Γ 6 (comme pour la configuration d 9 que nous avons étudié plus haut) il n y a pas de levée de dégénérescence puisque E g Γ 6 = Γ 8. En revanche, si Γ S est le quadruplet Γ 8 (S = 3/2), la décomposition donne : E g Γ 8 = Γ 8 Γ 7 Γ 6 et le couplage spin-orbite doit lever la dégénérescence en trois niveaux à un ordre uffisamment élevé. Dans la limite champ intermédiaire, un tel ion in- 148

150 duit une déformation de son entourage par effet Jahn-Teller ce qui conduit à une anisotropie importante du moment magnétique comme nous l avons vu dans le cas de l ion Cu 2+. iii) Le niveau fondamental est un triplet Ce triplet peut être soit le niveau T 1g (configuration 3d 2 et 3d 7 en environnement octaédrique) ou T 1 (configuration 3d 3 et 3d 8 en environnement tétraédrique) provenant d un terme F, soit le niveau T 2g (configuration 3d 1 et 3d 6 en environnement octaédrique) ou T 2 (configuration 3d 3 et 3d 8 en environnement tétraédrique) provenant d un terme D. A l intérieur du triplet, les éléments de matrice de L sont non nuls de sorte que le couplage spinorbite mais également l effet Jahn-Teller peuvent intervenir. Il n existe pas de règles générales permettant de dire quel mécanisme, du couplage spinorbite ou du champ cristallin non cubique, va dominer. Dans ces niveaux triplets, tout se passe comme si on pouvait remplacer dans l hamiltonien de spin-orbite le moment orbital par un moment fictif ( L = 1). La dégénérescence des (2 L + 1) (2S + 1) états en trois niveaux caractérisés par un moment cinétique total fictif ( J) égal à (S + 1), S et S 1. En effet, les vecteurs de base de T 1 sont : 1, 1 = 5 8 3, , 1 1, 0 = 3, 0 (3.85) 1, 1 = 5 8 3, , 1 ce qui permet de montrer que L = 3/2 L. Il suffit de vérifier qu à l intérieur du sous-espace engendré par ces trois vecteurs, Ψ 1 L Ψ 2 = 3/2 Ψ 1 L Ψ 2 où Ψ 1 et Ψ 2 sont des états quelconques. De même les vecteurs de base de T 2 s écrivent : ce qui donne L = 1/2 L. 1, 1 = 5 8 3, , 3 1, 0 = 1 2 3, , 2 (3.86) 1, 1 = 5 8 3, , 3 Comme L = α L, l hamiltonien de spin-orbite peut être écrit : H S.O. = Λ L S = Λ L S (3.87) avec Λ = α Λ. Il faut noter qu un signe signe négatif de α inverse l ordre des niveaux de spin-orbite par rapport à l ion libre. Considérons par exemple le cas d une configuration 3d 7 en environnement octaédrique. On obtient le diagrammme 3.19 où on a tenu compte successivement du champ cristallin puis du couplage spin-orbite sur le terme spectroscopique fondamental 4 F. On obtient une très forte anisotropie comparable à celle observée dans les terres-rares. Par exemple, la Résonance Paramagnétique Electronique (RPE) donne dans plusieurs sels de cobalt g = 6.42 et g = Remarquons, que le niveau fondamental de spin-orbite correspond à L S alors que L + S 149

151 serait obtenu pour un ion libre (couche plus qu à moitié remplie). Pour résumer, une phénoménologie très riche est observée dans les composés du groupe du fer, puisque, en fonction de l environnement et de la configuration, le moment orbital peut être complètement bloqué ou intervenir fortement dans l anisotropie et la valeur du moment. Par ailleurs, un moment orbital fictif L=1 peut être associé aux représentations irréductibles tridimensionnelles T 1(g) ou T 2(g) du groupe cubique. Les propriétés magnétiques résultent de la compétition entre la distorsion Jahn-Teller et l interaction de spin-orbite. En règle générale, si L z = 0 dans le niveau fondamental, l interaction de spin-orbite est négligeable et une distorsion Jahn-Teller se produit. En revanche, si L z = 0, l interaction spin-orbite peut empêcher la distorsion de se produire. 4A 2g /2 4T 2g F 2 4 T 1g 5/2 Λ 4 7 4T 1g /2 Λ 2 3/2 1/2 ion libre champ crist. spin-orbite Fig Décomposition d un niveau 4 F sous l effet d un champ champ cristallin cubique puis du couplage spin orbite traités successivement à l ordre 1 en perturbation. A droite, détail de la levée de dégénérescence du niveau T 1g. La séparation en énergie des niveaux de spin-orbite est en unité de h Limite du champ cristallin fort Nous allons dans ce paragraphe étudier succinctement le cas où l interaction de champ cristallin est plus importante que la répulsion coulombienne entre électrons. Dans cette limite, il faut traiter le champ cristallin en perturbation sur l approximation du champ central, c est à dire sur les fonctions d onde monoélectroniques. Pour la symétrie cubique, la dégénérescence des cinq fonctions d est levée et on obtient un triplet, noté t 2g pour le groupe du cube ou de l octaédre (O h ) ou t 2 pour le groupe du tétraédre (T d ), associé aux fonctions d xy, d xz et d yz, et un doublet, noté e g ou e pour T d, associé aux fonctions d x 2 y 2 et d 3z 2 r2. On utilise les lettres minuscules pour bien distinguer ces niveaux monoélectroniques des représentations irréductibles E g et T 2g qui déterminent la symétrie totale de l ion. La séparation entre les 150

152 états t 2g et e g étant par définition 10Dq, on a : E(t 2g ) = 4Dq E(e g ) = +6Dq (3.88) par rapport aux états atomiques (barycentre des états de champ cristallin). Configurations haut-spin et bas-spin Toutefois, même dans cette limite de champ cristallin fort, l énergie d échange entre électrons d est rarement faible et deux situations peuvent se rencontrer. La compétition entre l échange, qui impose un spin maximal selon la première règle de Hund, et l énergie de champ cristallin (10Dq) conduit à des occupations différentes des niveaux t 2g et e g, on distingue (figure 3.20) : i) les systèmes haut-spin Si l échange l emporte sur le champ cristallin, on ne peuple le niveau fondamental de champ cristallin qu avec des électrons de même spin puis on peuple ensuite le niveau excité de champ excité pour obtenir le spin maximum conformément à la première règle de Hund. ii) les systèmes bas-spin Lorsque, au contraire 10Dq est plus grand que l échange, on remplit préférentiellement le niveau le plus bas ce qui conduit à un spin plus faible. e g Haut-spin Bas-spin t 2g Fig Etats haut-spin et bas-spin pour la configuration d 4. Considérons les différentes configurations dans la limite haut spin. On peut déterminer le spin de la configuration et la dégénérescence orbitale que l on calcule à partir du nombre de possibilités de placer les différents électrons de même spin dans les niveaux de champ cristallin. Par exemple, pour la configuration haut spin de d 4 (figure 3.20), on a un doublet orbital puisqu on a une seule façon de placer trois électrons de même spin dans les t 2g et deux façons de placer un électron dans les niveaux e g. Le spin et la dégénérescence orbitale pour toutes les configurations hautspin de d n sont résumés dans le tableau ci-dessous. La dégénérescence d une configuration (t n 2g em g ) de champ cristallin est levée par les interactions électroniques qui sont traitées en perturbation. On a également indiqué dans le tableau le terme spectroscopique du multiplet fondamental qui résulte du traitement de ces interactions électroniques. Dans la limite haut spin, 151

153 les règles de Hund restent valables et le multiplet fondamental peut être construit pour les satisfaire. conf. atom. conf. haut-spin Spin S dég. orb. Terme fond. 3d 1 t 1 2g 1/2 3 2 T 2g 3d 2 t 2 2g T 1g 3d 3 t 3 2g 3/2 1 4 A 2g 3d 4 t 3 2g e1 g E 1g 3d 5 t 3 2g e2 g 5/2 1 6 A 1g 3d 6 t 4 2g e2 g T 2g 3d 7 t 5 2g e2 g 3/2 3 4 T 1g 3d 8 t 6 2g e2 g A 2g 3d 9 t 6 2g e3 g 1/2 2 2 E g 3d 10 t 6 2g e4 g A 1g Si l environnement est tétraédrique, on construit de même mais avec e g comme niveau fondamental. On constate que l on obtient la même symétrie que pour la limite champ intermédiaire (c est naturel puisque la première règle de Hund continue à s appliquer). Il en va tout autrement pour les configurations bas-spin pour lesquelles une analyse similaire conduit aux résultats de la table suivante. Configurations bas-spin pour les configurations atomiques d n caractérisées par le terme spectroscopique du multiplet fondamental, son spin et sa dégénérescence orbitale. conf. atom. conf. bas-spin Spin S dég. orb. Terme fond. 3d 1 t 1 2g 1/2 3 2 T 2g 3d 2 t 2 2g T 1g 3d 3 t 3 2g 3/2 1 4 A 2g 3d 4 t 4 2g T 1g 3d 5 t 5 2g 1/2 3 2 T 2g 3d 6 t 6 2g A 1g 3d 7 t 6 2g e1 g 1/2 2 2 E g 3d 8 t 6 2g e2 g A 2g 3d 9 t 6 2g e3 g 1/2 2 2 E g 3d 10 t 6 2g e4 g A 1g Très souvent, les ordres de grandeur du champ cristallin et des répulsions coulombiennes sont comparables de sorte qu il faut traiter ensemble les deux interactions en perturbation. Cela conduit aux célèbres diagrammes de Tanabe-Sugano où on reporte l énergie des différents états en fonction de l énergie du champ cristallin (section 3.6). Energie de spin-orbite Dans la limite de champ fort, l hamiltonien de spin-orbite s écrit comme la somme des contributions pour chaque état : H S.O. = i ξ(r i ) l i s i (3.89) 152

154 Un niveau d se décomposant en un niveau t 2g et en un niveau e g, il faut chercher la contribution de H S.O. pour chacune de ces deux sous-couches. Etant donnée l expression des états e g proportionnelle à 2, 0 et 2, 2 + 2, 2, le moment cinétique orbital n a pas d éléments de matrice non nuls entre états e g, c est à dire que : e g (µ) l i e g (ν) = 0 (3.90) quelle que soit la composante du moment cinétique et les états e g considérés. Dans la partie consacrée au couplage intermédiaire, nous avons vu que les trois états associés, à une représentation triplet T 1g ou T 2g, pouvaient s interpréter comme les états propres d un moment orbital fictif L=1. Il en est de même pour les 3 états t 2g dans la limite de couplage fort. Il est aisé de voir que les trois combinaisons des états t 2g peuvent s écrire formellement comme des états p, c est à dire qu on peut considérer que les électrons possèdent un moment cinétique fictif l = 1 : 1, + 1 = 2, 1 1, 0 = 1 2 ( 2, 2 2, 2 ) 1, 1 = 2, 1 ) (3.91) de telle sorte que le moment cinétique orbital l à l intérieur de l espace associé aux états t 2g soit égal au moment orbital l des états p. Cette analogie signifie que les éléments de matrice vérifient : t 2g i l k t 2g j = pi l k pj (3.92) Ainsi, l hamiltonien de spin orbite pour un électron, qui s écrit ξ(r) l s pour les états t 2g, est le même que ξ(r) l s pour des états p. Pour une configuration t n 2g, la même analogie conduit à considérer la configuration pn et à construire les états multiélectroniques. Dans le groupe de l octaèdre, un terme spectroscopique (LS) de l ion libre associé à la configuration p n, se décompose suivant les représentations irréductibles 2S+1 Γ du groupe O h. Il convient d étudier comment ces représentations sont reliées à celles de la configuration t n 2g. La configuration pn se décompose sur les représentations irréductibles de O h. Nous verrons au chapitre 4, comment obtenir ces représentations notamment en tenant compte du principe de Pauli. Le problème de la décomposition en représentations irréductibles de la configuration t n 2g est similaire. Toutefois, les états p se transforment selon la représentation t 1u et non selon t 2g. L inspection de la table des caractères montre que : t 1u = a 2u t 2g Cette correspondance entre symétrie des états p et des états t 2g permet de trouver les représentations des configurations t n 2g. En effet, un terme de la configuration p n, relevant de la représentation irréductible Γ, correspond à la représentation (a 2u ) n Γ pour la configuration (t 2g ) n. Comme (a 2u ) 2p = a 1g et (a 2u ) 2p+1 = a 2u on a deux cas de figure distincts. Si n est pair, on a une correspondance directe entre représentations de p n et t n 2g, c est à dire que tn 2g se décompose sur les mêmes représentations que p n. Par exemple la représentation 3 T 1g de p 2 correspond à 3 T 1g de t 2 2g. En revanche, si n est impair, la 153

155 correspondance est entre une représentation Γ et sa représentation associée par A 2u (Γ ), c est à dire avec Γ =Γ A 2u. Ainsi 4 A 1g de p 3 correspond à 4 A 2g de t 3 2g. On peut donc construire les états propres des différentes configurations de (t 2g ) n par analogie à partir de celle de p n et de l équivalence formelle donnée par l équation (3.91). Ces états sont tabulés dans le livre de Griffith [32]. Par conséquent, pour un système à n électrons, L et i ξ(r i) l i s i deviennent L et i ξ(r i) li s i. Cette méthode permet d obtenir les valeurs de J en utilisant les règles habituelles de détermination du moment cinétique total. Les mêmes multiplets que pour p n sont obtenus mais avec un ordre inversé. Ainsi, le multiplet fondamental pour une sous-couche moins qu à moitié pleine (t n 2g avec n < 3) correspond à J = L+S au lieu de L S pour une configuration d ion libre. L hamiltonien de spin-orbite s écrit en effet à l intérieur de l espace associée à une représentation irréductible : H S.O. = Λ L S = Λ L S (3.93) avec Λ = γλ = Λ puisque L = L. En revanche, si on considère l hamiltonien Zeeman, il y a une différence entre les configurations p n et t n 2g puisque ( L + 2S) pour t n 2g correspond à ( L + 2S) pour p n. Cette correspondance entre les configurations p n et t n 2g permet également de calculer le facteur gyromagnétique. Pour un multiplet d ion libre caractérisé par les moments L, S et J, on a vu (equation 2.65) que le facteur de Landé vaut (pour J 0) : J(J + 1) + S(S + 1) L(L + 1) g = γ + (2 γ) 2J(J + 1) (3.94) avec γ = 1. Dans le cas de la configuration t n 2g, on a la même expression avec γ = 1, ce qui donne : g = J( J + 1) + S(S + 1) L( L + 1) 2 J( J + 1) (3.95) Illustrons ces résultats sur l exemple de la configuration t 2 2g. A cette configuration est associée la représentation 3 T 1g qui correspond à un état triplet S=1 et à un moment orbital fictif L=1. Le moment cinétique total est donc J = L + S = 2. Son énergie vaut E J=2 = Λ h 2 On obtient deux multiplets excités correspondant à J = 1 (E J=1 = +Λ h 2 ) et J = 0 (E J=0 = 2Λ h 2 ). On notera que la séparation des niveaux de spin-orbite est différente de celle de 3 T 1g dans le cas du champ intermédiaire pour lequel on a L = 3/2 L. La dégénérescence est levée par un champ magnétique appliqué (figure 3.21). Si l interaction de spin-orbite est trop grande pour être traitée en perturbation (ce qui est rencontré dans la deuxième et troisième série de transition), il faut tenir compte des éléments de matrice entre les différents niveaux de champ cristallin. Ces éléments de matrice sont tabulés dans le livre de Griffith [32]. 154

156 Fig Effet de l interaction de spin-orbite et de l interaction Zeeman sur le niveau de champ cristallin 3 T 1g (t 2 2g ). 3.6 Diagrammes de Tanabe-Sugano Pour illustrer la compétition entre répulsions coulombiennes et champ cristallin, considérons d abord la limite du champ cristallin fort et étudions comment les interactions électroniques modifient la symétrie et l énergie des états propres. Prenons la configuration d 2. D après le paragraphe précédent, pour un champ octaédrique, la configuration fondamentale est t 2 2g. Quels sont les états excités? Les premiers, situés à 10Dq au-dessus du niveau fondamental, consistent à exciter un électron dans l état e g pour obtenir la configuration t 1 2g e1 g. On peut également exciter les deux électrons dans e g et obtenir la configuration e 2 g, d énergie 2 10Dq. L état de spin peut être triplet, ou singulet, à la fois pour le niveau fondamental mais aussi pour les états excités. Considérons l état triplet S = 1. Pour la configuration fondamentale t 2 2g, la dégénérescence orbitale est de trois (trois possibilités de placer deux spins parallèles dans les trois états t 2g ) alors qu elle vaut un pour la configuration e 2 g (une seule possibilité de placer deux spins parallèles dans les deux états e g ). De même, la dégénérescence orbitale de t 2g e g est de six. On a donc au total dix états triplets. Dans l autre cas limite, cas où le champ cristallin est négligeable devant les interactions coulombiennes, on retrouve le problème d un atome isolé. Le modèle de Russel-Saunders conduit, pour la configuration d 2, aux termes spectroscopiques correspondant aux états triplets 3 P et 3 F de dégénérescence orbitale respective trois et sept. Comment passer de la limite d atome isolé à la limite champ cristallin fort? On peut classer les différentes configurations en fonction de leur symétrie dans le groupe O h. Les symétries obtenues restent les mêmes quelles que soient les intensités relatives des interactions électroniques et de champ 155

157 cristallin. Il est possible d associer les états des deux limites en considérant leur symétrie. Partons de la limite champ cristallin fort. Il faut réduire chaque représentation associée à une configuration de champ cristallin (par exemple t 1 2g e1 g) en représentations irréductibles du groupe de symétrie. Cette décomposition peut s effectuer en considérant la table des produits directs du groupe O h que l on peut trouver dans l ouvrage de Atkins [5] et que nous reproduisons ci-dessous (comme tous les états sont de même parité (g), on ne présente que les produits directs du groupe O) : O A 1 A 2 E T 1 T 2 A 1 A 1 A 2 E T 1 T 2 A 2 A 1 E T 2 T 1 E A 1 + [A 2 ] + E T 1 + T 2 T 1 + T 2 T 1 A 1 + E + [T 1 ] + T 2 A 2 + E + T 1 + T 2 T 2 A 1 + E + [T 1 ] + T 2 où [ ] désigne la représentation obtenue par le produit antisymétrisé d une représentation avec elle même 10. Comme nous considérons un système de deux électrons dans un état triplet, c est à dire symétrique par permutation pour la partie de spin, la partie spatiale doit être antisymétrique. Cette table montre que la représentation T 2g T 2g associée aux états triplets de la configuration (t 2g ) 2 possède la symétrie T 1g alors que la symétrie A 2g correspond aux états triplets de la configuration (e g ) 2. De plus, la configuration t 2g e g se décompose sur les deux représentations irréductibles T 1g et T 2g. Les interactions de Coulomb (H C = e 2 /r ij ) entre électrons vont pouvoir mélanger les configurations. Nous résumons les termes spectroscopiques associés aux états triplets de spin des différentes configurations de champ cristallin dans le tableau : Config. Termes Spect. (e 2 g) 3 A 2g (t 2 2g ) 3 T 1g (e g t 2g ) 3 T 1g 3 T 2g Comme les seuls éléments de matrice non nuls de e 2 /r ij sont ceux entre états de même symétrie, seules les configurations t 2 2g et (t 2ge g ) peuvent se mélanger (ils possèdent une représentation commune T 1g ). Les autres états sont simplement déplacés en énergie. Dans la limite où les interactions électroniques peuvent être négligées (champ fort), on obtient, d après la relation (3.88) trois niveaux équidistants 10 On définit les produits directs symétrique Γ (i) s Γ (i) et antisymétrique Γ (i) a Γ (i). Leurs caractères sont donnés par : χ (i) (R) s ( χ (i) (R) = 1 2 χ (i) (R) 2 + χ (i) (R 2 ) ) pour le produit symétrisé et χ (i) (R) a ( χ (i) (R) = 1 2 χ (i) (R) 2 χ (i) (R 2 ) ) pour le produit antisymétrisé. Le produit direct symétrisé (antisymétrisé) permet de décrire un système à deux électrons dont la partie spatiale est symétrique (antisymétrique) par permutation des deux électrons. 156

158 d énergie : t 2 2g E = 8Dq t 2g e g E = +2Dq (3.96) e 2 g E = +12Dq l origine étant choisie comme l énergie des états d de l atome libre. On peut introduire ensuite les interactions électroniques. Les éléments de matrice électrostatiques peuvent être calculés dans la base des configurations de champ cristallin (t n 2g em g ) associée aux différentes représentations irréductibles. Ces éléments de matrice sont tabulés dans le livre de Griffith [32] : 3 T 1g (d 2 ) t 2 2g t 2g e g t 2 2g A-5B -6B t 2g e g -6B A+4B Où A et B sont les coefficients de Racah qui s expriment en fonction des intégrales de Slater (éléments de matrice des interactions électroniques) [32, 33]. Pour un calcul en perturbation des interactions électron-électron à l ordre le plus bas, seuls les éléments de matrice diagonaux contribuent. Les éléments de matrice pertinents des interactions électroniques H C sont donc ([32, 34]) : 3 T 1g (t 2 2g ) H C 3 T 1g (t 2 2g ) = A 5B 3 T 1g (t 2g e g ) H C 3 T 1g (t 2g e g ) = A + 4B 3 T 2g (t 2g e g ) H C 3 T 2g (t 2g e g ) = A 8B 3 A 2g (e 2 g) H C 3 A 2g (e 2 g) = A 8B (3.97) où 3 T 1g (t n 2g em g ) désigne un état de la configuration t n 2g em g de symétrie 3 T 1g. On remarque que les états 3 T 2g et 3 A 2g, issus des configurations de champ cristallins (t 2g e g ) et (e 2 g) respectivement, sont déplacés de la même quantité (A 8B) de sorte que leur séparation est indépendante des interactions et vaut 10Dq. La figure 3.22 montre, sur sa partie gauche, l effet des interactions électroniques à l ordre le plus bas sur les états triplets du champ cristallin. A cet ordre d approximation, on néglige le mélange d états de même symétrie appartenant à des niveaux différents. On peut également étudier l autre cas limite, c est à dire celui du champ cristallin faible devant les interactions électroniques. Sans champ cristallin, le modèle de Russel-Saunders conduit à des états triplets 3 P (L=1) et 3 F (L=3) et des états singulets 1 G (L=4), 1 D (L=2) et 1 S (L=0). En partant de cette limite d atome isolé, on peut retrouver des états de même symétrie que ceux obtenus à partir de la limite champ fort. Comme nous l avons vu ci-dessus, les représentations D (1) (L) et D (3) (F ) se décomposent suivant : D (1) = T 1g D (3) = A 2g T 1g T 2g (3.98) Rappelons l énergie des différents multiplets atomiques de la configurations d 2 en fonction des coefficients de Racah A, B et C [32, 33] : E( 3 F ) = A 8B E( 3 P ) = A + 7B E( 1 S) = A + 14B + 7C E( 1 D) = A 3B + 2C E( 1 G) = A + 4B + 2C (3.99) 157

159 Fig à gauche, limite champ fort : états triplets de la configuration d 2 dans un environnement octaédrique en absence d interactions électronélectron et effets des interactions de Coulomb à l ordre le plus bas ; à droite, limite champ faible : niveaux atomiques triplets 3 F et 3 P et effets du champ cristallin à l ordre le plus bas. On n a pas tenu compte dans le diagramme de gauche du déplacement global de l énergie de A. Les triplets 3 F et 3 P sont donc séparés de 15 B. Pour traiter l hamiltonien de champ cristallin en perturbation à l ordre le plus bas, on doit diagonaliser V C.E.F = B 4 (O O4 4 ) dans chacun des multiplets, ce qui donne pour 3 F : 3 T 1g ( 3 F ) V C.E.F. 3 T 1g ( 3 F ) = 6Dq 3 A 2g ( 3 F ) V C.E.F. 3 A 2g ( 3 F ) = +12Dq 3 T 2g ( 3 F ) V C.E.F. 3 T 2g ( 3 F ) = +2Dq (3.100) La séparation entre 3 A 2g et 3 T 2g vaut 600B 4 = 10Dq (figure 3.18). En ce qui concerne le multiplet 3 P, la correction à l ordre 1 ( 3 T 1g ( 3 P ) V C.E.F. 3 T 1g ( 3 P ) ) est nulle. En effet, les états de base de 3 P sont les L = 1, M. Il est facile de voir, d après la forme des opérateurs O4 0 et O4 4 (relation 3.70), que : L = 1, M O O 4 4 L = 1, M = 0 (3.101) Reste à déterminer l élément de matrice de champ cristallin entre les multiplets 3 F et 3 P. Attention, on ne peut plus utiliser la forme de V C.E.F. en fonction des opérateurs de Stevens qui n est valable qu à l intérieur d une restriction donnée (multiplet). Une astuce permet de déterminer cet élément de matrice W : W = 3 T 1 ( 3 F ) V C.E.F. 3 T 1 ( 3 P ) (3.102) Considérons la matrice décrivant les interactions pour les multiplets de symétrie 3 T 1 : ( ) 6Dq W (3.103) W 15B La diagonalisation de cette matrice donne la position des différents états 3 T 1 par rapport à l énergie (A 8B) du multiplet atomique 3 F. W peut 158

160 être obtenu en considérant la limite champ fort (ce que l on peut obtenir en posant B=0) pour laquelle on doit retrouver deux niveaux séparés de 10Dq. Pour satisfaire cette condition, il est facile de vérifier que W doit valoir 4Dq. La diagonalisation de la matrice conduit aux deux énergies de symétrie 3 T 1g : E ± = (15B 6Dq) ± 225B Dq Dq 2 + A 8B (3.104) Les états correspondants peuvent s écrire en fonction des états des multiplets atomiques : 3 T 1g (+) = cos α 3 T 1g ( 3 F ) + sin α 3 T 1g ( 3 P ) 3 T 1g ( ) = sin α 3 T 1g ( 3 F ) cos α 3 T 1g ( 3 P ) (3.105) où cos α et sin α s expriment à partir des éléments de matrice Dq et B (tan α = 15B+6Dq+ 225B Dq Dq 8Dq ). Le même calcul peut être effectué dans la base des états propres du champ cristallin, c est à dire 3 T 1g (t 2 2g ) et 3 T 1g (t 2g e g ). On a alors, d après les éléments de matrice donnés au dessus, la matrice ( ) A 5B 8Dq 6B (3.106) 6B A 4B + 2Dq à diagonaliser. On peut représenter les différents états propres triplets en fonction du rapport Dq/B, c est à dire du rapport des interactions de champ cristallin et des interactions électroniques (figure 3.23). Cette figure montre le passage progressif des états caractérisant les termes spectroscopiques 3 P et 3 F, dans la limite champ cristallin négligeable, aux états correspondant aux remplissages des états monoélectroniques t 2g et e g dans la limite où le champ cristallin l emporte sur les corrélations électroniques. Si on représente l énergie de tous les états par rapport au niveau fondamental, qui constitue alors l origine des énergies, on obtient le diagramme de Tanabe-Sugano pour la configuration d 2 dans un environnement octaédrique (figure 3.24). 159

161 e g A2g 50 E/B 0 3 P 3 T1g 3 T2g t 2g e g 3 F T1g t 2g Dq/B 8 10 Fig Energie des différents états triplets ( 3 T 1g, 3 A 2g et 3 T 2g ) en fonction du rapport des interactions de champ cristallin Dq et électroniques B. Les états 3 A 2g et 3 T 2g sont états propres à la fois de l hamiltonien de champ cristallin et de celui des interactions électroniques, d où leur dépendance linéaire. La symétrie électron-trou a des conséquences sur les diagrammes de Tanabe-Sugano. Les états propres des configurations d n et d 10 n sont les mêmes, mais le signe de Dq est inversé. En effet, dans la limite champ fort, pour la configuration d 9, on a un trou e g. La configuration d 1 avec un Dq positif est donc équivalent à la configuration d 9 avec un Dq négatif. Par conséquent, l ordre des niveaux d énergie est inversé pour les configurations d n et d 10 n. Par ailleurs, on a vu que dans la limite champ fort, on peut Fig Diagrammes de Tanabe-Sugano pour les configurations d 2 (à gauche) et d 4 (à droite) dans un environnement octaédrique. avoir deux configurations possibles : haut-spin si l échange l emporte sur 160

162 le champ cristallin, et bas-spin dans le cas contraire. Par exemple, pour la configuration atomique d 4, on a la configuration haut-spin t 3 2g e1 g compatible avec la première règle de Hund et la configution bas-spin t2g 4 qui doit devenir la configuration fondamentale pour un paramètre de champ cristallin suffisamment élevé. Les diagrammes de Tanabe-Sugano mettent en évidence ce changement du multiplet fondamental lorsque le champ cristallin augmente. Ainsi pour d 4, le passage de l état haut spin ( 5 E) vers l état bas spin ( 3 T 1 ) pour Dq/B=27 est illustré sur le diagramme de droite de la figure On pourra trouver une discussion des diagrammes de Tanabe-Sugano pour toutes les configurations d n dans les références [32, 35]. 161

163 Chapitre 4 Le groupe des permutations 4.1 Particules identiques Indiscernabilité et symétrie Pour des systèmes à particules identiques, la mécanique quantique a introduit un nouveau concept, celui de l indiscernabilité des particules. Mais rappelons tout d abord ce que l on entend par particules identiques. Des particules sont identiques si elles présentent les mêmes propriétés intrinsèques (masse, charge, spin, etc.). En raison de la dualité onde-corpuscule et donc de l absence de trajectoire, il n est pas possible de suivre une particule dans son mouvement. Ainsi, lorsque plusieurs particules identiques ont vu leurs fonctions d onde se recouvrir à un moment donné de leur évolution, il n est plus possible de les discerner. Le principe de l indiscernabilité des particules identiques, introduit par Bose, postule qu il est impossible a priori de distinguer deux particules identiques. Cette propriété joue un rôle fondamental en mécanique quantique. En effet dans un système de particules identiques en interactions, l hamiltonien présente une invariance par permutation des particules (l hamiltonien classique présente bien sûr la même propriété). Toutefois, nous verrons que le postulat de symétrisation impose aux états propres du système d être symétriques ou antisymétriques par rapport aux permutations. Cette propriété apparaît comme une propriété de symétrie purement quantique qui n a pas d équivalence en mécanique classique. Envisageons la diffusion de deux particules identiques (appelées 1 et 2) l une sur l autre (figure 4.1). On considère la détection une particule dans la direction θ. En physique classique, elle correspondrait à deux processus distincts, à savoir la détection de la particule 1 (schéma de gauche) ou de la particule 2 (schéma de droite dans la figure 4.1). En mécanique quantique, si les particules sont discernables, ces deux processus sont décrit par les états à deux particules ϕ α ( r 1 )ϕ β ( r 2 ) (la particule 1 est dans l état ϕ α et la particule 2 dans ϕ β ) ou ϕ α ( r 2 )ϕ β ( r 1 ) pour l autre processus. On constate qu on passe d un état à l autre, en permutant les deux particules. Par ailleurs, si les deux particules sont identiques, aucun dispositif expérimental ne permet de distinguer les deux processus qui, de ce fait, n en forme alors qu un seul. La symétrie permet de préciser ce point. Si P est l opérateur de permutation des deux particules, il commute avec l hamiltonien H de sorte qu il existe une 162

164 base d états propres commun à H et P. L opérateur permutation vérifiant P 2 =identité, ses valeurs propres valent ±1. Par conséquent, l état quantique du système doit s écrire comme une combinaison linéaire de deux états pour satisfaire la symétrie par permutation : Ψ( r 1, r 2 ) = ϕ α ( r 1 )ϕ β ( r 2 ) ± ϕ α ( r 2 )ϕ β ( r 1 ) pour que Ψ( r 1, r 2 ) soit état propre (symétrique ou antisymétrique) de l opérateur de permutation. L amplitude de diffusion, c est à dire l amplitude de probabilité de détection d une particule dans le détecteur à partir d un état initial donné va s écrire comme la somme de deux termes correspondant aux deux possibilités illustrées sur la figure 4.1. On peut alors dire que les deux chemins de diffusion interfèrent. Nous verrons que le signe + est rencontré pour les bosons alors que le signe est obtenu dans le cas des fermions. Fig. 4.1 Diffusion de deux particules l une sur l autre. Si les particules sont identiques, ces deux processus n en forment qu un seul. Considérons un système de charges en interaction (atome, molécule, solide). Si on néglige l interaction spin-orbite (effet relativiste) et sans champ magnétique appliqué, l hamiltonien ne dépend pas explicitement du spin. Dans ce cas, les solutions de l équation de Schrödinger s écrivent comme un produit d une fonction d espace et d une fonction de spin : Ψ( r 1 σ 1, r 2 σ 2, r n σ n ) = ϕ( r 1, r 2 r n ) χ(σ 1, σ 2, σ n ) (4.1) Toutefois, la plupart du temps ces solutions ne représentent pas des états physiques, c est à dire qu elles ne possèdent pas la symétrie imposée par l indiscernabilité des particules (invariance par permutation). Nous montrerons dans ce chapitre que dans le cas général, la fonction d onde décrivant les électrons du système (fonction multiélectronique) s exprime comme une combinaison linéaire de produits de fonction d espace ϕ i et de spin χ i : Ψ( r 1 σ 1, r 2 σ 2, r n σ n ) = [ ] c i ϕ i ( r 1, r 2 r n ) χ i (σ 1, σ 2, σ n ) (4.2) i L état du système devant être antisymétrique, Ψ( r 1 σ 1, r 2 σ 2, r n σ n ) change de signe si on permute deux électrons. On peut se demander si les fonctions d espace et de spin seules ont une symétrie particulière par rapport aux permutations. Prenons par exemple un système à deux électrons. Nous verrons 163

165 plus bas que c est le seul cas où tous les états propres du système s écrivent comme un simple produit : Ψ( r 1 σ 1, r 2 σ 2 ) = ϕ( r 1, r 2 ) χ(σ 1, σ 2 ) (4.3) où σ i = ±1/2. La partie de spin doit représenter les états du spin total à savoir S = +1 ou S = 0 (combinaison de deux spins 1/2). Rappelons que le triplet S = 1 correspond aux combinaisons : S = 1, M = 1 = +, + S = 1, M = 0 = 1/ 2 [ +, +, + ] S = 1, M = 1 =, alors que le singulet S=0 s écrit : (4.4) S = 0, M = 0 = 1/ 2 [ +,, + ] (4.5) On constate donc que, lors de l échange des deux spins, les états triplets restent invariants (états symétriques) alors que l état singulet change de signe (état antisymétrique). Pour un système de deux électrons, deux cas se présentent donc : soit la fonction de spin est symétrique et la fonction d espace antisymétrique, soit la fonction de spin est antisymétrique et la fonction d espace symétrique pour satisfaire l antisymétrie d un état à deux fermions. Attention, ce résultat ne peut pas se généraliser à un nombre plus grand de particules. En effet, à partir de trois fermions, ces symétries très hautes ne sont plus obligatoirement observées et chaque fonction, d espace ou de spin, peut présenter une symétrie plus basse par rapport aux permutations. En effet, prenons l exemple d un système de trois électrons (2 3 =8 états). Le spin total du système vaut S = 3/2 ou S = 1/2. Toutefois, on obtient deux sous-espaces différents associés à S = 1/2 puisque le produit direct des trois représentations associées à un spin 1/2 se décompose suivant : D (1/2) D (1/2) D (1/2) = D (3/2) D (1/2) D (1/2) (4.6) Un calcul élémentaire conduit pour le quadruplet D (3/2) à : S = 3/2, M = 3/2 = +, +, + S = 3/2, M = 1/2 = 1/ 3 [ +, +, + +,, + +, +, + ] S = 3/2, M = 1/2 = 1/ 3 [,, + +, +, + +,, ] S = 3/2, M = 3/2 =,, (4.7) et pour les 2 2 états de spin S = 1/2 : S = 1/2, M = 1/2 1 = 1/ 2 [ +, +,, +, + ] S = 1/2, M = 1/2 1 = 1/ 2 [,, + +,, ] et S = 1/2, M = 1/2 2 = 1/ 6 [ +, +, +, +, + 2 +,, + ] S = 1/2, M = 1/2 2 = 1/ 6 [,, + + +,, 2, +, ] (4.8) L examen de ces huit états montre que si les états du quadruplet S = 3/2 sont effectivement complètement symétriques par permutation, il n en va pas de même pour les états S = 1/2. Ces derniers ne présentent qu une symétrie 164

166 partielle : la première famille est antisymétrique par l échange des particules 2 et 3 alors que la seconde famille est symétrique par l échange des mêmes particules. Bien évidemment, ce choix n est pas unique et on peut construire d autres états doublets par des combinaisons linéaires orthonormalisées des deux états de même M. Mais, aucune combinaison linéaire ne présentera une symétrie ou antisymétrie sous toutes les permutations. Ce comportement résulte du caractère non abélien du groupe des permutations S n pour n> 2. Pour un système à deux particules, le groupe des permutations ne contient que 2!=2 éléments (identité et la permutation 1-2) qui commutent. Il est donc possible de construire des états propres communs à toutes les permutations du groupe, et tous les états présentent donc un caractère symétrique ou antisymétrique par permutation. En revanche, pour trois particules les 3!=6 permutations ne commutent plus mutuellement et il n est plus possible de construire des états propres communs à tous les opérateurs de permutation. Dans ce chapitre, nous introduirons le groupe des permutations et nous étudierons ses propriétés notamment en définissant les diagrammes d Young. Nous verrons que cette symétrie est particulièrement utile pour caractériser les états de N fermions en interactions, notamment lorsque les degrés de liberté de spin sont découplés des degrés de liberté spatiaux. Nous illustrerons sur la déterminations des termes moléculaires d un atome dans un cristal Permutations et transpositions Définitions Considérons un système de n particules identiques susceptibles d être dans des états monoparticulaires ϕ i. Comme nous l avons vu dans le paragraphe précédent, l indiscernabilité des particules en mécanique quantique impose une symétrie particulière par permutation. Le problème consiste à étudier les permutations des particules identiques dans des états monoparticulaires différents. Pour illustrer les opérateurs de permutation, considérons un système de trois particules identiques dans les états ϕ i, ϕ j et ϕ k. On écrit l état dans lequel, la particule 1 est dans ϕ i, la particule 2 dans ϕ j et la particule 3 dans ϕ k comme : 1 : ϕ i ; 2 : ϕ j ; 3 : ϕ k = ϕ (1) i ϕ (2) j ϕ (3) k (4.9) On définit des opérateurs de permutation P lmn permettant d échanger les états des différentes particules, par exemple : P : ϕ i ; 2 : ϕ j ; 3 : ϕ k = 2 : ϕ i ; 3 : ϕ j ; 1 : ϕ k = 1 : ϕ k ; 2 : ϕ i ; 3 : ϕ j (4.10) ou encore : P 231 ϕ (1) i ϕ (2) j ϕ (3) k = ϕ(1) k ϕ(2) i ϕ (3) j (4.11) Les opérateurs de permutation sont unitaires (P = P ). Pour un sytème à n particules on a n! opérateurs de permutation. L ensemble de ces opérateurs forme un groupe que l on appelle S n. Ce groupe est non abélien, comme on 165

167 peut le vérifier par exemple sur S 3 : P 312 P 132 = P 321 P 132 P 312 = P 213 (4.12) Transpositions et parité d une permutation On appelle transposition une permutation qui échange simplement les rôles de deux particules sans affecter les autres. Par exemple, P 213 échange les particules 1 et 2 et laisse la particule 3 inchangée. Par définition, on appellera une telle transposition T 21 (on a donc T 21 =P 213 ). Les opérateurs de transposition coincident avec leur inverse (T 21 = T21 1 = T 12). Tout opérateur de permutation peut s exprimer comme un produit de transpositions. Par exemple, P 312 = P 132 P 213 = T 23 T 12. Cela permet de définir la parité d une permutation : toute permutation obtenue à partir d un nombre impair de transpositions est impaire et celles obtenues à partir d un nombre pair, sont paires. Ainsi dans le groupe S 3, les permutations P 123, P 231, P 312 sont paires alors que les transpositions P 132, P 213 et P 321 sont impaires. Les symétriseurs et antisymétriseurs Les opérateurs de permutation ne commutant pas, il n est pas possible de construire une base d états propres communs à tous les opérateurs de permutation. Toutefois, certains états sont simultanément vecteurs propres de tous les opérateurs de permutation. Ces états présentent une symétrie particulière, ils sont soit complètement symétriques ( Ψ S ), soit complètement antisymétriques ( Ψ A ). Par définition, on a : P α Ψ S = Ψ S et P α Ψ A = ɛ α Ψ A (4.13) où ɛ α =+1 si la permutation P α est paire et ɛ α = 1 si P α est impaire. L ensemble de ces états complètement symétriques (complètement antisymétriques) forme un sous-espace E S (E A ) de l espace des états. Les opérateurs de symétrisation (S) et d antisymétrisation (A) permettent de construire de tels états à partir d un état quelconque, ces opérateurs sont définis par : S = 1 P α N! α A = 1 ɛ α P α (4.14) N! où on somme sur toutes les permutations du groupe. Ces 2 opérateurs sont des projecteurs car on peut montrer facilement (en constatant que SP α0 = P α0 S = S et AP α0 = P α0 A = ɛ α0 A) qu ils vérifient S 2 = S et A 2 = A. Ils projettent sur les sous-espaces des états complètement symétriques (E S ) et complètement antisymétriques (E A ). En effet leur action sur un vecteur quelconque Ψ vérifie quelle que soit la permutation P α0. α P α0 S Ψ = S Ψ et P α0 A Ψ = ɛ α0 Ψ (4.15) 166

168 4.1.3 Postulat de symétrisation Nous avons vu que l introduction du concept d indiscernabilité des particules a des conséquences importantes. L échange de particules identiques ne doit pas conduire à un nouvel état. Cela induit des contraintes sur les vecteurs de l espace de Hilbert décrivant les états physiques, et nécessite l introduction d un nouveau postulat pour les systèmes à particules identiques : le postulat de symétrisation [14]. Enoncé Lorsqu un système comprend plusieurs particules identiques, seuls certains états de l espace des états correspondent aux états physiques. Suivant la nature des particules, ces états sont, soit complètement symétriques, soit complètement antisymétriques par rapport aux permutations. Les particules associées aux états complètement symétriques sont appelés bosons et celles associées aux états complètement antisymétriques, fermions. Les fermions et les bosons obéissent à des statistiques complètement différentes : la statistique de Bose-Einstein pour les bosons et de Fermi-Dirc pour les fermions. Construction des états physiques Les états physiques étant soit complètement symétriques soit complètement antisymétriques par rapport aux permutations, on les construit à partir des règles suivantes : i) on numérote arbitrairement les particules et on construit le vecteur u en plaçant chaque particule dans un état monoparticulaire, ii) l état u ne présente pas de symétrie par permutation, on applique S ou A à u selon le caractère bosonique ou fermionique des particules, iii) on norme le ket obtenu. Considérons un système de trois particules dans des états φ, χ et ψ. l état u s écrit : u = 1 : φ; 2 : χ; 3 : ψ Pour des bosons, on applique S : ce qui donne : S u = 1 P α 1 : φ; 2 : χ; 3 : ψ (4.16) 3! α S u = 1 [ 1 : φ; 2 : χ; 3 : ψ + 1 : χ; 2 : φ; 3 : ψ : φ; 2 : ψ; 3 : χ + 1 : ψ; 2 : φ; 3 : χ + 1 : χ; 2 : ψ; 3 : φ + 1 : ψ; 2 : χ; 3 : φ ] (4.17) vecteur dont la normalisation va dépendre des trois états monoparticulaires. 167

169 Pour des fermions, on applique l antisymétriseur : A u = 1 ɛ α P α 1 : φ; 2 : χ; 3 : ψ (4.18) 3! α Il est commode d écrire cette relation sous la forme d un déterminant de Slater (les déterminants sont antisymétriques par permutation de deux lignes ou de deux colonnes) : A u = 1 3! 1 : φ 1 : ψ 1 : χ 2 : φ 2 : ψ 2 : χ 3 : φ 3 : ψ 3 : χ (4.19) que l on normalise ensuite. A u est nul si 2 colonnes sont identiques, c est à dire si 2 états monoparticulaires sont les mêmes. On retrouve ici une manifestation du principe de Pauli qui interdit de placer 2 fermions dans le même état. 4.2 Groupe S n et représentations irréductibles Classes du groupe S n et partitions Nous avons vu que le groupe de permutation de n objets identiques (n particules identiques) contient n! éléments et que ce groupe n est pas abélien. Introduisons une nouvelle notation souvent utilisée pour écrire les permutations. Ainsi, on note : ( ) 1, 2, 3,... n p = i 1, i 2, i 3,... i n la permutation pour laquelle l objet 1 est remplacé par l objet i 1, l objet 2 par l objet i 2, etc. On s intéresse alors à la structure cyclique de la permutation. Pour illustrer ce concept, prenons l exemple d une permutation de 8 objets : ( ) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 p = 2, 4, 5, 1, 3, 8, 7, 6 où 2 remplace 1, 1 remplace 4 et 4 remplace 2 alors que 5 et 3 ainsi que 6 et 8 sont interchangés et que 7 n est pas affecté. La permutation est donc caractérisée par un cycle de trois éléments, deux cycles de deux éléments et un cycle d un seul élément. On peut la représenter par sa structure cyclique : p=[ ] ou p=[ ]. Cette structure cyclique correspond en algèbre à une partition d un nombre entier dont on rappelle la définition : Une partition p [a 1 a 2... a h ] de l entier positif n est une suite d entiers positifs rangés dans l ordre a 1 a 2... a h et dont la somme est égale à n : a 1 + a a h = n. On peut montrer que toutes les permutations possédant la même structure de cycle, appartiennent à une même classe. Les partitions d un entier n définissent donc les classes du groupe S n. Par exemple, les classes du groupe 168

170 S 5 sont au nombre de sept : [5], [41], [32], [31 2 ],[2 2 1], [21 3 ] et [1 5 ]. On peut dénombrer les permutations constituant une classe. Considérons une structure cyclique (une partition de n) de la forme : p = [h b h... 2 b 2 1 b 1 ]. Le nombre de permutations de même structure cyclique est donné par : N = n! h b h bh!... 2 b 2 b2!1 b 1 b1! (4.20) Pour démontrer cette relation, on dénombre d abord le nombre de façon d avoir h éléments parmi n (Ch n ) que l on multiplie par (h-1)! le nombre de permutations échangeant tous les h objets dans une seule structure cyclique : C n h (h 1)! = n! h(n h)! Il reste (h-n) éléments parmi lesquels on dénombre de nouveau le nombre de façons d avoir h éléments : C n h h (h 1)! = La partition contenant b h cycles on a : [(h 1)!C n h h (n h)! h(n 2h)! ] [(h 1)!Ch n h ]... [(h 1)!... C n (b h 1)h h ] ce qui donne, en remarquant que chaque permutation est comptée (b h!) fois, le nombre de permutations des cycles de longueur h : n! b h!h b h (n bh h)! Le même calcul sur les b p cycles de longueur p conduit à : n! b h!h b h (n bh h)! (n b h h)! b p!p bp (n b h h b p p)! = n! b h!h b h bp!p bp (n b h h b p p)! on continue jusqu aux cycles de longueur 1 et l on obtient la relation (4.20). Cette relation permet de calculer le nombre d éléments dans chaque classe, ainsi pour le groupe S 5 on a : S 5 [1 5 ] [1 3 2] [1 2 3] [14] [12 2 ] [23] [5] ordre Il faut maintenant déterminer les représentations irréductibles du groupe des permutations (même nombre que de classes) et leur dimension Diagrammes et tableaux de Young Symétrie des fonctions d onde L invariance par permutation des particules constitue une symétrie des systèmes à n particules identiques et chaque opérateur de permutation commute avec l hamiltonien. Nous avons vu que le groupe des permutations 169

171 étant non abélien pour n > 2, les opérateurs de permutation ne commutent pas mutuellement et il n existe pas de base d états propres communs à tous ces opérateurs. Cependant, il existe des états qui sont états propres de tous les opérateurs de permutation ; ce sont les états soit complètement symétriques, soit complètement antisymétriques et le postulat de symétrisation impose que ce sont les seuls états physiques possibles pour respectivement les bosons et les fermions. Chaque état propre (complètement symétrique ou complètement antisymétrique) engendre un sous-espace invariant sous l effet des opérateurs du groupe des permutations. En effet, l application d un opérateur quelconque de ce groupe conduit au même vecteur, pour un système de bosons, ou à son opposé pour un système de fermions dans le cas d une permutation impaire : P α Ψ S = Ψ S et P α Ψ A = ɛ α Ψ A (4.21) Il en résulte que les états complètement symétriques ou complètement antisymétriques sont vecteurs de base d une représentation irréductible de dimension un, puisqu ils engendrent un sous-espace invariant. La représentation irréductible associée aux bosons est complètement symétrique (c est la représentation triviale) et est antisymétrique pour les fermions. On pourrait penser que la théorie des groupes ne présente qu un intérêt mineur puisque seule une représentation irréductible du groupe des permutations intervient dans la description des états physiques d un systèmes de particules identiques. Nous allons voir qu il n en est rien et que les autres représentations du groupe peuvent également intervenir. En effet, lorsqu on néglige les effets relativistes, l hamiltonien H d un système de n particules identiques sans champ magnétique appliqué, ne dépend pas des variables de spin. Il faut donc bien distinguer les propriétés de symétrie spécifiques d un hamiltonien particulier, de celles, plus fondamentales, directement associées à l identité des particules. En effet, l indiscernabilité des particules conduit au caractère complètement symétrique ou complètement antisymétrique des états physiques d un système à n particules. En revanche, un hamiltonien non relativiste sans champ magnétique appliqué exhibe des symétries additionnelles. Il est invariant par permutation des variables spatiales seules, et par permutation des variables de spin seules. Nous allons montrer que ces symétries additionnelles font intervenir les différentes représentations irréductibles du groupe des permutations et pas seulement les représentations unidimensionnelles symétrique et antisymétrique imposées par le postulat de symétrisation. Un opérateur de permutation (P α ) peut s écrire comme le produit des opérateurs de permutation des variables spatiales (P α (o) ) et de spin (P α (s) ) : Ces deux opérateurs (P (o) α P α = P (o) α P (s) α (4.22) et P α (s) ) commutent avec l hamiltonien H. Mais les fonctions spatiales et de spin ne sont pas obligatoirement complètement symétriques ou complètement antisymétriques. En effet, la permutation des variables spatiales ou de spin seules ne correspond pas à la permutation 170

172 des particules. Le principe de symétrisation ne s applique donc pas sur les parties spatiale et de spin séparément. Par conséquent, les parties spatiales et de spin peuvent être a priori fonctions de base de n importe laquelle des représentations irréductibles du groupe des permutations. Pour un hamiltonien ne dépendant pas des variables de spin, les fonctions propres devraient se factoriser sous la forme d un produit d une fonction des variables d espace et d une fonction des variables de spin : Ψ( r 1 σ 1, r 2 σ 2,... r n σ n ) = ϕ( r 1, r 2,... r n ) χ(σ 1, σ 2,... σ n ) (4.23) Néanmoins, le postulat de symétrisation introduit une contrainte sur la symétrie par permutation des particules, c est à dire permutation simultanée des variables spatiales et de spin. Ainsi, les symétries de la partie spatiale et de la partie de spin, et donc des représentations irréductibles associées, doivent être telles que la fonction d onde totale soit antisymétrique (pour n fermions) ou symétrique (pour n bosons). Il est clair que cette contrainte ne peut pas toujours être satisfaite pour un seul produit d une fonction spatiale et d une fonction de spin. En effet, pour un tel produit unique, les fonctions spatiale et de spin doivent rester invariantes, au signe près, sous l effet de toutes les permutations du groupe, ce qui n est possible que pour la représentation complètement symétrique ou la représentation complètement antisymétrique. Par conséquent, lorsque les parties spatiales et de spin relèvent de représentations irréductibles quelconques, les états du système doivent s écrire comme une combinaison linéaire de produits de fonctions d espace et de spin, c est à dire : Ψ( r 1 σ 1, r 2 σ 2,... r n σ n ) = i a i ϕ i ( r 1, r 2,... r n ) χ i (σ 1, σ 2,... σ n ) (4.24) où les ϕ i et χ i sont vecteurs de base des représentations irréductibles associées respectivement aux parties spatiales et de spin et les a i des coefficients qui rendent la fonction Ψ complètement antisymétrique. Nous verrons au paragraphe suivant comment construire les états physiques à partir de fonctions spatiales et de spin de symétrie plus basse que celles des états complètement symétriques ou antisymétriques. Diagrammes de Young Comme nous venons de le voir, les fonctions spatiales et de spin peuvent posséder une symétrie plus basse que celle des fonctions complètement symétriques ou complètement antisymétriques. Elles ont en principe la symétrie des représentations irréductibles du groupe des permutations et peuvent être représentées par des diagrammes appelés diagrammes de Young. Ceuxci expriment la façon de construire les états en fonction de leur symétrie par rapport aux permutations des particules. Nous allons illustrer cette construction sur l exemple d un système à deux particules. Dans ce cas, le groupe est abélien et, à partir d un état quelconque à deux particules Ψ(1, 2) (où 1 désigne l ensemble des coordonnées de la particule 1 : x 1, y 1, z 1, s 1 ), on définit un état symétrique Ψ S = Ψ(1, 2) + Ψ(2, 1) et un état antisymétrique Ψ A = Ψ(1, 2) Ψ(2, 1). On convient de les représenter par des diagrammes 171

173 où les lignes correspondent aux combinaisons symétriques alors que les colonnes correspondent aux combinaisons antisymétriques [56, 57]. On a alors : Ψ S = et Ψ A =. Considérons le cas plus complexe du groupe S 3 des permutations de trois particules. On peut former trois diagrammes de Young : =Ψ A représentant les états antisymétriques par permutation, =Ψ S représentant les états symétriques par permutation, =Ψ m représentant les états à symétrie mixte. Les états correspondants aux diagrammes symétrique et antisymétrique sont obtenus à partir d un état quelconque Ψ(1, 2, 3) en appliquant le symétriseur ou l antisymétriseur : Ψ S = S Ψ(1, 2, 3), Ψ A = A Ψ(1, 2, 3) Le diagramme mixte représente, quant à lui, tous les états qui sont symétriques dans l échange de deux particules (ligne à 2 boîtes du diagramme) mais antisymétriques dans l échange de l une de ces particules avec la troisième (colonne). Appelons symétriseur et antisymétriseur des particules i et j, les opérateurs S ij et A ij tels que : S ij = 1 + T ij et A ij = 1 T ij (4.25) où T ij est la transposition des particules i et j. On peut facilement vérifier que pour trois particules, il existe quatre états mixtes linéairement indépendants correspondant aux différents choix de symétrisation et d antisymétrisation. En effet, on peut construire à partir d un état quelconque Ψ(1, 2, 3), six combinaisons linéairement indépendantes correspondant aux six permutations du groupe. En plus des deux combinaisons complètement symétrique et complètement antisymétrique, il existe quatre états mixtes! En choisissant d abord d appliquer un opérateur de symétrisation puis un opérateur d antisymétrisation, on obtient les quatre états : Ψ 1 = A 13 S 12 Ψ(1, 2, 3) Ψ 2 = A 12 S 13 Ψ(1, 2, 3) Ψ 3 = A 12 S 13 Ψ(1, 2, 3) Ψ 4 = A 13 S 23 Ψ(1, 2, 3) (4.26) Explicitons Ψ 1 : Ψ 1 = A 13 (Ψ(1, 2, 3)+Ψ(2, 1, 3)) = Ψ(1, 2, 3)+Ψ(2, 1, 3) Ψ(3, 2, 1) Ψ(2, 3, 1) Il faut constater que la symétrie de l état obtenu ne dépend que de la dernière opération, ainsi dans Ψ 1, la symétrie dans l échange de 1 et 2 est 172

174 perdue et seule subsiste l antisymétrie de 1 et 3. On peut également choisir de construire des états où d antisymétrisation est effectuée avant la symétrisation mais les états obtenus sont simplement des combinaisons linéaires des vecteurs (4.26). Si Ψ(1, 2, 3) est simplement un produit d états à une particule (α, β et γ), on obtient en utilisant les notations que nous avons définies à la section précédente (Ψ(1, 2, 3) = 1 : α; 2 : β; 3 : γ = α (1) β (2) γ (3) ) : Ψ 1 = α (1) β (2) γ (3) + β (1) α (2) γ (3) γ (1) β (2) α (3) γ (1) α (2) β (3) (4.27) Représentations irréductibles Continuons l exemple du groupe S 3. Ses 3! éléments forment 3 classes [3], [21] et [1 3 ]. On a donc trois représentations irréductibles, la représentation triviale (Γ 1 ) complètement symétrique dont les vecteurs de base doivent avoir la symétrie des états physiques de trois bosons, une représentation unidimensionnelle antisymétrique (Γ 2 ) dont les vecteurs de base doivent avoir la symétrie des états physiques de trois fermions et enfin une représentation mixte de dimension 2 (Γ 3 ). Pour le groupe des permutations, la nomenclature des représentations irréductibles s inspire de la forme des diagrammes de Young. Ainsi pour le groupe S 3, Γ 1, Γ 2 et Γ 3 sont désignées respectivement par les symboles {3}, {21} et {1 3 }. En effet, la représentation symétrique correspond au diagramme constitué d une ligne de trois boîtes, la représentation antisymétrique de trois lignes d une boîte, et la représentation bidimensionnelle d une ligne de deux boîtes et une ligne d une boîte (figure 4.2). Fig. 4.2 diagrammes de Young correspondant aux représentations irréductibles {3}, {1 3 } et {21} de S 3. Les théorèmes d orthogonalité et de dimensionnalité permettent d obtenir la table des caractères du groupe : Tableaux de Young S 3 [1 3 ] [12] [3] ordre {3} {21} {1 3 } On définit les tableaux de Young en plaçant un entier positif dans chaque boîte d un diagramme. Chaque nombre représente un état monoparticulaire 173

175 accessible. Une forme standard d un tableau répond aux règles suivantes : dans une même ligne les nombres sont croissants et ils sont strictement croissants dans une colonne (deux mêmes fonctions ne peuvent intervenir dans une combinaison antisymétrique). Considérons un système à trois particules susceptibles d être dans trois états distincts. L application des 3! opérateurs de permutation sur cet état conduit à 6 états différents qui engendrent un espace de dimension 6. Le dénombrement des tableaux de Young permet de décomposer cet espace en sous-espaces invariants associés aux différentes représentations irréductibles du groupe. On a un seul tableau standard pour le diagramme symétrique, c est à dire qu il n y a qu un seul état symétrique possible caractérisé par le tableau De même, il n existe qu un 1 seul tableau standard pour le diagramme antisymétrique 2. En revanche, 3 il y a deux tableaux standards correspondant à la représentation bidimensionnelle {21} : Attention, à la notation, on rappelle que les boîtes repré- Ψ 1 = Ψ(1,2,3)= Ψ 3 = Ψ(1,2,3)= sentent les particules alors que les nombres représentent les états dans lesquels les particules se trouvent! Les deux fonctions (Ψ 1 et Ψ 3 ) associées aux tableaux standards de {21} ne se transforment pas ensemble lors des opérations de S 3 et ne forment donc pas une base de la représention irréductible {21}. Nous avons déjà exprimé quatre fonctions (par l intermédiaire des quatre tableaux standards ci-dessus) et il reste deux fonctions indépendantes à déterminer. Ces deux autres fonctions sont données par les tableaux non standards obtenus en inversant l ordre dans la ligne : Ψ 2 = Ψ(1,2,3)= Ψ 4 = Ψ(1,2,3)= Ces deux derniers états (Ψ 2 et Ψ 4 ) constituent les deux autres vecteurs de base des deux représentations irréductibles {21}. Il faut noter qu il est possible de construire encore deux tableaux non-standards obtenus en inversant l ordre dans la colonne : Ψ 5 = Ψ(1,2,3)= Ψ 6 = Ψ(1,2,3)= mais dont il est facile de montrer qu ils s écrivent comme une combinaison linéaire des quatre tableaux précédents. Remarquons que les tableaux non-standards associés aux représentations unidimensionnelles et symétrique 174

176 et antisymétrique conduisent au même état (éventuellement à un signe près pour l état antisymétrique). Les quatre états mixtes sont ceux que nous avons construits à partir des opérateurs de symétrisation et d antisymétrisation (équation 4.26). Explicitons-les à partir de l expression : Ψ(1, 2, 3) = α (1) β (2) γ (3) : Ψ 1 = α (1) β (2) γ (3) + β (1) α (2) γ (3) γ (1) β (2) α (3) γ (1) α (2) β (3) Ψ 2 = α (1) β (2) γ (3) + β (1) α (2) γ (3) α (1) γ (2) β (3) β (1) γ (2) α (3) Ψ 3 = α (1) β (2) γ (3) + γ (1) β (2) α (3) β (1) α (2) γ (3) β (1) γ (2) α (3) Ψ 4 = α (1) β (2) γ (3) + γ (1) β (2) α (3) α (1) γ (2) β (3) γ (1) α (2) β (3) (4.28) Ces quatre fonctions, qui représentent les deux doublets de {21}, ne sont pas orthogonales. On utilise la méthode de Schmidt qui consiste à écrire la fonction orthogonale à Ψ 1 comme Ψ 2 = Ψ 1+aΨ 2 avec a tel que Ψ 1 Ψ 2 = 0. On trouve : Ψ 2 = 1 ( α (1) β (2) γ (3) + β (1) α (2) γ (3) + γ (1) β (2) α (3) 2 ) + γ (1) α (2) β (3) α (1) γ (2) β (3) β (1) γ (2) α (3) (4.29) ce qui donne deux vecteurs orthonormalisés 1 2 Ψ 1 1 et 3 Ψ 2. La méthode de Schmidt pour les deux autres vecteurs donnent : Ψ 4 = 3 4 Ψ 3 = α (1) β (2) γ (3) β (1) α (2) γ (3) + 1 ( γ (1) β (2) α (3) 2 ) + α (1) γ (2) β (3) γ (1) α (2) β (3) β (1) γ (2) α (3) ( ) β (1) γ (2) α (3) + γ (1) β (2) α (3) α (1) γ (2) β (3) γ (1) α (2) β (3) ce qui donne deux vecteurs orthonormalisés 1 3 Ψ 3 et 2 3 Ψ 4. (4.30) (4.31) En résumé, pour un ensemble de trois particules dans trois états distincts, on a six états différents. L un, complètement symétrique, forme une base de la représentation {3}, un autre, complètement antisymétrique, forme une base de la représentation {1 3 }. Les quatre autres états forment deux couples Ψ 1 et Ψ 2 d une part, Ψ 3 et Ψ 4 d autre part, qui forment deux bases de la même représentation {21}. Ces deux bases engendrent deux espaces de dimension 2 orthogonaux mais dont les états se transforment de la même façon par permutations. Ce résultat se généralise à tous les groupes de permutations. Par exemple, S 4, qui contient 4!=24 éléments, admet cinq représentations irréductibles : les représentations unidimensionnelles symétrique {5} et antisymétrique {1 5 }, les représentations {31} et {21 2 } de dimension 3 et la représentation {2 2 } de dimension 2. Pour un système de quatre particules dans quatre états distincts, on construit à partir d un vecteur Ψ(1, 2, 3, 4) 4!=24 états indépendants. Ces états peuvent être obtenus à partir des tableaux de Young. Ainsi, on a trois tableaux standards pour les représentations {31} et {21 2 } de dimensions 3, deux tableaux standards 175

177 pour la représentation {2 2 } et un seul tableau standard pour les représentations unidimensionnelles {5} et {1 5 } (figure 4.3). De plus, pour une représentation n-dimensionnelle, à chaque tableau standard on doit associer (n-1) tableaux non-standards indépendants pour former une base de la représentation irréductible. Comme à chaque représentation n-dimensionnelle on a n tableaux standards, on peut construire n 2 états. Ainsi, l espace de dimension 24 se décompose sur 2 sous-espaces de dimension 2 et 2 3 sousespaces de dimension 3 en plus des sous-espaces symétrique et antisymétrique (24= ). Fig. 4.3 Tableaux standards correspondant aux représentations irréductibles de S 4. Représentations conjuguées Dans le cas d un système contenant n électrons, la fonction d onde totale doit être complètement antisymétrique et par conséquent, elle doit être fonction de base de la représentation irréductible unidimensionnelle antisymétrique, c est à dire {1 n }. Il faut donc construire, à partir de fonctions d espace et de spin, des états antisymétriques. Une solution triviale de ce problème consiste à écrire la fonction totale comme un simple produit des deux fonctions d espace et de spin, symétrique et antisymétrique. Par exemple, nous avons vu dans la section 4.1, que pour un système à deux électrons, on obtient un état triplet (S = 1), symétrique pour la fonction de spin et antisymétrique pour la fonction d espace, ainsi qu un état singulet (S=0), antisymétrique pour la fonction de spin et symétrique pour la fonction d espace. Pour un nombre d électrons plus grand, il existe toujours la possibilité de construire un état antisymétrique du système par un produit d une fonction de spin symétrique et d une fonction d espace antisymétrique. L inverse n est plus autorisé, car pour des spins 1/2, et donc seulement deux états possibles (m s = ±1/2), on ne peut pas construire un état antisymétrique pour 176

178 un nombre de particules supérieur à 2. Toutefois, nous allons montrer qu il existe d autres façons de construire des états complètement antisymétrique. Du point de vue de la théorie des groupes, les états physiques d un ensemble de fermions sont états de base de la représentation {1 n }. On vient de montrer qu ils peuvent se construire à partir du produit des fonctions de base des représentations irréductibles symétrique ({n}) et antisymétrique ({1 n }). En effet, le produit direct {1 n } {n} contient la représentation irréductible antisymétrique. On dit alors que les représentations irréductibles {1 n } et {n} sont conjuguées. Est-il possible d écrire l état du système autrement que par un produit d un état symétrique et d un état antisymétrique en utilisant des représentations irréductibles de symétrie plus basse? La théorie des groupes permet de répondre à cette question. Comme nous l avons déjà remarqué, dans un système où l hamiltonien ne dépend pas du spin, l hamiltonien possède une symétrie (de permutation) plus élevée que les permutations des particules. Il est invariant par permutations des variables de spin seules ou des variables spatiales seules. Les états de spin et d espace doivent donc être fonctions de base des représentations irréductibles du groupe des permutations. Pour que l état du système soit antisymétrique, il faut et il suffit que la représentation antisymétrique soit contenue dans le produit direct des représentations associées aux fonctions d espace et de spin, et par conséquent que ces représentations soient conjuguées. Nous allons montrer que cette condition est satisfaite lorsque les diagrammes de Young, correspondants à deux représentations conjuguées sont obtenus en permutant les lignes et les colonnes. Prenons comme exemple le groupe S 5. Sa table des caractères est donnée par : S 5 [1 5 ] [1 3 2] [1 2 3] [14] [12 2 ] [23] [5] ordre {5} {41} {32} {31 2 } {2 2 1} {21 3 } {1 5 } Les diagrammes de Young correspondants sont représentés à la figure 4.4. On peut alors effectuer les produits directs de toutes les paires de représentations irréductibles. On constate alors que la représentation {1 5 } n apparaît qu une fois (et une seule) pour des couples de représentations. Ces couples de représentations conjuguées sont {5} et {1 5 }, {41} et {21 3 }, {32} et {2 2 1} et {31 2 } est auto-conjuguée. Toutefois, comme ce diagramme comporte trois lignes, il ne peut représenter un état de spin 1/2 et cette représentation irréductible n intervient pas dans la description des états physiques. On vérifie que deux représentations conjuguées sont évidemment de même dimension et correspondent à des diagrammes où lignes et colonnes sont interchangées. Par conséquent, un état complètement antisymétrique peut être obtenu à partir des états de base des représentations conjuguées. Par exemple, pour 177

179 le couple de représentations irréductibles conjuguées {2 2 1} et {31 2 } de dimension 5, les fonctions spatiales ont la symétrie de {31 2 }, les fonctions de spin, celle de {2 2 1}. L inverse n est pas possible puisque le diagramme représentant les fonctions de spin ne peut pas présenter plus de deux lignes. Les états du système s écrivent comme une combinaison linéaire de produits de cinq fonctions de base de {2 2 1} avec les cinq fonctions de base de {31 2 }. Fig. 4.4 diagrammes de Young correspondant aux représentations irréductibles de S 5. Exemple de la configuration p 3 Voyons explicitement comment construire les états antisymétriques d un atome à trois électrons appartenant à une sous-couche p (l = 1). Les états orbitaux monoélectroniques peuvent être indexés par la valeur propre des opérateurs l z de chaque électron. On a trois états possibles correspondant aux trois valeurs de m l : m l = +1, 0, 1. Pour chaque valeur de m l, la projection du spin suivant Oz peut prendre deux valeurs (±1/2). Le dénombrement des états possibles (c est à dire la dégénérescence de la configuration p 3 ) conduit à C6 3 = 20 (choix de trois fonctions parmi six fonctions possibles m l, m s où m s est la valeur propre de s z, composante suivant Oz du spin d une particule). A partir de ces vingt états, on construit vingt fonctions antisymétriques qui se mettent sous la forme de déterminants de Slater. Les déterminants de Slater sont états propres des moments cinétiques des électrons l 2 i, l iz, s 2 i, s iz et donc de L z et S z mais ils ne sont pas états propres de L 2 et S 2 ( L = li et S = s i ). En résumé, l espace des états physiques de la configuration électronique p 3 est donc engendré par ces vingt déterminants de Slater, tous dégénérés dans l approximation du potentiel central (c.f. chapitre 3). Toutefois, lorsque l on tient compte des interactions entre électrons, la dégénérescence est levée et on obtient des niveaux d énergie caractérisés par leurs moments cinétiques orbital (L) et de spin (S). Nous avons vu qu une levée supplémentaire de dégénérescence se produit lorsqu on introduit l interaction de spin-orbite avec la formation de termes spectroscopiques caractérisés également par le moment cinétique total J. Pour trouver les états physiques de la configuration p 3, il suffit donc 178

180 de considérer les représentations irréductibles du groupe des permutations et de rotations. On va considérer les représentations du groupe S 3 dans l espace des variables orbitales et dans l espace des variables de spin. La représentation Γ (s) des variables de spin à 2 3 dimensions se décompose selon : Γ (s) = 4 {3} 2 {21} (4.32) puisque nous avons vu à la section 4.1, qu on obtient quatre états complètement symétriques ( S = 3/2, M S avec 3/2 M S +3/2), deux états de symétrie mixte S = 1/2, M S = +1/2 et deux états de symétrie mixte S = 1/2, M S = 1/2. Cette décomposition correspond aux tableaux standards qu on obtient avec 1=+, et 2= : La représentation des variables orbitales (Γ (o) ) correspond aux tableaux standards où 1 représente l état m l = +1, 2 l état m l = 0 et 3 l état m l = 1 : et se décompose selon : Γ (o) = 10 {3} {1 3 } 8 {21} (4.33) A chaque tableau standard de {21}, on peut associer un tableau non-standard (en permutant les entiers de la colonne), ces deux tableaux formant une base de la représentation {21}. Pour construire un état physique (antisymétrique par permutation), la solution triviale consiste à choisir une fonction de spin complètement symétrique et une fonction complètement antisymétrique pour la fonction orbitale. Ainsi, l état orbital de symétrie {1 3 } s associe à chaque état de spin de symétrie {3} pour donner quatre états physiques. L état orbital doit obligatoirement faire intervenir trois états m l différents pour être antisymétrique et donc valoir A + 1 (1), 0 (2), 1 (3) où A est l antisymétriseur. On obtient 179

181 donc pour la partie orbitale, un seul état qui peut se mettre sous la forme d un déterminant de Slater : 1 1 : : 0 1 : 1 Ψ (o) = A + 1 (1), 0 (2), 1 (3) = 2 : : 0 2 : : : 0 3 : 1 (4.34) En introduisant la partie de spin, on obtient ainsi les quatre états : Ψ (o) S = 3/2, M S avec 3/2 M S 3/2 correspondant au terme spectroscopique 4 S (L=0 et S=3/2) de dégénérescence 4. Par ailleurs, nous avons vu plus haut qu on peut construire un état antisymétrique à partir d états orbitaux et de spin de symétrie mixte. Dans ce cas, les parties orbitale et de spin doivent relever de représentations irréductibles conjuguées. Pour le groupe S 3, la représentation bidimensionnelle {21} est auto-conjuguée puisque le produit direct {21} {21} = {3} {1 3 } {21} contient la représentation antisymétrique ({1 3 }). Nous avons vu que les états de symétrie mixte, états de base de {21}, correspondent à un spin total S = 1/2. La représentation {21} étant bidimensionnelle, on peut construire deux états S =1/2, M S =1/2 comme on l a explicitement montré au début de ce chapitre. Ces deux états se combinent à deux états orbitaux de la représentation {21} (correspondant à un tableau standard et à son tableau non standard associé) pour donner un seul état physique antisymétrique. On obtient ainsi seize états de spin total S = 1/2, huit correspondant à M S = +1/2 et huit à M S = 1/2. Enfin, dans le modèle de l atome de Russel-Saunders, la partie orbitale est caractérisée par le moment cinétique total L. Pour la configuration p 3, L peut valoir 2, 1 et 0 (la valeur L = 3 est interdite par le principe de Pauli puisqu il n est pas possible d avoir m l =+1 pour les trois électrons simultanément). Les termes spectroscopiques pour un doublet de spin sont donc 2 D et 2 P de dégénérescence respective g=10 et g=6. Enfin, les dix états orbitaux {3} ne conduisent à aucun état physique puisqu il n existe pas d état de spin de symétrie {1 3 } (pas de diagramme de Young pour la partie de spin à plus de deux lignes pour des particules de spin 1/2). En résumé, un atome à trois électrons possède les termes spectroscopiques 4 S (g=4) 2 D (g=10) et 2 P (g=6) de sorte que la représentation correspondant à la configuration p 3 se décompose selon : Γ(p 3 ) = 4 S 2 D 2 P (4.35) Montrons comment on peut construire les états du système pour le terme 2 D. Nous avons vu, en combinant directement trois spins 1/2, la forme que prennent les états de spin total S = 1/2. Toutefois, on peut obtenir le même résultat à partir des tableaux de Young associés à la représentation {21}. En effet, comme pour un spin 1/2 on a que deux états possibles (symbolisés par + et représentant m s = ±1/2), il n existe que deux tableaux, correspondant à M S = +1/2, construits à partir de deux électrons dans l état 180

182 +, et 1 électron dans l état. On peut utiliser les relations avec α = +, β = + et γ =. L antisymétrie interdisant deux états identiques dans la même colonne, il n y a que deux tableaux possibles (on utilise + et à la place des entiers 1 et 2) : Ψ 1 = Ψ 2 = ce qui donne pour les états orthogonalisés : Ψ 1 = 2 ( +, +,, +, + ) Ψ 2 = ( +, +, +, +, + 2 +,, + ) où +, +, désigne l état + (1), + (2), (3). On vérifie que, après normalisation, ces deux états orthogonaux correspondent aux deux états propres du moment cinétique de spin total S = 1/2 et de projection M S = 1/2 qui forment ainsi une base de la représentation {21} (relation 4.8) : S = 1/2, M = 1/2 1 = 1/ [ ] 2 +, +,, +, + (4.36) S = 1/2, M = 1/2 2 = 1/ [ ] 6 +, +, +, +, + 2 +,, + On construit maintenant la partie d espace (également de symétrie mixte {21}) à partir des fonctions monoatomiques caractérisées par le moment cinétique l = 1. Il est facile d obtenir l état correspondant à la projection du moment total M L = 2. En effet il n existe qu un seul état associé à M L = 2 puisque cela correspond à la valeur maximale de L. Pour obtenir M L = 2, on doit prendre deux états m l = +1 et un état m l = 0. Les fonctions orbitales correspondent aux tableaux : où plutôt que d utiliser les entiers 1, 2 et 3 pour caractériser les trois états monoélectroniques possibles, on les représente par la valeur de m l (+1,0,-1). Après orthonormalisation, les états orbitaux s écrivent : φ (o) 1 = 1 ) ( + 1, +1, 0 0, +1, +1 2 φ (o) 2 = 1 ) ( + 1, +1, 0 + 0, +1, , 0, +1 6 (4.37) où + 1, +1, 0 = m l = +1 (1), m l = +1 (2), m l = 0 (3). Pour construire un état physique, c est à dire complètement antisymétrique, il suffit de combiner ces états orbitaux avec les états de spin de l équation (4.36) : 1 [ Ψ = φ (o) 1 2 1/2, 1/2 2 φ (o) ] 2 1/2, 1/2 1 (4.38) 181

183 Cet état est état propre des moments cinétiques orbital et de spin et constitue l état du terme spectroscopique 2 D associé à M L = 2 et M S = 1/2. En utilisant la notation + 1 +, 0 +, +1 = + 1, 0, +1 +, +,, on obtient : Ψ = 1 6 [ + 1, 1 +, , 1 +, , 0 +, +1 ] + 1, 0 +, , +1, , +1, 0 + L état obtenu est complètement antisymétrique puisqu on peut facilement vérifier qu il s écrit sous la forme d un déterminant de Slater : 1 1 : : : + 1 Ψ = 2 : : : + 1 (4.39) 6 3 : : : + 1 On obtient un déterminant de Slater puisque on s intéresse à l état qui présente la valeur maximale du moment cinétique total (L = 2, M L = 2) et qu il n existe qu une seule façon de construire un état complètement antisymétrique M L = 2 à partir de trois électrons p. Dans le cas général, les fonctions propres des moments cinétiques orbital et de spin (L 2, L z, S 2 et S z ) s écrivent comme des combinaisons linéaires de déterminants de Slater. Les autres états du terme spectroscopique 2 D (M L 2) sont plus délicats à obtenir. En effet par exemple, il existe deux états correspondant à M L = 1, l un associé à L = 2 et l autre à L = 1 (termes D et P ). Les états M L = 1 peuvent se construire à partir de deux états monoélectroniques m l = +1 et un état m l = 1 ou un état m l = +1 et deux états m l = 0. On peut construire les tableaux de Young et les états propres correspondants. Les états orbitaux M L = 1 construits à partir de deux états m l = +1 et d un état m l = 1 peuvent s obtenir à partir des tableaux standard et nonstandard : qui valent après orthogonalisation : ϕ (o) 1 = 1 ) ( + 1, +1, 1 1, +1, +1 2 ϕ (o) 2 = 1 ) ( + 1, +1, 1 + 1, +1, , 1, +1 6 (4.40) Pour construire un état physique, c est à dire complètement antisymétrique, il suffit de combiner ces états orbitaux avec les états de spin de l équation (4.36), ce qui donne pour un état S = 1/2, M = 1/2 : Ψ I = 1 [ ϕ (o) 1 2 1/2, 1/2 2 ϕ (o) ] 2 1/2, 1/2 1 (4.41) 182

184 Cet état antisymétrique, état propre de S 2, S z et de L z, s écrit : Ψ I = 1 [ + 1, +1 +, , +1 +, , 1 +, +1 6 ] + 1, 1 +, , +1, , +1, 1 + Il se met également sous la forme d un seul déterminant de Slater : 1 1 : : : + 1 Ψ I = 2 : : : : : : + 1 (4.42) puisque on ne peut construire un état de spin M S = 1/2 qu à partir des états monoélectroniques m l = +1, m s = 1/2, m l = +1, m s = 1/2 et m l = 1, m s = 1/2. De même on peut construire un autre état M L = 1 à partir de deux états m l = 0 et un état m l = +1. Les deux états s obtiennent à partir des tableaux : qui après orthogonalisation s écrivent : ϕ (o) 1 = 1 ) ( 0, 0, , 0, 0 2 ϕ (o) 2 = 1 ) ( 0, 0, , 0, 0 2 0, +1, 0 6 (4.43) En combinant ces états orbitaux avec les états de spin de l équation (4.36), on obtient : 1 [ Ψ II = ϕ (o) 1 1/2, 1/2 2 ϕ (o) ] 2 1/2, 1/2 1 (4.44) 2 En développant cette expression, on obtient : Ψ II = 1 [ 0, 0 +, , 0 +, , +1 +, 0 6 ] 0, +1 +, , 0, , 0, +1 + qui s écrit encore sous la forme d un unique déterminant de Slater puisque puisqu on a qu une seule façon de construire un état de spin 1/2 à partir de deux états m l = 0 et d un état m l = 1 : Ψ II = : : : 0 2 : : : 0 3 : : : 0 (4.45) 183

185 Les états Ψ I et Ψ II sont des états propres de L z et ils s écrivent comme des déterminants de Slater. En revanche, ils ne sont pas états propres du moment total (L 2 ). On peut construire des combinaisons linéaires de Ψ I et Ψ II pour obtenir les états propres de L 2 avec les valeurs propres L = 2 et L = 1. Pour trouver la combinaison linéaire correspondant à L = 2, il suffit d appliquer L à l état antisymétrique, état propre de L 2 et L z avec les valeurs propres L = 2 et M = 2 (équation 4.38) : L [ 1 2 En utilisant L = l 1 + l 2 + l 3 [ φ (o) 1 1/2, 1/2 2 φ (o) 2 1/2, 1/2 1] ] (4.46) sur les états φ (o) 1 et φ(o), on obtient : [ 1 ( ϕ (o) (o) 1 ϕ 1 ( (o) (o) ϕ 2 ϕ 2 ) ] ) 1/2, 1/2 2 1/2, 1/2 1 (4.47) On constate donc que l état du terme 2 D correspondant à M L = 1 s écrit comme la combinaison linéaire ( Ψ I Ψ II ) 2. On peut de même facilement obtenir l état M L = 1 du terme spectroscopique 2 P puisqu il doit être orthogonal à l état L = 2 et M L = 1 : [ 1 ( ϕ (o) (o) 1 + ϕ 1 ( (o) (o) ϕ 2 + ϕ 2 ) ] ) 1/2, 1/2 2 1/2, 1/2 1 (4.48) Remarquons que ces états standards des moments cinétiques orbital et de spin de la configuration p 3, L = 2, S = 1/2, M L = 1, M S = 1/2, pour 2 D, et L=1, S =1/2, M L =1, M S =1/2, pour 2 D, s écrivent comme des combinaisons linéaires de déterminants de Slater. Les états à M L (ou M S ) négatifs s obtiennent simplement en renversant le signe des m l. Il reste à déterminer les états propres associés à M L = 0. On ne peut les construire qu à partir de la configuration où l on a un état m l = +1,un état m l = 0 et un état m l = 1. Nous avons vu qu il existe un tableau de Young complètement symétrique et associé au terme spectroscopique 4 S (L = 0 et M L = 0 et équation (4.34)). Les autres tableaux (standard et nonstandard) relèvent de la représentation mixte {21} et ont été présentés plus haut. Compte tenu de notre notation particulière, ils s écrivent (relations 4.28) : 2 auxquels on associe les quatre états orthogonaux : φ (1) 1 = 1 [ + 1, 0, 1 + 0, +1, 1 2 ] 1, 0, +1 1, +1, 0 184

186 φ (1) 2 = 1 [ 1 ( + 1, 0, 1 + 0, +1, 1 + 1, 0, ] + 1, +1, 0 ) + 1, 1, 0 0, 1, +1 φ (2) 1 = 1 [ + 1, 0, 1 0, +1, ( 1, 0, ] + + 1, 1, 0 1, +1, 0 0, 1, +1 ) φ (2) 2 = 1 [ 0, 1, , 0, +1 2 ] + 1, 1, 0 1, +1, 0 Nous avons vu que φ (1) 1 et φ (1) 2 d une part et φ (2) 1 et φ (2) 2 d autre part, sont états de base de la représentation irréductible {21}. En les combinant avec les états propres adaptés de spin S = 1/2, M S = 1/2, on obtiendrait deux états antisymétriques. Les deux états standards du moment cinétique associés à L = 1 et L = 2 pour M L = 0 pourrait alors être obtenus par une combinaison linéaire de ces deux vecteurs antisymétriques. Il est plus facile d obtenir ces états M L = 0 des termes spectroscopiques 2 P, et 2 D en appliquant l opérateur L sur les états standards du moment cinétique ( Ψ I ± Ψ II )/ 2 calculés plus haut. On trouve : 2 P ; M L =0, M S =1/2 = 1 12 [ + 1, 0 +, , 0 +, , 1 +, , 1 +, , +1, , +1, , 0 +, , 0 +, , +1 +, 1 1, +1 +, 0 + ] , 1, , 1, +1 + et 2 D; M L = 0, M S = 1/2 = 1 [ 2 0, +1 +, , +1 +, , 0 +, 1 1 +, 0 +, , 1 +, , 1 +, , 1 +, , 1 +, , +1, , +1, , 0 +, , 0, 1 + 1, 0 +, , +1, 1 + ] , 0 +, 1 + 1, +1 +, , 1, , 1 +, +1 + On peut mettre ces expressions sous la forme de combinaisons linéaires de déterminants de Slater. En effet, on peut remarquer que le sous-espace engendré par les états propres de L z et S z avec les valeurs propres M L =! 0 et M S =1/2 est de dimension trois et admet comme vecteurs de base, les trois déterminants de Slater : Ψ (1) S = 1 6 Ψ (2) S = : : : 1 2 : : : 1 3 : : : 1 1 : : 0 1 : : : 0 2 : : : 0 3 : 1 + (4.49) 185

187 Ψ (3) S = : : : : : : : : : 1 + Ce sous-espace est également engendré par les vecteurs standards correspondant aux différents termes spectroscopiques L, S, M L = 0, M S = 1/2 avec L=0, S=3/2 ( 4 S), L=2, S=1/2 ( 2 D) et L=1, S=1/2 ( 2 P ). On vérifie facilement que l état de 4 S qui s écrit (équation 4.34) : 4 S ; M L =0, M S =1/2 = Ψ (o) 1 ] [ +, +, + +,, + +, +, + 3 s exprime en fonction des déterminants ci-dessus : 4 S ; M L =0, M S =1/2 = 1 3 ( Ψ (1) S alors que les deux autres vecteurs s écrivent : 2 D ; M L =0, M S =1/2 = 1 6 ( 2 P ; M L =0, M S =1/2 = 1 2 ( + Ψ(2) Ψ (1) S Ψ (3) S S ) + Ψ(3) S 2 Ψ(2) S ) Ψ(1) S ) + Ψ(3) S (4.50) (4.51) (4.52) Cet exemple montre comment, en utilisant le groupe de permutation et les propriétés du moment cinétique, on peut obtenir les états propres des termes spectroscopiques des atomes. Symétries de permutation et de rotation Nous avons vu sur l exemple ci-dessus que les fonctions de spin, qui sont fonctions de base des représentations irréductibles du groupe des permutations, sont également états propres du spin total. Ce résultat se généralise facilement. Considérons la représentation irréductible {ab}. Le diagramme de Young correspondant est représenté à la figure 4.5. Pour chacune des b colonnes à deux boîtes, l état est antisymétrique par permutation ( +,, + ) et il lui correspond un spin S = 0. Il est donc invariant par rotation. Pour trouver la représentation du groupe de rotation à laquelle appartient le diagramme de Young correspondant à {ab}, on peut exclure les b colonnes à deux boîtes puisqu à chaque colonne est associé un état singulet S = 0. Par conséquent, les diagrammes {ab} et {c}, où c = a b, (c.f. figure 4.5) appartiennent à la même représentation du groupe de rotation. Comme {c} est la représentation complètement symétrique, elle correspond aux états de spin total S = (a b)/2. En résumé, les sous-espaces associés à une valeur du spin total sont invariants par rapport aux permutations et aux rotations. Chaque état propre de S 2 et de S z est également vecteur de base d une représentation irréductible du groupe des permutations en raison de la forme particulière des diagrammes de Young pour la partie de spin (deux lignes maximum). Pour un diagramme {ab}, on peut ainsi exprimer a et b en fonction du spin total S et du nombre de fermions n = a + b (nombre de boîtes) : a = n 2 + S et b = n 2 S. 186

188 Fig. 4.5 diagrammes de Young correspondant aux représentations irréductibles {ab} et {c}. On peut résumer la formation des vecteurs complètement antisymétriques d un système de n fermions de spin 1/2. Les opérateurs de permutation commutent avec les composantes du moment cinétique orbital L et du moment cinétique de spin S. L espace des états s écrit comme le produit tensoriel E (o) E (s) de l espace de spin (E (s) de dimension 2 n ) avec l espace des variables orbitales E (o). Nous avons vu que l état de spin associé à un tableau de Young est état propre du spin total. En revanche, même si les états orbitaux monoélectroniques sont des états propres du moment cinétique d un électron, l état orbital du système n est pas état propre de L 2 mais seulement de L z. L exemple de la configuration p 3 montre qu il faut généralement construire les états propres de L 2 par une combinaison linéaire de plusieurs tableaux de Young. L espace des variables orbitales E (o) peut être subdivisé en sous-espaces invariants par permutations E (o) (σµ), deux à deux orthogonaux, et associés aux représentations irréductibles Γ (µ) du groupe S n. Le symbole σ distingue les sous-espaces différents associés à la même représentation irréductible. On a par exemple pour la configuration p 3, huit tableaux standards de symétrie {21} et donc huit sous-espaces différents de dimension 2. On construit les états complètement antisymétriques dans chaque sous-espace E (o) (σµ) E (s). Comme nous l avons vu, seuls les sousespaces de E (s) associés à la représentation conjuguée de Γ (µ) contribuent à la formation d un vecteur antisymétrique. Pour un diagramme de Young comme celui de la figure 4.5 (c est à dire pour a+b=n et S = (a b)/2) on a 2S + 1 vecteurs antisymétriques correspondant aux vecteurs propres de S 2. Pour la partie orbitale, la représentation Γ (µ) doit être la représentation conjuguée, qui de ce fait, est également totalement définie par n et S : Γ (µ) = {2 1 2 n S 1 2S }. Le nombre d états antisymétriques linéairement indépendants du sous-espace E (o) (σµ) E (s) vaut 2S + 1 puisque le produit de deux représentations conjuguées ne fait apparaître qu une seule fois la représentation antisymétrique et on obtient un seul vecteur antisymétrique par valeur de M S possible. Aucune propriété dynamique d un système à particules identiques n est modifiée par les permutations de ces particules. L opérateur d évolution du système commute donc avec tous les opérateurs de permutation. De la même façon, les opérateurs de permutation commutent avec toutes les observables. En effet, supposons que le système soit dans un état propre Ψ de l obser- 187

189 vable O associée à la valeur propre o. On a : O Ψ = o Ψ c est à dire que si on mesure O, le résultat est o avec une probabilité de 1. Si on permute les particules, il est clair que le résultat de la mesure doit également être o (les particules étant indiscernables). Par conséquent, on doit avoir : OP Ψ = op Ψ = P O Ψ et ce, quel que soit l état propre, d où [P, O] = 0. Enfin, considérons une observable scalaire Q indépendante des spins, comme par exemple l hamiltonien d un système isolé pour lequel on néglige les interactions avec les spins. Elle peut être considérée comme une observable de l espace des états E (o) invariante par rotation et par permutation P (o) des variables orbitales seules : [Q, L] = 0 et [Q, P (o) ] = 0 Comme par ailleurs [P (o), L], il existe des états propres communs à Q et aux représentations irréductibles des groupes de rotations et de permutations. E (o) peut donc s écrire comme la somme de sous-espaces E (o) (τ, L, µ) à (2L + 1) d µ dimensions irréductibles par rapport au groupe des rotations et au groupe des permutations (d µ est la dimension de la représentation pertinente du groupe des permutation). Dans l exemple de la configuration p 3, nous avons obtenu des sous-espaces invariants par permutations dont les états étaient états propres de S 2, S z et L z. Pour obtenir des états propres de L 2, il a fallu construire des combinaisons linéaires des états orbitaux de même M L. On a ainsi obtenu, pour la représentation irréductible {21}, les sous-espaces E (o) (τ, L = 2, {21}) de dimension 10 et E (o) (τ, L = 1, {21}) de dimension 6. Il faut noter que chaque sous-espace E (o) (τ, L, µ) est réductible par rapport au groupe des rotations seules. Il se décompose en d µ sousespaces irréductibles équivalents de dimension 2L + 1. Chaque sous-espace est engendré par une base des états propres de L 2 et L z mais n est pas invariant par permutation. E (o) (τ, L, µ) est également réductible par rapport au groupe des permutations seules. Il se décompose en (2L + 1) sous-espaces irréductibles équivalents. C est ce que nous avons obtenu pour la configuration p 3 ou chaque tableau standard de la représentation irréductible {21} donnait naissance à un sous-espace de dimension 2 associé une valeur de M L. A l intérieur des E (o) (τ, L, µ), l observable Q est proportionnelle à l identité ; pour l hamiltonien, E (o) (τ, L, µ) constitue le sous-espace d une valeur de l énergie). Les vecteurs propres sont les vecteurs antisymétriques du sous-espace E (o) (τ, L, µ) E (s). Comme ce sous-espace correspond à une valeur bien définie du spin total S : il correspond au sous-espace E(τ, L, S) d un terme spectroscopique à (2L + 1) (2S + 1) dimensions, associé à la base standard τ, L, S. 188

190 4.3 Atome dans un cristal, termes moléculaires Symétrie de permutation dans un groupe ponctuel On a vu au chapitre 3 comment la dégénérescence d un terme spectral atomique est levée par le champ cristallin. Si l hamiltonien de champ cristallin est petit devant les interactions intra-atomiques, on peut le traiter en perturbation sur les états propres atomiques caractérisés par les moments cinétiques L, S et éventuellement J si on tient compte de l interaction de spin orbite. On peut également adopter un autre point de vue qui correspond à la limite du champ cristallin fort. Dans ce cas, on néglige, dans un premier temps, les interactions électron-électron et on cherche les états propres à une particule compatibles avec la symétrie de la molécule. C est la démarche suivie dans la théorie des orbitales moléculaires. On construit ces orbitales moléculaires en s appuyant sur la symétrie et on les peuple en tenant compte du principe de Pauli pour obtenir la configuration moléculaire. Ainsi par exemple, dans un complexe de métal de transition de symétrie octaédrique, on place les trois électrons d dans une orbitale de symétrie t 2g et on obtient la configuration (t 3 2g ). Bien évidemment cette description en termes d orbitales moléculaires ne constitue qu une première approximation ; les interactions électron-électron conduisent à une levée de dégénérescence et la configuration (t 3 2g ) donne naissance à des niveaux d énergie, de spin et de symétrie différentes. L objectif dans cette section est de montrer comment, à partir d une configuration donnée, on peut obtenir ces niveaux de symétrie appropriée. Il s agit de décomposer la représentation réductible associée à la configuration moléculaire en représentations irréductibles du groupe de symétrie du problème, groupe qui est constitué par les permutations des électrons et les opérations du groupe ponctuel de la molécule. Comment procéder? Les propriétés du groupe des permutations permettent a priori de déterminer la symétrie des parties de spin et d espace. Si nous pouvions calculer alors la trace de chaque élément de symétrie R du groupe ponctuel dans la base des fonctions d onde antisymétriques du système à trois particules, on pourrait décomposer toute représentation asociée à un niveau atomique en représentations irréductibles du groupe ponctuel. Ainsi, il serait possible de prévoir les levées de dégénérescence des niveaux atomiques dans un cristal et d obtenir la symétrie des différents sous-niveaux. Ce problème de la trace peut être résolu sans avoir besoin de calculer explicitement les fonctions d onde. C est l objet de la section suivante Une relation bien utile On considère un système à n particules dont le groupe de symétrie ponctuel est G. On va supposer que l hamiltonien ne dépend pas du spin et on s intéresse à un état de spin qui est état de base d une représentation irréductible du groupe des permutations des n particules S n. Sa partie d espace relève donc de la représentation conjuguée que nous appellerons Γ (µ). Soit un sous-espace invariant de l espace de Hilbert à une particule de dimension d m associé à la représentation Γ (m) du groupe ponctuel G 1. Ce sous espace est 1 Attention de ne pas confondre les représentations irréductibles du groupe S n des permutations des n particules, repérées par un indice grec (Γ (µ) ), de celles du groupe ponctuel 189

191 engendré par une base d états monoparticulaires { ξ (m) 1, ξ (m) 2,... ξ (m) d m }. Il peut s agir des différents états associés à une configuration électronique donnée, par exemple les sept états de symétrie f (l = 3) pour un atome de terre rare isolé ou des trois états t 2g pour un ion de métal de transition dans un environnement octaédrique. Soit R un élément du groupe ponctuel qui laisse invariant le système considéré, les états ξ (m) k se transforment sous l effet de l opération de symétrie selon la représentation irréductible Γ (m) du groupe G : P R ξ (m) k = d m j=1 Γ (m) (R) jk ξ (m) j (4.53) On peut construire un état par un simple produit des n états à une particule : Φ (m) (a 1, a 2..., a n ) = Φ (m) a = ξ (m) a 1 (1)ξ (m) (2)... ξ a (m) n (n) (4.54) où a symbolise l ensemble des valeurs de a 1, a 2,... a n avec 1 a i d m. Appliquons l élément R du groupe sur cet état produit : P R Φ (m) a = a 1 a 2... a n ξ (m) a 1 Γ (m) (R) a 2 a 2... Γ (m) (R) a n a n = {a } a 2 (1)ξ (m) (2)... ξ (m) a (n) Γ(m) (R) n a 1 a 1 a 2 Φ (m) {a } Γ (m) (R) {a }{a} (4.55) avec Γ (m) (R) {a }{a} = Γ (m) (R) a 1 a 1 Γ (m) (R) a 2 a 2... Γ (m) a na n. Comme les particules sont indiscernables, les parties spatiales des états doivent être des états de base d une représentation irréductible Γ (µ), de dimension d (µ), du groupe des permutations que l on construit en appliquant un projecteur sur l état produit Φ (m) {a} : (µ) (m) Φ ij {a} = P (µ) ij Φ (m) {a} (4.56) où le projecteur P (µ) ij groupe S n s écrit : où 1 i, j d (µ). sur un état de la représentation irréductible Γ (µ) du P (µ) ij = d µ n! p Γ (µ) ij (p) p (4.57) Pour déterminer comment une représentation associée à une configuration multiélectronique se décompose selon les représentations irréductibles du groupe ponctuel, il faut calculer les caractères, pour chaque élément du groupe ponctuel, obtenus à partir d états antisymétriques dont la partie spatiale relève de la représentation irréductible Γ (µ) du groupe S n. Les caractères des représentations du groupe G sur des états monoparticulaires s expriment selon : k ξ (m) k P R ξ (m) k = kj ξ (m) k G, repérées par un indice latin (Γ (m) ). ξ (m) j Γ (m) jk (R) = k Γ (m) kk (R) = χ(m) (R) (4.58) 190

192 (µ) (m) Pour obtenir un ensemble d états Φ ij {a} linéairement indépendants, avec i fixé et j = 1, 2... d m, on considère les différentes séquences ordonnées c est à dire {a > } = {a 1, a 2,... a n } avec a 1 a 2... a n. Comme plusieurs particules peuvent être dans le même état monoélectronique, il est possible que chaque a i apparaisse plusieurs fois. Nous allons considérer le sous groupe S n {a} qui laisse la séquence {a} inchangée. Si {a} est telle que a 1 apparaisse l 1 fois, a 2, l 2 fois, etc., le sous-groupe S n {a} comporte l{a} = l 1!l 2!... (µ) (m) éléments. Les états Φ ij {a} ne sont pas normalisés, en effet on a : Φ (µ) (m) ij (µ) (m) {a} Φ ij {a} = P (µ) ij Φ (m) {a} P (µ) ij Φ (m) {a} = Φ (m) {a} P (µ) ij P (µ) ij Φ (m) {a} (4.59) = d µ n! p Γ (µ) ii (p) Φ (m) {a} p Φ (m) {a} où nous avons utilisé que P (µ) ij P (µ) ij = P (µ) ji P (µ) ij = P (µ) jj (équation 1.19). Par ailleurs la somme sur les permutations p se limite à la somme sur le sousgroupe S n {a} puisque, si les états monoélectroniques sont orthogonaux, ce sont les seules permutations qui n annulent pas Φ (m) {a} p Φ (m) {a}. Pour p S n {a}, les permutations ne concernant que des orbitales identiques, on a évidemment Φ (m) {a} p Φ (m) {a} = 1 ce qui conduit à : Φ (µ) (m) ij (µ) (m) {a} Φ ij {a} = d µ n! p S n {a} Γ (µ) jj (p) (4.60) Comme on se limite à une somme sur les permutations du sous-groupe S n {a}, on peut considérer, à partir de la représentation irréductible Γ (µ) du groupe S n, la représentation généralement réductible Γ (µ) du sous-groupe S n {a}. On peut évaluer alors simplement la somme dans la relation (4.60) à partir du grand théorème d orthogonalité. En effet, l orthogonalité d une représentation irréductible quelconque Γ (n) d un groupe G de h éléments avec la représentation triviale Γ (1) s écrit pour Γ (n) Γ (1) : Γ (n) ij (R) Γ (1) (R) = 0 (4.61) R Comme Γ (1) est une représentation unidimensionnelle qui vaut 1 pour tout élément R, on a : Γ (n) ij (R) = 0 (4.62) R Par conséquent, pour une représentation réductible Γ, les seuls éléments non nuls seront ceux associés à la représentation triviale. Si celle ci apparaît f fois dans la décomposition de Γ et si la base est choisie de telle sorte que Γ (1) correspondent aux f premiers blocs diagonaux on a : R Γ (n) ij (R) lk { h δij pour i, j f 0 sinon (4.63) En utilisant cette propriété pour Γ (µ), la relation (4.60) permet d obtenir pour les états de norme non nulle : Φ (µ) (m) ij (µ) (m) {a} Φ ij {a} = d µ l{a} = K (4.64) n! 191

193 En calculant les caractères sur les états de base normalisés des représentations irréductibles de G et S n Ψ ij {a} = K 1/2 (µ) (m) (µ) (m) Φ ij {a}, on obtient : d µ χ (m) (R, Γ (µ) ) =... j=1 a 1 a 2 n Ψ (µ) (m) ij (µ) (m) {a} P R Ψ ij {a} (4.65) que l on peut écrire : d µ χ (m) (R, Γ (µ) (µ) (m) (µ) (m) ) = Ψ ij {a} P R Ψ ij {a} (4.66) j=1 {a >} d µ (µ) (m) (µ) (m) = Ψ ij {a} Ψ ij {a } Γ (m) {a }{a} (R) j=1 {a > } {a } où {a } est une séquence ordonnée ou non. Comme les états monoélectroniques ξ a (m) i sont orthogonaux, le produit scalaire s annule si les séquences {a > } et {a } font apparaître un nombre de fois différents des états ξ a (m) i. Par conséquent, on a {a } = q{a > } où q est une permutation de S n. Pour tout élément q S n {a}, qq donne le même résultat que q. On a donc : χ (m) (R, Γ (µ) ) = d µ = j=1 {a > } d µ = j=1 {a > } = {a >} d µ j=1 {a >} 1 l{a} q S n 1 l{a} q S n 1 l{a} q S n Ψ(µ) (m) ij {a} q Ψ (µ) (m) ij {a} Γ (m) q{a}{a} (R) d µ (µ) (m) (µ) (m) Ψ ij {a} Ψ ik {a} Γ (µ) kj (q) Γ(m) q{a}{a} (R) k=1 d µ k=1 q S n 1 l{a} χ(µ) (q) Γ (m) q{a}{a} δ jk Γ (µ) kj (q)γ(m) q{a}{a} (R) (R) (4.67) où χ (µ) (q) est le caractère de la représentation Γ (µ) du groupe S n pour la permutation q. On peut transformer la somme sur les séquences ordonnées en une somme sur toutes les séquences en remarquant que les n!/l{a} arrangements de la séquence {a} conduisent à la même valeur. On obtient alors : χ (m) (R, Γ (µ) ) = l{a} n! = 1 n! {a} q S n 1 l{a} χ(µ) (q) Γ (m) q{a}{a} (R) {a} q S n χ (µ) (q) Γ (m) qa 1 a 1 (R)Γ (m) qa 2 a 2 (R)... Γ (m) qa n a n (R) (4.68) On peut décomposer la somme sur les classes du groupe S n. Les classes de S n peuvent être classifiées en fonction des partitions de l entier n notées [n bn... 2 b 2 1 b 1 ]. La permutation identité q = e conduit au terme dans χ (m) (R, Γ (µ) ) :... χ (µ) (e) Γ (m) a 1 a 1 (R)Γ (m) a 2 a 2 (R)... Γ (m) a na n (R) = χ (µ) (e) [χ (m) (R)] n {a 1 } {a n} 192

194 La classe correspondant à un cycle de trois éléments [3 1 1 n 3 ] avec la structure cyclique (123)(4)...(n) :... {a 1 } {a n } χ (µ) (q) Γ (m) a 2 a 1 (R) Γ (m) a 3 a 2 (R) Γ (m) a 1 a 3 (R) Γ (m) a 4 a 4 (R)... Γ (m) a n a n (R) =χ (µ) (q) χ (m) (R 3 ) [χ (m) (R)] n 3 En tenant compte de la structure cyclique des différentes classes de S n, on obtient : χ(r, Γ (µ) )= 1 h ρ χ (µ) (ρ) {χ (m) (R 1 ) b 1 χ (m) (R 2 ) b 2... χ (m) (R n ) b n } ρ n! ρ S n (4.69) la somme est sur toutes les classes du groupes de S n, h ρ et χ (µ) (ρ) est l ordre et le caractère de la ρ ième classe pour la représentation irréductible Γ (µ) de la partie spatiale du groupe des permutations (ρ est la classe de structure cyclique [n b n... 2 b 2 1 b 1 ]) alors que χ (m) (R) est le caractère de la représentation irréductible Γ (m) du groupe ponctuel pour l élément de symétrie R. Cette expression donne le caractère de R dans la base de fonctions multiélectroniques dont la symétrie de permutation des variables spatiales relève de la représentation irréductible Γ (µ) de S n. Ces fonctions multiélectroniques sont construites à partir d états monoélectroniques de symétrie Γ (m) du groupe ponctuel. Nous allons illustrer l intérêt et la puissance de cette relation sur quelques exemples Quelques applications Configuration électronique d 3 Considérons un atome dans la configuration électronique d n. Les états propres atomiques doivent être compatibles avec la symétrie de rotation et la symétrie de permutation. Si l hamiltonien ne dépend pas du spin, on a vu que les états s écrivent comme une combinaison linéaire de produits des fonctions de base de la représentation irréductible associée à la partie de spin avec celles de la représentation conjuguée associée à la partie d espace. Par ailleurs, ils doivent être fonctions de base d une des représentations irréductibles du groupe SO(3). Choisissons un état de spin caractérisé par S (triplet, quadruplet, etc.) associé à une représentation irréductible Γ (S) de S n. Comme nous l avons vu, le diagramme de Young correspondant ne possède au maximum que deux lignes Γ (S) = {ab} avec a = n 2 + S et b = n 2 S. La représentation conjuguée Γ(µ) décrivant la partie d espace est Γ (µ) = {2 1 2 n S 1 2S }. Nous allons montrer comment à partir de la relation (4.69) on peut déduire les différents termes spectroscopiques associés à une configuration électronique donnée. Considérons par exemple la configuration d 3. Le système comportant trois particules identiques, les états propres sont états de base des représentations irréductibles de groupe S 3 dont on rappelle ci-dessous la table de caractère (on indique également la valeur du spin total associé à chaque représentation irréductible) : 193

195 S 3 [1 3 ] [12] [3] Spin ordre {3} S=3/2 {21} S=1/2 {1 3 } La partie spatiale correspond, pour le quadruplet (S=3/2), à la représentation {1 3 } alors que, pour le doublet de spin (S=1/2), elle correspond à {21}. Le groupe admet trois classes de symétrie, [1 3 ], [12] et [3], qui, pour des états monoatomiques de symétrie d (représentation irréductible D (L=2) ) vont donner, dans l équation (4.69), les termes : On obtient alors : χ(r) 3, χ(r)χ(r 2 ), et χ(r 3 ) χ(r, S =1/2) = 1 3 [χ(2) (R) 3 χ (2) (R 3 )] χ(r, S =3/2) = 1 6 [χ(2) (R) 3 3χ (2) (R)χ (2) (R 2 ) + 2χ (2) (R 3 )] (4.70) où les χ (2) (R) représentent les caractères de la représentation D (L=2) du groupe des rotations pour une rotation quelconque R. Nous avons vu dans le chapitre 2 que le caractère de la représentation D (L=2) pour une rotation d angle α s écrit : χ (2) (R α ) = 2 m= 2 e imα = e 2iα + e iα e iα + e 2iα Pour un état de la configuration d 3, associé à S = 1/2 et dont la partie spatiale relève de la représentation {21} du groupe S 3, le développement de la première équation (4.71) conduit à : χ(r α, S =1/2) = 2 cos(5α)+4 cos(4α)+6 cos(3α)+10 cos(2α)+12 cos(α)+6 que l on peut exprimer à partir des caractères χ (L) (R α ) des représentations irréductibles D (L) du groupe des rotations : χ(r α, S =1/2) = χ (5) (R α ) + χ (4) (R α ) + χ (3) (R α ) + 2χ (2) (R α ) + χ (1) (R α ) puisque : χ (L) (R α ) = 2 cos(lα) + 2 cos(l 1)α cos(α) + 1 On en déduit donc que la configuration d 3 donne naissance aux termes spectroscopiques doublets de spin : 2 H, 2 G, 2 F, 2 D, 2 D, et 2 P. On voit donc apparaître deux états spectroscopiques de même symétrie 2 D. De même, pour les états quadruplets de spin qui relèvent de la représentation irréductible {1 3 } de S 3, le développement de la seconde équation 4.71 conduit à : χ(r α, S =3/2) = 2 cos(3α) + 2 cos(2α) + 4 cos(α)

196 que l on peut exprimer à partir des caractères χ (L) (R α ) : χ(r α, S =3/2) = χ (3) (R α ) + χ (1) (R α ) d où la décomposition des états quadruplets de spin de la configuration d 3 sur les termes spectroscopiques 4 F et 4 P. Par cette méthode, on peut donc décomposer n importe quelle configuration électronique sur les représentations irréductibles du groupe des rotations et du groupe des permutations. Les représentations obtenues correspondent aux termes spectroscopiques associées aux états propres des moments cinétiques orbital et de spin de l atome. Pour les différentes configurations d une sous couche d, on obtient : Config. d 1, d 9 d 2, d 8 d 3, d 7 d 4, d 6 d 5 Termes spectroscopiques 2 D 1 G, 1 D, 1 S 2 H, 2 G, 2 F, 2 D(2), 2 P, 4 F, 4 D 1 I, 1 G(2), 1 F, 1 D(2), 1 S(2), 3 H, 3 G, 3 F (2), 3 D, 3 P (2), 5 D 2 I, 2 H, 2 G(2), 2 F (2), 2 D(3), 2 P, 2 S, 4 G, 4 F, 4 D, 4 P, 6 S où est indiqué, entre parenthèse, le nombre de fois qu un terme spectroscopique donné apparaît. Configurations (t 2g ) 3 et (t 2g ) 3 Plaçons l atome de configuration d 3 dans une molécule ou un cristal de symétrie O h. Nous avons vu au chapitre 4 que, lorsqu on place un électron de symétrie d dans un environnement octaédrique, des états t 2g et e g apparaissent, de symétrie respective T 2g et E g. Si on place trois électrons dans le niveau le plus bas on obtient la configuration (t 2g ) 3. Comme dans l exemple précédent de la configuration d 3, la partie spatiale correspond, pour le quadruplet de spin (S=3/2), à la représentation {1 3 } et pour le doublet de spin (S=1/2), elle correspond à {21}. On peut utiliser la relation (4.69) pour déterminer les caractères associés à ces deux parties spatiales pour les particules qui sont dans des états monoélectroniques de symétrie T 2g. On obtient alors : χ(r, S =1/2) = 1 [ ] χ (t2g) (R) 3 χ (t2g) (R 3 ) (4.71) 3 χ(r, S =3/2) = 1 [ ] χ (t2g) (R) 3 3χ (t2g) (R)χ (t2g) (R 2 ) + 2χ (t2g) (R 3 ) 6 où cette fois les χ (t 2g) (R) sont les caractères de la représentation T 2g pour les différents éléments du groupe O h. On identifie les éléments de symétrie R 2 et R 3 et on reporte les caractères correspondant pour T 2g. Les résultats sont résumés dans le tableau ci-dessous : 195

197 O h E 8C 3 3C 2 6C 2 6C 4 I 8S 6 3σ v 6σ d 6S 4 A 1g A 2g E g T 1g T 2g A 1u A 2u E u T 1u T 2u R E C 3 C 2 C 2 C 4 I S 6 σ v σ d S 4 R 2 E C 3 E E C 2 E C 3 E E C 2 R 3 E E C 2 C 2 C 4 I I σ v σ d S 4 χ (t2g) (R) χ (t2g) (R 2 ) χ (t2g) (R 3 ) χ (t2g) (R 4 ) χ(r, S = 3/2) χ(r, S = 1/2) On décompose les deux représentations associées au doublet et au quadruplet de spin en utilisant le petit théorème d orthogonalité. On trouve : Γ(t 3 2g, S =1/2) = 2 E g 2 T 1g 2 T 2g Γ(t 3 2g, S =3/2) = 4 A 2g (4.72) La configuration moléculaire (t 2g ) 3 se décompose donc en quatre termes moléculaires caractérisés par la valeur du spin total et la symétrie des parties spatiales dans le groupe O h. Pour un système à quatre électrons de configuration (t 2g ) 4, on doit considérer le groupe S 4. Sa table de caractère est la suivante : S 4 [1 4 ] [1 2 2] [13] [2 2 ] [4] Spin ordre {4} S=2 {31} S=1 {2 2 } S=0 {21 2 } {1 4 } On rappelle que pour un quintuplet de spin (S =2 et {4}) la partie spatiale correspond à {1 4 }, pour un triplet (S = 1 et {31}) elle correspond à {21 2 }, et pour un singulet (S =0 et {2 2 }) elle correspond à {2 2 }. On a alors : χ(r, S =2) = 1 24 [χ(r)4 6χ(R 2 )χ(r) 2 + 8χ(R)χ(R 3 ) 6χ(R 4 ) + 3χ(R 2 ) 2 ] χ(r, S =1) = 1 8 [χ(r)4 2χ(R 2 )χ(r) 2 + 2χ(R 4 ) χ(r 2 ) 2 ] (4.73) χ(r, S =0) = 1 12 [χ(r)4 4χ(R)χ(R 3 ) + 3χ(R 2 ) 2 ] 196

198 où pour alléger l écriture on a écrit χ(r n ) pour χ (t 2g (R n ). En utilisant le tableau de la page précédente, on obtient les différents termes moléculaires : Γ(t 4 2g, S =0) = 1 A 1g 1 E g 1 T 2g Γ(t 4 2g, S =1) = 3 T 1g (4.74) on constate que, quel que soit l élément R de O h, χ(r, S = 2)=0. Il n est pas possible d obtenir des états de spin 2 pour (t 2g ) 4 puisque les états t 2g ne sont que trois fois dégénérés et que le principe de Pauli interdit aux quatre spins avoir la même valeur propre de S z. On peut faire une analyse de ce type pour toutes les configurations dans un environnement octaédrique avec une seule sous couche incomplète. La décomposition en termes moléculaires des configurations de champ cristallin d un ions de métal de transition est résumée dans le tableau : Configuration e 2 g e 2 u t 2 1g ou t4 1g t 2 2g ou t4 2g t 2 1u ou t4 1u t 2 2u ou t4 2u t 3 1g t 3 2g t 3 1u t 3 2u termes moléculaires 1 A 1g, 1 E g, 3 A 2g 1 A 1g, 1 E g, 3 A 2g 1 A 1g, 1 E g, 1 T 2g, 3 T 1g 1 A 1g, 1 E g, 1 T 2g, 3 T 1g 1 A 1g, 1 E g, 1 T 2g, 3 T 1g 1 A 1g, 1 E g, 1 T 2g, 3 T 1g 4 A 1g, 2 E g, 2 T 1g, 2 T 2g 4 A 1g, 2 E g, 2 T 1g, 2 T 2g 4 A 2u, 2 E u, 2 T 1u, 2 T 2u 4 A 1u, 2 E u, 2 T 1u, 2 T 2u Ce tableau montre que la symétrie globale d un niveau de champ cristallin d un ion de métal de transition diffère généralement de la symétrie d un état monoélectronique. Ainsi par exemple, la configuration t 2 2g peut être un état 1 E g de l ion. Bien entendu si on a un seul électron ou un seul trou, on a un terme moléculaire qui possède la symétrie spatiale de l état monoélectronique et un spin 1/2 (doublet). Par exemple la configuration (t 1u ) 1 donne un seul terme moléculaire 2 T 1u. Configuration (t 2g ) 2 (e g ) 2 On peut également considérer le cas plus complexe où on a deux systèmes constitués respectivement de n et m particules identiques. Considérons par exemple le cas où n=m=3. Si ces sous-systèmes sont sans interactions, leurs états sont alors caractérisés par les représentations irréductibles du groupe S 3. Si les deux sous-systèmes interagissent, on doit pouvoir classifier les états du système total selon les représentations irréductibles du groupe S 3+3 = S 6 puisqu on a un système à 6 particules. Si les deux sous-systèmes sont caractérisés, par exemple, par la représentation irréductible {21}, alors le système total sera caractérisé par la configuration obtenue par le produit externe [4] des représentations {21} que l on note {21} {21}, produit qu il ne faut pas confondre avec le produit direct habituel ou produit interne pour lequel on resterait à l intérieur du groupe S 3. Notons que si on se limite au sous-groupe 197

199 de S 6 des permutations des particules 1,2,3 entre elles et des permutations des particules 4,5,6 entre elles, le produit {21} {21} est une représentation irréductible de ce sous-groupe. En revanche, ce produit est réductible sur les représentations irréductibles de S 6. On peut trouver le nombre d états de base du produit externe. Il faut sélectionner trois particules parmi six, pour former les deux sous-systèmes, ce qui donne C6 3 =20. Comme {21} est une représentation bidimensionnelle, on a fonctions de base du produit direct. Nous allons montrer que la décomposition du produit externe donne : {21} {21} = {42} {41 2 } {3 2 } 2{321} {31 3 } {2 3 } { } (4.75) et pour la dimensionalité : 80 = Nous allons énoncer les règles de décomposition du produit externe sans démonstration à partir des diagrammes de Young. Pour l exemple ci-dessus, on construit les diagrammes de Young des représentations du groupe S 6 qui décomposent le produit externe en combinant les deux diagrammes de Young des représentations de S 3. Pour dénombrer le nombre de fois qu un diagramme apparaît, il faut de plus attribuer un index à chaque ligne du diagramme de S 3 et veiller que les cases portant le même index n apparaissent pas dans la même colonne pour les diagrammes d Young de S 6. Pour des électrons (particules de spin 1/2), les diagrammes de Young des représentations de spin ne devant pas excéder deux lignes, la décomposition du produit externe {21} {21} se limite aux représentations {42} et {3 2 } (diagrammes de la première ligne). Nous allons illustrer ce concept de produit externe sur le cas de figure d un atome pour lequel plusieurs sous-couches sont inoccupées. Considérons par exemple un atome dans un environnement octaédrique et associé à la configuration (t 2g ) 2 (e g ) 2. La dégénérescence de cette configuration électronique est simplement le produit des dégénérescences de (t 2g ) 2 et (e g ) 2, c est 198

200 à dire : C6 2 C2 4 = 15 6=90. Avant de déterminer les représentations irréductibles sur lesquelles cette configuration se décompose, rappelons la table des caractères du groupe S 2 : S 2 [1 2 ] [2] Spin ordre 1 1 {2} 1 1 S=1 {1 2 } 1-1 S=0 les représentations irréductibles correspondent aux états de spin 1 et de spin 0 respectivement symétrique et antisymétrique par permutation. La relation (4.69) conduit à : χ(r, S =1) = 1 2 [χ(m) (R) 2 χ (m) (R 2 )] χ(r, S =0) = 1 2 [χ(m) (R) 2 + χ (m) (R 2 )] obtenues en considérant les caractères de la représentation irréductible conjugué de S 2 pour la partie spatiale. Les caractères χ (m) sont soit ceux de T 2g pour (t 2g ) 2, soit ceux de E g pour (e 2g ) 2. O h E 8C 3 3C 2 6C 2 6C 4 I 8S 6 3σ v 6σ d 6S 4 χ (t2g) (R) χ (t2g) (R 2 ) χ(r, t 2 2g, S =1) χ(r, t 2 2g, S =0) χ (eg) (R) χ (eg) (R 2 ) χ(r, e 2 g, S =1) χ(r, e 2 g, S =0) Pour la configuration (t 2g ) 2, on obtient facilement les décompositions : Γ(t 2 2g, S =0) = 1 A 1g 1 E g 1 T 2g Γ(t 2 2g, S =1) = 3 T 1g (4.76) alors que pour la configuration (e g ) 2, on obtient : Γ(e 2 g, S =0) = 1 A 1g 1 E g Γ(e 2 g, S =1) = 3 A 2g (4.77) Les représentations irréductibles associées à la configuration (t 2g ) 2 (e g ) 2 peuvent être obtenues à partir des produits des représentations irréductibles associées à (t 2g ) 2 et (e g ) 2. Les diagrammmes associés à la partie de spin se construisent à partir du produit extérieur selon : 199

201 Ces diagrammes expriment que le produit de deux singulet donne un singulet, le produit d un singulet et d un triplet donne un triplet alors que le produit de deux triplets donne un singulet, un triplet et un quintuplet conformément aux règles de combinaisons des moments cinétique (la somme de deux spins 1 conduit à un spin 2, un spin 1 et un spin 0). La représentation associée à la configuration(t 2g ) 2 (e g ) 2 s écrit donc comme le produit : [ ] [ ] Γ(t 2 2ge 2 g) = 1 A 1g 1 E g 1 T 2g 3 T 1g 1 A 1g 1 E g 3 A 2g que l on peut séparer en représentations selon la valeur du spin (diagrammes ci-dessus) qui se décomposent : Γ(t 2 2ge 2 g, S =2) = 5 E g Γ(t 2 2ge 2 g, S =1) = 3 A 1g 3 A 2g 2 3 E g 2 3 T 1g 2 3 T 2g (4.78) Γ(t 2 2ge 2 g, S =0) = 1 A 1g 1 A 2g 1 E g 2 1 T 1g 2 1 T 2g Les 90 états de la configuration (t 2g ) 2 (e g ) 2 correspondent ainsi à 10 états de spin deux, 54 états de spin un et 16 états de spin nul. On peut généraliser cette méthode à des systèmes de particules identiques présentant un nombre quelconque de sous-couches incomplètes. Elle est particulièrement utile dans l étude du champ cristallin (chapitre 3) ou pour l étude des états finals pour les spectroscopies qui conduisent à l excitation des électrons d un atome. Nous avons montré dans ce chapitre les conséquences du postulat de symétrisation qui impose une symétrie par permutation aux systèmes constitués de particules identiques. Nous avons ainsi montré, dans le cas de systèmes pour lesquels l hamiltonien ne dépend pas explicitement du spin, que les parties d espace et de spin possèdent la symétrie des représentations irréductibles conjuguées du groupe des permutations. Nous avons également montré que l on pouvait utiliser les propriétés du groupe des permutations pour déduire la nature des états propres du système, valeur du spin total et symétrie de la fonction d onde multiélectronique. Cette approche permet d éviter, dans un certain nombre de cas, l utilisation du formalisme de Racah des coefficients de parentage fractionnel. 200

202 Chapitre 5 Les états électroniques dans les cristaux 5.1 Introduction L objectif de ce chapitre n est pas de décrire la structure de bande des solides ni de détailler les différentes méthodes et approximations permettant une description des systèmes électroniques dans un potentiel périodique. De nombreux ouvrages de physique du solide traitent de ce point [36, 37]. En revanche, comme c est un des rares domaines de la physique du solide où l utilisation de la symétrie est presque indispensable, l accent sera mis sur l apport de la théorie des groupes pour l étude des propriétés électroniques des systèmes périodiques. Nous commencerons par rappeler les fondements de la théorie des bandes en insistant sur les approximations qui conduisent à une description dans une approche à un électron. En particulier, nous énoncerons, sans démonstration, les théorèmes de Hohenberg et Kohn et de Kohn et Sham qui constituent les fondements de la description de la fonctionnelle de densité utilisée dans les calculs de la structure de bande des solides. Dans une deuxième partie, nous discuterons des concepts introduits par la symétrie de translation dans les cristaux, notamment la structuration de l espace réciproque en zones de Brillouin ainsi que le théorème de Bloch qui détermine la symétrie translationnelle des fonctions d onde. Ces différentes notions seront illustrées sur l exemple du modèle des électrons presque libres. Ensuite après avoir brièvement rappelé les concepts de groupes ponctuels et surtout de groupes d espace qui décrivent les différentes symétries d un cristal, nous discuterons plus en détails les représentations irréductibles des groupes d espace. Ces représentations irréductibles, construites à partir de celles du groupe du vecteurs d onde, permettent d obtenir la symétrie et la dégénérescence des fonctions de Bloch. En particulier, nous traiterons le cas spécifique des groupes non-symmorphes. Enfin dans une dernière section, nous discuterons des modifications apportées par le spin des électrons et plus exactement par l interaction de spin-orbite. Nous reviendrons sur la notion de groupe double et nous discuterons en détails les dégénérescences supplémentaires éventuellement introduites par le renversement du temps. 201

203 5.2 les fondements de la théorie des bandes L hamiltonien Considérons un solide cristallin d un élément pur de masse M et de charge nucléaire Z I. En négligeant les termes relativistes, l hamiltonien s écrit : H = i p 2 i 2m i,i Z I e 2 r i R I + i,j>i e 2 r i r j + I ( P 2 I 2M + ZI 2e2 ) R J>I IJ (5.1) où les minuscules (majuscules) correspondent aux variables dynamiques des électrons (noyaux) et les R IJ = R I R J représentent les distances entre noyaux. Les trois premiers termes décrivent respectivement l énergie cinétique des électrons, leurs interactions coulombiennes avec les noyaux et la répulsion coulombienne électron-électron. Les deux derniers termes correspondent à l énergie cinétique des noyaux et à leurs répulsions. Les termes de répulsion dépendent des variables dynamiques de deux particules, par exemple r i et r j, ce sont donc des termes à n corps qui empêchent d obtenir des solutions exactes. Il est donc nécessaire d effectuer des approximations afin d obtenir des solutions approchées Les approximations fondamentales L approximation Born-Oppenheimer L approximation de Born-Oppenheimer permet de découpler les degrés de libertés électroniques de ceux des noyaux, ce qui simplifie grandement le problème. Cette approximation s appuie sur le rapport de plusieurs ordres de grandeur entre la masse d un électron et celle d un noyau, et par conséquent entre les vitesses de ces deux entités. Schématiquement, on peut dire que les électrons suivent instantanément le mouvement des noyaux, de sorte qu on peut considérer à chaque instant les électrons dans le potentiel d une configuration des noyaux fixes. L énergie cinétique des noyaux est négligeable et leur position ( R I ) cesse d être une variable dynamique pour devenir un paramètre. Ces degrés de liberté supprimés par l approximation de Born- Oppenheimer constituent les modes de vibration du cristal (phonons) et leur traitement est indépendant des degrés de libertés électroniques. Toutefois, il faut noter que parfois, l interaction électron-phonon est importante puisqu elle est à l origine de transitions de phase (transition supraconductrice et transition de Peierls). Par ailleurs, la répulsion coulombienne entre noyaux est une constante que l on pourra retirer en décalant l origine des énergies. Dans le cadre de cette approximation, l hamiltonien devient : H = i p 2 i 2m i,i Z I e 2 r i R I + i,j>i e 2 r i r j (5.2) On peut pousser l approximation plus loin en introduisant les électrons de coeur et les électron de valence. Les électron de coeur sont essentiellement atomiques et sont décrits par la physique atomique. On peut ne garder comme variables dynamiques que celles des électrons de valence et introduire dans l hamiltonien un potentiel ionique qui décrit l interaction avec les noyaux et les électrons de coeur. 202

204 L approximation à un électron Même en ayant découplé les degrés de liberté électroniques de ceux des noyaux, le problème ne connaît pas de solutions analytiques exactes. En effet l hamiltonien reste un hamiltonien à n corps en raison du terme biélectronique. L approche de la théorie des bandes consiste à développer une approximation d électrons indépendants pour laquelle chaque état monoélectronique est solution d un hamiltonien à un électron dans un potentiel périodique. Ce potentiel est un potentiel effectif qui doit prendre en compte le mieux possible la répartition des charges et leurs interactions mutuelles dans le solide. Le potentiel effectif doit donc dépendre des solutions puisque la densité électronique s exprime à partir des fonctions d onde (occupées) à un électron φ i ( r) : N ρ( r) = φ i ( r) (5.3) i Les premières recherches de solutions approchées datent de la fin des années vingt. Deux voies différentes ont été explorées, l une, la méthode Hartree- Fock, adaptée aux petits systèmes (molécules) et largement utilisée en chimie moléculaire, l autre méthode, développée par Thomas-Fermi et Dirac, pour traiter la structure électronique des solides. Les années soixantes ont connu une avancée importante avec la théorie de la fonctionnelle de densité. En effet, un théorème fondamental démontré par Hohenberg et Kohn [39] a établi qu un système à n électrons peut être décrit de façon ab initio dans un formalisme à un électron mais avec un hamiltonien effectif. L idée de base de la théorie de la fonctionnelle de densité est que les quantités physiques, comme l énergie totale, peuvent être exprimées comme une fonctionnelle de la densité de charge. Par exemple, l énergie totale s exprime comme : E[ρ] = F [ρ] + ρ( r)v ext ( r) d 3 r (5.4) où V ext est le potentiel dû aux noyaux, et F [ρ] est une fonctionnnelle de la densité de charge ρ( r) qui comporte plusieurs contributions : e 2 F [ρ] = T [ρ] + ρ( r) r r ρ( r ) d 3 rd 3 r + E xc (ρ] (5.5) où T [ρ] représente l énergie cinétique, le deuxième terme (énergie de Hartree) désigne l interaction électrostatique de la distribution de charge et E xc, l énergie d échange et de corrélation, décrit les autres contributions et notamment l énergie d échange d origine purement quantique imposée par l antisymétrie des états à N fermions. Hohenberg et Kohn ont également montré que la fonctionnelle E[ρ] présente un minimum à l énergie de l état fondamental pour la densité de charge du fondamental [39]. La recherche de l état fondamental du système à n électron est donc remplacée par la minimisation d une fonctionnelle de la densité. Ce résultat a été exploité par Kohn et Sham [40] qui ont transformé le problème à n corps par n problèmes à un corps, c est à dire en remplaçant l hamiltonien à n électrons en n hamiltoniens effectifs d électrons indépendants. Les équations de Kohn et Sham s écrivent : { h 2 } 2m 2 + V ext ( r) + V H ( r) + V xc ( r) φ i ( r) = ε i φ i ( r) (5.6) 203

205 où V ext est le potentiel des noyaux et V H le potentiel de Hartree, e 2 ρ( r ) V H ( r) = r r d3 r (5.7) décrit le potentiel électrostatique dû à la distribution de charges, et V xc le potentiel d échange et de corrélation défini à partir de E xc : V xc ( r) = δe xc δρ( r) (5.8) Comme on ne sait pas résoudre le problème à n corps, le potentiel d échange et de corrélation, dont la nature est non locale, n est pas connu. Il est nécessaire de faire des approximations pour pouvoir utiliser les équations de Kohn et Sham. La plus commune est l approximation de la densité locale où on suppose que la densité de charge est uniforme. Nous renvoyons le lecteur vers des ouvrages spécialisés pour plus de détails sur le formalisme de la fonctionnelle de densité [38]. Dans la suite de ce chapitre nous supposerons que le système peut être décrit comme une assemblée d électrons indépendants plongés dans un potentiel effectif supposé connu dont la symétrie est celle du groupe d espace du cristal. Nous nous intéresserons essentiellement aux relations entre la symétrie de ce potentiel et les caractéristiques des fonctions de Bloch et des bandes associées. 5.3 Symétrie de translation dans les solides Le groupe des translations Dans une description à un électron, les états stationnaires sont solutions d un hamiltonien dont la symétrie est celle du cristal. Un cristal est un arrangement périodique d atomes et reste invariant sous certaines transformations géométriques parmi lesquelles les translations jouent un rôle fondamental. Nous allons dans un premier temps nous focaliser sur les propriétés des translations puis nous intégrerons les autres symétries géométriques pour aboutir au concept de groupe d espace Opérateur de translation Nous avons vu dans le chapitre 1, que pour l espace libre, les opérateurs de translation sont définis à partir d une grandeur conservée, la quantité de mouvement, qui constitue le générateur du groupe des translations : T ( a) = e i p a/ h (5.9) L existence de translations infinitésimales conduit, en représentation position, à la forme différentielle bien connue de la quantité de mouvement : p = i h (5.10) Les fonctions propres de l opérateur de translation sont les ondes planes et leurs valeurs propres sont caractérisées par le vecteur d onde k = p/ h. 204

206 Par ailleurs, le groupe des translations est un groupe abélien (T ( a)t ( b) = T ( a + b) = T ( b)t ( a)). Cette propriété subsiste dans les cristaux. Ceux-ci ne sont pas invariants sous l effet de translations infinitésimales mais par des translations finies correspondants aux paramètres du réseau critallin. Le groupe des translation étant abélien, ses représentations irréductibles, que l on note D ( k), sont unidimensionnelles. Il faut toutefois signaler que le renversement du temps, introduit une dégénérescence essentielle. En effet, l opérateur renversement du temps s identifie, pour une particule sans spin, avec l opérateur de conjugaison complexe. Comme nous avons négligé les termes dépendant du spin dans l hamiltonien, on ne s intéresse qu à la partie spatiale de la fonction d onde. La fonction de base exp(i k. r) de la représentation irréductible D ( k) se transforme, par renversement du temps en exp( i k r), fonction de base de D ( k). Par conséquent, les représentations D ( k) et D ( k) sont reliées par une symétrie non géométrique de l hamiltonien (le renversement du temps) et peuvent être considérées, ensemble, comme une représentation irréductible de dimension deux. Le renversement du temps conduit donc à une dégénérescence double qui s exprime par : ε k = ε k (5.11) On constate que, dans l espace réciproque, les relations de dispersion présentent une symétrie d inversion même si le potentiel ne présente pas cette symétrie, c est à dire si V ( r) V ( r). Les représentations irréductibles sont donc caractérisées par le vecteur d onde et le renversement du temps assure ε k = ε k. Cette dégénérescence disparaît si on applique un champ magnétique extérieur qui brise l invariance de l hamiltonien par renversement du temps. Nous avons noté qu un cristal n est pas invariant par une translation quelconque et que seules les translations d un nombre entier de mailles du réseau périodique le laissent inchangé. Par conséquent l hamiltonien ne commute plus avec l opérateur différentiel i h. Les états stationnaires sont états propres des translations selon : T ( t n )Ψ( r) = exp( i k. t n ) Ψ( r) (5.12) avec t n = n 1 a 1 + n 2 a 2 + n 3 a 3 où n 1, n 2 et n 3 sont trois entiers et a 1, a 2, et a 3 sont les trois translations primitives qui définissent la périodicité du réseau. La valeur propre de l opérateur de translation constitue un nombre quantique qui caractérise les solutions de l équation de Schrödinger que l on notera Ψ k ( r). On peut donc écrire 1 : T ( t n )Ψ k ( r) = Ψ k ( r t n ) = exp( i k t n ) Ψ k ( r) (5.13) de 1 La plupart des livres définissent l opérateur de translation dans les cristaux à partir T ( t n)ψ k ( r) = Ψ k ( r + t n) = exp(i k t n) Ψ k ( r) nous préférons conserver notre convention de signe pour être en accord avec l expression de l opérateur de translation pour l espace libre (relation 5.9). 205

207 Les conditions aux limites Pour pouvoir dénombrer les états, il est nécessaire de travailler sur un système fini, ce qui conduit à imposer des conditions aux limites sur les fonctions d onde. On peut imposer à la fonction d onde de s annuler aux extrémités du cristal ce qui consiste à introduire des surfaces qui vont modifier localement la structure électronique et supprimer l invariance par translation. Pour éviter ces désagréments, il est pratique d imposer des conditions aux limites périodiques. Le groupe de translation devient un groupe fini cyclique avec toutefois un nombre arbitrairement grand d éléments. Pour un système cubique de paramètre a, on impose aux fonctions d onde de satisfaire les relations : Ψ k (x + L, y, z) = Ψ k (x, y + L, z) = Ψ k (x, y, z + L) = Ψ k (x, y, z) (5.14) où L est la taille (macroscopique) du cristal dans une direction. On a L = Na avec N grand. Ces conditions aux limites périodiques (ou de Born-von Karman) conduisent à des contraintes sur les composantes de k : k x = 2π Na entier, k y = 2π Na entier, k z = 2π Na entier puisque exp ik i L = 1. Les conditions aux limites conduisent à la quantification des valeurs des composantes de k. A la limite d un cristal infini (N tend vers l infini) les valeurs de k forment un continuum. Pour une structure quelconque, on utilise le même type de condition aux limites en imposant une périodicité aux bords d un cristal dont la forme est homothétique à celle d une cellule primitive du cristal (les axes de base de k ne sont pas orthogonaux) Les zones de Brillouin Le caractère périodique du potentiel a une autre conséquence importante sur les fonctions d onde. En effet, les valeurs de k peuvent être restreinte à un domaine limité dans l espace réciproque. Considérons un état propre caractérisé par le vecteur k, et considérons le vecteur obtenu en ajoutant un vecteur quelconque du réseau réciproque G. On rappelle que les vecteurs de base du réseau réciproque ( b 1, b 2, b 3 ) sont définis à partir des vecteurs de base du réseau direct ( a 1, a 2, a 3 ) : b3 = 2π a 1 a 2 a 3 ( a 1 a 2 ) (5.15) les deux autres vecteurs de base étant obtenus par permutation circulaire. Tout vecteur G du réseau réciproque s écrit : G = m 1 b1 + m 2 b2 + m 3 b3 où les m i sont des entiers et vérifie l identité : G t n = 2π entier (5.16) 206

208 On en déduit que les deux fonctions Ψ k et Ψ k+ G sont fonctions propres de l opérateur translation avec la même valeur propre : T ( t n ) Ψ k ( r) = exp( i k t n ) Ψ k ( r) T ( t n )Ψ k+ G ( r) = exp( i k t n ) exp( i G t n )Ψ k+ G ( r) = exp( i k t n ) Ψ k+ G ( r) puisque exp( ig t n ) = 1. Donc Ψ k et Ψ k+ G appartiennent à la même représentation irréductible. Le groupe des translations étant abélien, toutes les représentations irréductibles sont unidimensionnelles et par conséquent Ψ k et Ψ k+ G sont identiques à un facteur de phase près que nous choisirons égal à 1. On écrit donc : Ψ k ( r) = Ψ k+ G ( r) (5.17) On peut en conclure que l énergie est périodique dans l espace réciproque, c est à dire que : ε k = ε k+ G (5.18) On peut donc définir une partie restreinte de l espace réciproque qui contient toutes les fonctions de Bloch inéquivalentes du cristal. Si on centre ce domaine des valeurs du vecteurs d ondes sur l origine, on obtient la première zone de Brillouin. Techniquement, cette zone est obtenue par le volume contenu par les plans médiateurs de tous les segments liant l origine de l espace réciproque (point Γ) à tous les autres vecteurs G. La figure 5.1 illustre la construction des zones de Brillouin pour un réseau carré. Fig. 5.1 A gauche : zones de Brillouin d un réseau carré. A droite : les différentes parties d une même zone ont été translatées d un vecteur du réseau sur la première zone. La première zone de Brillouin, délimitée par les plans médiateurs des noeuds du réseau réciproque premiers voisins, est un carré. On arrive dans la deuxième zone en franchissant un ces plans médiateurs. Celle-ci est constituée de quatre triangles qui par translation d un vecteur du réseau réciproque recouvre la surface de la première zone (figure 5.1b). De même la troisième zone est constituée de huit petits triangles qui peuvent être translatés dans la première zone. Nous verrons plus loin l importance d une telle construction. Toutes les zones ont même volume (ici surface) et sont de plus en 207

209 plus fragmentées. A trois dimension, les zones de Brillouin forment des polyèdres réguliers plus ou moins symétriques selon le réseau cristallin dans l espace direct. Ainsi, le réseau réciproque d un réseau cubique à faces centrées est cubique centré, et vice versa. La figure 5.2 montre la première zone de Brillouin de ces deux types de réseaux cubiques. La première zone de Brillouin s inscrit dans les deux cas dans un cube de coté 4π/a où a est le coté de la maille cubique dans l espace direct. Pour le réseau cubique à faces centrées, le volume de la zone de Brillouin est la moitié du volume du cube alors qu il n en représente qu un quart pour le réseau cubique centré. Fig. 5.2 Zones de Brillouin d un réseau cubique centré (b) et cubique à faces centrées (a), inscrite dans le cube de coté 4π/a dans l espace réciproque. L objectif de la théorie des bandes est de trouver les fonctions propres de l hamiltonien pour les points k de l espace réciproque puisque le vecteur d onde k constitue un nombre quantique caractérisant la symétrie de translation. La symétrie permet de simplifier le problème en montrant que la recherche des solutions peut se réduire à la première zone de Brillouin. Par ailleurs, nous montrerons que la dégénérescence des états électroniques est simplement donnée par la symétrie des différents points de la zone de Brillouin (groupe du vecteur d onde). Nous verrons que les ondes électroniques présentent un comportement singulier pour les vecteurs d onde se situant en bordure de zone Le théorème de Bloch Enoncé La solution de l équation de Schrödinger à un électron dans un potentiel V ( r) périodique s écrit sous la forme : Ψ k ( r) = u k ( r) exp(i k r) (5.19) où u k ( r) est une fonction périodique avec la périodicité du réseau. Démonstration a : Appliquons une translation à une fonction propre de l hamiltonien, on T ( t n ) Ψ k ( r) = exp( i k t n ) Ψ k ( r) = Ψ k ( r t n ) 208

210 En exprimant la fonction d onde Ψ k ( r) sous la forme d une onde de Bloch, Ψ k ( r) = u k ( r) exp( i k r), on obtient : exp( i k t n ) u k ( r) exp(i k r) = u k ( r t n ) exp (i k ( r t n )) d où on tire la périodicité de u k ( r) : u k ( r t n ) = u k ( r) L équation de Schrödinger pour u k Nous avons vu que l équation de Schrödinger pour une fonction de Bloch s écrit : [ 1 ] 2m p2 + V ( r) Ψ k ( r) = ε k Ψ k ( r) (5.20) Comme en représentation r, p = i h on a : p exp(i k r) = exp(i k r) ( p + h k) Attention aux notations, p est un opérateur et h k un vecteur ordinaire. L expression précédente permet d obtenir : et donc p Ψ k ( r) = exp(i k r) ( p + h k) u k ( r) p 2 Ψ k ( r) = exp(i k r) ( p + h k) 2 u k ( r) Ce qui donne une pseudo-équation de Schrödinger pour u k : que l on peut également écrire : [ 1 ] 2m ( p + h k) 2 + V ( r) u k ( r) = ε k u k ( r) (5.21) [ h2 2m ( + 2i k. ) + V ( r) ]u k ( r) = (ε k h2 k 2 2m ) u k ( r) (5.22) Comme u k ( r) est périodique, on peut considérer cette équation comme l équation de Schrödinger d un électron confiné à l intérieur d une maille primitive. On s attend donc à trouver des valeurs propres discrètes. On en conclut que pour chaque vecteur d onde k, il existe plusieurs solutions (fonctions et valeurs propres) que l on pourra repérer par un entier n que l on appelle indice de bande. En toute généralité, une fonction de Bloch d énergie ε (n) s écrit : k Ψ (n) ( r) = u (n) k ( r) exp(i k r) (5.23) k Pour simplifier l écriture nous omettrons, lorsque ce n est pas indispensable, l indice de bande. Au centre de la zone de Brillouin ( k=0), u 0 est solution de : [ h2 2m + V ( r) ] u 0 ( r) = ε 0 u 0 ( r) (5.24) 209

211 cette équation a la symétrie du potentiel, c est à dire du groupe d espace du cristal. Comme nous l avons déjà mentionné lors de l étude des solutions de Schrödinger de l atome d hydrogène, les solutions d une équation différentielle peuvent avoir la symétrie de l équation ou une symétrie plus faible. Ainsi les états s de l atome d hydrogène ont la symétrie maximale (sphérique) mais les autres états (p, d, f...) ont une symétrie plus faible. De la même façon, les solutions de l équation (5.24) les plus symétriques possèdent la symétrie de V ( r). Comme au centre de zone Ψ k=0 ( r) = u k=0 ( r), l état de Bloch peut posséder la symétrie du cristal. En revanche, pour tout autre valeur de k, u k ( r) est solution d une équation de Schrödinger avec un potentiel effectif V eff = V ( r) + h2 m i k (5.25) qui dépend de k de sorte que la symétrie de l équation est généralement plus faible. En ce point k de la zone de Brillouin, les solutions les plus symétriques correspondent alors une symétrie de u k plus faible que celle du groupe d espace. Nous reviendrons sur ce point lorsque nous discuterons le groupe du vecteur d onde. Méthode k p La pseudo-équation de Schrödinger pour u k (équation 5.22) permet, par une méthode perturbative, d obtenir la relation de dispersion au voisinage du centre de la zone de Brillouin (point Γ) ou d un autre point de haute symétrie. En effet, on peut considérer h/m k p comme un terme perturbatif sur l hamiltonien en k = 0. On peut développer les solutions pour k 0 sur la base des fonctions d onde u (n). A l ordre zéro, l équation s écrit pour la k=0 bande d indice m : [ p 2 2m + V ( r)) ] u (m) 0 ( r) = ε (m) 0 u (m) 0 ( r) on introduit le terme de perturbation linéaire en vecteur d onde h/m k p ainsi que le terme quadratique h 2 k 2 /2m (relation 5.22) qui décale seulement l énergie. Considérons une bande non dégénérée d énergie ε (p) 0 et de fonction ( r) en Γ. Si le système admet l inversion comme élément de symétrie, le terme au premier ordre est nul ( p est un opérateur impair) et on a donc un extremum en k = 0. Un traitement en perturbation au deuxième ordre donne pour l énergie de cette bande d indice p : d onde u (p) 0 ε (p) k = ε (p) 0 + h2 k 2 2m + h2 m 2 n p k. u (n) 0 p u(p) 0 2 ε (p) 0 ε (n) 0 (5.26) où les u (n) 0 représentent les autres fonctions propres en k = 0 d énergie ε (n) 0. On rappelle que seuls les états de même valeur de k peuvent être couplés par p. Cette expression donne la courbure des bandes et permet d estimer le tenseur de masse effective. Ce tenseur est défini à partir de l expression : ( 1 m )µν = 1 h 2 k µ k ν ε k (5.27) 210

212 de sorte qu en ne gardant que les termes linéaires, on obtient : ε k = ε 0 + h2 ( m ) 2m m k µk ν +... (5.28) µν En utilisant l expression (5.26) de l énergie perturbée, on trouve : ( 1 m ) µν = δ µν + 2 m n p u (n) 0 p µ u (p) 0 u(p) 0 p ν u (n) 0 ε (p) 0 ε (n) 0 (5.29) expression que l on peut généraliser au voisinage de tout extremum de la structure de bande. La théorie de la perturbation k. p, pour des états dégénérés est plus complexe. Pour l illustrer, nous allons considérer le niveau triplement dégénéré (ε (0) p ) au sommet de la bande de valence des semi-conducteurs (Si, Ge etc.) au centre de la zone de Brillouin. On ne tient pas compte des degrés de liberté de spin et donc de l interaction de spin orbite. Nous verrons plus bas que la symétrie au centre de la zone de Brillouin (point Γ) est celle du groupe ponctuel O h. Nous montrerons également que dans une approximation liaisons fortes, ce niveau triplement dégénéré peut être construit à partir d une combinaison linéaire des états p sur des sites voisins et relève de la représentation irréductible T 2g également appelée Γ 25 dans les solides. Appelons ϕ 1, ϕ 2 et ϕ 3 les trois états de Bloch correspondant d énergie ε (p) 0 au point Γ. Ces états de base de T 2g se transforment respectivement comme les polynômes yz, xz et xy. L objectif est de déterminer l énergie des états au voisinage de Γ par la méthode k p. Il faut noter que la perturbation h/m k p ne lève pas la dégénérescence à l ordre le plus bas. En effet la perturbation étant impaire (parité de p), ses éléments de matrice entre états de même parité sont tous nuls. Toutefois, les états peuvent être couplés à un ordre plus élevé en perturbation lorsqu on tient compte du couplage avec les autres états. Ce couplage indirect peut conduire à une éventuelle levée de dégénérescence [41]. Le traitement en perturbation à l ordre un permet d exprimer les fonctions d onde : u (i) k=0 ( r) = ϕ i ( r) + α,j h m ϕ i ϕ i k p ϕ α,j ε (p) 0 ε (α) 0 (5.30) où les ϕ α,j représentent les autres états de Bloch au point Γ d énergie ε (α) 0 (l indice j permet de distinguer les états de même énergie). On a donc un couplage indirect H entre les états du triplet qui vaut : ϕ i H ϕ j = ( h 2 m 2 ) α,j ϕ i k p ϕ α,j ϕ α,j k p ϕ j ε (p) 0 ε (α) 0 (5.31) où la somme sur les états ϕ α,j se limite aux états impairs. Pour estimer ces éléments de matrice, on va considérer que la somme sur les états ϕ α,j peut se restreindre au niveau le plus proche en énergie, c est à dire le bas de la 211

213 bande de valence qui, pour le Si, possède au point Γ la symétrie T 1u. Ce niveau est associé aux fonctions de base, ϕ α,1, ϕ α,2 et ϕ α,3, qui se transforment comme x, y et z. L équation (5.31) donne alors : ϕ i H ϕ j = h2 /m 2 ε (p) 0 ε (α) 0 3 ϕ i k p ϕ α,j ϕ α,j k p ϕ j (5.32) j=1 Comme p est un opérateur vectoriel (ses composantes se transforment selon T 1u ), les éléments de matrices ci-dessus se simplifient. On a pour les éléments diagonaux : 3 ϕ 1 k p ϕ α,j 2 = ky 2 ϕ 1 p y ϕ α,3 2 + kz 2 ϕ 1 p z ϕ α,2 2 (5.33) j=1 puisque les termes croisés s annulent. Par exemple pour le terme k y k z ϕ 1 p y ϕ α,3 ϕ α,3 p z ϕ 1, le second élément de matrice est proportionnel à : ϕ α,3 p z ϕ 1 (z)(z)(yz) d 3 r = 0 De même, les éléments de matrice non diagonaux se réduisent à : 3 ϕ 1 k p ϕ α,j ϕ α,j k p ϕ 2 = k x k y ϕ 1 p x ϕ α,3 ϕ 1 p y ϕ α,2 (5.34) j=1 et ceux qui s en déduisent par permutations des indices. En utilisant la symétrie des fonctions de Bloch et de l opérateur p, le lecteur vérifiera facilement que les autres contributions s annulent. On obtient la matrice de perturbation dans le sous espace associé au niveau d énergie ε (p) H = h2 /m 2 ε (p) 0 ε (α) 0 0 : A(k 2 y + k 2 z) Bk x k y Bk x k z Bk x k y A(k 2 x + k 2 z) Bk y k z Bk x k z Bk y k z A(k 2 x + k 2 y) (5.35) avec A = ϕ 1 p y ϕ α,j 2 et B = ϕ 1 p x ϕ α,j ϕ α,j p y ϕ 2. Ce résultat n est pas complètement général puisqu en toute rigueur il faudrait tenir compte de tous les niveaux d énergie en Γ. Toutefois? On obtient la même structure de la matrice de perturbation, et ce, quelle que soit la symétrie des états considérés. Une modification est alors introduite pour les éléments diagonaux. Ainsi un terme proportionnel à kx 2 apparaît dans ϕ 1 H ϕ 1. Le déterminant séculaire se met donc sous la forme plus générale : Lkx+M(k 2 y+k 2 z) λ( 2 k) Nk xk y Nk xk z Nk x k y Lky+M(k 2 x+k 2 z) λ( 2 k) Nk y k z = 0 (5.36) Nk xk z Nk yk z Lk 2 z+m(k 2 x+k 2 y) λ( k) avec pour les coefficients L, N et M les relations : L = h2 m 2 α,j ϕ 1 p x ϕ α,j 2 ε (p) 0 ε (α) 0 212

214 N = h2 m 2 α,j M = h2 m 2 α,j ϕ 1 p x ϕ α,j ϕ α,j p y ϕ 2 ε (p) 0 ε (α) 0 ϕ 1 p y ϕ α,j 2 ε (p) 0 ε (α) 0 (5.37) Ces coefficients ont été calculés pour le Si et le Ge [42]. La résolution du déterminant permet d obtenir les valeurs propres λ i ( k) et les énergies perturbées : ε (p) i ( k) = ε (p) 0 ( k) + h2 k 2 2m + λ i( k) (5.38) Ce résultat montre que la courbure des relations de dispersion au voisinage du centre de zone dépend de la direction du vecteur d onde. La masse effective est donc anisotrope comme le prouve des expériences de résonance cyclotron [42]. Développement de Fourier des fonctions de Bloch La fonction u k ( r) étant périodique, on peut la développer en série de Fourier : u k ( r) = G u k ( G) exp(i G r) (5.39) de telle sorte que la fonction de Bloch peut s exprimer selon : Ψ k ( r) = u k ( ( G) exp i( G + ) k) r G (5.40) Ainsi, une fonction de Bloch caractérisée par le vecteur d onde k peut posséder une impulsion G + k avec la probabilité u k ( G) 2. Par ailleurs, on peut montrer que u k ( G) ne dépend que de G+ k. En effet, les propriétés des séries de Fourier permettent d écrire : u k ( G) = 1 Ω Ω u k ( r) exp( i G r)d 3 r = 1 Ω Ω ( Ψ k ( r) exp i( G + ) k) r d 3 r où Ω est le volume d intégration (volume du système à la surface duquel on impose les conditions de Born-von Karman). Comme Ψ k ( r) = Ψ k+ G ( r), l expression précédente peut s écrire : u k ( G) = 1 Ω Ω ce qui permet d obtenir l identité : ( Ψ k+ G ( r) exp i( G + ) k) r d 3 r = 1 u k+ Ω G (0)d 3 r Ω u k ( G) = u k+ G (5.41) et donc de ré-écrire la fonction de Bloch (5.42) sous la forme : Ψ k ( r) = G ( u k+ G exp i( G + ) k) r (5.42) 213

215 La quasi-impulsion Par analogie avec le comportement des particules libres, on définit la quasi-impulsion (appelée également le moment cristallin) par h k. Attention, cette notation peut être source de confusion. La quasi-impulsion, qui est un vecteur, ne doit pas être confondue avec la quantité de mouvement qui est l opérateur i h. En effet, on a : h Ψ i k ( r) = h i ( ) u k ( r)e i k. r = h k Ψ k ( r) + e i k r h u i k ( r) (5.43) Un état de Bloch est caractérisé par un vecteur d onde donné et donc une quasi-impusion constante. En revanche, il n est pas un état propre de la quantité de mouvement. Classiquement, un électron est soumis à des forces dues au potentiel (sa quantité de mouvement n est pas conservée) mais en revanche la périodicité conduit à une constante du mouvement : le vecteur d onde. On peut montrer que, dans un état de Bloch, un électron possède une vitesse moyenne constante. En effet, les équation d Ehrenfest permettent d écrire : v k = d r dt = ī [H, r] (5.44) h En développant : [H, r] = = D après la relation (5.21), on a : ( ) d 3 r u k ( r) e i k r H r e i k r e i k r rh e i k r u k ( r) d 3 r u k ( r)( i) k (e i k. r H e i k r ) u k ( r) (5.45) ( e i k r H( p, r) e i k r ) u k ( r) = H( p + h k, r) En utilisant le théorème d Hellmann-Feynman, Ψ k H k Ψ k = k Ψ k H Ψ k on obtient la relation donnant la vitesse moyenne : v k = 1 h k ε k (5.46) Un électron dans un état de Boch se déplace avec une vitesse moyenne constante proportionnelle au gradient dans l espace réciproque de son énergie. Les forces intérieures ne modifient donc pas cette vitesse moyenne. En effet, la fonction de Bloch, solution de l équation de Schrödinger prend en compte les interactions avec le potentiel et résulte des interférences constructives des ondes électroniques diffusées par les différents atomes conduisant à un état résultant propagatif. Toutefois, si on applique un champ extérieur, champ électrique ou magnétique, l état de Bloch cesse d être un état stationnaire. La variation du 214

216 vecteur d onde est alors reliée à la force extérieure par la relation semiclassique : F ext = h d k (5.47) dt Ainsi, la quasi-impulsion n est pas une quantité de mouvement et sa variation temporelle dépend uniquement de la force extérieure alors que la variation de la quantité de mouvement classique d un électron dépend de la force totale (loi de Newton). Par ailleurs, nous avons vu que deux vecteurs d onde k et k reliés par un vecteur du réseau réciproque ( k = k+ G) sont identiques. La quasi-impulsion est donc définie à un vecteur près : p = p + h G (5.48) en corollaire, la quasi-impulsion suit une loi de conservation modifiée : p = 0 ou h G (5.49) h G peut être considéré comme l impulsion transmise au réseau entier Illustration : le modèle des électrons presque libres La description la plus simple des structures électroniques est le modèle des électrons presque libre. On considère que les électrons sont soumis à un potentiel périodique très faible de sorte qu il pourra être traité en perturbation sur l énergie cinétique. A l ordre zéro, les fonctions d onde en un point quelconque (non dégénéré) de la zone de Brillouin, sont des ondes planes et les relations de dispersion paraboliques. Des dégénérescences qui apparaissent en bords de zone. Nous allons montrer que la périodicité du potentiel lève ces dégénérescences. Le potentiel étant périodique, on peut le développer en série de Fourier : V ( r) = G V G exp i G r (5.50) le potentiel étant réel on a V G = V G. Par ailleurs, si le potentiel présente la symétrie d inversion, on a V G = V G = V G. Avant de développer l approximation des électrons presque libres nous allons présenter rapidement de principe de la méthode des ondes planes. Méthode des ondes planes Une méthode conceptuellement très simple est de développer les solutions sur la base des états propres de p (états k ). Les ondes planes, normalisées dans le volume Ω s écrivent : r k = 1 Ω exp(i k. r) (5.51) 215

217 On rappelle que les ondes planes sont fonctions propres de l énergie cinétique : p 2 2m exp (i k. r) = h2 k 2 2m exp (i k r) = ε 0 k exp (i k r) (5.52) En notation de Dirac l équation de Schödinger s écrit, en utilisant le développement de Ψ k = G u k ( G ) k + G (relation 5.42) : [ p 2 ou encore : 2m + V ( r) ] [ p 2 ] 2m ε k G G u k ( G ) k + G = ε k u k ( G ) k + G (5.53) G u k ( G ) k + G = V ( r) u k ( G ) k + G (5.54) G comme k + G est état propre de p 2, la projection de l équation sur k + G donne : [ h 2 2m ( k+ G) 2 ε k ] G u k ( G ) k+ G k+ G = u k ( G ) k+ G V ( r) k+ G G d où, d après l orthogonalité des ondes planes : [ h 2 2m (k2 + G k. G) ] 2 ε k u k ( G) = G u k ( G ) k + G V ( r) k + G Comme V ( r) est périodique, l élément de matrice vaut : k + G V ( r) k + G = G V ( G ) k + G exp (i G r) k + G = V ( G G ) puisque k + G exp (i G. r) k + G = 1 Ω exp i( G + G G) r d 3 r = 1 si ( G + G G) = 0 et 0 sinon. Ce résultat peut être retrouvé simplement. En effet, la théorie des groupes permet également de déterminer les conditions de nullité de l élément de matrice : Ψ k V ( r) Φ k (5.55) Comme V ( r) est périodique, il possède la symétrie du groupe de symétrie du cristal et relève de la représentation irréductible triviale. Ψ k et Φ k sont des vecteurs de base des représentations irréductibles D ( k) et D ( k ). L élément de matrice ci-dessus est non nul si et seulement si D ( k) = D ( k ), c est à dire si k = k + G. Les éléments de matrice du potentiel ne sont non nuls qu entre états de Bloch dont les vecteurs d onde ne diffèrent que d un vecteur du réseau réciproque. C est une manifestation du fait qu un électron ne peut échanger avec le réseau qu une quantité de mouvement égale à h G. 216

218 Cette résolution conduit à un ensemble infini d équations algébriques qui couplent les différentes composantes u k ( G) : [ h 2 2m (k2 + G k G) ] 2 ε k u k ( G) = G u k ( G ) V ( G ) (5.56) Il est nécessaire de tronquer la série pour obtenir un ensemble fini d équations algébriques. Toutefois, cette méthode nécessite habituellement de garder un nombre conséquent d équations ce qui limite son intérêt. C est pourquoi Herring a modifié le formalisme en introduisant une base d ondes planes orthogonalisées [43], c est à dire des fonctions orthogonales aux états de coeur des atomes. L intérêt de cette méthode est de pouvoir limiter le nombre d équations couplées à un nombre très restreint. Electrons presque libres Dans le cas de l approximation des électrons presque libres, le potentiel est suffisamment faible pour être traité en perturbation, ce qui revient à ne tenir compte que d un nombre très limité d ondes planes. Le terme du second membre de l équation (5.56) mélange les états de vecteurs d onde différents comme on peut également le voir dans un traitement du potentiel en perturbation. En effet, pour des états non dégénérés on obtient pour l énergie perturbée : ε k = ε 0 k + V ( G = 0) + G 0 V ( G) 2 ε 0 k ε 0 k G (5.57) L utilisation de l expression pour des états non-dégénérés est légitime pour un point k quelconque. En effet, les états de même énergie (ε 0 k ) correspondent aux états k tels que k = k. Comme en général k k G, les états k et k ne sont pas couplés par le potentiel périodique. Pour un point k quelconque, le terme d ordre deux est petit de sorte qu en se limitant à l ordre un, l énergie est simplement déplacée d une constante : ε k = ε 0 k + V 0 (5.58) où V 0 = V ( G = 0) = 1 Ω V ( r) d 3 r (5.59) est la moyenne du potentiel dans le solide de volume Ω (V 0 peut être éliminé en décalant l origine des énergies). A cette ordre d approximation, la fonction d onde est simplement l onde plane non perturbée. En revanche, si k est en bord de zone, on peut avoir k = k et k = k G conduisant à une dégénérescence à l ordre zéro et invalide l expression (5.57) puisque le dénominateur s annule. Il faut noter que la même difficulté se produit lorsque la dégénérescence est due aux propriétés de symétrie ponctuelle. Notons qu en bord de zone, la dégénérescence conduit à : ε 0 k = h2 k 2 2m = ε0 k G = h2 ( k G) 2 2m 217

219 ce qui montre que le vecteur d onde doit satisfaire la condition de Bragg : G 2 = 2 k G (5.60) c est à dire que l onde électronique est diffractée par le potentiel périodique lorsque le vecteur d onde atteint un bord de zone puisqu il satisfait la condition de Bragg. Par conséquent, les états en bord de zone étant dégénérés, le traitement en perturbation à l ordre le plus bas nécessite de diagonaliser la perturbation, ici le potentiel périodique, dans le sous-espace des états de même énergie à l ordre zéro. Nous allons illustrer ce comportement dans le cas d un système unidimensionnel. Cas unidimensionnel Pour éviter d avoir à faire intervenir les symétries ponctuelles, nous allons nous restreindre au cas d un système unidimensionnel de périodicité a. Dans ce cas, la zone de Brillouin est un segment de l espace réciproque compris entre π/a et π/a ( π/a < k π/a). Comme nous l avons vu ci-dessus, les fonctions d onde loin du bord de zone sont des ondes planes et l énergie pour une fonction de Bloch Ψ k (x) vaut à l ordre le plus bas : ε 0 k = h2 k 2 2m Plaçons nous dans la limite d un potentiel périodique infiniment petit, on peut reporter les différentes bandes dans la première zone de Brillouin (figure 5.3). Ce sont des branches de paraboles centrées sur les noeuds du réseau réciproque. La première bande est centrée sur l origine G = 0 alors que les deux suivantes sont centrées sur G = ±2π/a. L énergie s écrit en fonction de la valeur du vecteur d onde dans la première zone : ε k = h2 (k + G) 2 2m Cette figure met en évidence une des conséquences fondamentales de la périodicité. On a déjà signalé que l invariance par renversement du temps introduit la dégénérescence ε k = ε k. Lorsque k atteint le bord de zone, on a toujours ε π/a =ε π/a mais dans ce cas les deux vecteurs sont identiques car reliés par un vecteur du réseau réciproque G = 2π/a. Comme nous l avons vu, aux points de croisement le vecteur d onde obéit à la condition de Bragg qui s écrit simplement à une dimension : G 2 = 2 k.g C est le potentiel périodique qui est à l origine de la diffraction de Bragg des ondes électroniques. La figure 5.4 permet de comprendre quelles sont les modifications apportées par un potentiel faible. En effet, loin du bord de zone, le potentiel couple un état k d énergie ε 0 k avec les états k G d énergie ε0 k G. Comme la différence d énergie est importante, les corrections à l énergie et à l état propre sont faibles. La fonction de Bloch reste très proche d une onde plane 218

220 Energie ε(-k) ε(k) ε(k=-π/a) ε(k=π/a) π/a 0 nombre d'onde k π/a Fig. 5.3 Dispersions des électrons libres dans un réseau périodique unidimensionnel. On constate que les points de croisement, au centre et en bord de zone, correspondent à une dégénérescence des états électroniques au même point k. et son énergie de la valeur non perturbée ε 0 k. En revanche, au voisinage du bord de zone ε 0 k ε0 k G est petit et les corrections peuvent être importantes. Par conséquent, loin du bord de zone, la fonction d onde est une seule onde plane (état k ) : Ψ k (x) = 1 exp (ik.x) L1/2 où L est la longueur du système sur lequel on impose les conditions aux limites périodiques. En revanche au bord de zone (k = π/a), les deux états k et k G avec G = 2π/a sont dégénérés. Cela conduit dans un traitement en perturbation, à chercher une solution au voisinage du bord de zone de la forme : Ψ k = C(k) k + C(k G) k G (5.61) Il suffit de projeter l équation de Schrödinger : ( p 2 ) H Ψ k = 2m + V (x) Ψ k = ε k Ψ k (5.62) sur les deux états de la base pour obtenir le système d équations : k p2 2m Ψ k + k V (x) Ψ k = ε k C(k) k G p2 2m Ψ k + k G V (x) Ψ k = ε k C(k G) (5.63) ce qui donne en remarquant que k et k G sont états propres de l énergie cinétique avec comme valeurs propres respectives ε 0 k et ε0 k G : (ε 0 k + V 0 ε k )C(k) + V G C(k G) = 0 V G C(k) + (ε 0 k + V 0 ε k )C(k G) = 0 (5.64) 219

221 en résolvant ce système d équations homogènes et en décalant l énergie pour éliminer V 0, on obtient les deux solutions : ε ± k = ε0 k + ε0 k G 2 ± 1 2 (ε 0 k ε0 k G )2 + 4V 2 G (5.65) Au point de Bragg (k = G/2), on a une levée de dégénérescence due au potentiel puisqu on a : ε ± k = ε0 G/2 ± V G 2 (5.66) Ce couplage lève donc la dégénérescence et fait apparaître une bande interdite (en anglais gap) de largeur 2 V G. On peut examiner la forme des Energie 2 V G 0 nombre d'onde π/a Fig. 5.4 Dispersion des bandes dans la première zone de Brillouin. Le potentiel ouvre une bande interdite en bord de zone de largeur 2 V G. ondes de Bloch correspondant aux deux états de part et d autre du gap. Pour V G < 0, on trouve facilement que : Ψ + G x G/2 (x) sin 2 Ψ G x G/2 (x) cos 2 et ε + G/2 = ε0 G/2 + V G et ε G/2 = ε0 G/2 V G (5.67) On trouve deux ondes stationnaires, au lieu des deux ondes non perturbées progressives, centrées soit sur les atomes (minimum de l énergie si le potentiel est attractif) soit entre les atomes. Lorsqu on s éloigne du bord de zone (ε 0 k ε0 k G )2 >> 4VG 2 dans l équation (5.65), l énergie perturbée tend vers l énergie non perturbée et les fonctions propres tendent vers les ondes plane exp(±ikx) (figure 5.4). 5.4 Groupe ponctuel et groupe d espace Un cristal idéal est constitué d atomes ordonnés de telle sorte que l ensemble est invariant par toute translation t n = n 1 a 1 + n 2 a 2 + n 3 a 3 où n 1, n 2 et n 3 sont trois entiers et a 1, a 2, et a 3 sont trois vecteurs de translation primitive. Le réseau cristallin est donc l arrangement périodique de points 220

222 mathématiques dans l espace, que l on appelle noeuds du réseau, reliés entre eux par les translations de vecteur t n. A chaque noeud du réseau on attache un motif atomique et la structure cristalline est donc constituée par la répétition périodique de ce motif. La symétrie du cristal ansi obtenu dépend bien évidemment de la symétrie du réseau mais également de la symétrie du motif atomique. On retrouve les symétries de translation mais également des symétries ponctuelles comme celles qui laissent invariantes les molécules et des symétries hybrides composées d une translation et d une transformation ponctuelle. Nous renvoyons, pour une description détaillée des opérations de symétrie des cristaux, aux ouvrages de cristallographie. Nous allons nous limiter à une présentation succincte des réseaux de Bravais et des groupes ponctuels et d espace Réseau de Bravais et groupe ponctuel cristallographique Le groupe des translations pures détermine le réseau de Bravais ou réseau cristallin. Ce réseau est constitué par un ensemble de points mathématiques équivalents par translation. Mais ce réseau est également invariant sous les opérations d un groupe ponctuel. Toutefois, le groupe ponctuel du cristal peut être celui du réseau de Bravais ou seulement un sous-groupe si les caractéristiques du réseau sont préservés. C est ainsi que le nombre de réseaux cristallins dans un espace à trois dimensions peut être dénombré en considérant les différentes possibilités de longueurs et d orientations relatives des trois vecteurs de translation a 1, a 2, et a 3. Si les angles sont quelconques de même que les normes des vecteurs, la symétrie du réseau de Bravais est la plus basse possible et on obtient le réseau triclinique. On ne compte que quatorze réseaux possibles (réseaux de Bravais) qui sont représentés sur la figure 5.5. On distingue les réseaux primitifs, un noeud par maille (P), les réseaux centrés où un noeud supplémentaire est placé au centre de la maille (I), les réseaux où une face est centrée (C) et ceux où toutes les faces sont centrées (F). Ainsi par exemple, pour le système cubique, il existe le réseau cubique simple, cubique centré et cubique à faces centrées. Il faut également distinguer les mailles dites conventionnelles qui exhibent le type de réseau, par exemple cubique à faces centrées, de la maille primitive qui ne contient qu un seul noeud. Ainsi la maille primitive du réseau cubique à faces centrées relie l origine aux trois noeuds au centre des faces. La symétrie des réseaux de Bravais, tels que nous venons de les définir, est généralement plus élevée que celle des cristaux. En effet, on peut définir 32 groupes ponctuels cristallographiques compatibles avec la symétrie des réseaux de Bravais. Les groupes ponctuels les plus symétriques ont la symétrie des réseaux de Bravais, mais il est possible de retirer certains éléments de symétries à un groupe ponctuel tout en préservant le même réseau cristallin. Ainsi, un réseau de Bravais cubique est de symétrie O h (m3m) est compatible avec les groupes ponctuels de symétrie m3m, 43m, 432, m3 et Groupe d espace Nous avons indiqué que le groupe de symétrie d un solide fait apparaître en plus des symétries de translation, des symétries de rotation, propres et 221

223 Fig. 5.5 Les quatorze réseaux de Bravais. 0n a représenté les mailles conventionnelles. impropres, et des combinaisons de ces deux types de transformation. L ensemble des éléments de symétrie qui laisse un cristal invariant forme le groupe d espace du cristal. Considérons une transformation très générale qui transforment les trois coordonnées d un point selon : que l on peut écrire : x 1 = R 11 x 1 + R 12 x 2 + R 13 x 3 + t 1 x 2 = R 21 x 1 + R 22 x 2 + R 23 x 3 + t 2 x 3 = R 31 x 1 + R 32 x 2 + R 33 x 3 + t 3 x = R x + t où R est une matrice réelle orthogonale exprimant une rotation et t une translation. Une telle transformation est notée conventionnellement {R t}. A partir de cette définition, il est facile de vérifier que l inverse de la transformation de {R t} est donnée par : de même que la loi de multiplication donne : {R t} 1 = {R 1 R 1 t} (5.68) {R t}{s t } = {RS R t + t} (5.69) L ensemble des transformations {R t} forme un groupe. On peut également montrer que l ensemble des rotations pures {R 0} forme un sous groupe et 222

224 que l ensemble des translations pures {E t n } (où E est l identité) forme également un sous groupe. Un groupe d espace est le groupe de l ensemble des éléments de symétrie laissant un cristal invariant. Il est caractérisé par des translations pures qui s expriment à partir de trois translations primitives a 1, a 2 et a 3 (vecteurs de la maille primitive) : t n = n 1 a 1 + n 2 a 2 + n 3 a 3 (5.70) où n 1, n 2 et n 3 sont trois entiers. Le nombre de groupes d espace est 230 à trois dimensions et 17 à deux dimensions. Le sous-groupe des rotations pures est alors un des 32 groupes ponctuels que nous avons vu plus haut. Toutefois, il faut noter l existence d opération de symétrie composées d une rotation et d une translation fractionnaire, c est à dire non-primitive que l on écrit : {R τ + t n } où τ n est pas une translation primitive. Un tel élément peut s écrire : {R t} = {E t n }{R τ} (5.71) Groupe symmorphe et non-symmorphe D après la remarque précédente, les 230 groupes d espace peuvent être séparés en deux familles distinctes : les groupes symmorphes et non-symmorphes. Les groupes symmorphes, au nombre de 73, sont ceux pour lesquels τ = 0 quelle que soit la rotation R. Ils sont également appelés groupes simples. Comme ils ne font intervenir que des translations primitives, pour chaque opérateur R du groupe ponctuel, on peut associer un élément {R 0} du groupe d espace. On en conclut que pour un groupe symmorphe, le groupe ponctuel est un sous-groupe du groupe d espace. Un groupe d espace symmorphe G peut être considéré comme le produit des éléments de symétrie ponctuelle avec le sous-groupe T des translations pures : G = {R 1 0} T + {R 2 0} T {R q 0} T (5.72) Les 157 groupes d espace pour lesquels τ peut être non nul pour au moins un opérateur de rotation R constituent les groupes non-symmorphes. Ces groupes possèdent donc des axes hélicoïdaux (rotation et translation) ou des plans de glissement comme dans la structure diamant. Pour ces groupes non-symmorphes, il faut remplacer dans la relation (5.72), certains éléments ponctuels par des éléments de symétrie avec une translation non-primitive {R τ}. G = {R 1 τ 1 } T + {R 2 τ 2 } T {R q τ q } T (5.73) Dans le cas des groupes non-symmorphes, le groupe ponctuel du cristal n est pas un sous-groupe du groupe d espace. Le caractère non-symmorphe du groupe conduit à des spécificités en ce qui concerne les propriétés de symétries, en particulier les dégénérescences des états de Bloch. 5.5 Représentations irréductibles Nous avons vu que le groupe d espace qui laisse un hamiltonien inchangé est constitué d éléments de symétrie ponctuelle et de translation du réseau. 223

225 Contrairement au groupe des translations pures qui est abélien, le groupe d espace d un cristal est généralement non abélien ce qui conduit à un spectre dégénéré des états de bande. Les états propres et l énergie sont caractérisés par le vecteur d onde k. La question fondamentale est de savoir combien de fonctions de Bloch différentes mais de même énergie correspondent à une valeur donnée de k, mais également si des fonctions de Bloch de vecteur k différents dans la première zone de Brillouin possèdent la même énergie. La détermination des représentations irréductibles du groupe d espace permet de répondre à cette question. Cette détermination s appuie sur la propriété fondamentale que l ensemble des translations pures forme un sous-groupe invariant du groupe d espace. Nous allons montrer que, pour chaque point k de la zone de Brillouin, associé à une représentation unidimensionnelle du sous-groupe des translations pures, on peut associer des représentations irréductibles du groupe d espace. Ces représentations donnent la symétrie et la dégénérescence des ondes de Bloch qui en forment les bases. Pour obtenir toutes les représentations irréductibles du groupe d espace, il suffit alors de dénombrer les représentations associées aux différents points inéquivalents de la zone de Brillouin. Nous allons nous limiter dans un premier temps aux groupes symmorphes. Nous verrons dans un paragraphe spécifique comment généraliser les résultats obtenus aux groupes non-symmorphes Théorie générale Les propriétés des représentations irréductibles du groupe d espace résultent du fait que le sous-groupe des translations pures est un sous-groupe invariant. On rappelle qu un sous-groupe invariant T du groupe d espace satisfait : X 1 T X = T (5.74) pour tous les éléments X du groupe d espace. Pour un élément quelconque {E t n } du sous-groupe des translations et un élément quelconque {R a} du groupe d espace, il est facile de montrer que : {E R 1 t n } = {R 1 R 1 a}{e t n } {R a} (5.75) Pour étudier les propriétés des représentations irréductibles du groupe d espace, nous allons supposer qu il existe une représentation irréductible de dimension n. Chaque élément {R a} du groupe d espace est représenté, pour cette représentation, par une matrice unitaire D({R a}) dont nous allons étudier la forme et les propriétés. Considérons tout d abord la forme des matrices associées aux translations pures D({E t n }). Nous avons vu que les représentations irréductibles du groupe des translations sont unidimensionnelles et caractérisées par l élément de matrice e i k. t n. Les matrices D({E t n }) peuvent donc se mettre 224

226 sous la forme diagonale : e i k 1. t n e i k 1. t n 0. D({E t n }) = e i k i. t n 0. e i k q. t n (5.76) où un vecteur d onde k i peut a priori apparaître plusieurs fois. Les matrices D({E R 1 t n }) sont alors : e ir k 1. t n e ir k 1. t n 0 D({E R 1. t n }) = e ir k i. t n 0. e ir k q. t n où on a utilisé k R 1 r = R( k) R(R 1 r) = R k r (5.77) relation obtenue en appliquant la transformation orthogonale R aux deux termes du produit scalaire. La relation (5.75) et le caractère unitaire des représentations, D 1 = D, permet d écrire : D({E R 1 t n }) = D({R a}) D({E t n }) D({R a}) (5.78) En raison du caractère unitaire de D({R a}), les éléments de matrice diagonaux de D({E R 1 t n }) sont les mêmes que ceux de D({E t n }) mais ils apparaissent dans un ordre différent. Par conséquent, si e i k 1 t n apparaît dans la matrice D({E t n }), alors e ir k 1 t n doit apparaître pour tous les éléments R du groupe ponctuel. On peut donc conclure que les éléments diagonaux de D({E t n }) sont de la forme e ir i k 1 t n où R i est un élément de symétrie du groupe ponctuel R i = E, R 2,... R q. e ie k 1. t n e ir 2 k 1. t n 0 D({E t n }) =. 0. e irq k 1. t n (5.79) Comme il est possible que R i k1 = R j k1 = k i, la matrice n n est divisée en blocs diagonaux associés à des mêmes valeurs de k i. Nous montrerons, dans la section consacrée à l étoile des vecteurs d onde, que chaque vecteur ki apparaît un même nombre (d) de fois de sorte que chaque bloc est une matrice diagonale proportionnelle à l unité et de dimension d = n/q. 225

227 Ces généralités montrent comment construire toutes les représentations irréductibles d un groupe d espace. On commence par considérer un vecteur d onde à l intérieur ou à la surface de la zone de Brillouin. Le vecteur d onde caractérise une représentation irréductible du groupe des translations pures. Toutefois, un vecteur k est transformé en d autres vecteurs d onde par les opérations de symétrie du groupe ponctuel. Pour décrire cette propriété, nous allons introduire la notion d étoile des vecteurs d onde. Nous montrerons alors qu on peut obtenir les représentations irréductibles du groupe d espace associées à ce vecteur k. Il faut introduire la notion de petit groupe ou groupe du vecteur d onde et déterminer ses représentations, appelées également petites représentations. Enfin, toutes les représentations irréductibles du groupe d espace sont obtenues en considérant tous les vecteurs k de la première zone de Brillouin (on doit se limiter aux vecteurs d onde indépendants, c est à dire qui ne sont pas reliés par la relation k = R k + G où G est un vecteur du réseau réciproque) Etats de Bloch et groupe du vecteur d onde L application des éléments de symétrie transforme une fonction de Bloch Ψ k ( r) en une autre fonction de Bloch qui peut posséder soit le même vecteur d onde, soit un vecteur d onde différent. En effet, appliquons l opérateur d un élément quelconque {R t n } du groupe d espace (qui, on le rappelle, est supposé pour le moment symmorphe) à une fonction de Bloch Ψ k ( r). Comme les fonctions de Bloch sont invariantes par translation (multiplication par un terme de phase exp( i k t n ), il suffit de considérer les éléments {R 0} qui forment un groupe ponctuel. L opérateur associé P R conduit à : P R Ψ k ( r) = P R ( u k ( r) e i k r ) = u k (R 1 r) e i k R 1 r (5.80) En notant que : k R 1 r = R k r on obtient la relation : P R Ψ k ( r) = u k (R 1 r) e ir k r (5.81) Comme pour un groupe symmorphe, le groupe ponctuel est un sous-groupe du groupe d espace, la fonction u k (R 1 r) est périodique et peut s écrire formellement u R k ( r). Le prime rappelle que lorsque R k = k, u et u peuvent différer. Dans le cas d un point de la zone de Brillouin où l hamiltonien est non dégénéré, u et u sont proportionnelles et seule une phase les différencie. En revanche, dans le cas d un point dégénéré d énergie ε k, u est une combinaison linéaire des différentes fonctions u qui engendrent le sous espace associé à ε k. Le même résultat peut être obtenu en vérifiant que Ψ k (R 1 r) et Ψ R k ( r) sont solutions de l équation de Schrödinger avec la même valeur de l énergie. En effet considérons la pseudo-équation de Schrödinger (équation 5.22) pour u k ( r) : [ 1 2m (p2 + 2 h ] k p + h 2 k 2 ) + V ( r) u k ( r) = ε k u k ( r) 226

228 Pour obtenir la pseudo-équation de Schrödinger pour u k (R 1 r), on doit appliquer l opérateur P R associé à l élément ponctuel {R 0} sur la fonction d onde et les opérateurs, ce qui donne : [ 1 2m (p2 + 2 h ] k R 1 p + h 2 k 2 ) + V ( r) u k (R 1 r) = ε k u k (R 1 r) où on a utilisé V (R 1 r) = V ( r), P R p PR 1 = R 1 p de même qu une propriété des transformations orthogonales : (R 1 p) (R 1 p) = p p = p 2. L équation peut se simplifier en notant que (R k) (R k) = k 2 et : k R 1 p = (R k) (RR 1 p) = (R k) p de sorte que u k (R 1 r) satisfait la même équation que u R k ( r) : [ 1 2m (p2 + 2 h R k p + h 2 (R ] k) 2 ) + V ( r) u R k ( r) = ε k u R k ( r) démontrant que Ψ k (R 1 r) et Ψ R k ( r) sont solutions de l équation de Schrödinger avec la même valeur de l énergie. Par conséquent, si pour une valeur de k non-dégénérée c est à dire associée à une seule fonction de Bloch, Ψ k (R 1 r) et Ψ R k ( r) sont identiques à un terme de phase près, on peut écrire : P R Ψ k ( r) = Ψ k (R 1 r) = Ψ R k ( r) (5.82) On peut considérer comme exemple, l inversion I. On a alors : P I Ψ k ( r) = Ψ k (I 1 r) = Ψ I k ( r) (5.83) Comme I = I 1 et change le signe des vecteurs polaires, on : et donc on a : P I Ψ k ( r) = Ψ k ( r) = Ψ k ( r) u k ( r) = u k ( r) (5.84) En conclusion, pour construire une base de fonctions de Bloch de même énergie, on peut appliquer R sur k dans l espace des impulsions ou R 1 sur r dans l espace des positions. L effet de l opération P R sur une fonction de Bloch caractérisée par le vecteur d onde k donne une fonction de Bloch de vecteur d onde R k. Par conséquent, on peut trouver toutes les fonctions de Bloch de même énergie en inspectant les vecteurs d onde reliés entre eux par les opérations de symétrie. L étoile des vecteurs d onde On a vu que pour un groupe symmorphe le groupe d espace peut s écrire : G = R {R 0} T (5.85) où T est le sous-groupe invariant des translations pures et {R 0} les éléments de symétrie (ponctuelle pour les groupes symmorphes) qui laissent le cristal invariant. Si on applique toutes les opérations du groupe ponctuel sur 227

229 un vecteur d onde k de la première zone de Brillouin, on obtient q vecteurs d onde k différents qui forment ce qu on appelle l étoile des vecteurs de k. Le nombre q dépend du choix de k. Si k est complètement quelconque, q est le nombre d éléments du groupe. En revanche, si k est placé sur un élément de symétrie, certaines opérations le laissent invariant et l étoile possède alors moins de branches. Le nombre d de vecteurs d onde différents (nombre de branches de l étoile) est un diviseur du nombre d éléments de symétrie du groupe ponctuel. De plus il faut noter que chaque branche de l étoile est associée à la même multiplicité de vecteurs d onde, c est à dire que chaque branche est invariante sous l effet du même nombre d éléments de symétrie. Illustrons ce comportement sur l exemple du réseau carré dont le groupe ponctuel est 4mm (ou C 4v ). Ce groupe contient un axe d ordre quaternaire suivant Oz d où les deux opérations de symétrie noté 4 z et 4 3 z (ou C 4 et C4 3), un axe binaire suivant Oz noté 2 z (ou C 2 ) et deux ensembles de plan miroir perpendiculaire aux axes Ox et Oy, m x et m y (ou σ v ) ou aux diagonales du carré m d et m d (ou σ d). Sur la figure 5.6, nous reportons l étoile de k pour plusieurs positions. En position générale (fig. 5.6(a)), les huit éléments du groupe donnent naissance à une étoile à huit vecteurs correspondant au huit valeurs différentes du vecteur d onde. La position générale ne correspondant à aucune symétrie, une seule fonction de Bloch est associée à chaque vecteur d onde k. Toutefois, les huit fonctions de Bloch correspondant aux huit branches de l étoile sont dégénérées, puisque reliées par une opérations de symétrie, et donc forment une base d une représentation irréductible (de dimension huit) du groupe d espace. La matrice d une translation pure pour cette représentation est diagonale et s écrit alors : D({E t}) = e i k 1 t 0 e i k 2 t e i k 3 t e i k 4 t e i k 5 t e i k 6 t e i k 7 t 0 e i k 8 t Si on place le vecteur sur le plan miroir passant par les arêtes ou par le milieu des cotés, seuls quatre vecteurs différents apparaissent (fig. 5.6(b)). En effet, chaque vecteur est invariant par un élément de symétrie et un seul (autre bien sur que l identité) du groupe ponctuel. Lorsque le vecteur d onde appartient à un bord de zone, on a une réduction du nombre de vecteurs d onde inéquivalents. En effet, certains vecteurs de l étoile peuvent être reliés par un vecteur du réseau réciproque et sont donc équivalents ( k = k + G). C est le cas de la figure 5.6(c) où les huit vecteurs ne correspondent qu à quatre valeurs distinctes. De même, pour la figure 5.6(d) les différents vecteurs ne correspondent qu à une seule valeur distincte de k. Ainsi le vecteur k de composantes π/a(1, 0) se transforme dans la rotation 4 z dans le vecteur k de composantes π/a(1, 0). Comme k = k + G, où G est le vecteur du réseau réciproque de 2π/a( 1, 0), k et k sont deux vecteurs identiques. 228

230 Fig. 5.6 Exemples d étoiles de k pour un réseau carré, (a) k en position générale, on obtient huit vecteurs différents, (b) si k est sur un miroir, on obtient quatre vecteurs différents, (c) en limite de zone, les vecteurs sont reliés deux à deux par un vecteur du réseau réciproque, (d) sur le point M de la zone de Brillouin, les quatre vecteurs sont équivalents car tous reliés entre eux par un vecteur du réseau réciproque (les vecteurs en pointillés sortent de la première zone). Les fonctions de Bloch associées aux différents vecteur d onde d une même étoile ont même énergie. On définit une partie de la zone de Brillouin, appelée domaine irréductible, qui contient un vecteur d onde et un seul de chaque étoile des vecteurs k. Dans l exemple, du réseau carré, le domaine irréductible est le triangle (ΓXM) où Γ = (0, 0), X = π/a(1, 0) et M = π/a(1, 1). Dans le cas, d un réseau cubique face centrée, le domaine de base représente 1/48ème du volume de la zone de Brillouin (figure 5.7). Il suffit de s intéresser au états de Bloch du domaine irréductible pour obtenir tous les états du cristal. Le groupe du vecteur d onde Le nombre de valeurs distinctes dans une étoile de k dépend de la symétrie du point de la zone de Brillouin considéré. Cette symétrie est d autant plus haute que le nombre d opérations de symétrie laissant un vecteur d onde inchangé, est important. On appelle le groupe du vecteur d onde, le sousgroupe du groupe d espace constitué des éléments de symétrie qui laissent le vecteur k invariant (modulo bien sûr un vecteur du réseau réciproque). Pour un groupe symmorphe, le groupe G( k) du vecteur d onde peut s écrire : G( k) = R k {R k 0} T (5.86) où on somme sur les éléments R k qui vérifient R k k = k. Si k est dans une position générale, c est à dire complètement quelconque, le groupe se limite à l identité. En revanche, si k = 0 (point Γ de la zone de Brillouin), le groupe de k est le groupe d espace du cristal. L analyse de la pseudo-équation de 229

231 Fig. 5.7 Zone de Brillouin d un réseau cubique à faces centrées. Les lignes reliant les points de haute symétrie (Γ, L, K, W, X, U) délimitent le domaine de base. Schrödinger pour la partie périodique de la fonction de Bloch permet de comprendre l évolution de la symétrie dans la zone de Brillouin. En effet, l équation (5.22) peut s écrire : h2 2m u k ( r) + V eff ( r) u k ( r) = ε k u k ( r) avec ε k = ε k h2 k 2 2m et le potentiel effectif V eff : V eff = V ( r) + h m k p Dans le potentiel effectif, le terme V ( r) dans une maille a la symétrie du groupe d espace alors que le second terme, qui peut être interprété comme un potentiel dépendant du point de l espace réciproque, abaisse la symétrie puisque k. p n est invariant que dans le sous-groupe du vecteur d onde k. Le groupe de symétrie de l équation de Schrödinger pour u k ( r) a la symétrie du groupe du vecteur d onde et les solutions sont donc fonctions de base des représentations irréductibles de ce groupe. Au point Γ ( k = 0), V eff ( r) se réduit au potentiel V ( r) et possède la symétrie totale du groupe d espace. Intéressons nous à une représentation irréductible dégénérée du groupe du vecteur d onde en Γ associé à un niveau d énergie. Une base de cette représentation irréductible est formée de plusieurs fonctions u k et par conséquent plusieurs fonctions de Bloch sont dégénérées en Γ. En revanche, pour un point en position générale au voisinage de Γ, le groupe du vecteur d onde se limite à l identité et le groupe du vecteur d onde n admet qu une représentation unidimensionnelle. Les bandes sont non-dégénérées en cette position générale. La comparaison avec le point Γ de haute symétrie suggère une levée de la dégénérescence lorsqu on s éloigne de Γ dans une direction quelconque. Nous reviendrons plus bas sur cet aspect dans des exemples concrets. 230

232 5.5.3 Les petites représentations Les représentations du groupe d espace admettent l ensemble des états de Bloch de même énergie comme fonctions de base. L étoile des vecteurs d onde montre qu un vecteur k donné est équivalent, par des opérations du groupe ponctuel, à (q 1) vecteur k pour une étoile à q branches. Par ailleurs, à chaque vecteur d onde de l étoile on peut associer d fonctions de Bloch différentes (Ψ (i) k ( r) avec i = 1, 2,... d) de même énergie. Ces n = d q fonctions de Bloch constituent une base d une représentation irréductible de dimension n du groupe d espace. Toutefois, cette représentation irréductible peut se construire à partir de la représentation irréductible du groupe du vecteur d onde pour k appartenant au domaine irréductible de la zone de Brillouin. En effet, les d fonctions de Bloch Ψ (i) k ( r) se transforment les unes dans les autres sous les opérations de symétrie du groupe du vecteur d onde et donnent la dégénérescence au même point k. Par ailleurs puisque les points k sont équivalents du point k (ils appartiennent à la même étoile) la même structure existe à chaque point k, c est à dire qu il existe d fonctions de Bloch Ψ (j) k ( r) caractérisé par k se transformant les unes dans les autres dans les opérations du groupe du vecteur d onde. C est pourquoi on peut se limiter à l étude des représentations irréductibles du groupe du vecteur d onde. En revanche, ces différentes familles de fonctions associées aux différentes branches de l étoile se comportent différemment sous l effet des translations pures ({E t}) puisqu elles sont associées à des valeurs propres différentes : e i k. t et e i k t. Les représentations irréductibles du groupe d espace vont donc se déduire simplement des représentations du groupe du vecteur d onde que l on appelle les petites représentations. C est donc l étude de ces petites représentations qui permet de déterminer la dégénérescence de l hamiltonien au point k et d en déduire la dégénérescence totale associée à une représentation irréductible du groupe d espace. Les propriétés de transformation d une fonction de Bloch sous l action d un groupe d espace sont caractérisées par deux notions. La première est la valeur du vecteur d onde qui détermine l effet d une translation et l étoile des vecteurs d onde qui lui est associée. La seconde est la petite représentation qui régit les propriétés de symétrie de u k ( r) dans les opérations de symétrie ponctuelle, les translations ne faisant apparaître qu un terme de phase e i k t [51, 52]. Ainsi, la matrice d un élément quelconque du groupe d espace laissant k inchangé pour une représentation donnée Γ (α) k s écrit à partir de la matrice de l élément sans la translation primitive D (α) k (R k ) : Γ (α) ({R k k t}) = e i k t D (α) (R k k ) (5.87) On ne conserve dans les représentations du groupe du vecteur d onde que les opérations de symétrie ne faisant pas apparaître de translations primitives. Pour les groupes symmorphes, les représentations irréductibles sont simplement celles des groupes ponctuels associés alors que pour les groupes non-symmorphes des translations non primitives apparaissent dans le groupe du vecteur d onde. 231

233 Considérons une représentation D (α) du groupe du vecteur d onde. Pour chaque élément R k du groupe ponctuel de k, on associe une matrice D (α) (R k ). On peut construire les éléments associés du groupe d espace {R k t} les matrices e i k. t D (α) (R k ). En effet, ces matrices satisfont la loi de composition du groupe. Comme : {R k t}{s k t } = {R k S k R k t + t} (5.88) on obtient pour le produit des matrices du terme du premier membre : ( ) ( ) e i k t D (α) (R k ) e i k t D (α) (S k ) = e i k ( t+ t ) D (α) (R k S k ) (5.89) alors que pour le terme du second membre : e i k (R k t + t) D (α) (R k S k ) = e i(r 1 k k). t e i k t D (α) (R k S k ) (5.90) Les termes de phase dans les relations (5.89) et (5.90) coïncident lorsque k est à l intérieur de la zone de Brillouin puisque R 1 k = k. En revanche, en k bord de zone, on a R 1 k = k + G, d où : k e i(r 1 k k) t = e i k. t e i G t = e i k t (5.91) pour des groupes symmorphes puisque t est une translation primitive vérifiant G. t =2π n. Nous verrons plus bas, que cette relation n est plus toujours satisfaite pour les groupes non-symmorphes puisqu il existe des translations τ non primitives telles que e i G. τ 1 ce qui conduit à des difficultés en bord de zone. En résumé, les opérations du groupe d espace se divisent donc en deux sous-ensemble : i) l ensemble des éléments qui laissent le vecteur d onde inchangé (R i k = k), ii) l ensemble des éléments qui transforment le vecteur d onde en un autre vecteur (R i k = k i ). Les éléments du premier ensemble forment le groupe du vecteur d onde. Ce groupe admet des représentations irréductibles appelées petite représentations qui, pour les groupes symmorphes s identifient avec les représentations du groupe ponctuel correspondant au groupe du vecteur d onde. Considérons une représentation irréductible D (α) du groupe de vecteur d onde de dimension d. On peut trouver d fonctions de Bloch dégénérées, de même valeur de k, (Ψ (1), Ψ (2) k...ψ (d) k ) qui forment une base de la petite représentation k D (α). Ces d fonctions se transforment les unes dans les autres sous l effet des éléments de symétrie du premier sous-ensemble du groupe d espace (groupe du vecteur d onde). Prenons une des d fonctions de Bloch (Ψ (j) ). Si on applique les éléments de symétrie du deuxième sous ensemble, on obtiendra k q fonctions indépendantes (Ψ (j) ) associées aux différents vecteurs d ondes ki ki appartenant à l étoile du vecteur d onde considéré. Un résultat similaire est obtenu pour les d fonctions de base. Les d q fonctions de Bloch ansi obtenues forment donc une base d une représentation irréductible du groupe 232

234 d espace dont les matrices (de dimension n n) s expriment simplement à partir de celles (de dimension d d) de la représentation D (α) du groupe du vecteur d onde. C est la raison pour laquelle, on se contente de considérer les représentations du seul groupe du vecteur d onde et l étoile des vecteurs d onde ou la symétrie de la fonction de dispersion E( k) dans la zone de Brillouin. E( k) possède la symétrie du groupe ponctuel que le groupe d espace soit symmorphe ou non. Il suffit donc de déterminer les fonctions de Bloch et leur énergie à l intérieur du domaine irréductible Exemple : le réseau carré π/ π/ Γ Σ π/ π/ Fig. 5.8 Première zone de Brillouin d un réseau carré de symétrie 4mm. Les différents points et les différentes lignes de haute symétrie sont indiqués. La partie irréductible de la zone de Brillouin correspond au triangle (Γ, M, X). Reprenons l exemple du réseau carré et déterminons le groupe du vecteur d onde pour les différents points de la zone de Brillouin. La figure 5.8 indique les points (Γ, X et M) et les lignes (, Λ et Z) de haute symétrie. Le centre de zone, le point Γ, est invariant dans toutes les opérations du groupe ponctuel 4mm qui constitue le groupe du vecteur d onde en k = 0. Le point M en limite de zone dans la direction [11] est également invariant. En effet, toutes les opérations de symétrie le laissent invariant ou l envoie sur un des coins du carré. Ces coins, reliés au point M par un vecteur du réseau réciproque sont identiques et donc associés à la même valeur du vecteur d onde. Le groupe du vecteur d onde aux points Γ et M est donc le groupe ponctuel du cristal (4mm), groupe qui possède cinq représentations irréductibles. Chaque état de Bloch aux points Γ et M est fonction de base de l une des cinq représentations irréductibles. On rappelle que la table des caractères s écrit : 233

235 Γ, M E 2 z 4 z,4 3 z m x, m y m d, m d Γ 1, M Γ 2, M Γ 3, M Γ 4, M Γ 5, M Aux points Γ et M, l étoile des vecteurs d onde ne comportant qu une branche, les représentations irréductibles du groupe d espace se réduisent aux représentations du groupe du vecteur d onde. On a donc des niveaux simplement dégénérés pour les quatre premières représentations ou doublement dégénérée pour la cinquième. Quant au point X, sa symétrie est plus basse puisqu il est seulement invariant par l axe binaire, et les 2 plans miroirs m x et m x. En effet, l axe binaire et le miroir m y envoient le point X(π/a, 0) au point ( π/a, 0) relié au point X par le vecteur du réseau réciproque G (2π/a, 0). Le groupe de symétrie du point X est donc C 2v (2mm) et sa table de caractère est : X E 2 z m x m y X X X X Le groupe du vecteur d onde au point X n admet que des représentations non dégénérées ce qui signifie qu il n y a qu une fonction de Bloch au point X. Toutefois, l étoile des vecteurs k faisant apparaître deux branches (points π/a(1, 0) et π/a(0, 1)), deux fonctions de Bloch associées à ces deux points différents (mais équivalents) ont même énergie et les représentations irréductibles du groupe d espace associé sont de dimension deux. Les trois lignes (, Λ et Z) sont seulement invariantes par un des plans miroirs m x, m y et m d. Le sous-groupe de symétrie est donc C h (ou m) et la table des caractères est : Σ E m d E m y Z E m x Σ 1, 1 Z Σ 2, 2 Z Là encore, les représentations irréductibles du groupe du vecteur d onde sont non dégénérées mais comme l étoile des vecteurs d onde compte quatre branches, les représentations irréductibles du groupe d espace sont quatre fois dégénérées. Les représentations irréductibles du groupe du vecteur d onde caractérisent la symétrie des bandes électroniques. Celles-ci peuvent être indexées par leur symétrie aux points et aux lignes de haute symétrie. Par ailleurs, une bande en un point d une ligne doit aboutir sur un point de haute symétrie de sorte que les représentations d une bande donnée en des lignes 234

236 et points particuliers ne sont pas complètement indépendantes. La symétrie des représentations doivent être compatibles. Ces considérations font l objet de la section suivante. Reprenons l exemple des électrons presque libres et considérons le cas limite d un potentiel infiniment petit. Nous allons construire les différentes bandes dans les directions de hautes symétries de la zone de Brillouin. On doit représenter toutes les bandes dans la première zone, c est à dire toute les relations de dispersion ε k+ G où G est un vecteur quelconque du réseau réciproque et k est un vecteur d onde de la première zone de Brillouin. On Σ 1,Σ 2 12 Energie Μ 1 Μ M Σ 1 Σ1,Σ2 Σ 1 Σ 1,Σ 2 Σ 1,Σ 2 Γ Γ 1 10 Γ 4 8 Γ 5 6 Γ 1 Γ 4 3 Γ Γ 1, 2 1, 2 1, 2 Μ 5 Γ 1 X X X 1, X 2 X 3, X 4 X 4 Fig. 5.9 Relations de dispersion dans les directions de haute symétrie pour un réseau carré dans la limite d un potentiel périodique nul (l énergie est en unité de h 2 π 2 /2ma 2 ). On a reporté la symétrie des lignes et des points de hautes symétries. Il faut noter que les dégénérescences accidentelles qui apparaissent sur cette figure sont levées par l introduction d un potentiel fini. représente dans la figure 5.9 les relations de dispersion des électrons libres, c est à dire que l on reporte l énergie en fonction de l impulsion. On rappelle que l énergie d une onde plane dans l espace libre caractérisée par le vecteur d onde k est ε 0 = h 2 k 2 /2m. Au vecteur k, on associe le vecteur d onde k k = k G de la première zone de Brillouin de sorte que les relations de dispersion dans la première zone s expriment selon : ε k = h2 ( k + G) 2 2m = h2 [ (k x + G x ) 2 + (k y + G y ) 2] (5.92) 2m où on doit considèrer tous les vecteurs G du réseau réciproque. Toutefois, il faut remarquer que, plus G s éloigne de l origine du réseau réciproque, plus ε k augmente. La symétrie permet de simplifier le problème du moins pour les points et les lignes de haute symétrie. Considérons le centre de zone : le point Γ. A chaque vecteur du réseau réciproque on peut associer une énergie donnée par la relation (5.92) avec k x = k y = 0. L énergie la plus basse (ε = 0) est obtenue pour un seul vecteur du réseau réciproque : G = 0. Il lui correspond une seule fonction qui correspond à une onde plane avec un 235

237 vecteur d onde nul (Ψ(x, y) =Constante). Cette fonction est invariante sous toutes les opérations du groupe et est donc base de la représentation complètement symétrique Γ 1. Le niveau suivant d énergie h 2 4π 2 /2ma 2, est quatre fois dégénéré puisque par symétrie les quatre vecteurs du réseau réciproque (1, 0), (0, 1), (1, 0) et (0, 1), en unité 2π/a, conduisent à des états de même énergie. Les ondes de Bloch associées forment la base d une représentation qu on choisit de noterγ (0,1). Ces fonctions sont les ondes planes : Ψ 1 (x, y) = exp(+ 2π a x) Ψ 2 (x, y) = exp( 2π a x) Ψ 3 (x, y) = exp(+ 2π a y) Ψ 4 (x, y) = exp( 2π a y) La représentation Γ (0,1) peut être décomposée sur les représentations irréductibles du groupe du vecteur d onde. Les caractères de Γ (0,1) valent : E 2 z 4 z,4 3 z m x, m y m d, m d Γ (0,1) puisque par exemple, lors d une rotation 4 z, aucune fonction de Bloch n est inchangée alors que deux fonctions sont invariantes lors d une symétrie miroir de type m x. Les règles de décomposition conduisent alors à : Γ (0,1) = Γ 1 Γ 3 Γ 5 Une simple inspection permet de construire les combinaisons linéaires des quatre ondes planes précédentes formant les fonctions de base de chaque petite représentation. Γ 1 étant complètement symétrique, elle admet exp (i2πx/a) + exp ( i2πx/a) + exp (i2πy/a) + exp ( i2πy/a) 2 comme fonction de base. Pour Γ 3, la fonction de base doit être inchangée suivant 2 z et m x et changer de signe pour 4 z et m d, c est donc la combinaison : exp (i2πx/a) + exp ( i2πx/a) exp (i2πy/a) exp ( i2πy/a) 2 Quant aux deux fonctions de base de Γ 5, elles se transforment comme (x, y) ou (p x, p y ), il s agit de : exp (i2πx/a) exp ( i2πx/a) 2 exp (i2πy/a) exp ( i2πy/a) 2 comme le montre un développement limité au premier ordre qui indique que ces deux fonctions sont proportionnelles à x et y. La même analyse peut être effectuée pour les autres niveaux d énergie (Γ (1,1) d énergie h 2 8π 2 /2ma 2 et Γ (2,1) d énergie h 2 8π 2 /2ma 2 ) et nous reportons les caractères des cinq premiers niveaux d énergie dans la table : 236

238 E 2 z 4 z,4 3 z m x, m y m d, m d Γ (0,0) Γ (1,0) Γ (1,1) Γ (2,0) Γ (2,1) ce qui conduit aux décompositions suivantes : Γ (0,0) = Γ 1 Γ (1,0) = Γ 1 Γ 3 Γ 5 Γ (1,1) = Γ 1 Γ 4 Γ 5 Γ (2,0) = Γ 1 Γ 3 Γ 5 Γ (2,1) = Γ 1 Γ 2 Γ 3 Γ 4 2Γ 5 Un potentiel fini est susceptible de lever la dégénérescence en un point donné de la zone de Brillouin. Ainsi, les quatre bandes dégénérées au point Γ et correspondant à Γ (1,0) donnent naissance à trois bandes (deux non dégénérées, Γ 1 etγ 3, et une doublement dégénérée Γ 5 ). Par ailleurs, comme nous l avons vu, V ( r) a la symétrie de la représentation triviale et ne peut coupler que des états de même symétrie. Dans un espace limité aux 21 ondes planes bases des représentations Γ (0,0), Γ (1,0), Γ (1,1), Γ (2,0) et Γ (2,1), les règles de sélection permettent de simplifier le problème, puisque seules les fonctions de base des mêmes représentations irréductibles peuvent être couplées. Ainsi par exemple, on obtient une matrice 5 5 pour les états de symétrie Γ 1 qu il faut diagonaliser pour trouver les niveaux d énergie. Le traitement en perturbation à l ordre le plus bas est encore plus simple puisque on doit diagonaliser le potentiel dans la restriction à une énergie donnée. La représentation Γ (1,0) se décomposant en représentations de symétries différentes, les éléments de matrice sont donc tous nuls et la levée de dégénérescence ne dépend que des termes diagonaux Ψ i V ( r) Ψ i où Ψ i ( r) est une fonction de base de la représentation irréductible Γ i. On peut de la même façon indexer les bandes par la symétrie de leur représentation irréductible. Par exemple, le premier niveau au point M, de vecteur d onde π/a (1,1)), d énergie h 2 2π 2 /2ma 2 dégénéré quatre fois, est engendré par les fonctions : Ψ 1 (x, y) = exp[ π (x + y)] a Ψ 2 (x, y) = exp[ π (x y)] a Ψ 3 (x, y) = exp[ π ( x + y)] a Ψ 4 (x, y) = exp[ π ( x y)] a Les caractères de la représentation associée Γ valent : E 2 z 4 z,4 3 z m x, m y m d, m d Γ Seules les fonctions Ψ 1 (x, y) et Ψ 4 (x, y) sont inchangées sous l effet de la symétrie miroir m d, d où le caractère χ(m d )=2. Toutes les fonctions sont 237

239 changées lors des autres opérations de symétrie d où la nullité des caractères. Le niveau d énergie se décompose selon : Γ = M 1 M 4 M 5 De même, au point X, à l énergie h 2 2π 2 /2ma 2, les deux fonctions dégénérées sont exp ±i(π/a)x. Les caractères du groupe du vecteur d onde pour cette représentation sont : E 2 z m x m y Γ ce qui conduit à la décomposition X 1 X 4. On peut également obtenir par les mêmes raisonnements la symétrie des bandes le long des différentes lignes que nous avons reportée sur la figure Les relations de compatibilité Continuons l exemple précédent du réseau carré. Considérons la ligne. Cette ligne est invariante suivant le plan m y perpendiculaire à Oy, c est à dire que la fonction d onde est soit paire (base de la représentation 1 ) soit impaire (base de la représentation 2 ) par rapport à ce plan miroir. Considérons une bande de symétrie 2, c est à dire impaire. Lorsque cette bande aboutit au point Γ, elle doit rester impaire par rapport au miroir m y. En examinant la table des caractères, on constate que seules les représentations irréductibles Γ 2, Γ 4 et Γ 5 possèdent cette propriété (Γ 5 est dégénérée et sa base est constituée d une fonction paire et d une fonction impaire comme l indique le caractère 0 pour m y ). On retrouve ce résultat de façon systématique en décomposant une représentation du groupe du vecteur d onde au centre de zone sur les représentations du sous groupe correspondant à la direction considérée dans la zone de Brillouin. Pour Γ 5, cette décomposition donne : Γ 5 = 1 2 ce qui signifie qu une bande de symétrie Γ 5, doublement dégénérée, donne naissance à deux bandes selon la direction. De même, au point X, l étude de la parité montre que la bande 2 est compatible avec les représentations X 2 et X 3. Par cette méthode on peut établir toutes les relations de compatibilité du réseau carré que l on rassemble dans le tableau : Représentation compatible avec 1 Γ 1, Γ 3, Γ 5, X 1, X 4 2 Γ 2, Γ 4, Γ 5, X 2, X 3 Σ 1 Γ 1, Γ 4, Γ 5, M 1, M 4, M 5 Σ 2 Γ 2, Γ 3, Γ 5, M 2, M 3, M 5 Z 1 X 1, X 3, M 1, M 3, M 5 Z 2 X 2, X 4, M 2, M 4, M 5 En règle générale, une représentation Γ i d un sous-groupe est compatible avec la représentation Γ j d un groupe plus grand si la base de Γ i est contenue dans celle de Γ j. En termes de représentations, la compatibilité entre Γ i et Γ j est assurée si et seulement si Γ i apparaît dans la décomposition de Γ j sur 238

240 Fig Première zone de Brillouin d un réseau cubique simple (groupe ponctuel m3m ou O h ). Les différents points et les différentes lignes de haute symétrie sont indiqués. les représentations irréductibles du sous-groupe. Terminons sur un exemple plus complexe mais également plus réaliste d un cristal cubique simple. La figure 5.10 montre la première zone de Brillouin avec la nomenclature utilisée pour les lignes et les points de haute symétrie. Le groupe du vecteur d onde correspondant à Γ est le groupe ponctuel de la structure (m3m ou O h ) et contient 48 éléments. Le point R possède également la même symétrie (les vecteurs d onde obtenus par application des opérations de symétrie sont tous reliés entre eux par un vecteur du réseau réciproque et sont par conséquent identiques). Le groupe m3m admet dix représentations irréductibles qui sont ou non compatibles avec les représentations irréductibles des sous-groupes associés aux différentes directions de la zone de Brillouin. Les lignes, Λ et Σ correspondent aux groupes ponctuels 4mm, 3m et 2mm respectivement. Les extrémités de ces lignes, points X, R et M respectivement, possèdent une symétrie plus haute et relèvent des groupes ponctuels 4/mmm pour X et M et m3m pour R. Enfin, les lignes T, Z et S qui sont en bord de zone de Brillouin, sont de symétrie 4mm pour T, 2mm pour Z et S. Par exemple, il est facile de montrer que le point Z est invariant, modulo un vecteur du réseau réciproque, sous l action de l axe binaire suivant Oy et des deux plans miroirs contenant k x k y et k z k y (figure 5.10). L étude détaillée de la décomposition d une représentation d un groupe sur les représentations de ses sous-groupes permet de construire la table de compatibilité suivante (nous avons utilisé la notation introduite par Bouckaert, Smoluchowski et Wigner [44] qui, sans être universellement reconnue, est très largement utilisée) : 239

241 Γ 1 Γ 2 Γ 12 Γ 15 Γ 25 Γ 1 Γ 2 Γ 12 Γ 15 Γ Λ 1 Λ 2 Λ 3 Λ 2 Λ 3 Λ 1 Λ 3 Λ 2 Λ 1 Λ 3 Λ 1 Λ 3 Λ 2 Λ 3 Σ 1 Σ 4 Σ 1 Σ 4 Σ 2 Σ 3 Σ 4 Σ 1 Σ 2 Σ 3 Σ 2 Σ 3 Σ 2 Σ 3 Σ 1 Σ 3 Σ 4 Σ 1 Σ 2 Σ 4 X 1 X 2 X 3 X 4 X 5 X 1 X 2 X 3 X 4 X Z 1 Z 1 Z 4 Z 4 Z 2 Z 3 Z 2 Z 2 Z 3 Z 3 Z 1 Z 4 S 1 S 4 S 1 S 4 S 2 S 3 S 2 S 3 S 2 S 3 S 1 S 4 M 1 M 2 M 3 M 4 M 5 M 1 M 2 M 3 M 4 M 5 Σ 1 Σ 4 Σ 1 Σ 4 Σ 2 Σ 3 Σ 2 Σ 3 Σ 2 Σ 3 Σ 1 Σ 4 Z 1 Z 1 Z 4 Z 4 Z 2 Z 3 Z 2 Z 2 Z 3 Z 3 Z 1 Z 4 T 1 T 2 T 2 T 1 T 5 T 1 T 2 T 2 T 1 T Dégénérescence des bandes Dégénérescence aux points de haute symétrie La dégénérescence des bandes dépend de la symétrie de la fonction de Bloch et donc du groupe du vecteur d onde. En un point quelconque de la zone de Brillouin, le groupe du vecteur d onde se réduit à l identité, et le spectre en énergie, à ce point k, est non-dégénéré. En revanche, sur les lignes et les points de haute symétrie, des dégénérescences peuvent apparaître si des petites représentations du groupe du vecteur d onde ont une dimension supérieure à un. Illustrons ce comportement dans le cas d un cristal cubique dont le groupe d onde en centre de zone est O h (m3m en notation Hermann- Maugin). Considérons une bande de type p construite, par exemple dans une approximation en liaisons fortes, à partir des orbitales atomiques p x, p y et p z. La représentation irréductible associée est T 1u ou Γ 15 de dimension 3 et les trois bandes p sont dégénérées en Γ. Dans le cas des semi-conducteurs comme le Si, le groupe d espace est le groupe non-symmorphe F d3m mais le groupe du vecteur d onde au point Γ reste O h ou m3m. Le motif atomique est constitué de deux atomes en (0,0,0) et a/4(1,1,1) et on montre que cela conduit à la formation au point Γ de bandes p antiliantes de symétrie Γ 15 (T 1u ) et de bandes liantes de symétrie Γ 25 (T 2g). Si on considère un point de la zone de Brillouin dans la direction (001) (ligne ), le groupe du vecteur d onde devient C 4v (4mm) dont la table de caractère est la suivante : C 4v E C 2 2C 4 2σ v 2σ d A 1 ( 1 ) (z) A 2 ( 1 ) B 1 ( 2 ) B 2 ( 2 ) E ( 5 ) (x, y) On constate que la composante z d un vecteur polaire se transforme comme A 1 et les deux composantes (x, y) comme E. Pour décomposer les représentations T 1u et T 2g du groupe O h, (Γ 15 et Γ 25 ) nous allons reporter leurs caractères correspondant aux éléments de C 4v : 240

242 C 4v E C 2 2C 4 2σ v 2σ d T 1u (Γ 15 ) (x, y, z) T 2g (Γ 25 ) On peut donc en déduire que la représentation T 1u (Γ 15 ) de O h se décompose dans son sous-groupe C 4v sur les deux représentations A 1 ( 1 ) et E ( 5 ) : Γ 15 = T 1u = A 1 E = 1 5 (5.93) La bande p trois fois dégénérée au point Γ se décompose dans la direction (001) en une bande doublement dégénérée ( 5 ) et en une bande nondégénérée ( 1 ). On montre de la même façon que : Γ 25 = B 2 E = 2 5 (5.94) Dans la direction (111) (ligne Λ), le groupe du vecteur d onde devient C 3v (3m) dont la table de caractère est : C 3v E 2C 3 3σ v A 1 (Λ 1 ) A 2 (Λ 2 ) E (Λ 3 ) Dans cette direction, la dégénérescence des bandes p est également levée. Les représentations Γ 15 et Γ 25 se décomposent selon : Γ 15 = Λ 1 Λ 3 Γ 25 = Λ 1 Λ 3 (5.95) Ainsi, suivant les deux directions Λ et, les bandes p, trois fois dégénérées au point Γ de symétrie cubique, donnent naissance à une bande non dégénérée et une bande doublement dégénérée comme on peut le vérifier sur la structure de bande du Si (figure 5.11). Fig Structure de bande du Si dans les directions et Λ. Les bandes indexées Γ 25 et Γ 15 correspondent aux bandes p liantes et antiliantes. 241

243 Dégénérescence accidentelle La variation continue de l énergie avec le vecteur d onde conduit assez fréquemment à des dégénérescences accidentelles. Celles-ci se produisent lorsque deux bandes de symétries différentes, c est à dire relevant de deux configurations irréductibles différentes, se croisent. Le potentiel du réseau, dont la symétrie est celle de la représentation triviale, ne possèdent que des éléments de matrice nuls entre états de base de représentations irréductibles différentes. Ce cas de figure est illustré sur le schéma de la figure 5.12 où on suppose, pour le réseau carré étudié plus haut, que deux dispersions dans la direction ΓX de symétrie 1 et 2 se croisent au point P. Les relations de compatibilité indiquent que 1 joint les points Γ 1 et X 1 et 2 joint les points Γ 2 et X 2. De plus 1 n est pas compatible avec Γ 2 et X 2 et réciproquement 2 n est pas compatible avec Γ 1 et X 1. Toutefois, l ordre des bandes étant fondamentalement fixée par l énergie, la première bande, d énergie la plus faible, est suivant Γ 2 2 P 1 X 1 en dépit des incompatibilités théoriques. Ainsi, si on suit l énergie en évitant le point P et donc en s écartant, au voisinage de celui-ci, de la ligne, on relie par les lignes en pointillés les lignes 1 et 2. La notion de compatibilité perd alors, dans ce cas de dégénérescence accidentelle, l essentiel de son intérêt [45]. Γ 1 1 P 2 X 2 2 Γ 2 1 X 1 Γ X Fig Dégénérescence accidentelle due au croisement des lignes 1 et 2. Les lignes en pointillés correspondent à l énergie le long de chemins, dans la zone de Brillouin, qui évitent le point P Le cas des groupes non-symmorphes Comme nous l avons vu, les groupes non-symmorphes contiennent des axes hélicoïdaux ou des plans de glissement comme éléments de symétrie ({R k t n + τ}). En conséquence, le groupe ponctuel n est plus un sous-groupe du groupe d espace. De même, le groupe qui laisse invariant le vecteur d onde, contient des éléments associés à des translations non-primitives. Ce groupe, G( k), peut s écrire : G( k) = R k {R k 0} T + S k {S k τ} T (5.96) 242

244 le premier terme qui rassemble les éléments sans translations non-primitives, est semblable à celui qu on obtient pour les groupes symmorphes, alors que le second contient tous les éléments avec translations fractionnaires (ou nonprimitives). Les éléments R k et S k vérifient R k k = k et S k k = k. L existence de ces éléments de symétrie avec translation fractionnaire introduit des complications. Examinons tout d abord comment agit un de ces éléments ({R τ}) sur une fonction de Bloch : d où P {R τ} u k ( r) exp (i ) k r) = u k (R 1 ( r τ) = u R k ( r τ) exp exp (i ) k R 1 ( r τ) ) ( ir k ( r τ) (5.97) P {R τ} Ψ k ( r) = Ψ R k ( r τ) (5.98) Par conséquent, si Ψ k ( r) est une fonction de Bloch avec le vecteur d onde k, alors P {R v} Ψ k ( r) est une fonction de Bloch avec le vecteur d onde R k. En effet on vérifie facilement que la fonction P {R τ} Ψ k ( r) est une fonction propre des translations pures : P {E t n} P {R τ}ψ k ( r) = exp ( ir k t n ) P {R τ} Ψ k ( r) (5.99) De même, la relation entre les représentations du groupe d espace et celles du groupe du vecteur d onde doit être modifiée. Il faut toutefois distinguer les vecteurs d onde à l intérieur de la zone de Brillouin et ceux en limite de zone. Pour un vecteur d onde à l intérieur, les modifications sont mineures. En effet, L expression (5.87) devient pour un élément de type {S k τ} : Γ (α) ({S k k t n + τ}) = e i k ( t n+ τ) D (α) (S k k ) ( = e i k t n e i k τ D (α) ) (S k k ) alors qu elle reste pour un élément de type {R k 0} : (5.100) Γ (α) ({R k k t n }) = e i k t n D (α) (R k k ) (5.101) On constate qu il suffit, pour les éléments avec translations non-primitives, de multiplier les matrices du groupe ponctuel (D (α) k (S k )) par un terme de phase dépendant de la translation non-primitive (e i k. τ ). Pour les tables des caractères du groupe du vecteur d onde, les caractères des éléments {R k 0} sont identiques à ceux du groupe ponctuel alors que ceux des éléments avec translation non-primitive ({S k τ}) sont multipliés par le terme de phase relevant d une translation fractionnaire (e i k τ ). Par ailleurs, un problème apparaît pour les représentations du groupe du vecteur d onde à la surface de la zone de Brillouin puisque comme e i G.τ 1 les matrices e i k τ D (α) (S k k ) ne satisfont plus la loi de composition (relation 5.91). Nous verrons, sur l exemple ci-dessous de la structure diamant, comment résoudre cette difficulté. En particulier nous montrerons qu il est nécessaire d augmenter le nombre d éléments de symétrie du groupe du vecteur d onde. Cela peut conduire à une dégénérescence en bord de zone et donc à des bandes qui se collent à la surface de la zone de Brillouin. 243

245 Exemple de la structure diamant La structure diamant peut être conçue à partir de deux structures cubiques faces centrées décalées de a/4(1, 1, 1) où a est l arête du cube. On peut la décrire également comme une structure cubique à face centrée avec un motif constitué de deux atomes identiques en (0,0,0) et a/4 (1, 1, 1) (figure 5.13). Les translations primitives qui laissent le cristal invariant sont celles reliant un coin du cube aux trois centres des faces, c est à dire : t 1 = a 2 t 2 = a 2 t 3 = a 2 (0, 1, 1) (1, 0, 1) (5.102) (1, 1, 0) ce qui conduit aux vecteurs du réseau réciproque primitif : h1 = 2π a h2 = 2π a h3 = 2π a (1, 1, 1) (1, 1, 1) (5.103) (1, 1, 1) où 1 signifie 1. Le groupe ponctuel du diamant est le groupe O h. Toutefois, la structure admet des éléments de symétrie avec des translations non-primitives. Tous les éléments de O h qui font partie du sous-groupe T d (E, 8C 3, 3C 2, 6S 4, 6σ d ) sont associés à des translations primitives alors que les autres éléments de O h (I, 6C 4, 6C 2, 6σ h, et S 6 ) sont associés à la translation non-primitive τ = a/4 (1, 1, 1). Les éléments de ces deux familles du groupe d espace sont notés {R 0} et {R τ} respectivement (on obtient un élément quelconque en ajoutant aux translations 0 et τ une translation primitive t n ). Fig Structure du diamant. Les vecteurs en pointillé correspondent à la maille primitive. Nous allons construire les tables des caractères de points et de lignes de haute symétrie. La symétrie du groupe ponctuel du vecteur d onde au point 244

246 Γ est celle de O h et puisque k = 0 (exp i k. τ = 1), la table des caractères s identifie avec celle du groupe O h. Dans la direction, ( k = 2π/a(δ, 0, 0) avec 0 < δ < 1), le groupe ponctuel est C 4v mais le groupe du vecteur d onde comprend, non seulement des éléments ponctuels, mais également des éléments avec une translation nonprimitive. Les caractères des représentations irréductibles du groupe d espace sont obtenus à partir de ceux de C 4v en multipliant par e i(π/2)δ (puisque (π/2)δ = k. τ) les caractères des éléments de symétrie faisant intervenir la translation non-primitive : {E 0} {C 2 0} 2{C 4 τ} 2{σ v τ} 2{σ d 0} e i(π/2)δ e i(π/2)δ e i(π/2)δ e i(π/2)δ e i(π/2)δ e i(π/2)δ e i(π/2)δ e i(π/2)δ Notons, c est important pour les dégénérescences introduites par le renversement du temps que nous étudierons dans la partie suivante, que ces représentations ne sont pas complexes conjuguées l une de l autre. L extrémité de la ligne, le point X (2π/a (1,0,0)), se trouve à la surface de la zone de Brillouin et a une symétrie différente des points de puisque l inversion est restaurée en ce point. Le groupe ponctuel au point X est le groupe D 4h avec l axe quaternaire selon la direction Ox. D 4h peut être considéré comme le produit direct du groupe C 4v avec l inversion I. La méthode développée ci-dessus pour les points k à l intérieur de la zone de Brillouin n est plus valable. En effet, comme nous l avons vu, on ne peut pas construire de la même façon les représentations du groupe d espace à partir de celles du groupe du vecteur d onde puisque, comme e i G. τ 1, la loi de composition n est plus satisfaite pour certaines opérations de symétrie (5.91). C est le cas de l inversion qui conduit à : I k = k = k ( h 2 + h 3 ) (5.104) Par conséquent, au point X, l inversion associée à la translation fractionnaire τ fait apparaître le terme de phase : e i( h 2 + h 3 ). τ = 1. L existence de ce terme de phase ne permet pas d obtenir les représentations irréductibles du groupe d espace simplement à partir de celles de D 4h. D autres méthodes doivent être développées. L une d elle nécessite l introduction du concept de représentation projective. Nous allons présenter une méthode due à Herring qui évite l utilisation directe des représentations projectives. Pour les groupes symmorphes, nous avons vu que les matrices des représentations du groupe d espace et du groupe du vecteur d onde sont reliées par la relation (equation 5.87) Γ (α) ({R k k t}) = e i k t D (α) (R k k ) Au point X, on a k = ( h 2 + h 3 )/2, et Γ (α) ({E t}) = k 1 pour un grand nombre de translations primitives. Pour obtenir les représentations irréductibles du 245

247 groupe d espace en X, il faut considérer le terme e i k t n associé aux translations primitives ( t n = n 1 t 1 +n 2 t 2 +n 3 t 3 ). On constate aisément que ce terme vaut e i(n 2+n 3 )π = ±1 selon la parité de n 2 +n 3. On va construire un nouveau groupe en distinguant les translations pour lesquelles e i(n 2+n 3 )π vaut +1 et celles pour lesquelles e i(n 2+n 3 )π vaut 1. Pour les éléments avec une translation primitive, symbolisé par 0, on note {R 0, 1} et {R 0, 1} selon le signe de e i(n 2+n 3 )π ou {R τ, 1} et {R τ, 1} pour les éléments avec une translation fractionnaire τ. Comment trouver les représentations irréductibles du groupe du vecteur d onde? Il existe plusieurs méthodes et nous allons développer une de ces méthodes qui consiste à élargir le groupe D 4h dont on rappelle que la table des caractères est donnée par : (D 4h ) E 2C 4 C 2 2C 2 2C 2 I 2S 4 σ h 2σ v 2σ d A 1g A 2g B 1g B 2g E g A 1u A 2u B 1u B 2u E u où C 4, S 4 et C 2 = C4 2 est selon Ox, C 2 selon Oy et Oz, C 2 selon yz et yz, σ h est perpendiculaire à Ox, σ v à Ox et Oz et σ d aux plans médiateur des axes à Oy et Oz. Ces 16 éléments du groupe ponctuel permettent de construire seize éléments du groupe du vecteur d onde au point X qui se répartissent en deux catégories selon que la translation fractionnaire τ est associée ou non. On a donc les éléments {E 0}, {C 2 0}, 2{C 2 0}, 2{σ d 0} et {σ h τ}, {I τ}, 2{C 4 τ}, 2{S 4 τ}, 2{C 2 τ}, 2{σ v τ}. Toutefois, comme le point X est à la surface de la zone de Brillouin, il faut distinguer les éléments associés aux translations primitives, ceux tels que e i(n 2+n 3 )π vaut +1 de ceux pour lesquels e i(n 2+n 3 )π vaut 1. Il faut donc séparer les éléments {R v + t n } pour ( v = 0, τ) en deux éléments {R v, 1} et {R v, 1} selon le signe de e i(n 2+n 3 )π. Cela conduit à doubler le nombre d éléments. L ensemble des 2 16 = 32 éléments forme le groupe du vecteur d onde dont il faut maintenant trouver les représentations irréductibles. Dans un premier temps, on remarque que ce groupe comportent quatorze classes, c est à dire quatre classes supplémentaires par rapport au groupe ponctuel D 4h. Par exemple, on peut vérifier que {I τ, 1} et {I τ, 1} appartiennent à la même classe. En effet, on a : {C 2 0, 1} 1 {I τ, 1}{C 2 0, 1} = {I (C 2 τ), 1} C 2 est ici l axe de rotation binaire selon Oz. La translation (C 2 τ) s exprime selon : (C 2 τ) = a 4 (1, 1, 1) = τ t 3 246

248 ce qui fait apparaître une translation primitive telle que n 2 +n 3 = 1 de sorte que e i(n 2+n 3 )π = 1. Par conséquent {I (C 2 τ), 1} appartient à l ensemble des éléments {I τ, 1} et {I τ, 1} et {I τ, 1} appartiennent à la même classe. Le tableau ci-dessous indique les quatorze classes du nouveau groupe : Classe éléments 1 {E 0, 1} 2 {E 0, 1} 3 2{C 4 τ, 1},2{C 4 τ, 1} 4 2{σ v τ, 1},2{σ v τ, 1} 5 {I τ, 1}, {I τ, 1} 6 2{S 4 0, 1},2{S 4 0, 1} 7 2{C 2 0, 1},2{C 2 0, 1} 8 {C 2 0, 1} 9 {C 2 0, 1} 10 {σ h τ, 1},{σ h τ, 1} 11 2{σ d 0, 1} 12 2{σ d 0, 1} 13 {C 2 (yz) τ, 1},{C 2 (yz) τ, 1} 14 {C 2 (yz τ, 1},{C 2 (yz) τ, 1} On en conclut donc que le groupe admet 14 représentations irréductibles. La table des caractères peut être déduite simplement à partir de celle du groupe ponctuel D 4h. En effet, on constate que l élément {E 0, 1} commute avec tous les éléments du groupe de sorte que les matrices associées à cet élément doivent être proportionnelles à la matrice unité (c 1). De plus comme {E 0, 1} 2 = {E 0, 1} puisque 2(n 2 +n 3 ) est pair, c 2 = 1 d où c = ±1. Pour les représentations caractérisées par c = +1, {E 0, 1} et {E 0, 1} sont donc représentés par les mêmes matrices de même que {R 0, 1} et {R 0, 1} ou {R τ, 1} et {R τ, 1}. Ces représentations irréductibles avec c = +1, coincident avec les dix représentations irréductibles du groupe D 4 h. Les quatre dernières représentations irréductibles sont donc caractérisées par c = 1. Le théorème de dimensionnalité permet de trouver la dimension de ces représentations puisque on doit avoir : 14 i=1 d 2 i = 32 (5.105) Comme pour les représentations associées à c = 1, on a : 10 i=1 d 2 i = 16 on trouve pour les quatre représentations supplémentaires : 14 i=11 d 2 i = 16 d où d 11 = d 12 = d 13 = d 14 = 2 (5.106) Pour ces quatre représentations irréductibles de dimension deux, les matrices des éléments {R τ, 1} et {R τ, 1} ou {R 0, 1} et {R 0, 1} sont de signe 247

249 opposé. Cette propriété permet de déduire simplement de nombreux caractères des représentations. En effet, si les deux types d éléments associés à 1 et 1 appartiennent à la même classe, alors le caractère de la classe est nul. Par ailleurs, seules les représentations irréductibles pour lesquelles c = 1, sont acceptables pour le groupe du vecteur d onde au point X. En effet, considérons une translation primitive de vecteur t n telle que n 2 + n 3 est impair. L opérateur de translation associé noté P {E 0,1} agit sur une fonction de Bloch quelconque selon : P {E 0,1} Ψ k = e i k. t n Ψ k = Ψ k (5.107) démontrant que P {E 0,1} vaut moins d identité. Les fonctions de Bloch ne peuvent donc être que des fonctions de base des représentations irréductibles caractérisées par c = 1. La table des caractères pour ces représentations irréductibles au point X s écrit : {E 0, 1} {E 0, 1} 2{C 4 τ, 1} 2{C 4 τ, 1} 2{σ v τ, 1} 2{σ v τ, 1} {I τ, 1} {I τ, 1} 2{S 4 0, 1} 2{S 4 0, 1} {C 2 (yz) τ, 1} {C 2 (yz) τ, 1} X X X X {C 2 0, 1} {C 2 0, 1} {σ h τ, 1} {σ h τ, 1} 2{σ d 0, 1} 2{σ d 0, 1} 2{C 2 0, 1} 2{C 2 0, 1} {C 2 (yz τ, 1} {C 2 (yz) τ, 1} X X X X Les 6 classes qui regroupent les éléments {R v, 1} et {R v, 1} ont des caractères nuls pour les quatre représentations. Les caractères des autres classes peuvent être obtenus simplement en utilisant les relations d orthogonalisation. Comme ces représentations irréductibles sont de dimension deux, les niveaux d énergie sont doublement dégénérés. Cette dégénérescence, qui résulte de l existence de translation non-primitive, et par conséquent de la présence d atomes équivalents dans le motif atomique, conduit au collage des bandes au point X. Ce comportement se manifeste sur la structure de bande du Si. En revanche, il disparaît pour GaP de structure blende (symmorphe) pour lequel les représentations X 1 et X 3 sont non dégénérées. Enfin, pour un vecteur d onde correspondant à un point quelconque d une face, on peut écrire : k = G 2 + k (5.108) où G est le vecteur du réseau associé au centre de la face et k un vecteur à l intérieur de la zone. Les représentations irréductibles sont obtenues par une combinaison appropriée pour k = G/2 et pour k à l intérieur de la zone de Brillouin. 248

250 Fig A gauche : Structure de bande du Si (structure diamant) ; à droite, structure de bande de GaP (structure blende) [46]. On note que pour la structure diamant les bandes se collent au point X 4 contrairement à la structure blende pour laquelle les bandes X 1 et X 3 sont non-dégénérées. 5.6 Introduction du spin Pour l instant nous n avons pas considéré les degrés de liberté de spin. Si l hamiltonien ne dépend pas du spin, l introduction de ce degré de liberté supplémentaire conduit simplement à doubler la dégénérescence en chaque point k. En effet, pour chaque état de Bloch, on définit deux fonctions : Ψ ± k ( r) = u k( r)e i k r ± (5.109) correspondant aux deux projections possibles du spin ±1/2 sur un axe quelconque de quantification. Toutefois, l hamiltonien d un système de charges tel que nous l avons écrit au début de ce chapitre n est qu une approximation. Les effets relativistes, lorsqu ils sont suffisamment faibles pour être traités en perturbation, introduisent des termes supplémentaires dans l équation de Schrödinger. Ces termes correctifs peuvent être obtenus par un développement limité, pour les vitesses faibles, de l équation de Dirac. Nous allons étudier dans ce chapitre, le terme de spin-orbite, en raison des modifications qu il introduit sur la symétrie. En effet, les autres termes du développement limité (terme de masse et terme de Darwin), s ils sont importants d un point de vue quantitatif dans un calcul de bandes, n affecte pas la symétrie et la dégénérescence des états. Nous avons montré, dans le chapitre 3 que le spin des électrons nécessite l introduction du concept de groupe double. Nous allons rappeler dans cette section la forme de l hamiltonien de spin-orbite dans les solides, puis nous décrirons les modifications des petites représentations (groupe double du vecteur d onde) avant de discuter en détail les problèmes de dégénérescence dus au renversement du temps Hamiltonien de spin-orbite Dans une approche de potentiel à symétrie sphérique, l interaction de spin-orbite pour un électron dans un atome s exprime à partir du produit 249

251 scalaire des moments cinétiques orbital et de spin : H S.O. = ξ(r) l s (5.110) où la fonction ξ(r) = 1 1 dv 2m 2 c 2 r dr est proportionnelle à la norme du gradient du potentiel. Dans le cas d un potentiel non sphérique, comme celui auquel est soumis un électron dans un cristal, l hamiltonien de spin-orbite s écrit sous la forme plus générale : H S.O. = h 2m 2 c 2 ( V p) s (5.111) ce terme ne change pas la symétrie spatiale de l hamiltonien qui reste invariant sous toutes les opérations du groupe d espace. En revanche, l invariance par rotation des seules variables de spin est perdue et les états stationnaires cessent d être des états propres de s z comme en physique atomique où nous avons montré qu ils étaient états propres du moment cinétique total. Pour un vecteur d onde donné, les fonctions de Bloch peuvent se mettre formellement sous la forme générale : Ψ k ( r, ) = ( ) a k ( r) + + b k ( r) e i k r (5.112) d énergie ε k, où a k ( r) et b k ( r) sont des fonctions ayant la périodicité du réseau (attention le symbole ne signifie pas que la projection du spin suivant l axe de quantification vaut 1/2, mais que Ψ k s z Ψ k est positif). Lorsque l interaction de spin-orbite est traité en perturbation à l ordre le plus bas, il faut diagonaliser H S.O. dans une restriction de l espace de Hilbert associée à une valeur du vecteur d onde et de l énergie. En d autres termes, il faut connaître les états de Bloch différents de même énergie au même point k de la zone de Brillouin. Nous allons illustrer l effet du spin orbite sur la structure de bande des semiconducteurs (Si, Ge) traitée dans une approche de type liaisons fortes. Dans cette approximation, les effets du couplage spin-orbite sont très similaires à ce que l on obtient dans les atomes. Dans un premier temps, on construit les fonctions de Bloch en négligeant l interaction de spin-orbite. Dans un deuxième temps, on l introduit en perturbation à l ordre le plus bas. En liaisons fortes, on décompose la fonction de Bloch sur des états localisés ω (i) sur chaque site R k l. De plus, les semiconducteurs comme le Si ou le Ge ont une structure cubique à faces centrées et le motif atomique est constitué d un atome en (000) et un atome en a/4(111), c est à dire translaté de τ = a/4( e x + e y + e z ). Le groupe d espace est le groupe non-symmorphe F d3m dont le groupe ponctuel est O h ou m3m. Au centre de zone, comme e i k. τ = 1, nous avons vu que la table des caractères est identique à celle de O h. Les fonctions de Bloch dans une approche liaisons fortes s écrivent : Ψ (i) k ( r) = 1 2N l ( a l ω (i) k ( r + R l )+b l ω (i) k ( r + R l τ) e i k τ ) e i k R l (5.113) 250

252 où i est un indice de bande associé à la nature de la fonction d onde atomique. On construit ces fonctions à partir d une fonction de type s et de trois fonctions de type p. Par ailleurs, le potentiel du cristal peut s écrire : V = l V ( r R l ) (5.114) où chaque V ( r R l ) peut être considéré comme un potentiel à symétrie sphérique. En fait, la contribution des voisins a une symétrie plus basse mais le potentiel est dominé par la contribution atomique. Dans une cellule autour d un atome, l hamiltonien peut donc se mettre sous la forme atomique : H S.O. = ξ(r) l s On peut traiter cet hamiltonien de spin-orbite en perturbation et déterminer l éventuelle levée de dégénérescence. Au point Γ, la relation (5.113) se simplifie ( k = 0), et on peut montrer que l on a les fonctions liantes et antiliantes [47] : 1 [ φ j ( r + R l ) φ j ( r + ] R l τ) pour Γ 25 2N l 1 [ φ j ( r + R l ) + φ j ( r + ] R l τ) 2N l pour Γ 15 (5.115) avec φ j = φ x, φ y, φ z états propres de p x, p y et p z respectivement. La diagonalisation de H S.O. dans le sous espace engendré par ces fonctions conduit à des états de moment cinétique total j 2 = (l ± s) 2 c est à dire 3/2 et 1/2, de dégénérescences respectives 4 et 2, et notés φ 3/2 et φ 1/2. On a donc pour les bandes 3/2 (les paires proviennent de Γ 25, les impaires de Γ 15) : 1 [ φ 3/2 ( r + R l ) φ 3/2 ( r + ] R l τ) 2N l 1 [ φ 3/2 ( r + R l ) + φ 3/2 ( r + ] R l τ) 2N l (5.116) où les φ 3/2 sont les quatre fonctions propres de l + s avec comme valeur propre 3/2 : 1 2 (φ x + iφ y ) + 1 ] [(φ x + iφ y ) 2φ z ] [(φ x iφ y ) + + 2φ z (φ x iφ y ) (5.117) et pour les bandes 1/2 : 1 [ φ 1/2 ( r + R l ) φ 1/2 ( r + ] R l τ) 2N l 1 [ φ 1/2 ( r + R l ) + φ 1/2 ( r + ] R l τ) 2N l (5.118) 251

253 avec pour les φ 1/2 : 1 ] [(φ x + iφ y ) + φ z ] [(φ x iφ y ) + φ z 3 (5.119) Comme pour les fonctions d onde atomiques, nous voyons que, lorsqu on tient compte de l interaction de spin-orbite, les fonctions de Bloch de Γ 25 ou Γ 15 donnent naissance à deux multiplets, l un dégénéré quatre fois associé à 3/2, l autre dégénéré deux fois, associé à 1/2. Nous allons maintenant étudier les représentations irréductibles dont ces fonctions sont états propres Petites représentations du groupe double Considérons un point k de la zone de Brillouin d une structure cubique à faces centrées et un état d énergie caractérisé par la représentation irréductible Γ (i) de dimension d i. Si on tient compte des degrés de liberté de spin, la représentation devient : Γ (i) D (1/2) (5.120) Cette représentation de dimension 2 d i n est généralement pas une représentation irréductible. Le couplage spin-orbite modifie donc les petites représentations puisqu il faudra décomposer les représentations produits sur les représentations irréductibles du groupe double du vecteur d onde. Reprenons l exemple de la symétrie cubique au point Γ. Nous avons vu que le groupe du vecteur d onde est le groupe O h dont la table des caractères est la suivante : m3m (O h ) E 8C 3 3C 2 6C 2 6C 4 I 8S 6 3σ v 6σ d 6S 4 Γ 1 (A 1g ) Γ 2 (A 2g ) Γ 12 (E g ) Γ 15 (T 1g) Γ 25 (T 2g) Γ 1 (A 1u) Γ 2 (A 2u) Γ 12 (E u) Γ 15 (T 1u ) Γ 25 (T 2u ) où on a indiqué pour les petites représentations la nomenclature introduite par Bouckaert, Smoluchowski et Wigner [44]. Pour simplifier l écriture, on a conservé la notation des éléments de symétrie du groupe ponctuel sans distinguer les éléments avec et sans translation fractionnaire. Le groupe double est construit en introduisant un élément de symétrie fictif (R) correspondant à une rotation de 2π telle que R E mais R 2 = E. Nous utiliserons une autre notation souvent utilisée pour laquelle l application de cet opérateur est indiquée par un surlignement, par exemple E = RE. En utilisant les notations désignant les axes de rotations par le nombre désignant l ordre de la rotation (4 pour C 4 ), on obtient la table de caractère pour le groupe double : 252

254 O h E E 3 3 2, 2 4 2, I Z Γ 1, Γ ±χ(z) Γ 2, Γ ±χ(z) Γ 12, Γ ±χ(z) Γ 15, Γ ±χ(z) Γ 25, Γ ±χ(z) Γ 6, Γ ±χ(z) Γ 7, Γ ±χ(z) Γ 8, Γ ±χ(z) la dernière colonne schématisant les autres éléments de symétrie obtenus en appliquant l inversion sur chaque élément Z du groupe. Le caractère associé est donc ±χ(z) selon la parité de la représentation irréductible. On constate qu on a trois représentations additionnelles paires Γ 6, Γ 7 et Γ 8 et trois impaires Γ 6, Γ 7 et Γ 8 (parfois indexées + pour les paires et pour les impaires). La décomposition des produits directs donne : Γ 1 D (1/2) = Γ 6 Γ 2 D (1/2) = Γ 7 Γ 12 D (1/2) = Γ 8 Γ 15 D(1/2) = Γ 6 Γ 8 Γ 25 D(1/2) = Γ 7 Γ 8 (5.121) et les relations similaires pour les représentations impaires (par exemple Γ 15 D (1/2) = Γ 6 Γ 8 ). Tous les niveaux d une structure de bande doivent être ré-indéxés dès lors qu on tient compte de l interaction de spin-orbite puisque toutes les représentations irréductibles sont des représentations additionnelles (spin 1/2) du groupe double. Revenons sur l exemple des semiconducteurs. Bien que le groupe d espace soit non-symmorphe et que par conséquent certains éléments du groupe du vecteur d onde fassent intervenir des translations fractionnaires, la table des caractères au point Γ est similaire à celle du groupe ponctuel O h. En présence de couplage spin-orbite, les états de Bloch calculés à la section précédente et exprimés en fonction de φ 3/2 et de φ 1/2 sont bases des représentations irréductibles additionnelles. Ainsi, à Γ 15, on associe les fonctions impaires : 1 [ φ 1/2 ( r + R l ) + φ 1/2 ( r + ] R l τ) bases de Γ 6 2N l 1 [ φ 3/2 ( r + R l ) + φ 3/2 ( r + ] R l τ) 2N l l bases de Γ 8 (5.122) alors qu à Γ 25, on associe les fonctions paires : 1 [ φ 1/2 ( r + R l ) φ 1/2 ( r + ] R l τ) bases de Γ 7 2N 1 [ φ 3/2 ( r + R l ) φ 3/2 ( r + ] R l τ) 2N l bases de Γ 8 (5.123) Sur la figure 5.15 on a reporté la structure de bande du Ge calculée par Herman [48] en négligeant le spin-orbite et par Chelikowski et M.L. Cohen 253

255 qui en ont tenu compte [46]. Considérons le sommet de la bande de valence au point Γ associé à la petite représentation Γ 25 (dimension 3) dans le calcul sans spin-orbite. L introduction du spin-orbite conduit à une levée de dégénérescence en deux bandes de symétrie Γ 7 et Γ 8. Le même comportement est observé sur le niveau Γ 15 de la bande de conduction. Cette levée de dégénérescence au point Γ est semblable à celle conduisant aux états 2p 3/2 et 2p 1/2 sur les niveaux atomiques. Fig Structure de bande du Germanium : à gauche, en négligeant l interaction de spin-orbite [48] ; à droite, en prenant en compte le spinorbite [46] Renversement du temps et dégénérescence Nous avons vu lors de l étude du renversement du temps que les systèmes à spin demi-entier présentaient au moins une dégénérescence double appelée dégénérescence de Kramers. Nous allons montrer que la dégénérescence, en présence de couplage spin-orbite, dépend pour un vecteur d onde quelconque, du caractère centro-symétrique ou non du potentiel. Dégénérescence de Kramers : Cas sans couplage spin-orbite Considérons un point quelconque de la zone de Brillouin. La partie spatiale de la fonction de Bloch d énergie ε k s écrit simplement : Ψ k ( r) = u k ( r) e i k r (5.124) où u k ( r) a la périodicité du réseau. Si l hamiltonien ne dépend pas du spin, les deux états de spin ( ± ) sont dégénérés et on a : ε k = ε k = ε k (5.125) Par ailleurs, le renversement du temps introduit une dégénérescence supplémentaire. En effet, comme T = iσ y K 0, on a : iσ y K 0 Ψ k ( r) + = Ψ k ( r) = u k ( r) e i k. r (5.126) 254

256 donc l état relève de la représentation associée au vecteur d onde k de sorte que, avec un choix de phase adéquate, on peux écrire : ce qui donne pour l énergie : T Ψ k ( r) = Ψ k ( r) et donc u k ( r) = u k ( r) (5.127) ε k = ε k (5.128) En conclusion lorsque l hamiltonien ne dépend pas du spin, le renversement du temps conduit à une symétrie d inversion pour les relations de dispersion même si le potentiel n est pas invariant par inversion. Dégénérescence de Kramers : cas avec couplage spin-orbite Comme nous l avons vu plus haut, le couplage spin-orbite mélange les états de spin ±1/2 de sorte que pour un point quelconque de la zone de Brillouin, la fonction de Bloch s écrit : ( ) Ψ k ( r, ) = a k ( r) + + b k ( r) e i k. r (5.129) où les fonctions a k ( r) et b k ( r) sont périodiques et une expression similaire est obtenue pour Ψ k ( r, ). Le renversement du temps conduit à : iσ y K 0 Ψ k ( r, ) = ( ) a k ( r) b k ( r) + e i k r (5.130) c est à dire un état de base de la représentation associée à k et de moment cinétique inversé que l on peut noter Ψ k ( r, ). Attention ne désigne pas un état de spin +1/2 mais un état de moment cinétique total positif. On a donc pour l énergie : ε k = ε k et ε k = ε k (5.131) Le couplage spin-orbite a donc levé la dégénérescence au point k puisqu en règle générale ε k ε k. La dégénérescence de Kramers est toujours satisfaite puisque l état de vecteur d onde k et de moment cinétique a même énergie que l état de vecteur d onde k et de moment cinétique. Si le potentiel admet l inversion comme élément de symétrie c est à dire si V ( r) = V ( r)), on a en appliquant d abord l inversion, qui renverse le vecteur d onde : ( ) P I Ψ k ( r, ) = a k ( r) + + b k ( r) e i k r (5.132) puis le renversement du temps ) T P I Ψ k ( r, ) = (a k ( r) b k ( r) + e i k r (5.133) étant donné que T + = et T = +, Avec le choix de phase habituelle (a k = a k ), on obtient : T P I Ψ k ( r, ) = ( ) a k ( r) b k ( r) + e i k r = Ψ k ( r, ) (5.134) 255

257 On obtient alors l égalité : ε k = ε k (5.135) La symétrie d inversion ré-introduit une dégénérescence double pour chaque vecteur k. Le couplage spin-orbite lève donc la dégénérescence de façon différente selon que le groupe est centrosymétrique ou non. Nous résumons sur la figure 5.16, le problème de la dégénérescence au voisinage du centre de zone de Brillouin pour une direction quelconque. L absence du couplage spinorbite conduit à la dégénérescence ε k = ε k. La situation reste la même en présence de spin-orbite si le groupe admet l inversion comme élément de symétrie. En revanche, une levée de dégénérescence est attendue si l inversion n est pas un élément de symétrie du groupe. ε ε ε Fig Dégénérescence dans une direction quelconque ; (a) en absence de couplage spin orbite, (b) en présence de spin-orbite pour un cristal centrosymétrique, (c) en présence de spin-orbite pour un cristal noncentrosymétrique. Renversement du temps sans effets de spin Wigner a montré que, le renversement du temps étant un opérateur antiunitaire, il ne peut pas être traité de la même façon que les opérateurs de symétrie géométrique. Toutefois, il a également démontré que l étude des représentations du groupe des opérateurs unitaires et de leurs représentations complexes conjuguées permet de savoir si le renversement du temps introduit une dégénérescence supplémentaire. De plus, un examen des caractères d une représentation irréductible suffit pour déduire la nature des représentations D et D. En effet, le critère de Frobénius et Schur établit que : χ (j) (R 2 ) = R +h cas a 0 cas b h cas c où χ (j) (R 2 ) est le caractère de la représentation irréductible D (j) pour l éléments R 2. -cas (a) : D (j) peut être mis sous une forme réelle et il n y a pas de dégénérescence supplémentaire, 256

258 -cas (b) : D (j) et D (j) sont inéquivalentes, ce qui double la dégénérescence (D (j) et D (j) apparaissent toujours ensemble et doivent être considérées comme une paire), -cas (c) : D (j) et D (j) sont équivalentes mais ne peuvent pas être mis sous forme réelle. Il y a un doublement de la dégénérescence. Ce critère n est pas adapté pour les groupes d espace puisque le nombre des éléments des groupes d espace est infini. Herring a simplifié ce test en montrant qu on peut obtenir un critère similaire sur les éléments d un ensemble fini [49]. Le nouveau critère proposé par Herring s exprime selon : +n cas a χ (j) (Q 2 ) = 0 cas b Q n cas c (5.136) où les éléments Q sont les éléments du groupe d espace qui transforment k en - k et n leur nombre. Comme Q transforme k en - k, l ensemble des Q 2 forme le groupe du vecteur d onde. Les caractères χ (j) (Q 2 ) sont ceux d une représentation irréductible du groupe du vecteur d onde. De plus, si le groupe d espace contient l inversion, et si le groupe du vecteur d onde contient également l inversion, alors les Q sont simplement les éléments R k du groupe du vecteur d onde. En effet, si l inversion fait partie du groupe du vecteur d onde, on doit avoir k = k ou k = k + G. Si le groupe du vecteur d onde ne contient pas l inversion, les éléments Q sont les éléments IR k. On vérifie que Q 2 laisse bien le vecteur k inchangé. Les χ (j) (Q 2 ) sont alors les caractères de la représentation D (j) du groupe du vecteur d onde pour l élément R 2 (I 2 = 1). Renversement du temps avec effet de spin-orbite Pour des systèmes à spin demi-entier, nous avons vu que le critère de Wigner conduit à des conclusions différentes sur la dégénérescence. Il en est de même pour le critère modifié de Herring, les trois cas deviennent : -cas (a) : D (j) peut être mis sous une forme réelle, il y a une dégénérescence supplémentaire par renversement du temps, -cas (b) : D (j) et D (j) sont inéquivalentes et le renversement du temps double donc la dégénérescence (D (j) et D (j) forment toujours une paire), -cas (c) : D (j) et D (j) sont équivalentes mais ne peuvent pas être mis sous forme réelle. Il n y a pas de dégénérescence additionnelle. Il faut noter que, par rapport à la situation sans spin, les cas (a) et (b) sont inversés. Considérons le cas particulier où il n y a aucun élément du groupe qui transforme k en k. Dans ce cas, k n appartient pas à l étoile de k. Par ailleurs, les fonctions de Bloch Ψ (i) = k Ψ(i) se transforme selon la représentation D ( k) = D ( k). D ( k) et D ( k) sont inéquivalentes ce qui conduit k à doubler la dégénérescence. On retrouve ce résultat à partir du critère de Herring (équation 5.136) : il n existe aucun élément Q transformant k en k et la somme dans le critère est nulle. La situation relève bien du cas (b). 257

259 Illustration : structure de bande des semiconducteurs Nous allons illustrer l effet du couplage de spin-orbite sur la structure de bande des semiconducteurs, en particulier au voisinage du point Γ pour le sommet de la bande de valence, de symétrie Γ 25 et le point Γ 15 de la bande de conduction. Reprenons dans un premier temps l exemple du Si pour lequel le couplage spin-orbite, très faible, peut être négligé. Considérons le centre de la zone de Brillouin (Γ) et en particulier les états de symétrie Γ 15 ou Γ 25. L inversion étant un élément de symétrie du groupe du vecteur d onde pour k = 0, on doit considérer l ensemble des éléments du groupe de k. La table des caractères : Q E 8C 3 3C 2 6C 2 6C 4 I 8S 6 3σ v 6σ d 6S 4 Q 2 E 8C 3 3E 6E 6C 2 E 8C 3 3E 6E 6C 2 χ (Γ15) (R 2 ) permet de calculer le critère de Herring : χ (Γ15) (Q 2 ) = 48 Q ce qui conduit à la conclusion que les représentations Γ 15 et Γ 15 sont réelles et que le renversement du temps n introduit pas de dégénérescence supplémentaire. Un résultat similaire est obtenu pour Γ 25. Nous avons vu que dans la direction, le groupe ponctuel est C 4v (4mm). Nous avons vu que pour les groupes non-symmorphes, on peut conserver la table des caractères du groupe ponctuel corrrespondant à condition de multiplier par e i k τ les caractères associés aux éléments de symétrie avec une translation fractionnaire. Toutefois, comme on s intéresse aux levées de dégénérescence au voisinage du centre de zone, on peut considérer la limite ( k 0) et donc e i k.τ = 0. Par conséquent, la table des caractères s identifie, dans cette limite, à celle du groupe ponctuel correspondant et, pour simplifier l écriture, on ne conservera que la forme des opérations ponctuelles sans exprimer les éventuelles translations fractionnaires : E C 2 2C 4 2σ v 2σ d La représentation Γ 15 se décompose (équation 5.93) sur 1 (non dégénérée) et 5 (doublement dégénérée) alors que le représentation Γ 25 se décompose (équation 5.94) sur 2 (non dégénérée) et 5. On a donc : Γ 15 = 1 5 et Γ 25 = 2 5 (5.137) Comme C 4v ne contient pas l inversion, il faut appliquer le critère de Herring sur les éléments de IC 4v. On construit le tableau : 258

260 C 4v E C 2 2C 4 2σ v 2σ d Q = IC 4v I σ v S 4 C 2 C 2 Q 2 E E C 2 E E où C 2 représente un axe d ordre 2 contenu dans un plan σ v ou σ d et perpendiculaire à l axe d ordre 4. Le critère de Herring χ (j) (Q 2 ) donne 8 quelle que soit la représentation irréductible de C 4v, ce qui signifie qu aucune dégénérescence supplémentaire n est introduite par le renversement du temps (D et D réelles). On peut vérifier sur la structure de bande du Ge (calcul sans spin orbite) que 2 bandes émergent des points Γ 15 et Γ 25 dans la direction (figure 5.15). Dans la direction (110) ou Σ, le groupe ponctuel est C 2v (ou 2mm), et la table des caractères, dans la limite k 0 est : Σ E C 2 σ v (xz) σ v (xz) Σ Σ Σ Σ Les caractères des représentations irréductibles Γ 15 et Γ 25 de O h : C 2v E C 2 σ v (xz) σ v (xz) Γ Γ permettent de les décomposer sur les représentations irréductibles de C 2v : Γ 15 = Σ 1 Σ 3 Σ 4 Γ 25 = Σ 1 Σ 2 Σ 3 (5.138) On vérifie que le renversement du temps n introduit pas de dégénérescence supplémentaire. Comme C 2v ne contient pas l inversion, il faut appliquer le critère de Herring sur les éléments de IC 2v. On construit le tableau : C 2v E C 2 σ v σ v Q = IC 2v I σ v C 2 C 2 Q 2 E E E E Par conséquent le critère de Herring pour les quatre représentations irréductibles de C 2v donne χ(q 2 ) = 4 et le renversement du temps n introduit aucune dégénérescence supplémentaire (D et D réelles). On en conclut que suivant la direction Σ, trois bandes émergent des points Γ 15 et Γ 25, ce qui est bien visible sur la figure Introduisons le couplage spin-orbite, ce qui est nécessaire dans les semiconducteurs à partir du Ge et intéressons nous aux éventuelles levées de dégénérescence. Il faut construire les groupes doubles. Cette problématique a été étudiée en détail par Elliot [47, 50]. Nous avons vu qu au point Γ, 259

261 le couplage spin orbite lève la dégénérescence des niveaux Γ 15 et Γ 25 selon (equation 5.121) : Γ 15 D (1/2) = Γ 6 Γ 8 Γ 25 D(1/2) = Γ 7 Γ 8 où Γ 7 et Γ 6 sont de dimension deux et Γ 8 et Γ 8 de dimension quatre. Nous allons étudier comment ces états se décomposent suivant les directions et Σ pour une structure centro-symétrique. Dans la direction, le groupe ponctuel est C 4v. Le groupe double C 4v fait apparaître deux représentations additionnelles 6 et 7. La table des caractères du groupe double, au voisinage immédiat du point Γ vaut : C 4v E E 2C 4 2C 4 C 2, C 2 2σ v, 2σ v 2σ d, 2σ d Le produit direct des représentations du groupe simple C 4v avec la partie de spin (représentation D (1/2) ) donne : i i D (1/2) La décomposition donne, au voisinage de Γ dans la direction : Γ 6 = Γ 6 = 6 Γ 7 = Γ 7 = 7 (5.139) Γ 8 = Γ 8 = 6 7 Pour la direction Σ, il faut considérer le groupe double C 2v. Celui ci comporte une seule représentation additionnelle : C 2v E E C 2, C 2 σ v, 2σ v σ v, 2σ v Σ C est à dire que les quatre représentations irréductibles du groupe vérifie : La décomposition donne de façon triviale : Σ i D (1/2) = Σ 5 pour i=1,...,4 (5.140) Γ 6 = Γ 6 = Σ 5 Γ 7 = Γ 7 = Σ 5 (5.141) Γ 8 = Γ 8 = 2Σ 5 On obtient donc des bandes doublement dégénérées. 260

262 Que se passe-t-il si le potentiel n admet plus l inversion comme élément de symétrie comme par exemple dans la structure de type blende comme pour GaAs. Par rapport à la structure diamant, le motif atomique est constitué de deux atomes de nature différente, l un (Ga) en (000), l autre (As) en a/4(111). Le centre d inversion de la structure diamant, situé au point a/8( e x + e y + e z ) n existe plus et le groupe d espace devient F 43m. L étude des groupes doubles de ce groupe non-symmorphe est plus complexe que pour le groupe du diamant [53, 54]. Le groupe du vecteur d onde au point Γ est le groupe ponctuel T d (43m). Si on tient compte du spin, il faut introduire le groupe double dont la table des caractères est la suivante : T d E E 8 C 3 8 C 3 3C 2, 3C 2 6σ d, 6σ d 6 S 4 6 S 4 Γ Γ Γ Γ Γ Γ Γ Γ où les cinq premières représentations sont celles de T d alors que Γ 6, Γ 7 et Γ 8 sont les trois représentations additionnelles. Ici encore, les deux représentations associées aux combinaisons des états p du Ga et de l As sont trois fois dégénérées (Γ 15 et Γ 25 ). Lorsqu on introduit le spin, il faut décomposer les produits directs Γ i D (1/2) sur les représentations additionnelles. On trouve : Γ 15 D (1/2) = Γ 7 Γ 8 et Γ 25 D (1/2) = Γ 6 Γ 8 (5.142) Les bandes six fois dégénérées (3 2 pour le spin) en absence de spin-orbite aux points Γ 15 et Γ 25, donnent naissance à trois bandes respectivement deux fois (Γ 6 et Γ 7 ) et quatre fois dégénérées (Γ 8 ). Dans la direction, le groupe du vecteur d onde est C 2v. La table des caractères du groupe double associé C 2v est : C 2v E E C 2, C 2 σ v, σ v σ v, σ v avec une seule représentation additionnelle 5. En absence de spin-orbite, les représentations Γ 15 et Γ 25 associées aux états p se décomposent suivant les représentations du groupe simple suivant : Γ 15 = Γ 25 = (5.143) 261

263 Toutefois, le critère de Herring montre que 3 et 4 sont dégénérées par renversement du temps. En effet, seul l élément de symétrie S 4 du groupe d espace T d transforme un vecteur d onde k de la direction en k. Comme S 2 4 = C 2, il faut considérer le caractère de C 2 pour chaque représentation irréductible du groupe C 2v du vecteur d onde. On remarque pour 1 et 2, ce caractère vaut +1 alors que pour 3 et 4 il vaut -1. On en conclut que, pour un système sans spin, 1 et 2 relèvent du cas (a), c est à dire qu il n y a pas de dégénérescence supplémentaire, et que 3 et 4 relèvent du cas (c), c est à dire que le renversement du temps relie les états de base des deux représentations 3 et 4 et double ainsi la dégénérescence. Cela signifie que deux fonctions de même vecteur d onde sont dégénérées puisque l opération S 4 suivi du renversement du temps T (S 4 transforme une fonction de vecteur d onde k suivant en k et T de k en k). Par conséquent, deux bandes émergent des points dans la direction. Lorsqu on tient compte du spinorbite, il faut prendre les produits directs i D (1/2) qui donnent tous 5 quelle que soit la représentation i du groupe simple. Par conséquent, les représentations additionnelles du groupe double T d se décomposent de façon triviale suivant : Γ 6 = 5 Γ 7 = 5 (5.144) Γ 8 = 2 5 Les bandes de symétrie Γ 6 et Γ 7 donnent chacune une bande doublement dégénérée de symétrie 5 alors qu une bande de symétrie Γ 8 se décompose en deux bandes doublement dégénérées, également de symétrie 5. Enfin, suivant la direction Σ, le groupe du vecteur d onde est C s, dont le groupe double est caractérisé par la table : C s E E σ h σ h Σ Σ Σ i -i Σ i i Les représentations Γ 15 et Γ 25 se décomposent sur les représentations du groupe simple suivant : Γ 15 = 2Σ 1 Σ 2 Γ 25 = Σ 1 2Σ 2 (5.145) Ces deux représentations correspondent au cas (a) puisqu elles sont réelles. Il n y a donc pas de dégénérescence supplémentaire due au renversement du temps. Si on utilise le critère de Herring, les éléments du groupe qui transforment k en k se limitent, pour la direction Σ, à l axe C 2 perpendiculaire à la direction (110). Par conséquent, le critère donne χ(c2 2 ) = χ(e) = 1, et donc correspond au cas (a). 262

264 En présence de spin-orbite, on décompose les produits directs Σ i D (1/2) sur les représentations additionnelles du groupe double. Comme Σ i D (1/2) = Σ 3 Σ 4 pour i = 1, 2 on a : Γ 6 = Σ 3 Σ 4 Γ 7 = Σ 3 Σ 4 Γ 8 = 2Σ 3 2Σ 4 (5.146) Toutefois, il faut noter que les Σ 3 et Σ 4 sont des représentations complexes, conjuguées l une de l autre. Elle relèvent donc du cas (c), c est à dire que le renversement du temps n introduit pas de dégénérescence supplémentaire. Toutefois, comme les deux représentations sont complexes conjuguées, un état de base de Σ 3, de vecteur d onde k, donne par renversement du temps un état de base de Σ 4, de vecteur d onde k. pour la direction Σ, l introduction du couplage spin-orbite entraîne donc une levée complète de dégénérescence et par exemple, quatre bandes sont issues du point Γ 8. Fig A gauche : structure de bande du Ge (structure diamant) ; à droite, structure de bande de GaSb (structure blende) [46]. On note la levée de dégénérescence dans la direction Σ pour la structure blende. La figure 5.17 montre la comparaison des diagrammes de bande de Ge (structure diamant) et GaSi (structure blende). On vérifie bien que dans la direction, les dispersions sont similaire pour les composés centrosymétrique et non- centrosymétrique. En revanche, l absence d inversion conduit à une levée de dégénérescence plus importante pour la direction Σ. Toutefois, il faut noter que la séparation en énergie entre les différents états Σ 3 et Σ 4 est faible. La brisure de l inversion apparaît également à la surface de cristaux centrosymétriques. Ainsi, un cristal d or, qui cristallise dans une structure cubique à faces centrée, présente pour une surface (111), une bande interdite au voisinage du point L. A l intérieur de cette bande interdite se développent des solutions particulières de l équation de Schrödinger résultant de la brisure d invariance par translation due à la surface. Ces états électroniques, appelés états de surface, sont des états de Bloch bi-dimensionnels avec un 263

265 caractère d onde évanescente dans la direction perpendiculaire à la surface. Ils sont, pour les surfaces (111) des métaux nobles, caractérisés par une dispersion parabolique pour un vecteur d onde dans le plan de la surface. La présence de la surface induit également la disparition du centre d inversion pour les états de surface. Le couplage spin-orbite, important pour l or, conduit alors à la séparation en deux bandes de spin-orbite qui sont observables expérimentalement par spectroscopie de photoémission (figure 5.18). Fig Mesures de photoémission résolue en angle montrant la dispersion de l état de surface d une surface d or. Deux bandes de spin-orbite dispersent paraboliquement. 264

266 Chapitre 6 Epilogue : symétries exotiques 6.1 Introduction Les transformations dans l espace ou le temps ne constituent pas les seules symétries d un système. En effet, les lois de la physique sont les mêmes dans toutes directions et en tout point de l espace et du temps mais également pour des observateurs en mouvement relatif les uns par rapport aux autres. Ainsi, la théorie de la relativité restreinte établit que les référenciels non-accélérés sont équivalents. L hamiltonien doit donc être invariant par les transformations de Lorentz (groupe de Lorentz). On peut considérer ces transformations comme des rotations dans l espace à 4 dimensions (x, y, z, ict), c est à dire avec une quatrième dimension temporelle et imaginaire. Si on combine le groupe de Lorentz avec les translations et l inversion dans l espace et le temps, on obtient le groupe de Poincaré. Il faut également mentionner, comme invariance possible, la conjugaison de charge. Cette opération de symétrie consiste à remplacer chaque particule élémentaire par son antiparticule. Il faut noter que les opérateurs inversion, P, renversement du temps, T, et conjugaison de charge, C, commutent mutuellement et commutent avec les opérateurs du groupe de Lorentz. On peut se demander si les lois de la nature sont invariantes par ces trois transformations fondamentales ; c est à dire par exemple si on obtient un univers possible en transformant toutes les particules par leurs antiparticules, en renversant le sens du temps ou en considérant l inversion des coordonnées d espace. Ces considérations font l objet de la première section de ce chapitre qui traite de la violation de la parité. Dans une deuxième partie, nous verrons que les dégénérescences accidentelles reflètent, la plupart du temps, des symétries cachées. Nous préciserons ce concept en l illustrant sur l exemple de l atome d hydrogène. Enfin, les deux dernières sections sont consacrées au rôle de la symétrie en physique nucléaire et en physique des particules. Nous introduirons le concept d isospin et nous verrons rapidement comment le groupe SU(3) apparaît comme le groupe de symétrie des interactions fortes. 265

267 Ces deux dernières sections montrent un aspect nouveau de la symétrie. En effet, la physique des particules a démontré la puissance de la symétrie pour développer de nouveaux modèles. En effet, contrairement à la physique atomique, la physique du solide ou la chimie quantique, qui relèvent toutes de l électrodynamique, (la mieux connue de toutes les interactions), la physique des particules fait intervenir les interactions faible et forte qui sont beaucoup moins bien connues. Toutefois, l hypothèse de symétries sous-jacentes permet de sélectionner des théories possibles qui peuvent, ensuite, être confrontées à l expérience. 6.2 La violation de la parité L inversion : une symétrie des lois physiques? L inversion est une opération de symétrie qui consiste à transformer r en r. Lorsqu un système présente une propriété d invariance par inversion, les états propres de l hamiltonien sont soit des fonctions paires, soit des fonctions impaires. C est le cas par exemple de l oscillateur harmonique. Par ailleurs, en physique du solide, les groupes de symétrie des cristaux peuvent présenter des centres d inversion, ce qui conduit à des propriétés particulières. Par exemple, l absence d un centre d inversion est nécessaire pour obtenir de la piézoélectricité. Plus fondamental est de savoir si les lois de la nature, elles mêmes, sont invariantes par inversion. Pour cela, il faut que l hamiltonien commute avec l opérateur inversion. En électrodynamique, tous les termes de l hamiltonien sont des scalaires. Souvent, ils se mettent sous la forme d un produit scalaire de deux vecteurs polaires comme, par exemple, l énergie cinétique qui, dans la limite non relativiste, s exprime comme (1/2m) p. p ou l interaction dipolaire électrique d. E. On a également des produits de deux vecteurs axiaux. Ces vecteurs se comportent différemment des vecteurs polaires lors d une inversion puisqu ils restent inchangés. C est le cas des hamiltoniens Zeeman et de spin-orbite qui sont des termes scalaires. On ne rencontre jamais, en électrodynamique, de termes s exprimant comme un produit d un vecteur axial avec un vecteur polaire. Un tel terme serait un pseudo-scalaire et ne commuterait pas avec l inversion. L électrodynamique est invariante par inversion. Comme l inversion est le produit d une rotation de π et d une symétrie par rapport à un miroir, il est impossible de distinguer la droite de la gauche par une expérience d électromagnétisme L inversion et l interaction faible On pensait que la nature, c est à dire les quatre interactions, présentait ces propriétés d invariance sous l effet de C, P et T jusqu à ce que Lee et Yang en 1956 [11] suggèrent que la conservation de la parité pouvait être violée dans des processus nucléaires faisant intervenir l interaction faible. La violation de la parité fut alors testée expérimentalement, notamment la désexcitation β de noyaux de Co 60 [12]. Dans cette expérience, on aligne 266

268 les spins nucléaires par un champ magnétique appliqué et on détermine la distribution angulaire des particules β obtenues par désintégration radioactive : Co 60 Ni 60 + e + ν La conservation de la parité conduit à une distribution symétrique par rapport au noyau ou par rapport à un plan perpendiculaire au champ appliqué (l inversion correspond au produit d une rotation de π et d une symétrie miroir). Une violation de la parité doit en revanche se manifester par une asymétrie de la distribution des particules β. L expérience montre effectivement que les particules β sont preférentiellement émises dans la direction du champ magnétique comme illustré schématiquement sur la figure 6.1. Sur cette figure, on a représenté un noyau de Co de moment magnétique µ associé au spin nucléaire I. La particule β est émise dans la direction du champ appliqué. Après application de l inversion, seule la vitesse de la particule β est inversée, les autres quantités étant des vecteurs axiaux. On conclut donc que l inversion n est pas une symétrie du problème, ou en d autres termes que la nature fait une différence entre la gauche et la droite. De même, la conjugaison de charge renverse le sens du champ et du moment magnétique du noyau mais ne modifie pas la direction de la particule émise et n est donc pas une symétrie du problème. En revanche, le produit P C change à la fois le champ, le moment magnétique et la vitesse de la particule β et apparaît comme une symétrie du problème. B µ V β (a) B µ (b) I - P I - V* β C PC V β I* I* µ + µ + B (c) B V* β (d) Fig. 6.1 (a) désexcitation β d un noyau de Co, (b) par inversion, seule la vitesse des particules β est inversée (vecteur polaire), (c) par conjugaison de charge, le champ et le moment magnétique sont inversés, (d) sous les effets conjoints de la parité et de la conjugaison de charge, le moment magnétique d u noyau et la vitesse de la particule émise sont toutes 2 renversées. (Le champ B est créé par une boucle de courant. Par conjugaison de charge, le sens du courant étant inversé le champ change de signe, le symbole désigne les quantités associées aux antiparticules.) Toutefois, les lois de la nature ne sont pas complètement invariantes par l opération CP. En 1964, il a été montré sur la désintégration des kaons neutres que l interaction faible ne conserve pas exactement la symétrie CP 267

269 [58]. En revanche, si on combine l opération CP avec le renversement du temps, on obtient une symétrie qui n a jamais été prise en défaut expérimentalement (invariance ou théorème CP T ). 6.3 Les symétries cachées Dégénérescence accidentelle, atome d hydrogène Nous avons vu au chapitre 1 que la dégénérescence d un niveau d énergie est liée à la symétrie, et en particulier à l existence d opérateurs de symétrie qui ne commutent pas mutuellement. Ainsi par exemple, l invariance par rotation conduit à la conservation du moment cinétique l et à la dégénérescence des (2l + 1) états propres de l z (isotropie de l espace). Cette dégénerescence essentielle, due à la symétrie, traduit le caractère irréductible de l espace des états associé à un niveau d énergie. Ce résultat, parfois appelé principe de Wigner, signifie qu un niveau d énergie correspond à une représentation irréductible et une seule du groupe de symétrie. Toutefois, il arrive qu un niveau d énergie apparaisse réductible, on peut alors lui associer plusieurs représentations irréductibles. On parle alors de dégénérescence accidentelle. C est le cas par exemple de l hamiltonien de l atome d hydrogène qui conduit à une dégénérescence d états de symétries différentes. En effet, l énergie est donnée par : H = p2 2m e2 et E n = me4 /2 h 2 r n 2 (6.1) où n est un entier positif non nul. Des états de moment cinétique l avec 0 l n 1 ont même énergie et l espace associé à E n se décompose sur n espaces irréductibles par rapport au groupe des rotations : E n = E(n, l = 0) E(n, l = 1)... E(n, l = n 1) (6.2) où E(n, l) représente un espace irréductible associé à la représentation D (l) du groupe SO(3). Nous allons voir que le principe de Wigner est préservé et que cette dégénerescence accidentelle reflète une symétrie cachée de l hamiltonien Le vecteur de Laplace-Runge-Lenz En mécanique classique, le potentiel coulombien n est pas un potentiel central quelconque. En effet, la trajectoire est fermée, c est une ellipse dont la position dans l espace reste fixe. Une modification de la forme du potentiel conduit à une précession de l ellipse. Ce comportement remarqué par Laplace dès 1799 a conduit celui-ci à identifier une grandeur vectorielle conservée [59, 60]. En effet, considérons le vecteur A : A = p l m e2 r r (6.3) On montre facilement que A est une constante du mouvement. En effet, comme l est invariant, on a : da dt = d p dt l m e2 d r r dt + e2 ( r p) mr 3 r 268

270 puisque 1 r 2 dr dt = ( r. p) mr 3. En utilisant l = r p et p = m d r dt, on obtient : da dt = (d p dt. p) r m (d p dt r) p m e2 mr p + e2 ( r p) mr 3 r L équation de Newton qui s écrit ici : d p dt = e2 r 3 r conduit à : da dt = 0 (6.4) A est un vecteur qui est perpendiculaire au moment cinétique ( A l = 0) et dirigé sur le grand axe de l ellipse (figure 6.2). Son module est uniquement déterminé par les constantes du mouvement E (énergie) et l 2 : A 2 = e 4 + 2E l 2 m (6.5) Le système possède six constantes du mouvement (les six composantes de l et A) en plus de l énergie. Fig. 6.2 Trajectoire elliptique d une particule dans un potentiel en 1/r, le vecteur de Laplace A est dans la direction du grand axe. Si le potentiel s écarte de la forme coulombienne en 1/r, A n est plus conservé. La trajectoire n est alors plus fermée. Si l écart est faible, la trajectoire reste proche d une ellipse, on peut la concevoir comme une trajectoire elliptique qui précesse. C est le cas du mouvement de la terre autour du soleil. Le potentiel gravitationnel est essentiellement dû au soleil mais la présence des autres planètes introduit une faible perturbation, et A tourne lentement autour le l axe perpendiculaire au plan de la trajectoire. En mécanique quantique, on définit l opérateur associé au vecteur de Laplace-Runge-Lenz par l opération de symétrisation : A = p l l p 2m e2 r r (6.6) 269

271 L invariance de A se manifeste par la relation de commutation : Par ailleurs, l opérateur A 2 s exprime comme : [H, A] = 0 (6.7) A 2 = e 4 + 2H ( l 2 + h 2 ) m (6.8) On peut montrer que les composantes de A vérifient les relations de commutation : [A i, A j ] = 2i h m ε ijk H l k (6.9) les calculs sont détaillés dans le livre de Greiner [56]. Ces relations définissent, avec les relations du moment cinétique, l algèbre de Lie du groupe de symétrie de l hamiltonien H. Les opérateurs A et l sont couplés comme le montrent aussi les relations de commutation entre les composantes de ces deux opérateurs vectoriels : [A i, l j ] = i h ε ijk A k (6.10) On peut définir deux opérateurs vectoriels à partir de l et A qui présentent des relations de commutation découplées. Définissons tout d abord l opérateur k : m k = A 2E (6.11) qui est défini pour les états liés, d énergie négative. On peut définir deux nouveaux opérateurs : I 1 = 1 2 ( l + k) I 2 = 1 2 ( l (6.12) k) Ces opérateurs satisfont les relations suivantes : [I 1i, I 1j ] = i h ε ijk I 1k [I 2i, I 2j ] = i h ε ijk I 2k (6.13) [I 1i, I 2j ] = 0 Ces relations de commutation sont semblables à celles de deux moments cinétiques, elles définissent l algèbre de Lie d un groupe homomorphe au produit direct SO(3) SO(3). Les représentations de ce groupe peuvent alors se construire à partir du produit direct des représentations D (I 1) D (I 2). Comme H commute avec I 1 et I 2, les états propres de H sont états propres de I 2 1, I2 2, I 1z et I 2z. Nous avons vu que classiquement l et k sont orthogonaux. En mécanique quantique, les deux opérateurs associés vérifient l. k = 0. Donc d après leur définition, I 2 1 = I2 2 = (l2 +k 2 )/4. Pour tous les niveaux de l atome, les valeurs propres sont les mêmes (I 1 = I 2 = I) et leur dégérescence est celle de D (I) D (I) c est à dire (2I + 1) 2. De plus, d après les relations de commutation, I peut être entier ou demi-entier (seul l est contraint à être un entier). Par conséquent (2I + 1) peut être un entier positif non nul quelconque et on 270

272 retrouve la dégénérescence bien connue (n 2 ) de l atome d hydrogène. On peut maintenant déduire le spectre en énergie de l atome d hydrogène. D après la relation 6.8, en exprimant A 2 et l 2 en fonction de I1 2 et I2 2 et en appliquant sur un état propre, on a : 2E m [ 4I(I + 1) h 2 + h 2] = e 4 (6.14) ce qui permet de retrouver la relation donnant l énergie de l atome d hydrogène : E = me4 1 2 h 2 (2I + 1) 2 = 1 me4 2 h 2 n 2 (6.15) Le moment cinétique de l électron s exprime à partir des vecteurs I 1 et I 2 : l = I1 + I 2 (6.16) La représentation irréductible D (I) D (I) du groupe SO(3) SO(3) est donc réductible par rapport au groupe SO(3). La décomposition en représentations irréductibles (combinaison des moments cinétiques) conduit à : D (I) D (I) = D (0) D (1)... D (2I) (6.17) Comme n = 2I + 1, on voit qu on obtient une somme directe de D (l) avec l compris entre 0 et (n 1) Le groupe SO(4) Le groupe des rotations dans un espace à trois dimensions SO(3) est défini à partir des relations de commutation du moment cinétique l qui est donné par : l = r p où r = (r 1, r 2, r 3 ) et p = (p 1, p 2, p 3 ), et vérifie : [r i, p j ] = i h δ ij (6.18) Les composantes de l sont associées aux trois couples des composantes de r et p : l = (l23, l 31, l 12 ) où l ij = r i p j r j p i. Voyons comment ces relations peuvent s étendre à un système à quatre dimensions (i, j = 1, 2, 3, 4). On a alors six couples ij et six composantes de moment cinétique (l 23, l 31, l 12, l 14, l 24, l 34 ). Dans un espace à quatre dimensions, le moment cinétique, qui est un vecteur axial et donc un tenseur antisymétrique de rang 2, possède six composantes (dans un espace à deux dimensions, il n en possède qu une!). On peut vérifier que les trois composantes de k peuvent être considérées comme les trois autres composantes du moment cinétique : l 23 = l x, l 31 = l y, l 12 = l z (6.19) l 14 = k x, l 24 = k y, l 34 = k z 271

273 En effet, elles satisfont les relations de commutation d un moment cinétique puisque : [l i, l j ] = i h ε ijk l k [k i, l j ] = i h ε ijk k k [k i, k j ] = i h ε ijk l k (6.20) Le groupe de symétrie de l atome d hydrogène est donc isomorphe au groupe spécial orthogonal, groupe de rotation propre SO(4). Si on tient compte de l inversion, le groupe est O(4). Il ne correspond pas à une symétrie géométrique de l atome d hydrogène puisque les quatrièmes composantes (r 4 et p 4 ) sont fictives. Il admet comme sous-groupe le groupe de symétrie SO(3) engendré par les opérateurs de moment cinétiques l i. 6.4 Le groupe de l isospin Généralités Comme nous l avons expliqué dans l introduction de ce cours, la symétrie a joué un rôle primordial dans le développement de la physique des particules. En effet, contrairement à la physique atomique qui fait intervenir une interaction bien connue (les interactions électrodynamiques), la physique du noyau et des particules élémentaires relève des interactions faibles et fortes beaucoup moins connues. On part du principe que les lois de la nature sont des conséquence de symétries sous-jacentes aux théories physiques. La symétrie sert alors de guide pour sélectionner les théories possibles pour décrire ces interactions. On cherche alors à construire le groupe de symétrie d un hamiltonien a priori insuffisamment connu. C est ainsi que la symétrie a permis de prédire l existence et la masse de nouvelles particules et d obtenir des informations sur l hamiltonien. En physique des particules, l une des principales caractéristiques est la masse des particules. D une certaine façon, il y a une analogie entre la physique atomique et la physique des particules : les différentes masses jouent le rôle des niveaux d énergies qui déterminent l état d un atome. Le concept d isospin illustre cette analogie. En effet, les mesures expérimentales ont montré que les masses du proton et du neutron sont très voisines : Masse (MeV) spin durée de vie proton 938,213 1/2 stable neutron 939,507 1/2 918 s Cette dégénérescence en masse suggère d introduire une symétrie interne à l origine de cette similitude entre les deux particules. Neutron et proton, qui se comportent de la même façon vis à vis des interactions fortes, peuvent être considérés comme des états d une même particule, le nucléon. Bien sûr, ils se distinguent par leur comportement électromagnétique puisque le proton est chargé alors que le neutron ne l est pas. De plus, les deux particules se discernant par leur charge, le principe de Pauli ne s applique pas. 272

274 6.4.2 L isospin Proton et neutron Considérons deux noyaux proches, le tritium (un proton+deux neutrons) et l hélium 3 (deux protons + un neutron). L énergie de ces deux noyaux peut s écrire : E( 3 He) = T + 2V np + V pp + Vpp c E( 3 He) = T (6.21) + 2V np + V nn où T et T désignent les énergies cinétiques des nucléons dans les noyaux, V np, V pp et V nn correspondent aux énergies d interaction neutron-proton, proton-proton et neutron-neutron dues à l interaction forte et enfin Vpp c est la répulsion coulombienne entre protons. Les données expérimentales permettent d estimer la différence des énergies d interaction entre deux protons et entre deux neutrons. On trouve : V pp V nn 0.08 MeV qui est environ 10 4 l énergie de masse d un nucléon. Les interactions nucléaires entre deux protons ou deux neutrons sont très semblables. Il est tentant d interpréter ces similitudes de comportement comme le résultat d une symétrie de l interaction forte. C est là l origine du formalisme d isospin. Le neutron et le proton apparaissent comme deux états dégénérés d une même particule ; états qui engendrent un espace vectoriel de dimension 2 comme l espace de spin engendré par un spin un-demi d où le nom de formalisme d isospin. Le formalisme d isospin Appelons les deux états associés au proton et au neutron p et n, respectivement. On peut écrire pour l énergie : H p = Mc 2 p, et H n = Mc 2 n (6.22) L analogie avec les états de spin 1/2 conduit à écrire : t z p = 1 2 p, et t z n = 1 n, (6.23) 2 t z rappelle s z. On peut par analogie introduire les opérateurs t ± = t x ± it y qui échangent les deux états : t p = n, et t + n = p. (6.24) De même, p et n sont états propres de t 2 = t 2 x+t 2 y+t 2 z avec la valeur propre 1/2(1/2+1). On peut vérifier également que les trois opérateurs t i satisfont des relations de commutations similaires à celles entre composantes du spin : Ces relations définissent l algèbre de Lie de SU 2. [t i, t j ] = iε ijk t k (6.25) 273

275 Rotation et représentation d isospin L espace des états d isospin est isomorphe à l espace des états de spin. On peut donc transposer les opérateurs de rotation et les représentations du groupe de rotation d un spin un-demi. La rotation d isospin est décrite par un opérateur unitaire : U(ϑ, u) = exp( iϑ u. t) (6.26) Une rotation dans l espace d isospin transforme, par exemple, un proton en une combinaison linéaire d un proton et d un neutron. Les états n et p, états propres de t z, mais également de t 2 (proton et neutron sont des particules d isospin 1/2) constituent des états de base de la représentation irréductible D (1/2). Comme pour le spin, des représentations de SU 2 de dimension plus importante peuvent être obtenues par produit direct des représentations D (1/2). Ainsi par exemple, on a vu que : D (1/2) D (1/2) = D (0) D (1) (6.27) Comme pour la combinaison des moments cinétiques, les états d un système de deux nucléons est engendré par le produit tensoriel des états de chaque nucléon. On peut définir, pour un système de deux nucléons, un isospin total, à partir de la somme vectorielle des deux isospins : T = t 1 + t 2 (6.28) Les états propres de T z et T 2 forment les états de base des représentations irréductibles de SU 2 qui apparaissent dans la décomposition du produit direct D (1/2) D (1/2). Pour D (1), on a : alors que pour D (0), on a : T = 1, T z = 1 = pp T = 1, T z = 0 = 1 2 ( pn + pn ) (6.29) T = 1, T z = 1 = nn T = 0, T z = 0 = 1 2 ( pn pn ) (6.30) On parle alors de multiplet d isospin. Nous allons voir sur un exemple comment on peut interpréter ces multiplets d isospin. Le triplet d isospin du pion L expérience a montré l existence de trois pions de charge différente mais de masse très proche comme on peut le voir dans le tableau suivant : Pion Masse (MeV) spin charge durée de vie π + 139,59 0 e s π 0 135, s π 139,59 0 -e s 274

276 Ces trois particules sont obtenues lors de réactions nucléaires se produisant lorsqu on envoie des protons de haute énergie sur des protons ou des neutrons. On peut schématiser ces réactions par : p + p p + n + π + p + p p + p + π 0 p + n p + p + π (6.31) Comme pour le neutron et le proton, la similitude des masses de ces trois particules suggère de les interpréter comme trois états différents d une même particule. Cela suggère de nouveau que l interaction forte, qui détermine principalement la masse des particules, laisse l isospin invariant. Dans cette hypothèse, la faible différence de masse entre les différents pions, notamment entre les pions chargés et le pion neutre, résulte d une autre interaction (électrodynamique). En d autres termes, l hamiltonien de l interaction forte (H fort ) commute avec l isospin ([H fort, T 2 ] = [H fort, T z ] = 0) conduisant à une dégénérescence de multiplet d isospin. Il est alors naturel de supposer que les trois pions sont les états du triplet d isospin associés à représentation D (1) de SU 2 : T = 1, T z = 1 = π + T = 1, T z = 0 = π 0 (6.32) T = 1, T z = 1 = π Pour conclure, les multiplets d isospin permettent de regrouper des particules à priori différentes mais qui se comportent exactement de la même façon vis à vis de l interaction forte. Ainsi, on a vu que le couple protonneutron constitue un doublet d isospin décrivant l état d un nucléon. De même, les trois pions (π +, π 0, π ) constituent un triplet d isospin, base de la représentation D (1) de SU 2. On trouve également des singulets d isospin T = 0 (particule Λ 0 ) ou des quadruplets T = 3/2, tel les quatre états des résonances : ( ++, +, 0, ) Réactions nucléaires et conservation de l isospin L isospin commutant avec l interaction forte, doit se conserver dans toute réaction ne faisant intervenir que cette interaction. Considérons les deux réactions suivantes : p + p π + + d p + n π 0 (6.33) + d où d représente le deutéron (particule d isospin nul). Les deux états finals correspondent alors à des états d isospin qui se réduisent à celui du pion, c est à dire T=1. Les états initiaux correspondent à des états D (1/2) D (1/2) qui se décomposent en D (1) D (0). Les relations 6.29 conduisent à : pp = T = 1, T z = 1 pn = 1 2 ( T = 1, T z = 0 + T = 0, T z = 0 ) (6.34) La conservation de l isospin dans ces réactions impose que seuls les états d isospin 1 interviennent, c est à dire seulement la partie 1 2 T = 1, T z = 0 pour pn. Cette restriction a des conséquences sur les probabilités de 275

277 transition. En effet, la probabilité de transition entre deux états, φ i et φ f, est donnée par l élément de matrice de l opérateur d évolution U(t f, t i ) = exp ( ih(t f t i )) : P (t f, t i ) = φ f U(t f, t i ) φ i 2 (6.35) Le rapport des probabilités des deux réactions ci-dessus est donné par : R = π+ d U(t f, t i ) pp 2 ( ) 2 1 π 0 d U(t f, t i ) pn 2 = 1/ = 2 (6.36) 2 On voit que la conservation de l isospin rend la réaction p + p π + + d deux fois plus probable que la réaction p + n π 0 + d. 6.5 Le modèle des quarks et le groupes SU(3) L étude des particules fait apparaître trois familles principales qui se distinguent par leurs masses. Les particules lourdes, comme le proton et le neutron, que l on appelle les baryons, ont une masse de l ordre de 10 3 MeV alors que les particules légères comme l électron ont une masse de l ordre de 0.5 MeV. Elles constituent la famille des leptons. Enfin, il existe des particules de masse intermédiaire comme les pions (150 MeV) constituant les mésons. Chacune de ces familles se subdivide en sous familles. Nous allons voir comment la symétrie permet de mettre de l ordre dans la classification des particules. Une introduction à ce sujet pourra être trouvé dans les références [56, 61] Charge, hypercharge et étrangeté Les processus physiques connus conserve la charge électrique. Cette conservation apparaît comme la conséquence d une symétrie locale, l invariance de jauge de l électrodynamique. On définit un opérateur charge électrique, Q, qui commute avec l hamiltonien et dont les valeurs propres sont les charges des particules. En unité atomique, les états du proton, du neutron ou des pions satisfont : Q p = p Q n = 0 et Q π ± = ± π ± (6.37) De même on constate que le nombre de baryons est conservé dans les réactions faisant intervenir l interaction forte. Cela suggère l introduction d un nouveau concept, similaire à la charge électrique : la charge baryonique. On définit un opérateur B qui vérifie : B p = p B n = n et B π ± = 0 (6.38) la charge baryonique d un méson ou d un lepton est nulle par définition. Considérons une réaction typique, due à l interaction forte : p + n p + p + π 276

278 où π est un état d isospin 1 de projection 1 et p et n les états d isospin 1/2 de projection ±1/2. On vérifie que chaque particule obéit à l identité : Q = 1 2 B + T 3 (6.39) T 3 = T z, la projection de l isospin suivant Oz. On vérifie que pour le proton, on a : +1 = 1 2 (+1) Toutefois, certaines particules ne respectent pas cette identité. C est le cas par exemple dans la réaction : π + p Λ 0 + K 0 où Λ 0 est un baryon neutre de projection d isospin nulle et, K 0 un méson neutre de projection d isospin 1/2. En effet, on a : pour le Λ 0 : (+1) + 0 pour le K 0 : (0) 1 2. Ces particules sont dites étranges. Elles sont toujours créées par paires. On a donc été conduit à introduire un nouveau nombre quantique, l étrangeté, qui est conservé dans les réactions. Ainsi l étrangeté (ou la charge étrange) du Λ 0 vaut S = 1, celle du K 0 vaut S = 1. L identité 6.39 peut être sauvée à condition d introduire l hypercharge Y définie par : Y = B +S, et on obtient la relation de Gell-Mann-Nishijima [61] : Q = 1 2 (B + S) + T 3 = 1 2 Y + T 3 (6.40) Cette construction peut paraître un jeu stérile, mais la conservation de Y suggère qu elle est la signature d une symétrie des interactions fortes, et nous allons voir qu elle permet de reconsidérer la classification des particules uniquement sur des considérations de symétrie. Elle a également permis de prévoir l existence de nouvelles particules qui ont été observées par la suite Classification des particules Il est possible, sur la base des charges baryoniques et l isospin, de regrouper les familles de particules de masses voisines en sous familles. Sur le tableau suivant, on montre que deux familles de huit baryons et de huit mésons peuvent se décomposer en sous familles de masse très proche, de même isospin et de même hypercharge : Hypercharge Isospin Baryon Masse Méson Masse 1 1/2 n, p 939 K 0, K Σ, Σ 0, Σ π, π 0, π Λ η /2 Ξ, Ξ K, K

279 Fig. 6.3 Famille des huit baryons de masses voisines, représentée dans le plan (Y, T 3 ). K 0 désigne l antiparticule de K 0, elle est caractérisée par les charges (électrique, baryonique et étrange) opposées. Représentons la famille de baryons dans le plan (Y, T 3 ). Une figure similaire est obtenue pour les mésons du tableau ci-dessus. Il est légitime de supposer que ces figures représentent les multiplets d une nouvelle symétrie. Cette symétrie doit être plus large que celle de l isospin qui nous l avons vu est SU(2). Nous allons voir, dans la section suivante, que les multiplets du groupe de SU(3) correspondent exactement aux figures que forment les particules élémentaires dans le plan (Y, T 3 ) L octet de SU(3) Le groupe SU(3) est le groupe des matrices complexes 3 3, unitaires et de déterminant égal à 1. C est un groupe de Lie à huit paramètres indépendants (9 nombres complexes donc 18 paramètres et 10 conditions). Comme pour SU(2), une matrice quelconque de SU(3) peut s écrire à partir de huit matrices hermitiennes (λ k ) de trace nulle, linéairement indépendantes qui jouent un rôle analogue à celui des matrices de Pauli pour SU(2) : λ 1 = λ 5 = i i 0 0 λ 2 = λ 6 = M = exp ( i 2 0 -i 0 i ) 8 α k λ k k=1 λ 3 = λ 7 = i 0 i 0 λ 4 = λ 8 = 1 3 (6.41)

280 Ces matrices vérifient les opérations de commutation qui définissent l algèbre de Lie de SU(3) : [λ j, λ k ] = 2i f jkl λ l (6.42) les f jkl sont les constantes de structures du groupe. Elles sont antisymétriques par permutation de deux indices et valent : f 123 = 1, f 147 = f 156 = f 246 = f 257 = f 345 = f 367 = 1 3 2, f 458 = f 678 = 2. On introduit les huit générateurs du groupe de Lie qui, par définition, sont F k = 1/2 λ k. On remarque que F 3 et F 8 sont diagonaux. On regroupe les autres opérateurs suivant les relations : T ± = F 1 ± if 2 V ± = F 4 ± if 5 U ± = F 6 ± if 7 (6.43) De même, on pose T 3 = F 3 et Y = ( 2 3 )F 8. On montre que l on obtient des relations de commutations, similaires à celles de SU(2) : [T +, T ] = 2 T 3 [V +, V ] = 3 2 Y + T 3 = 2V 3 (6.44) [U +, U ] = 3 2 Y T 3 = 2U 3 ainsi que : [T 3, T ± ] = T ± [Y, T ± ] = 0 [T 3, U ± ] = 1 2 U ± [Y, U ± ] = ±U ± (6.45) [T 3, U ± ] = ± 1 2 V ± [Y, V ± ] = ±V ± Les états de base des représentations de SU(3) peuvent être indexés par les valeurs propres Y et T 3. Nous les noterons Y, T 3 et nous les représentons par un point dans le plan des valeurs propres (Y, T 3 ). Ainsi, on peut montrer que T ± change T 3 en T 3 ± 1, en effet, on a : T 3 T ± Y, T 3 = T ± T 3 Y, T 3 ± T ± Y, T 3 = (T 3 ± 1)T ± Y, T 3 (6.46) Ainsi, l action des différents opérateurs (V ±, U ± et T ± ) est représenté sur la figure 6.4. Nous allons voir comment ce type de figures peut être obtenu à partir des représentations irréductibles de SU(3). Construisons la représentation irréductible fondamentale de SU(3), appelée 3, c est à dire l équivalent de la représentation D (1/2) pour SU(2). Appelons u, d et s les trois vecteurs propres communs des opérateurs diagonaux F 3 et F 8 : u = 1 0 0, d = 0 1 0, s = (6.47) 279

281 Fig. 6.4 Action des opérateurs V ±, U ± et T ± dans le plan (Y, T 3 ). Ces vecteurs vérifient : T 3 u = u, T 3 d = 1 2 d, T 3 s = 0 Y u = u, Y d = d, Y s = 2 3 s (6.48) Dans le plan (Y, T 3 ), on peut placer ces trois états de base de la représentation irréductible 3 aux sommets d un triangle isocèle (figure 6.5). Cette figure est en quelque sorte une signature de la représentation 3. On obtient une autre représentation irréductible notée 3 en prenant le complexe conjugué des matrices de 3. Les vecteurs de base u, d et s se placent sur un triangle isocèle inverse (figure 6.5). On a vu que pour SU(2), les représentations irréductibles s obtiennent en prenant des produits tensoriels de la représentation fondamentale D (1/2) D (1/2)... D (1/2). On obtient ainsi toutes les représentations irréductibles de SU(2) : D (0), D (1/2), D (1/),... De même, on construit les représentations de SU(3) à partir des produits tensoriels de la représentation 3. Considérons le produit 3 3 ; il lui correspond neuf vecteurs de base correspondant aux états du type uu, ud, us,... Ces neuf vecteurs engendrent le triangle de la figure 6.6 dans le plan (Y, T 3 ). On remarque que certains états, comme par exemple ud et du occupent le même point. De fait, on peut former deux combinaisons linéaires, symétrique et antisymétrique, pour chaque couple d états. Les trois états antisymétriques forment la base d une représentation 3 alors que les représentations symétriques forment, avec uu, dd et ss, la base d une représentation de dimension 6 notée 6. On peut donc décomposer le produit tensoriel 3 3 suivant : 3 3 = 6 3 (6.49) De même, on peut montrer les décompositions suivantes : = (6.50) 3 3 = 8 1 (6.51) 280

282 Fig. 6.5 Etats de base de la représentation irréductible 3 (à gauche) et 3 (à droite) dans le plan (Y, T 3 ). La représentation 8 (octet) est associée à un diagramme hexagonal dans le plan (Y, T 3 ) avec deux états au centre, comme on peut le voir sur la figure 6.7 où on a reporté Les deux états au centre de l octet (T 3 = 0) diffèrent par la valeur propre de T 2 (T = 1 et T = 0). Ce diagramme d octet de SU(3) peut être identifié au diagramme de la famille des huit baryons (figure 6.3). Cela suggère que le groupe SU(3) est le groupe de symétrie des interactions fortes, groupe qui conduit à la conservation de l isospin et l hypercharge. Les huit particules d une même famille doivent alors être considérées comme les huit états (de même masse) d une même particule. Toutefois, les masses ne sont pas rigoureusement identiques. Cette observation a conduit à raffiner le modèle en introduisant une levée de dégénérescence induite par un terme perturbatif. Il faut noter que l identification des diagrammes associés à des représentations de SU(3) et les diagrammes des familles de particules dans le plan (Y, T 3 ) a permis de prévoir l existence de nouvelles particules qui ont ensuite été découvertes. 281

283 Fig. 6.6 Etats de base de la représentation 3 3 dans le plan (Y, T 3 ). Fig. 6.7 Etats de base de la représentation dans le plan (Y, T 3 ) Le modèle des quarks On peut se demander s il existe des particules associées aux représentations 3 et 3. Considérons l opérateur charge électrique des états de la représentation 3, on a, d après les relations 6.48 : Q = 1 2 Y + T 3 = 1 2 = 1/ / /3 2/ / /3 + 1/ / Les particules ont des charges fractionnaires, de même que la charge 282

284 baryonique : B = 1/ / /3 Ces particules sont appelées quarks pour la représentation 3 et antiquarks pour la représentation 3. Ce sont des fermions de spin 1/2. Les états u, d, s correspondent aux quarks up (T 3 = +1/2), down (T 3 = 1/2) et strange (T 3 = 0) ( u, d, s sont les antiquarks correspondants). Etant donné la charge baryonique 1/3 d un quark, il faut associer trois quarks pour constituer un baryon. La figure 6.8 indique la décomposition en quarks de la famille des huit baryons. Fig. 6.8 Décomposition en quarks de l octet. D après ce diagramme, on constate que le proton est constitué de deux quarks u et un quark d alors que le neutron est constitué d un quark u et de deux quarks d. Il faut noter que la découverte de nouvelles particules dans les années soixante dix a nécessité l augmentation du nombre de quarks. Il existe désormais six espèces de quarks et il a été nécessaire d introduire un degré de liberté supplémentaire, la couleur. Par ailleurs, un nouveau concept, le charme, a été introduit et le groupe de symétrie a été étendu au groupe plus vaste, SU(4). Plus récemment, l extension de la symétrie de jauge au groupe SU(5) a été proposée. Les conséquences physiques, comme par exemple le temps de vie fini du proton ou la non-conservation des charges baryoniques et leptoniques, sont encore aujourd hui expérimentalement testées. 283

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