La réception des anthologies de poésie chinoise classique par les poètes français ( )

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1 UNIVERSITÉ PARIS IV SORBONNE École doctorale III : Littératures françaises et comparée THÈSE pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L UNIVERSITÉ PARIS IV Discipline : Littératures françaises et comparée Présentée et soutenue publiquement par Yu WANG le 15 mai 2014 La réception des anthologies de poésie chinoise classique par les poètes français ( ) Directeur de thèse : M. Didier ALEXANDRE JURY M. Didier ALEXANDRE (Université Paris Sorbonne-Paris IV) M. Yvan DANIEL (Université de La Rochelle) M. Jean-Marie GLEIZE (Université d Aix-en-Provence) M. Michel MURAT (Université Paris Sorbonne-Paris IV)

2 Notre thèse est consacrée à la réception de la poésie chinoise classique chez les poètes français à travers notamment les anthologies. Comme le titre l indique, un de nos objets d étude concerne les anthologies de poésie chinoise classique. La liste des anthologies que nous proposons dans la thèse n est peut-être pas exhaustive, mais nous estimons qu elle a déjà réussi à présenter un panorama assez complet des anthologies de poésie chinoise classique accessibles en France. Du point de vue de la réception, certaines anthologies ont été qualifiées par nous de «majeures» car elles possèdent souvent une importance historique et reçurent par ailleurs un accueil très favorable des poètes. Évidemment, la traduction de la poésie est une forme de traduction à part. Après avoir montré les difficultés de celle-ci, nous présentons une approche qui s avère indispensable à la traduction de poèmes chinois : interpréter pour traduire. Ensuite, nous nous intéressons aux traducteurs et à leur influence sur la qualité de traduction. Enfin, nous nous posons la question suivante : traduction, perdre ou gagner? Après la traduction, c est la réception qui entre en jeu. C est à la fin des années 1970, dans le sillage des travaux de la critique allemande, en particulier ceux de Hans Robert Jauss, que le mot «réception» est entré dans le vocabulaire critique français. Dans les études de réception, c est sur l effet d une œuvre chez les lecteurs que nous nous interrogeons et ce sont ces derniers que vise notre étude. Notre thèse est donc consacrée au pôle esthétique de l œuvre littéraire et notre objet d étude est centré sur les lecteurs-poètes. Nous mettons l accent sur l activité des poètes qui reçoivent la poésie chinoise classique, notamment à travers les traductions parues dans les anthologies. Nous voyons ainsi que loin d être passif, le poète est d abord un lecteur qui participe activement à l interprétation de l œuvre traduite pour ensuite se transformer à son tour en acteur productif. En résumé, face à la poésie chinoise classique, un lecteur-poète adopte habituellement trois rôles : celui du récepteur qui l accueille, par curiosité souvent, mais aussi pour diverses autres raisons, celui du critique qui consiste à retenir ce qui lui parle et à rejeter ce qui à ses yeux demeure obscur ou peu inspirant, et celui du producteur qui est incité à imiter, pasticher, réécrire ou écrire à son tour.

3 Trois critères ont été retenus pour encadrer notre étude des lecteurs-poètes. Premièrement, ces poètes sont des lecteurs d anthologies de poésie chinoise classique. Ce sont donc des poèmes chinois traduits qu ils lisent. En second lieu, nous nous centrons sur la réception de la poésie chinoise classique dans la création de ces lecteurs-poètes. Ainsi, sauf exception, nous n évoquons pas d autres aspects culturels de la Chine, comme la pensée, la peinture, la calligraphie, qui constituent parfois une autre source d inspiration chez ces poètes français. Ces aspects sont certes intéressants, mais le cadre de cette thèse nous impose de circonscrire notre étude. Enfin, pour ne pas nous éloigner de notre sujet, notre étude est spécifiquement consacrée à l interaction entre les poètes et la poésie chinoise traduite. Ainsi, pour chaque poète étudié, il ne s agit nullement de mener une critique de l ensemble de son œuvre poétique, mais de ne considérer que l angle unique de la réception de la poésie chinoise classique. Après avoir délimité notre sujet d étude, il est nécessaire de distinguer deux démarches différentes : traduction et réinvention. Il faut savoir qu à la différence du traducteur, un poète n est pas dans une démarche de traduction ; il serait donc inapproprié de s interroger sur la fidélité du poète au poème chinois. De toute manière, quel intérêt de rester fidèle à l original pour un poète? Si dans ses adaptations de poèmes chinois, Claudel était arrivé à rendre parfaitement le contenu des originaux, il aurait dans ce cas ressemblé le moins gauchement possible à un poète chinois, mais sans plus. Or, le génie de Claudel fut de pouvoir se servir de poèmes chinois traduits pour ensuite alimenter sa création personnelle. Ainsi, ses Poèmes d après le chinois portent en vérité sa propre voix et reflètent l esprit, la pensée et le style du poète français. C est exactement ce phénomène de recréation qui nous intéresse. Nous essayons donc de décrypter le processus par lequel la poésie chinoise traduite fut interprétée par les lecteurs-poètes et nous nous interrogeons sur l apport de celle-ci à leur création personnelle et au renouvellement de leur art poétique. Notre thèse est divisée chronologiquement en trois parties. La Partie I couvre la période , antérieure à la première anthologie de poésie chinoise et où il n est donc question que de morceaux choisis. Nous estimons que cette partie est

4 indispensable sur les plans à la fois historique et comparatif. Sans elle, nous apprécierions peut-être moins l arrivée des anthologies et leur contribution à l évolution de la réception de la poésie chinoise chez les lecteurs-poètes. La Partie II commence par la parution de Poésies de l époque des Thang. Nous débutons ainsi par un aperçu général des anthologies parues entre 1862 et Puis nous abordons la traduction de cette période et les anthologies majeures. Nous entrons par la suite dans le vif du sujet qu est la réception de ces anthologies chez des lecteurs-poètes tels que Paul Claudel, Segalen et Saint-John Perse. La Partie III concerne la période Nous abordons d abord la diffusion et la traduction des anthologies de cette période. Puis nous parlons en détail des trois sortes d anthologies produites par les traducteurs professionnels, les sinologues et les poètes, sans oublier de réserver un chapitre à des anthologies majeures. Enfin, nous étudions les poètes contemporains qui lisent la poésie chinoise traduite selon les modalités de réception qui leur sont propres. Dans la réception, le plus intéressant n est peut-être pas de connaître la poésie chinoise classique mais bien de s interroger sur la façon dont les poètes français l interprétèrent. Nous espérons avoir pu répondre à cette interrogation à travers le long parcours historique déployé dans cette thèse.

5 RÉSUMÉ en français : Notre thèse est consacrée à la réception de la poésie chinoise classique chez les poètes français à travers notamment les anthologies. Elle est divisée chronologiquement en trois parties. La Partie I couvre la période , antérieure à la première anthologie de poésie chinoise et où il n est donc question que de morceaux choisis. Nous estimons que cette partie est indispensable sur les plans à la fois historique et comparatif. Sans elle, nous apprécierions peut-être moins l arrivée des anthologies et leur contribution à l évolution de la réception de la poésie chinoise chez les lecteurs-poètes. La Partie II commence par la parution de Poésies de l époque des Thang. Nous débutons ainsi par un aperçu général des anthologies parues entre 1862 et Puis nous abordons la traduction de cette période et les anthologies majeures. Nous entrons par la suite dans le vif du sujet qu est la réception de ces anthologies chez les lecteurs-poètes, tels que Paul Claudel, Segalen et Saint-John Perse. La Partie III concerne la période Nous abordons d abord la diffusion et la traduction des anthologies de cette période. Puis nous parlons en détail des trois sortes d anthologies produites par les traducteurs professionnels, les sinologues et les poètes, sans oublier de réserver un chapitre à des anthologies majeures. Enfin, nous étudions les poètes contemporains qui lisent la poésie chinoise traduite avec leurs différentes modalités de réception. Dans la réception, le plus intéressant n est peut-être pas de connaître la poésie chinoise classique mais bien de s interroger sur la façon dont les poètes français l interprétèrent. Nous espérons avoir pu répondre à cette interrogation à travers le long parcours historique déployé dans cette thèse. MOTS-CLÉS : réception, poésie chinoise classique, poètes français, anthologie, traduction TITRE en anglais : The Reception of Anthologies of Classical Chinese Poetry by French Poets ( ) RÉSUMÉ en anglais : This thesis addresses the reception of Classical Chinese poetry by French poets, particularly by means of anthologies. It is organised chronologically in three parts. Part One covers the period , before the first anthology of Chinese poetry, and is therefore concerned only with excerpts. An understanding of this first period is essential if we are to appreciate the significance of the anthologies that followed, and their role in the changing reception of Chinese poetry by reader-poets. Part Two begins with the publication of the anthology Poésies de l époque des Thang. After a general overview of the anthologies published between 1826 and 1949, there is a more detailed account of translation practices over this period, and of the most influential anthologies. It is then possible to address the central issue of this thesis: the reception of these anthologies by reader-poets, such as Paul Claudel, Victor Segalen and Saint-John Perse. Part Three is concerned with the period Following an account of the dissemination and translation practices of anthologies from this period, there is a detailed discussion of the three types of anthologies produced by professional translators, Sinologists and poets respectively, and a further chapter is devoted to the most influential anthologies. Finally, a study is made of contemporary poets who read Chinese poetry in translation, and of their different forms of reception. This reception is of interest, not so for much for what it tells us about Chinese poetry itself, but rather for the way it has been interpreted by French poets. The long historical trajectory of this thesis provides an important insight into this interpretation of Chinese poetry. KEY WORDS : reception, Classical Chinese Poetry, French poets, anthology, translation