Rosette Côté, présidente Louise Marchand, commissaire Carol Robertson, commissaire DÉCISION
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1 Dossier no : Membres : étudié aux 120 e et 123 e séances de la Commission de l équité salariale Rosette Côté, présidente Louise Marchand, commissaire Carol Robertson, commissaire Loi : Loi sur l équité salariale (L.R.Q., chapitre E ), articles 8, 107, 108, 109 et 111 Résolution : CÉS Objet de la demande : Plainte formulée par une personne salariée contre l employeur A & R Belley inc. DÉCISION Les membres de la Commission de l équité salariale (la Commission) prennent connaissance des commentaires de la partie plaignante à la suite du préavis de décision qui lui a été transmis en réponse à sa plainte déposée alléguant avoir été victime de représailles à la suite de l exercice d un droit lui résultant de la Loi sur l équité salariale (la Loi). LES FAITS La mise en cause, l entreprise A & R Belley inc. distribue des produits d emballage selon la formule «juste à temps», depuis ses entrepôts situés dans trois villes du Québec. [ ] Le [ ] l employeur informait la plaignante de l abolition de son poste et lui remettait une lettre précisant les conditions de son départ. L employeur offrait un choix entre deux options : [ ]. Cette offre était toutefois conditionnelle à la signature d une quittance et une copie du document lui fut remise [ ]. Les motifs de son départ ne sont pas l objet de la présente plainte. Le [ ], la salariée déposait une plainte à la Commission, alléguant que, bien que les résultats des travaux d équité salariale de l entreprise n aient pas encore été connus, elle en contestait les conclusions éventuelles et prétendait que l employeur avait fait preuve de mauvaise foi, dans le cours de cet exercice, contrevenant ainsi à l article 15 de la Loi. [ ]. La partie plaignante portait par ailleurs à l attention de la Commission qu elle était ou risquait d être victime de représailles de la part de son employeur qui exigeait qu elle signe la quittance le tenant indemne de toute réclamation au titre de sa cessation d emploi. [ ] [ ]
2 - 2 - PRÉTENTIONS DES PARTIES a) La partie plaignante La partie plaignante affirme qu à la cessation de son emploi, l employeur lui a offert une indemnité de départ et le remboursement de frais de formation, le tout à la condition qu elle signe une quittance le tenant indemne de toute réclamation. Informé par la plaignante qu elle avait déposé une plainte à la Commission, l employeur a alors retiré ou n a pas donné suite à son offre. b) La partie mise en cause L employeur soutient ne pas avoir exercé de représailles, ni à l encontre de la plaignante, ni à l encontre de quiconque à son emploi. Il souligne, en outre, [ ] LE DROIT APPLICABLE Les articles 8, 107, 108, 109 et 111 de la Loi sur l équité salariale sont les dispositions qui s appliquent en l espèce. Ces articles sont reproduits en annexe. ANALYSE a) Les représailles L article 107 de la Loi prévoit que la Commission peut, à la demande d un salarié ou de sa propre initiative, s adresser à la Commission des relations du travail (la CRT), pour demander que des mesures soient prises contre l auteur de représailles exercées envers un salarié, notamment parce qu il a exercé un droit lui résultant prévu à la présente loi. Il est du ressort de la CRT de déterminer si des représailles ont effectivement été exercées et de décider des mesures à prendre. Mais, avant d y porter son recours, la Commission de l équité salariale doit néanmoins s assurer que la demande comporte les éléments essentiels prévus à l article 107 de la Loi. Si elle n en est pas convaincue, la Commission devra en aviser le salarié qui pourra personnellement saisir la CRT, en vertu des articles 109 ou 111 de la Loi. Le législateur a, par ailleurs, voulu faciliter ce recours en édictant une présomption, à l article 108 de la Loi. Pour que l article 107 s applique, il faut : que la personne soit salariée; qu elle ait exercé un droit prévu à l article 107 de la Loi. Le statut de salariée Avant de déterminer si elle dispose des éléments pour conclure à représailles, la Commission doit donc déterminer si la plaignante était exclue de l application de la Loi sur l équité salariale, comme le prétend l employeur. [ ]
3 - 3 - L exercice d un droit prévu à l article 107 La plaignante a, de fait, déposé une plainte à la Commission, pour contester les résultats des travaux d équité salariale réalisés dans l entreprise mise en cause, exerçant ainsi un droit prévu à la Loi. L article 108, alinéa 2 de la Loi prévoit que la présomption de représailles s applique pour une période de six mois à compter de la date à laquelle le salarié a exercé son droit. Dans le cas qui nous occupe, la Commission a reçu la plainte le 5 août 2002 et l employeur a retiré ou n a pas donné suite à son offre d indemnité de fin d emploi en novembre La présomption pourrait donc trouver application puisque le délai de six mois n était pas épuisé. Par ailleurs, le retrait de l offre d indemnité peut-il vraiment être qualifié de représailles aux termes de la Loi? Le Dictionnaire canadien des relations du travail définit ainsi cette notion : «Mesure prise par un individu ou un groupe pour infliger un inconvénient, physique, économique ou autre en vue de riposter à un acte posé par autrui.» 1 La jurisprudence en droit du travail s est prononcée à quelques reprises sur ce thème, le Code du travail 2 édictant une présomption de nature similaire, à son article 17, pour notamment pallier les cas de congédiement, suspension ou autre qui découlent de l exercice d un droit prévu à ce Code. «( ) pour qu il y ait «mesures de représailles», il faut que des gestes concrets aient été posés par l employeur dans un esprit de vengeance à l encontre d un salarié qui n a fait qu exercer un droit qui lui résulte du Code du travail, comme assister à une assemblée syndicale et y intervenir.» 3 Dans notre cas, la salariée n a pas été victime d une telle mesure. L employeur lui avait fait une offre d indemnité de fin d emploi, à la condition toutefois qu elle accepte de signer une quittance le tenant indemne de tout recours : informé que la plaignante avait, par ailleurs, déposé une plainte à la Commission, l employeur retira son offre. L offre présentée et sa contrepartie, la quittance, viennent consacrer une transaction entre les parties. Il est de la nature d une transaction de régler une contestation actuelle ou éventuelle. Le Code civil du Québec définit ainsi cet acte juridique : «La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l exécution d un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques.» 4 Dans le présent dossier, l employeur proposait de verser une indemnité de [ ] $ à la salariée, pour tenir lieu de deux mois de salaire, à la condition expresse, toutefois, que cette dernière lui donne : 1 Gérard DION, Dictionnaire canadien des relations du travail, Deuxième édition, Québec, 1986, P.U.L. 2 L.R.Q., c.c-27 3 Drolet c. Québec (Ministère des transports), 2003 QCCRT Article 2631 C.c.Q.
4 - 4 - «quittance complète, finale et définitive de toute cause d action ( ) devant tout tribunal, en raison de son emploi ou de la cessation de son emploi ( ) et de toute réclamation ( ) ou tout autre montant pouvant lui être dû en vertu de toute loi applicable, incluant la Loi sur les normes du travail et la Loi sur l équité salariale.( ).» 5 C était l essence même de la transaction entre les parties que la plaignante consente à la concession de renoncer à exercer des recours contre son employeur, en échange d une somme donnée. Il était donc légitime que l employeur retire son offre d indemnité si la plaignante refusait cette concession et il était clair que le dépôt d une plainte à la Commission de l équité salariale ouvrait une brèche dans cette entente. La quittance proposée par l employeur était, en outre, du même type que les quittances qui sont généralement proposées dans les cas de cessation d emploi et ses objets ne visaient pas à priver la salariée des protections minimales prévues à des lois d ordre public. Enfin, cette quittance ne visait pas uniquement les recours en vertu de la Loi sur l équité salariale, mais tous les recours éventuels découlant du lien d emploi. La Commission n est donc pas convaincue que le retrait ou l absence de suivi à cette offre ait été fait «dans un esprit de vengeance» ou «pour infliger un inconvénient ou riposter à un acte posé» par la plaignante et qu il soit de la nature des mesures de représailles au sens de l article 107, donnant ouverture à la présomption de l article 108. La Commission estime, de ce fait, que la plainte soumise n est pas fondée. Par ailleurs, compte tenu de la conclusion à laquelle elle en arrive sur les mesures de représailles, la Commission est d avis qu elle n a pas à statuer sur le maintien du lien d emploi au moment où la plainte pour représailles a été déposée. En conséquence : CONSIDÉRANT que la Commission estime que le retrait ou l absence de suivi à l offre d indemnité de cessation d emploi ne constitue pas, en l espèce, une mesure de représailles au sens de l article 107 de la Loi; Après étude et délibérations, la Commission, à l unanimité : DÉTERMINE que la plainte soumise par la partie plaignante contre la partie mise en cause n est pas fondée; AVISE la partie plaignante qu elle ne s adressera pas à la Commission des relations du travail pour demander qu une mesure soit prise contre la partie mise en cause au motif de l exercice de représailles. 5 Cf. pièce P-4 au dossier d enquête.
5 - 5 - Résolution prise à l unanimité par la Commission de l équité salariale à sa 123 e séance tenue le 2 février 2005 (résolution CÉS ) La secrétaire de la Commission, Martine Bégin
6 Annexe Articles pertinents de la Loi sur l équité salariale Article 8 Est un salarié toute personne physique qui s'oblige à exécuter un travail moyennant rémunération, sous la direction ou le contrôle d'un employeur, à l'exception: 1 d'un étudiant qui travaille au cours de l'année scolaire dans un établissement choisi par une institution d'enseignement en vertu d'un programme, reconnu par le ministère de l'éducation, qui intègre l'expérience pratique à la formation théorique ou d'un étudiant qui travaille dans l'institution d'enseignement où il étudie dans un domaine relié à son champ d'étude; 2 d'un étudiant qui travaille durant ses vacances; 3 d'un stagiaire dans un cadre de formation professionnelle reconnu par la loi; 4 d'un stagiaire dans un cadre d'intégration professionnelle prévu à l'article 61 de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées ( chapitre E-20.1); 5 d'une personne qui réalise une activité visée à l'article 5 de la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale ( chapitre S ) et à l'égard de qui les dispositions relatives au salaire minimum prévues à la Loi sur les normes du travail ( chapitre N-1.1) ne s'appliquent pas; 6 d'un cadre supérieur; 7 d'un policier ou d'un pompier. Article 107 La Commission peut, à la demande d'un salarié ou de sa propre initiative, s'adresser à la Commission des relations du travail pour qu'une mesure soit prise contre quiconque exerce envers un salarié des représailles pour le motif: 1 qu'il exerce un droit lui résultant de la présente loi; 2 qu'il fournit des renseignements à la Commission en application de la présente loi; 3 qu'il témoigne dans une poursuite s'y rapportant. La demande d'un salarié prévue au premier alinéa doit être adressée à la Commission dans les 30 jours des représailles. La Commission peut notamment demander à la Commission des relations du travail la réintégration, à la date que celle-ci estime équitable et opportune dans les circonstances, du salarié dans le poste qu'il aurait occupé s'il n'y avait pas eu représailles. Lorsque la Commission demande ainsi à la Commission des relations du travail de prendre des mesures au bénéfice d'un salarié, elle doit avoir obtenu son consentement par écrit.
7 - 2 - Article 108 S'il est établi à la satisfaction de la Commission des relations du travail que le salarié a exercé un des droits prévus au premier alinéa de l'article 107, il y a présomption en sa faveur que les représailles dont il a fait l'objet lui ont été imposées à cause de l'exercice de ce droit et il incombe à la personne qui a exercé les représailles de prouver qu'elle a exercé celles-ci pour une cause juste et suffisante. La présomption qui résulte de l'application du premier alinéa s'applique pour une période d'au moins six mois à compter de la date à laquelle le salarié a exercé ce droit. Article 109 Lorsque la Commission ne s'adresse pas à la Commission des relations du travail, en vertu de l'article 107, elle le notifie au salarié en lui donnant les motifs. Le salarié peut saisir la Commission des relations du travail dans un délai de 90 jours de la réception de cette notification. Article 111 La Commission refuse ou cesse d'agir en faveur du salarié ou du plaignant, lorsqu'il en fait la demande, sous réserve d'une vérification par la Commission du caractère libre et volontaire de cette demande. Elle peut refuser ou cesser d'agir en sa faveur lorsque: 1 le salarié ou le plaignant n'a pas un intérêt suffisant; 2 la plainte est frivole, vexatoire ou faite de mauvaise foi. La décision est motivée par écrit et elle indique, s'il en est, tout recours que la Commission estime opportun; elle est notifiée au salarié ou au plaignant. Dans un délai de 90 jours de la réception de cette notification, le salarié ou le plaignant peut saisir la Commission des relations du travail.
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