COUR SUPÉRIEURE PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE QUÉBEC. N : Québec, le 9 octobre 1997
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1 CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE QUÉBEC COUR SUPÉRIEURE N : Québec, le 9 octobre 1997 Sous la présidence de L Honorable J. Roger Banford, j.c.s. (JB2820) JEAN PETIT, avocat, exerçant sa profession au 36, rue Saint-Nicolas, Québec, district de Québec, G1K 6T2, c. Requérant; ME PIERRE-GABRIEL GUIMONT, ès qualités de syndic adjoint au Barreau du Québec, ayant une place d affaires au 76, rue Saint-Paul, # 300, Québec, district de Québec, G1K 3V9 et LE TRIBUNAL DES PROFESSIONS, constitué en vertu des articles 162 et suivants du Code des professions, ayant son siège au palais de justice de Montréal, 1, rue Notre- Dame est, Montréal, district de Montréal, H2Y 1B6, Intimés; ORDONNANCE DE SURSIS Le requérant, Jean Petit, demande le sursis d exécution du jugement rendu le 29 septembre 1997, par le tribunal des Professions, lequel confirme la décision du Comité de discipline du Barreau du Québec, rendue le 24 novembre En pratique, le requérant devrait purger la sentence que lui imposait alors l organisme disciplinaire, soit une radiation temporaire de six mois.
2 Me Petit a déposé une requête en «évocation» (846 C.p.c.) visant à faire annuler la décision du tribunal des Professions. Il plaide qu à défaut de surseoir à l exécution de ce jugement, le recours en annulation perd tout intérêt. Les intimés contestent les prétentions du requérant et soutiennent que l intérêt public s oppose à une telle demande de sursis. Les principes de droit applicables en pareil cas paraissent clairement définis par les arrêts de la Cour suprême du Canada dans Metropolitan Stores (1) et RJR-MacDonald (2) Les paramètres établis, lesquels concernent autant les demandes d injonctions interlocutoires que de suspensions d instance, tant en droit privé que dans les affaires de la Charte, impliquent l examen du cas en trois étapes. D abord, le requérant doit établir l existence d une question sérieuse à juger. Pour déterminer si le requérant satisfait à ce critère, il faut procéder à un examen sommaire de la procédure en révision judiciaire, pour se convaincre de l absence de futilité de la procédure. En l instance, elle comprend 108 allégations qui s articulent autour de deux principaux volets. D une part, le requérant soulève l exercice même de la compétence du tribunal des Professions auquel il reproche d avoir négligé de procéder à une appréciation concrète d une preuve nouvelle non soumise au comité de discipline. D autre part, il fait grief au tribunal d interpréter de façon manifestement déraisonnable la preuve contradictoire et les principes de droit applicables en matière disciplinaire. Soulignons que le procureur des intimés reconnaît que les questions de droit soulevées par la procédure en révision ne paraissent pas futiles, vexatoires ou sans fondement. Compte tenu des règles très sévères qui gouvernent l intervention judiciaire en matière de décisions administratives, il faut aussi reconnaître que le droit du requérant ne peut être qualifié de clair. Il n en subsiste pas moins des questions suffisamment sérieuses pour justifier un examen (1) Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd, [1987] 1 R.C.S (2) RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311.
3 approfondi par un tribunal. Cela nous conduit à l examen des autres étapes de l analyse prescrite par les arrêts de la Cour suprême. À la deuxième étape, le requérant doit convaincre le juge qu il subira un préjudice, irréparable par nature, en cas de refus de sa demande de sursis. Dans le cas, Me Petit invoque des préjudices d ordre matériel et moral. Il réfère aux pertes de revenus et de clientèle, de même que l atteinte à sa réputation professionnelle qu entraîneront l exécution de la sentence disciplinaire. Il allègue aussi les préjudices que subiront ses nombreux clients dont les procès prévus au cours des prochaines semaines seront perturbés. Il faut tenir compte de cet aspect indirect du préjudice prévisible, à la lumière de ce qu indique la Cour suprême dans l arrêt RJR-MacDonald, (à la page 344) alors qu elle rejetait la position contraire examinée par le juge Linden dans l affaire Morgentaler c. Ackroyd [(1983), 150 D.L.R. (3d) 59]. En considération de l ensemble des conséquences qu entraîneront la mise à exécution de la sentence disciplinaire, il ne fait pas de doute que le requérant en subira un préjudice irréparable puisqu aucune décision ou mesure ne pourra être prise par les intimés pour le compenser, le cas échéant. Cela nous conduit à la dernière étape de notre examen, celle de l appréciation de la prépondérance des inconvénients. Selon les intimés, les intérêts personnels du requérant ne pèsent pas lourd dans la balance, si l on tient compte que la décision disciplinaire vise à protéger le public. De fait, les intimés ne subiront aucun inconvénient d un sursis d exécution de la sentence disciplinaire, puisque advenant le rejet de la requête en révision judiciaire, la radiation temporaire pourra toujours faire l objet d une exécution. Dans ces conditions, l intérêt public commande-t-elle vraiment qu on exécute de façon immédiate la sentence disciplinaire, dans le présent cas? Le sens commun nous suggère une
4 réponse négative. L intérêt public veut que l intégrité du processus judiciaire soit respecté. Le droit à la présomption d innocence et le droit à une audition complète font partie de ce système. Ils commandent qu on épuise les ressources judiciaires disponibles avant de condamner et d exécuter. Le requérant a démontré, par un comportement professionnel sans reproche depuis les manquements déontologiques dont il est accusé, que ses activités ne compromettaient pas l intérêt public. Il a bénéficié d un acquittement des plaintes pénales portées contre lui pour les faits sur lesquels reposent les poursuites du Comité de discipline. Il a obtenu un sursis dans des circonstances analogues à l instance, le 13 mai Malgré les nombreuses procédures entreprises en raison de l affaire, en presque dix ans, on ne nous a pas démontré qu il résultait des inconvénients pour le public du fait que Me Petit n ait pas encore purgé la sentence prononcée par le Comité de discipline du Barreau. Il est à présumer qu un délai additionnel pour permettre de résoudre les questions de droit que pose la requête en évocation, n en créeront pas davantage. La balance des inconvénients pèse nettement du côté du requérant puisque, à défaut de lui accorder le sursis, il pourrait voir son droit d exercer suspendu pour six mois de façon inutile, si les tribunaux supérieurs faisaient finalement droit à ses prétentions. POUR LES MOTIFS, LE SOUSSIGNÉ, AGISSANT COMME JUGE EN SON BUREAU: ACCUEILLE la requête en sursis; ORDONNE le sursis d exécution du jugement du 29 septembre 1997 du tribunal des Professions rendu dans le dossier portant le numéro ;
5 Le tout frais à suivre. J. ROGER BANFORD, J.C.S. Me Jacques Larochelle (139) Procureur du requérant Rouleau et Doss (Me Galal Doss) 204, rue Notre-Dame ouest Bureau 400 Montréal, Québec, H2Y 1T3 Procureur des intimés
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