BULLETIN ORTHOPHONIE N 6

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1 BULLETIN ORTHOPHONIE N 6 LA GESTION MENTALE OU COMMENT COMPRENDRE ET AIDER SON ENFANT DANS SES APPRENTISSAGES DESSINE-MOI LA GESTION MENTALE Extrait d une première séance faite auprès d enfants de CM2 dans une école de la région parisienne par Catherine Maillard (1) Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler ou lu un livre qui s appelle «Le Petit Prince» d Antoine de Saint-Exupéry. C est une sorte de conte philosophique dans lequel le petit prince découvre le monde des adultes et il trouve que les grandes personnes sont vraiment très compliquées. Le conte philosophique est une histoire inventée pour nous permettre de réfléchir sur les grandes questions humaines. Le petit prince vient d une planète très éloignée de la terre. Un jour, il décide d aller explorer le monde planétaire. Il visite de nombreuses planètes avec des personnages très curieux et enfin pour terminer son voyage, il arrive sur terre dans le Sahara. Et là, il rencontre un aviateur qui est en train de réparer son avion. Et comme le petit prince pense déjà à son retour, il lui demande de lui dessiner un mouton pour l emporter avec lui sur sa planète. «- S'il vous plaît... dessine-moi un mouton! - Hein! - Dessine-moi un mouton... Je dis au petit bonhomme que je ne savais pas dessiner. Il me répondit : - Ça ne fait rien. Dessine-moi un mouton. Alors j'ai dessiné. Il regarda attentivement, puis : - Non! Celui-là est déjà très malade. Fais-en un autre. Je dessinai : Mon ami sourit gentiment, avec indulgence : - Tu vois bien... ce n'est pas un mouton, c'est un bélier. Il a des cornes... Je refis donc encore mon dessin :

2 Mais il fut refusé, comme les précédents : - Celui-là est trop vieux. Je veux un mouton qui vive longtemps. Alors, faute de patience, je griffonnai ce dessin-ci. Et je lançai : -'' Ça c'est la caisse. Le mouton que tu veux est dedans. Mais je fus bien surpris de voir s'illuminer le visage de mon jeune juge :" - C'est tout à fait comme ça que je le voulais! Crois-tu qu'il faille beaucoup d'herbe à ce mouton? - Pourquoi? - Parce que chez moi c'est tout petit... - Ça suffira sûrement. Je t'ai donné un tout petit mouton. Il pencha la tête vers le dessin : - Pas si petit que ça... Tiens! Il s'est endormi... Et c'est ainsi que je fis la connaissance du petit prince.» Quel est le message que veut nous transmettre Antoine de Saint Exupéry? Pourquoi les moutons dessinés par l aviateur ne sont jamais bien? Est-ce que ça vous étonne, vous, qu il préfère la caisse fermée? Le mouton de la caisse, c est le mouton que le petit prince voit dans sa tête. C est lui qui le fait vivre mentalement dans sa tête. Il peut l imaginer comme il veut pour se l approprier. ( ) la gestion mentale, c est tout à fait ce que fait le petit prince en se créant lui-même son mouton. C est se créer mentalement, c'est-à-dire dans sa tête, ses propres images, son propre discours, pour pouvoir comprendre ce que la maîtresse nous dit ou écrit au tableau. La gestion mentale, c est (aussi) savoir «comment faire pour être attentif, mémoriser, comprendre, réfléchir, imaginer» ( ) Le fondateur de la gestion mentale, Antoine de la Garanderie, est un enseignant, un philosophe réaliste (qui pense que le savoir ne nous est pas donné mais que nous avons à nous ouvrir au savoir), un humaniste (il a une foi immense en l homme) qui a compris, grâce à ses élèves, la différence entre le savoir et la connaissance. La règle de grammaire, c est le savoir, la manière dont on met la règle de grammaire dans sa tête, c est de la connaissance. Il a découvert, en laissant ses élèves s exprimer sur leurs manières de procéder face à un apprentissage, qu il n y a pas qu une manière d être intelligent, que chacun porte en lui les moyens de son intelligence ( )

3 La gestion mentale c est le moyen donné à chacun de nous pour réussir. En effet le principe est simple : «Quand quelqu un réussit c est qu il fait quelque chose (un geste) à l intérieur de lui-même (mental) qui explique cette réussite». Ce "quelque chose" c est votre «liberté», liberté donnée à chacun d entre vous de faire vivre dans votre tête le savoir à votre manière. Vous avez le droit d apprendre votre poésie en la répétant dans l ordre ou dans le désordre, en essayant d en comprendre d abord le sens en vous faisant des images ou en mettant vos mots à vous. Vous pouvez la dessiner, la réécrire, la mimer... mais en fin de parcours, on est bien d accord, une poésie, ça se récite dans l ordre et avec les mots du poète. Quand la caisse «gestion mentale» livre ses secrets, c'est-à-dire quand on sait comment faire pour mémoriser, comprendre, réfléchir, imaginer, ( ) on a du plaisir à apprendre. Car bien souvent on dit que l on n aime pas une matière parce que l on ne comprend pas, parce qu on ne sait pas comment y accéder. (1) Catherine Maillard, Docteur en Psychologie expérimentale et sociale, formatrice en Gestion Mentale, en collaboration avec Laurence Maillard-Teyssier, Maître de Conférence en Mathématiques, Université Paris XIII. L évocation mentale Cette introduction explique bien ce qu est ce terme qui peut paraitre un peu «barbare» de gestion mentale. Un des grands principes de la gestion mentale est la différence entre la perception et l évocation. La perception, c est ce qu on perçoit avec nos sens : ce qu on voit, entend, sent ou touche. Evoquer, c est faire exister dans sa tête (c est-à-dire mentalement) ce que nous avons vu, entendu, touché,, c est faire revivre mentalement quelque chose que nous venons de vivre : c est le mouton que le Petit Prince imagine dans la caisse. Il ne suffit pas de percevoir une information pour la garder et en tirer profit, il faut absolument reprendre cette information et en faire une évocation. Pour retenir, il faut «évoquer» : on ne retient que ce qu on évoque.

4 Ne vous est-il pas déjà arrivé d avoir regardé votre montre et de ne pas savoir quelle heure il est? D arrêter votre lecture en vous rendant compte que vous n avez pas du tout capté ce que vous lisiez depuis quelques lignes? Et pourtant vos yeux ont perçu l emplacement des aiguilles sur la montre, ils ont continué à déchiffrer les mots de votre livre mais vous n avez pas évoqué et donc pas retenu l information. Pratiquement dans les apprentissages : Si un enseignant demande à ses élèves de bien lire la leçon à la maison: certains l auront lue et l auront évoquée (l auront fait exister dans leur tête) et pourront être capable de la retenir. D autres, en revanche, n auront fait que déchiffrer le message écrit sans l évoquer et seront dans l incapacité de la restituer en classe. Ils auront pour autant le sentiment d avoir fait ce que leur avait demandé leur enseignant. Apprendre à coder à sa manière Pour passer de la perception fugitive à l évocation qui doit nous aider à retenir, il est indispensable de «coder» le message visuel ou auditif (ou ressenti) que nous désirons garder, que nous souhaitons «mettre dans notre tête». Nous dirons que nous allons créer des images mentales : images visuelles si nous sommes davantage portés à «revoir» dans notre tête, à photographier ce que nous voulons retenir ou des images auditives si pour nous souvenir de quelque chose, nous avons davantage tendance à nous «redire» les choses ou à réentendre ce qui nous a été dit. Voici une vidéo pour illustrer ces propos : Vidéo Petit Nicolas Gestion mentale Pour retrouver le mot Seine, Clotaire cherche parmi ses évocations celles qui sont en lien avec ce qu il veut retrouver : des évocations auditives : il réentend la maitresse qui lui dit : «tu nous a dit que tu y étais allé en bateau avec tes parents». des évocations visuelles : il revoit les monuments qui se trouvent au bord de la Seine et enfin un panneau sur lequel il peut lire «Seine».

5 Pratiquement dans les apprentissages : On comprend aisément que des enfants qui ne se donnent que des évocations visuelles vont avoir par exemple des difficultés pour analyser les sons qui composent un mot. Quand la maîtresse demande à des enfants de grande section/cp: «Est-ce que vous entendez le son [ou] dans «loup»?» o o Un enfant auditif pourra réentendre la voix de la maîtresse ou la sienne et pourra percevoir les différents sons composant le mot loup : [l] et [ou] Un enfant qui ne se donne que des images mentales visuelles aura dans sa tête une image d un loup et sera bien en peine de répondre à la maîtresse (Il pourra par la suite, quand il aura appris à lire et à écrire se faire des images mentales visuelles non plus de l animal mais du mot écrit «loup») Comment aider votre enfant dans ses apprentissages? Quelques exemples : 1. Retenir l orthographe d un mot Par exemple pour le mot : château Certains enfants vont avoir besoin de l épeler : c-h-a-^-t-e-a-u Ou d épeler les particularités : a-^-eau D autres vont se dire : château c est comme beau, gâteau, manteau, c est eau D autres encore vont se raconter une histoire autour de l accent circonflexe qui ressemble au toit de la tour du château et qui tombe à l eau dans les douves. Certains vont mettre en dessin le château avec ses particularités orthographiques et revoir l image dans leur tête

6 Extrait de «Mémoriser pour comprendre réfléchir, créer» Francesca Gianesin Chenelière/didactique

7 2. Apprendre les tables de multiplication Les tables de multiplication sont incontournables : elles sont le noyau de l entrée dans l univers des nombres. Il est fondamental que les enfants réussissent à les apprendre. On peut expliquer à l enfant qu il va être plus fort que le calculatrice s il connait ses tables ; en effet la calculatrice est capable de donner le résultat de 9x6 par exemple mais elle ne peut pas dire que 36 c est 9x4 ou 4x9 ou 6x6. Donner ce tableau à l enfant en lui faisant remarquer que de chaque côté de la diagonale bleue, les nombres sont identiques et que lorsqu il aura appris un côté, il saura l autre par le fait même. Donner à l enfant la globalité des tables, c est lui permettre de comprendre qu un jour il aura fini de les apprendre (ce qui n est pas forcément évident pour les enfants). Faites le colorier les résultats qu il connait déjà (lignes de 0, 1 et souvent 2) pour qu il réalise ce qu il lui reste à apprendre.

8 Au fur et à mesure de ses apprentissages, faites le colorier ce qu il a appris ; Lorsqu il connaitra les tables de 2, 3, 4 et 5, il va réaliser qu il ne lui reste plus beaucoup de résultats à apprendre. Le problème de la présentation classique des tables de multiplication : 3x0=0 3x1=3 3x2=6. est qu il y a trop d informations : l enfant a l impression que ça ne finira jamais. De plus, elles sont difficiles à mémoriser car elles se ressemblent toutes. Varier la forme des tables en jouant sur l esthétique, illustrer d images plus ou moins concrètes Limiter le nombre d éléments sur chaque table en tenant compte de ce que l enfant connait déjà : pour la table de 6, s il a déjà appris les tables de 2, 3, 4 et 5, il ne lui reste plus à apprendre que 6x6, 6x7, 6x8 et 6x9 (en général, il connait déjà la table de 10) Exemple de tables proposées par Armelle Géninet(*), ancienne professeure de Mathématiques et formatrice en Gestion Mentale : Table de 3 :

9 Table de 9 : Ces schémas centrés vont permettre à l enfant de mieux mémoriser chaque table. Chaque table nécessite néanmoins un entrainement régulier tous les jours pendant plusieurs semaines sous forme de jeu. Il faudra bien entendu aider votre enfant à évoquer le dessin de la table qu il va apprendre. Il pourra par exemple pour la table de 3, essayer de revoir tous les éléments de la table dans sa tête s il est plutôt visuel ou bien s il est plutôt auditif, se raconter dans sa tête : «la table de 3 c est comme un blason violet, le 3 est le cœur de la fleur qui y est dessinée au milieu ; le pétale du bas c est le x3 qui fait 9, etc» Attention, il faut bien garder en tête que nous ne fonctionnons pas tous de la même façon en fonction des évoqués que nous nous donnons en priorité : notre enfant aura peut-être besoin de passer par des stratégies de mémorisation différentes des nôtres. Alors, à vos stylos et laissez libre cours à votre créativité et surtout à celle de vos enfants! (*) Armelle Géninet «Faites-les réussir en maths» Chronique Sociale

10 Pour aller plus loin : «Réussir ça s apprend» A.de la Garanderie et D. Arquié «Tous les enfants peuvent réussir» A.de la Garanderie et G. Cattan