Les légumineuses et la fourniture d azote aux céréales : de la valorisation du précédent aux couverts permanents
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- Roland Martin
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1 Les légumineuses et la fourniture d azote aux céréales : de la valorisation du précédent aux couverts permanents Jean Pierre Cohan & Jérôme Labreuche ARVALIS Institut du végétal L azote est, avec l eau, le principal facteur de production des céréales. Les incertitudes sur le prix des engrais azotés et les contraintes réglementaires croissantes sur leurs usages poussent les agriculteurs, et les techniciens qui les accompagnent, à augmenter l autonomie des systèmes de culture vis à vis des engrais de synthèse. Cette tendance s accompagne bien entendu de la recherche du maintien d un statut azoté optimal des cultures, afin d assurer une production importante et de qualité. Il existe trois moyens pour parvenir à cet objectif : 1) augmenter l efficacité des apports d engrais, 2) mieux valoriser l azote contenu dans les produits résiduaires organiques et 3) augmenter la part de légumineuses dans la rotation. En effet, en fixant l azote de l air, ces dernières permettent d introduire une nouvelle sorte d azote dans le système, se substituant partiellement à l azote atmosphérique fixé dans le processus industriel de fabrication des engrais de synthèse. De plus, quand elles sont cultivées en culture principale, celles ci ne nécessitent pas d apport d azote. L insertion des légumineuses dans la rotation peut se faire sous plusieurs formes en fonction du niveau de changement possible du système de culture. Elle passe d abord par la valorisation classique d un précédent légumineuse introduit en culture principale (protéagineux, luzerne ), puis par l insertion de légumineuses en couverts intermédiaires avec un cycle chevauchant peu ou pas celui de la culture précédente. En envisageant de modifier plus en profondeur le type d implantation des cultures, on peut concevoir des associations annuelles de la légumineuse avec la céréale. Enfin, le système le plus «extrême» consisterait en l implantation de toutes les cultures de la rotation dans un couvert de légumineuse permanent laissé vivant et «contrôlé» périodiquement pour éviter les phénomènes de trop forte concurrence. L exposé présenté retrace pour chaque technique les principaux bénéfices attendus en termes de fournitures d azote et les points de vigilance à retenir pour assurer une insertion harmonieuse de la légumineuse dans la rotation afin d augmenter la fourniture d azote aux autres cultures. Plusieurs des éléments techniques présentés peuvent être retrouvés dans les publications suivantes : Sur les cultures intermédiaires : Perspectives Agricoles n 383 Novembre 2011 Perspectives Agricoles n 395 Décembre 2012 Perspectives Agricoles n 398 Mars 2013 Brochure ARVALIS/CETIOM/ITB Cultures intermédiaires : impacts et conduite. ARVALIS Ed Sur les cultures associées : Perspectives Agricoles n 391 Juillet Août 2012 Perspectives Agricoles n 404 Octobre 2013 Perspectives Agricoles n 408 Février 2014 Sur les couverts permanents : Perspectives Agricoles n 415 Octobre 2014 Colloque implantation des cultures, place à l'innovation! - 25 septembre Fleury-les-Aubrais 119
2 Les légumineuses et la fourniture d azote aux céréales De la valorisation du précédent aux couverts permanents Jean-Pierre COHAN et Jérôme LABREUCHE ARVALIS-Institut du végétal jp.cohan@arvalisinstitutduvegetal.fr j.labreuche@arvalisinstitutduvegetal.fr 1
3 Vers une plus grande autonomie vis-à-vis des engrais azotés Prix reconstitués d après des sources diverses Directive Nitrates 5 e délimitation Zones vulnérables 2012 Prix des engrais azotés : tendance pluriannuelle en hausse instabilité interannuelle Pression réglementaire sur l usage des engrais : Directive Nitrates Directive NEC (NH 3 ) Bilan GES des filières (N 2 O) Il devient nécessaire d augmenter l autonomie des systèmes de culture vis-à-vis des engrais N de synthèse tout en maintenant le statut N des cultures à un niveau optimal. Ł Les légumineuses permettent d introduire une nouvelle source d azote (fixation symbiotique d azote atmosphérique). 2
4 CP = culture principale IC = interculture Plusieurs modes d insertion de légumineuses Insertion en tant que CP Insertion en tant que CI Insertion en association avec la CP CP 4 CP 1 Insertion en couvert semipermanent ou permanent Rotation Ampleur du changement de système de culture - + CP 2 CP CI Cult. Asso. Couv. perm. CP 3 La frontière entre les différents types d insertion est parfois ténue (exemple : CI semée dans la culture précédente) 3
5 Légumineuses en cultures principales 4
6 Légumineuses en cultures principales C O L L O Q U E q/ha Dose N BTH de pois = 70 % dose N BTH de BTH Dans cet essai, à l échelle de la rotation : Rdt BTH de pois significativement > Rdt BTH de BTH l avantage s estompe rapidement après 2 années de rotations l avantage n est pas seulement lié aux fournitures N Essai longue durée de Prudemanche 28 (ITCF/UNIP/CA28) Mode d insertion des légumineuses connu de très longue date Peu ou pas d obstacles techniques Frein au développement essentiellement lié à la pérennité économique dans la rotation 5
7 Légumineuses en cultures intermédiaires 6
8 Légumineuses en cultures intermédiaires Cinétiques de minéralisation Min N (% QN p.a.) Effet CIPAN Quantité N dans la CI (kg N/ha) JN (15 C ; Hcc) Lignes pleines et pointillées : modèles linéaires à pente statistiquement différentes de 0 (1%) 3 essais ARVALIS C/N plus bas des légumineuses et des mélanges à base de légumineuses = cinétiques de minéralisation plus aptes à fournir de l azote à la culture suivante si on gère correctement la date de destruction Essais ARVALIS/ITCF/CREAS /CRAB/CT FDGEDA 10/CA51 Légumineuse : effet CIPAN significatif mais inférieur à celui des non-légumineuses Mélange : effet CIPAN sur la même tendance que les non-légumineuses 7
9 Légumineuses en cultures C O L L O Q U E LEGUMINEUSES* intermédiaires Exemple sur maïs NON-LEGUMINEUSES *solo et en mélange Effet FERTI positif Lien avec QN-CI Effet Rsemis neutre à positif Effet FERTI variable et peu élevé en moyenne Peu de lien avec QN-CI Compensation du MrCI par l effet Rsemis Essais annuels ARVALIS/ITCF/CREAS + résultats KERLAVIC (CRAB/ARVALIS) et BIGNAN (ARVALIS) 8
10 LEGUMINEUSES Légumineuses en cultures intermédiaires Exemple sur orge de printemps CRUCIFERES Effet FERTI positif Lien avec QN-CI Effet Rsemis neutre à positif Effet FERTI variable et peu élevé en moyenne Peu de lien avec QN-CI Compensation du MrCI par l effet Rsemis Essais annuels ARVALIS/ICT FDGEDA 10/CA51 9
11 Légumineuses en cultures intermédiaires Cas particulier : semis dans le maïs précédant la céréale d hiver 1 ers résultats en cours de valorisation Plusieurs espèces ou mélanges d espèces seraient aptes à la technique (TA par exemple) Programme de désherbage du maïs à adapter Dans les meilleurs des cas, cela permettrait de disposer d un couvert de légumineuses viable après maïs fourrage 10
12 Les + Légumineuses en cultures intermédiaires «Relative» facilité d intégration dans les SdC (indépendante d une valorisation commerciale) Potentiel de fourniture N important Valorisation agronomique d une contrainte réglementaire Les - Croissance des légumineuses en CI difficile dans plusieurs milieux pédoclimatiques (difficulté de levée estivale, durée de croissance ) Coût des semences Incompatibilité de certains ITK avec des destructions tardives Dynamique de minéralisation peu adaptée aux céréales d hiver Frein réglementaire aux couverts de légumineuses pures 11
13 Légumineuses en cultures associées Légumineuse et céréale récoltées Légumineuse non récoltée Plusieurs essais de cette synthèse ont bénéficié de financements issus d appels à projets : CASDAR «Cultiver des associations céréales protéagineux : des intérêts agronomiques, économiques et environnementaux à découvrir» (pilotage UNIP & INRA Grignon ) CASDAR «concilier productivité et services écologiques par des associations céréale-légumineuse multiservices en agricultures biologique et conventionnelle» (pilotage ESA Angers) ANR SYTERRA PERFCOM (pilotage INRA Montpellier) 12
14 Légumineuses en cultures associées avec récolte des 2 cultures 13
15 Légumineuses en cultures associées avec récolte des 2 cultures Point de départ : 1 ha de blé tendre cultivé à 100 % de sa densité de semis (supposée optimale) = blé solo Objectif réintroduction du pois dans la rotation sur le même hectare, cultiver à la fois du blé et du pois ŁSoit en séparant les cultures, ie 0.5 ha de blé et 0.5 ha de pois à 100 % de leur densité de semis respectives (supposées optimales) = (blé solo + pois solo)/2 ŁSoit en associant les 2 cultures, ie 1 ha d association avec le blé et le pois à des densités de semis infra-optimales par rapport aux semis mono-spécifiques (cas le plus courant : 50 % des densités optimales du blé et du pois) = blé asso + pois asso = tot asso 14
16 Légumineuses en cultures associées avec récolte des 2 cultures Blé solo vs (blé solo + pois solo)/2 +14,1*** q/ha en faveur de la céréale pure (de -5,6 à +42,6 q/ha) Blé solo vs tot asso +3,3* q/ha en faveur de la céréale pure (de -21,6 q/ha à +23,3 q/ha) Test statistique de comparaison de moyennes (méthode des couples) : * = différence significative au seuil de 5 % *** = différence significative au seuil de 0,1 % 16 essais 2005 à 2011 (ARVALIS, ESA, INRA, CA79) Céréales : blé tendre, blé dur ; légumineuses : pois protéagineux, pois chiche 15
17 Légumineuses en cultures associées avec récolte des 2 cultures (blé solo + pois solo)/2 vs tot asso +11,9*** q/ha en faveur de l association (de à +33,2 q/ha) Association surtout performante en situation de faible fourniture N Test statistique de comparaison de moyennes (méthode des couples) : * = différence significative au seuil de 5 % *** = différence significative au seuil de 0,1 % 16 essais 2005 à 2011 (ARVALIS, ESA, INRA, CA79) Céréales : blé tendre, blé dur ; légumineuses : pois protéagineux, pois chiche 16
18 Légumineuses en cultures associées avec récolte des 2 cultures Blé solo vs tot asso Blé associé : +1,6 % tx prot par rapport à la céréale pure. Phénomène en grande partie lié à la concentration de l azote dans le grain consécutive à la perte de rendement Courbe = ajustement exponentiel statistiquement significatif à 1 % 11 essais 2005 à 2010 (ARVALIS, ESA, INRA, CA79) Céréales : blé tendre, blé dur ; légumineuses : pois protéagineux, pois chiche 17
19 Les + Légumineuses en cultures associées avec récolte des 2 cultures En situation de faible apport N : permet de produire de plus grandes quantités de céréales + légumineuses que les équivalents cultivés en solo => une voie possible de réintroduction du protéagineux dans les rotations où il n est plus présent Permet une production de blé avec un meilleur taux de protéines du grain Les - ITK réservé aux systèmes voulant intégrer des protéagineux = ne permet pas de produire plus de céréales avec autant d azote ou de produire autant de céréales avec moins d azote Plusieurs difficultés techniques et économiques à lever au cas par cas (protection phyto, récoltes, tri des grains ) mais des solutions existent Avenir des débouchés dans les circuits classiques freiné par la pureté des lots? 18
20 Légumineuses en cultures associées Légumineuse non récoltée 19
21 Légumineuses en cultures associées Légumineuse non récoltée 3 cas de figure 1 : aucun effet = croissance lég très faible Comparaison à dose N identique 2 : forte pénalité rdt Ł effet tx protéines (concentration) = légumineuse trop compétitive (destruction trop tardive ou échec de la destruction) 3 : peu ou pas d effet rdt mais un gain tx protéines = légumineuses suffisamment développées mais bien contrôlées par la suite 14 essais ARVALIS Céréale : blé tendre Légumineuses : pois protéagineux, vesce commune de printemps Zone Nb DeltaR DeltaP Moy ET Moy ET Proportion Total % NS NS % * * % * * % 2 points vesces extrêmes exclus 20
22 Légumineuses en cultures associées Légumineuse non récoltée Les + Permet un meilleur taux de protéines sans entamer le rendement Equivalent d un apport tardif d azote Les - Réussite de l association aléatoire Risque de forte concurrence avec le blé entamant sérieusement le rendement N agit que sur la teneur en protéines car la cinétique de minéralisation de la légumineuse est trop tardive pour agir sur le rendement 21
23 Légumineuses en couverts (semi) permanents Technique encore en phase exploratoire Principe : implantation des cultures en semis direct dans un couvert végétal de légumineuse laissé vivant mais dont la croissance est maîtrisée via des herbicides Attendus : Faciliter l implantation des couverts (de + en + souvent semés avec le colza) Introduire une nouvelle source N via les légumineuses Bénéficier des effets indirects d une couverture végétale permanente (lutte contre l érosion, concurrence adventice, structuration du sol ) 22
24 Légumineuses en couvert (semi) permanent La gestion délicate de la concurrence de la légumineuse Toutes choses égales par ailleurs. Sans maîtrise/optimisation de la technique Essai ARVALIS de Boigneville (91) Couvert de trèfle Incarnat mal maîtrisé - Sol limono-argileux moyennement profond 23
25 Légumineuses en couvert (semi) permanent La gestion délicate de la concurrence de la légumineuse Fourchettes de rendements obtenus pour différentes cultures avec couvert permanent Cultures Blé Rendement AVEC herbicides 25 à 80 q/ha soit 30 à 90 % du sol nu Rendement SANS herbicides 10 à 35 q/ha, soit 20 à 60 % du sol nu 25 à 45 q/ha, soit 80 à 110 % du sol nu (avec couvert sous semé) Avoine 50 q/ha Orge 60 q/ha Colza * 35 à 53 q/ha soit 80 à 115 % du sol nu 17 à 30 q/ha Maïs 0 à 60 q/ha, soit 0 à 60 % du sol nu Non récolté Soja 30 à 35 q/ha Sorgho 40 q/ha Toutes choses égales par Tournesol 0 à 65 % du sol nu ailleurs. Sans * Couverts permanents et temporaires maîtrise/optimisation de la technique Synthèse CRA Poitou-Charentes 2010 Essais CA, INRA, ARVALIS, CETIOM, ESA, ISARA, NOURICIA, Agriculteurs 24
26 Légumineuses en couvert (semi) permanent Contexte 2013 sans stress hydrique en cours de montaison Rendement (q/ha à 15 %) Biomasse plante entière (t MS/ha) Azote absorbé plante entière (kg N/ha) Protéines (%) Essai ARVALIS de Boigneville (91) Couvert de trèfle blanc implanté en 2011 (colza) - Sol limono-argileux moyennement profond 25
27 Légumineuses en couvert (semi) permanent Contexte 2013 sans stress hydrique en cours de montaison Quantité d azote minéralisé dans le sol cumulée Z22-Récolte Chisel - 31/10 SCV - 16/10 N opt (kgn/ha) *** R opt (q/ha) NS ETR (q/ha) *** différence significative à 1 %/NS : différence non significative Essai ARVALIS chez M. Charpentier (Brives 36/2013) Couvert de luzerne d août 2011 Sol de limon argileux sur calcaire peu profond Partenariat réseau agriculteur SCV Lucien Séguy 26
28 Légumineuses en couvert (semi) permanent Logique de la couverture permanente des sols poussée à son extrême Probablement une piste intéressante à creuser Encore beaucoup de travail de mise au point d ITK Adaptation de la technique à faire en fonction des particularités de chaque situation agroclimatique 27
29 Conclusion Légumineuses = un des trois leviers d augmentation de l autonomie en azote (avec les recyclage des PRO et l augmentation de l efficacité des apports d engrais) De nombreuses solutions existent pour augmenter la part de légumineuses dans les rotations Le degré d insertion dépend des possibilités techniques de modifications de l ITK Les cas les plus «extrêmes» d insertion nécessitent encore d importants travaux de mise au point d ITK 28
30 Merci de votre attention 29
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