Méditation devant la tapisserie de Gilbert Louage Chapelle mariste. Toulon.

Transcription

1 Méditation devant la tapisserie de Gilbert Louage Chapelle mariste. Toulon. Ce travail très soigné, réalisé par l artiste peu de temps avant sa mort, le 5 décembre 75 utilise une technique d assemblage de tissus divers cousus les uns aux autres et préalablement brodés. C est une œuvre contemporaine qui nous fait entrer dans la dynamique du mystère pascal, considérée comme «l œuvre la plus tendre et la plus lumineuse de l artiste.» (Gaston Malherbe) Sous nos yeux le mystère pascal s accomplit et Marie est associée à la Passion et à la Gloire. Elle donne à nouveau le Fils et devient la Mère de l Eglise. Nous partirons d une vue d ensemble, nous intéressant d abord au cadre et aux divers éléments de la composition. Puis nous contemplerons le Christ et sa Mère.

2 Une vue d ensemble L impression première est celle d une conjugaison de la fermeture et de l ouverture. L espace est circonscrit et en même temps traversé, Comme la lumière qui crève le voile des ténèbres. Carrés, cercles, diagonales et verticales mettent la scène en mouvement. Un premier carré, aux limites de la tapisserie. Ouvert par les lignes bleues qui le traversent et semble le prolonger à l infini. Ce qui s accomplit sous nos yeux a une dimension cosmique. Un cosmos traversé par une croix de lumière et où les rayons d azur percent la nuit. Un second carré, central. Comme une toile tendue, un cadre pour mettre en valeur la scène représentée. Une symbolique de l univers : sur la terre (ligne marron sous les pieds du crucifié et la crèche.) comme au ciel. Il est irradié d une lumière éclatante. Le Christ se détache sur un soleil éclatant, il est le soleil radieux de Pâques. Le carré est lui aussi traversé par la croix. Le fond gris évoque la grisaille de ce monde enténébré par la nuit du péché. Tout semble à la fois statique, intemporel et en même temps en mouvement, un mouvement qui s inscrit dans le temps et l espace et qui semble les abolir Arrêtons-nous un instant sur les couleurs. Un camaïeu de gris qui évoque le drame de ce monde enténébré. Un camaïeu de jaune qui embrase toute la toile et éclaire les ténèbres. L éclat des rouges, nous fait sentir l ardeur de l amour offert dans un don jusqu à l extrême. Les bleus qui nous entraînent dans la sérénité et l infini de l azur. Le blanc de la vie dans la transparence de l éternité.

3 Une scène cosmique. Tous les éléments du monde sont associés au drame qui se joue : Terre, cieux, feu, eaux. Comme aux origines et pour une nouvelle création dont le Christ est l acteur. Un parcours de la crèche à la croix. En bas à droite, une évocation de Noël, sur la terre. Déjà en écho avec le mystère pascal. Sur la gauche, l Esprit, oiseau de feu aux ailes déployées. Tout autour, une couronne rayonnante, la lumière qui éclaire la nuit du monde. Une grotte, un abri, évocation du tombeau. En son centre une souche d où partent les rayons de la vie qui renaît. L arbre de Jéssé a refleuri, Le fils de David, le fils de Dieu est né. Il est au centre de la souche, Source de lumière. La croix. Curieuse représentation du bois du supplice. Elle est irradiée de lumière, Et elle explose, traversant le cosmos aux quatre points cardinaux. En même temps, elle contient le Christ et sa Mère. La croix ne fait plus corps avec eux mais elle a traversé leur vie. Croix ostensoir.

4 Le soleil. Eclatant, il semble surgi du cœur transpercé du Christ. Embrasement de l amour. Ses rayons ne traversent pas Jésus et Marie mais ils semblent produits par leur présence. L un et l autre sont enveloppés de cette lumière radieuse. Le Christ et sa Mère. De chacun d eux émane une sérénité, comme un accomplissement. Le Christ, yeux ouverts, les bras étendus, le cœur transpercé, en lui tout est ouverture. Marie, debout, toute en participation et dans une posture d intériorité. Regardons maintenant le crucifié. Il est représenté debout, comme un vivant, blessé, le cœur ouvert. Sa tête est couronnée d épines. Ses bras et ses pieds percés, aux plaies comme des roses carmins, se détachent de la croix. Il est comme projeté en avant, arraché à la croix, Dans un élan de vie nouvelle. De son cœur surgit l embrasement, Ce soleil éclatant qui éclaire et réchauffe le monde, fini et infini. La vie surgit de la mort Bourgeon gorgé de sève après les frimas de l hiver. Et cette vie est le fruit du don extrême, De l épreuve traversée. Amour livré qui arrache à la nuit et aux peurs de ce monde. Un roi de gloire qui nous fait entrer le Royaume des cieux. Son corps est marqué par la souffrance, Mais elle est devenue chemin de gloire. Christ Pantocrator. Les mains et les bras immenses sont étendus, à l horizontale, Détachés et comme des ailes déployées, Répandant la grâce.

5 La messe sur le monde s accomplit dans l offrande et l assomption de la vie. C est la nouvelle création, une genèse : cieux nouveaux et terre nouvelle. Un geste sans limites, dans le temps et dans l espace. Mais qui nous fait entrer dans l infini et l éternité. Les plaies. Elles sont comme des roses rouges sur les mains et les pieds. Preuves et épreuve. C est la gloire de la croix. Contemplons le Dieu crucifié, Roi couronné d épines qui n a pas triché avec la souffrance et la mort. Le sang versé devient source de vie, amour ultime. Le cœur ouvert nous dit que tout est accompli. Et dans cet abandon le Père fait surgir la vie. Tout le mystère de Dieu est proposé à notre contemplation. Le Christ devient Eucharistie. Et son cœur sacré, transpercé, nous redit comment Dieu nous aime. Regardons enfin Marie. La voici debout et non dolente comme une Pietà. Elle est là, là ou il faut, sous la croix, près du fils, c est sa place. Elle participe au mystère. D une main, elle enlace délicatement le corps endolori du fils supplicié. Tendresse et compassion d une mère pour son enfant : elle entre avec lui dans la souffrance. Mais cette main est placée près du cœur, là ou jaillit la source de l amour L autre est repliée sur sa poitrine,

6 là où elle garde, pour les méditer, tous ces événements. De la crèche à la croix. Mais, elle aussi, est irradiée par l embrasement solaire, Elle est associée à la vie qui renaît. Elle est témoin premier de la résurrection, Représentante de l humanité sauvée. Elle est l Eglise naissante au pied de la croix. Elle est l Eglise debout sous l arbre de vie. Elle est la mère qui a tout donné et qui reçoit tout Elle notre Mère. Avec Marie, entrons dans le mystère de l amour fou de Dieu. Le Christ est en offrande et nous invite à continuer sa présence En donnant à notre tour notre vie pour nos frères, Parce qu il n y a pas de plus grand amour.