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1 Compte-rendu d'ouvrage TIC, éducation et psychanalyse Jean-Luc RINAUDO. Paris : l'harmattan. Date de parution : Par Marie-Odile Galopin, Docteur en Sciences de l'éducation Enseignante spécialisée chargée de l'aide à dominante rééducative Un ouvrage qui s inscrit dans la droite ligne des thématiques abordées lors du workshop du Centre Branly 1 du 30 juin En effet parmi les questions abordées mettant en lien apprentissage et usages de la vidéo, se trouvait un des éléments de l ouvrage de Rinaudo : pourquoi et comment se construisent (ou ne se construisent pas) ces liens avec ces nouveaux objets? Ce livre, court en terme de pages (140 p.), mais dense en termes de connaissances et de concepts abordés (surtout dans le domaine de la psychanalyse), ne laissera indifférent aucun de ceux qui s intéressent à l enseignement et aux nouvelles technologies! A la croisée de la psychanalyse, de la sociologie et des TIC 2, ce livre est à la fois support de réflexion, mais aussi une aide possible pour tous les enseignants/formateurs qui s interrogent quant aux relations que les étudiants entretiennent avec ces outils dans le cadre d apprentissages. L auteur évoque également le rapport enseignant/enseigné, et ce, quel que soit le support utilisé, tableau, papier ou autres. L auteur mène une réflexion à trois niveaux. Il cherche à comprendre, ainsi qu il l écrit en conclusion : «ce qui se passe au niveau des sujets apprenants et formateurs, comme au niveau des groupes.» (p. 137) 1. page consultée le 02/07/ Technologies de l Information et de la Communication. 195 EF46_INT.indd /01/ :38

2 Eduquer Former, , n 46 Pas de questionnement ici sur l utilité ou non des technologies, ou sur leur efficacité. Pour lui, là n est pas la question la plus importante, qui est celle de l utilisation de ces outils. En tant que chercheur, il se place, à l aide d outils que nous présenterons, dans une position qui lui permette de comprendre pourquoi on s engage dans ces utilisations (ou non) de ce qu il nomme : «les processus subjectifs» (p. 139) et «groupaux» (p. 139) à l œuvre, tant au sein du groupe des formés, que du groupe constitué par l enseignant/formateur et l étudiant. Que met-il en évidence? Du côté de la personne de l apprenant L utilisation de ces outils cache un usage et un rôle plus ou moins symbolique que l on attribue à ces objets. «C est pour l essentiel, sur la part insue des acteurs, dans leurs pratiques médiatisées, et plus particulièrement sur la dimension inconsciente à l œuvre dans ces pratiques, que portent les travaux qui composent cet ouvrage.» (p. 31) Donc ce qui est analysé à l aide de Freud puis de Winnicott en enfin de Bion, c est la part «médiatisée», ce lieu entre dedans/dehors, ce rapport à l altérité, au temps. Mais surtout ce que met en avant l auteur, c est que ce ne serait pas l outil informatique en tant que tel qui produirait tel ou tel effet, mais bien qui nous sommes. C est-à-dire que le Sujet crée ou ne crée pas des liens avec son environnement numérique. Ces liens qui régissent déjà tous les rapports que le Sujet entretient avec un Objet, et ce quel qu il soit 3. Les «outils» utilisés viennent de Freud (bobine et ficelles), Winnicott (objet transitionnel) ; et Bion. Ces outils permettant de penser la séparation, et donc le lien. 3. Relation d objet : «Terme très couramment employé dans la psychanalyse contemporaine pour désigner le mode de relation du sujet avec son monde, relation qui est le résultat complexe et total d une certaine organisation de la personnalité, d une appréhension plus ou moins fantasmatique des objets et de tels types privilégiés de défense. On parlera des relations d objet d un sujet donné, mais aussi de types de relations d objet se référant soit à des moments évolutifs (exemple : relation d objet orale), soit à la psychopathologie (exemple : relation d objet mélancolique).» site consulté le 03/07/ EF46_INT.indd /01/ :38

3 Jean-Luc Rinaudo Pour Rinaudo, le virtuel n est pas un élément nouveau, mais : «C est bien le travail psy-chique accompli par les sujets utilisant ces technologies qui leur confère une valeur négative ou positive.» (p. 31) Ces divers points seront illustrés par des vignettes «cliniques» qui montrent ce qui est en jeu au-delà de ces situations purement «technologiques» rencontrées. Difficultés avec son identité professionnelle, pour des étudiants en situation de formation, ou difficultés à penser, ou à se remettre en question. Néanmoins, le Formateur éclairé par la lecture devra être attentif au fait que l interface numérique peut être perçue par le formé comme un espace étrange, étranger, inquiétant, lieu possible de déliaisons. Du côté de la personne du formateur Un des aspects (parmi d autres) que je reprendrai est celui du lien entre l ensei-gnant/formateur et l étudiant/formé, miroir du lien entre autonomie et dépendance. J ai trouvé ce point très éclairant, car au cœur de toute situation d apprentissage, voire de relation. De même, ce lien fait écho au jeu de la Bobine (Freud) tel que l évoque l auteur dans la première partie du livre. La distance, la juste distance, qui est aussi le problème de tout chercheur (ici je pense à Elias et au concept de distanciation 4 ) est affaire de place. La sienne, celle que se donne le formateur, de qui il est en tant que formateur ; et celle de l Autre, celle aussi qu il lui accorde ou non, entre autonomie et? «Distance au formateur, dans le modèle qu il donne et dans la relation entretenue avec lui ; on retrouve la théorisation de Winnicott de mère suffisamment bonne» (p. 132) Le Formateur par sa présence tant physique que psychique, aide non seulement la construction de l apprenant (dans un rapport au Savoir), mais aussi sa capacité à penser. «Le bébé dont le moi n est pas encore totalement organisé, est supporté par le moi fiable de l adulte présent.» (p. 126) 4. ELIAS, N. (1983/1993). Engagement et distanciation. Paris : Fayard. 197 EF46_INT.indd /01/ :38

4 Eduquer Former, , n 46 L adulte joue ici un rôle fondamental de cadre contenant la pensée et la permettant. C est parce que le Formateur est fiable qu il peut y avoir des attaques contre sa personne (pensons à des phrases souvent entendues en cours pour négocier forme ou fond des devoirs à rendre ), mais aussi une pensée qui peut être libérée et source d autonomie pour l apprenant. Après ce point qui présente des similitudes avec le thérapeute (?), le dernier point que je relèverai est celui de la toute puissance du Formateur ou de l enseignant 5. La toute puissance ou l illusion de toute puissance que pensait détenir le jeune enfant dans son rapport au monde, est parfois encore présente chez le formateur. Ce point serait renforcé selon Rinaudo par la «scène informatique» et surtout la présence de Forum. Le Forum serait l objet de nombreuses suspicions liées à la «présenceabsence des formateurs». Présent, car pouvant connaître tout ce qui se fait ou se dit sur le Forum, et absent, car n apparaissant pas directement. Ceci étant encore surjoué par les apprenants avec la peur des évaluations, tant de fréquence de présences sur les sites, que des contenus. L absence réel du Formateur est compensée par une présence occulte, cachée, ce qui fragilise l apprenant, en l enfermant dans une relation de toute puissance dont il est l objet : «ici l apprenant est mis en position non plus de sujet capable d autonomie et de pensée, mais d objet plus ou moins malléable.» (p. 124) Attention donc à nos postures d enseignant, mais aussi d apprenant! Du côté du groupe Ici l auteur a utilisé principalement comme outil de référence Bion W. et des textes issus de l ouvrage Recherches sur les petits groupes (Paris, P.U.F., 1965). Rinaudo présente quelques éléments clefs de la pensée de Bion qu il va utiliser pour son analyse. Bion a théorisé ce qui se passe à l intérieur d un groupe, au niveau des émotions, mais aussi des relations qui se tissent entre ses membres, y compris avec l animateur. 5. Ce point «Formateur tout puissant» est développé pages 122 à EF46_INT.indd /01/ :38

5 Jean-Luc Rinaudo Là encore Rinauda, va montrer que ce qui se joue dans tout groupe est aussi à l œuvre dans un groupe de e.reseau. A partir d une analyse fine des «introductions et des fins de messages sur les forums» (p. 108), l auteur nous montre comment ces salutations marquent «les limites du groupe.» (p. 110) Un dedans/ dehors se rejoue ici, tout comme avec la présence/absence, et le besoin d appartenir au groupe. «Les conclusions des messages, plus fortement encore que leur ouverture, peuvent se comprendre comme une invitation à la cohésion du groupe.» (p. 108) Après avoir évoqué le «bon groupe» auquel nous désirons tous appartenir, ainsi que les fonctions de pare-excitation 6. Pare-excitation qui peut être nécessaire en situation de stress : «Je crois qu en même temps qu il peut apaiser les angoisses liées à la transformation identitaire et au passage qu ils expérimentent, l e-groupe peut jouer, pour nombre de stagiaires, une fonction de pare-excitation» (p ) Puis seront évoquées les alliances qui se nouent au sein de ces groupes et qui permet-tent à chacun de se conforter dans son identité tout en rejetant les dysfonctionnements potentiels sur les outils extérieurs. «En affirmant que ces malentendus relèvent du dispositif, des technologies ou du mode de communication, mais pas des interlocuteurs, qu ils soient étudiants ou tuteurs, les personnes interviewées, nous montrent ainsi une nouvelle façon de se rassurer sur leur propre bonté.» (p. 120) Pour conclure Un livre riche, qui apporte une lecture différente des TIC, en nous faisant partager un espace de réflexion toujours bien documenté. Les références psychanalytiques pourraient être un obstacle au lecteur «non averti», mais leur mise en contexte ainsi que les vignettes éclairent le sujet parfois difficile. A recommander donc. 6. «Terme introduit par S. Freud qui conçoit le pare-excitation comme un filtre mis au service de notre constitution biologique pour parer à des excitations exogènes* si fortes qu elles ne pourraient être ensuite déchargées (voir : Décharge). Autrement dit, l organisme serait revêtu d une enveloppe protectrice destinée à le protéger contre les excitations en provenance du monde extérieur.» site consulté le 07/07/ EF46_INT.indd /01/ :38

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