Martin Wehrle. Je travaille. dans unemaison. de fous. Groupe Eyrolles, 2012 ISBN :

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1 Martin Wehrle Je travaille dans unemaison de fous, 2012 ISBN :

2 Introduction Sur les traces de la folie Quand le personnel s épanche, les belles façades des entreprises perdent souvent de leur superbe. Tels groupes dont les noms semblent des labels de qualité s avèrent des champions de la fumisterie, des gloutons dispendieux, des repères de Pieds nickelés. La raison n y a guère droit de cité la folie, en revanche, s y épanouit comme une fleur au soleil. Comment j en arrive à ce constat? Je suis conseil en gestion de carrière, coach. Quiconque fait appel à mes services, le fait avec le désir de parler franchement de son entreprise : de sa face cachée, de ce qui s y passe et ne s y passe pas, de ce qu il doit au quotidien ravaler alors qu il voudrait hurler, de ce qu il voit et ne devrait pas voir. Toute cette folie est déballée lors de nos entretiens de coaching. Il en résulte une image sans fard de son entreprise, une vue de l intérieur qui ferait se dresser sur la tête les cheveux de toute agence de communication. Nombre de fois, je me suis dit :«C est dingue ce qui se passe dans ces boîtes! Il faudrait que ça se sache» et l idée de ce livre a germé. J ai rassemblé dans ces pages des témoignages et des anecdotes qui présentent les entreprises sous un angle

3 10 Je travaille dans une maison de fous que les belles plaquettes de promotion omettent d aborder, et pour cause : on les voit sous l angle peu flatteur du vécu de l intérieur. Si vous pensiez jusque-là qu il n y avait que chez votre employeur qu on marchait sur la tête, vous allez vous frotter les yeux. La plupart des entreprises existent en double : une version pour l extérieur ou comment elles se rêvent, et une version vue de l intérieur ou comment elles sont en réalité. Masquée par le papier glacé, oubliée dans les rapports d activité, blanchie dans les discours des dirigeants, la folie la vraie règne entre les murs de nombre d établissements. Les entreprises ne se préoccupent pas des marchés, mais d elles-mêmes : les grands groupes ressemblent à des jardins d enfants, les PME se complaisent dans le petit et le moyen, les entreprises familiales auraient besoin de thérapies familiales. Les directions ne dirigent rien du tout, les services commerciaux rêvent d un monde sans clients et le travailler ensemble est devenu panier de crabes et compagnie. Cette folie ordinaire, seuls les salariés de l entreprise la connaissent. Ils vivent leur entreprise comme personne ne la connaît comme une cage aux fous, une Sarl de cinglés. D après une enquête de Stepstone, un portail européen d offres d emploi et de recrutement en ligne, 50 % des salariés auraient honte de leur employeur 1. Cette triste réalité n éclate que rarement au grand jour, comme cela a été le cas de l ubuesques fausse histoire d espionnage chez Renault. Une entreprise est comme un restaurant. Il y a la salle à manger, où l on reçoit les clients et où le personnel est aimable et aux petits soins. Mais l essentiel de l activité se passe ailleurs, en coulisses. Hors des cuisines, personne n est

4 Introduction Sur les traces de la folie 11 au courant du nombre d assiettes qui tombent par terre et personne ne sait si le chef crache dans la soupe. Ce visage le vrai visage d une entreprise ne figure nulle part sur la carte. Seul le personnel le voit. De même que l on finit par être imprégné d odeurs de cuisine quand on travaille dans un restaurant, quiconque travaille dans une maison de fous encourt le risque d être contaminé par la folie. Cela va de la petite manie (un employé imite son chef tyrannique) à la catastrophe sanitaire. Fin 2011, un rapport de l Agence nationale de sécurité sanitaire de l alimentation, de l environnement et du travail tirait la sonnette d alarme en montrant une forte augmentation des consultations liées aux risques psychosociaux 2. Volontiers considérées autrefois comme des bagnes, les entreprises se sont transformées en asiles d aliénés. Ce qui se passe derrière ces hauts murs, à quelles règles obéit l admission des patients et quelles sont les camisoles couramment utilisées : autant d abîmes mystérieux que je me propose d éclairer pour vous. Dans la première partie, je vous présente notre grande «cage aux fous» hexagonale, avec quelques incursions chez nos voisins proches, et je décode pour vous le règlement intérieur secret, mais universel, de ce vaste asile. C est un plaisant parcours-découverte dans la «folie XXL» qui sévit dans les grands groupes, la «folie tare familiale» qui ruine les PME et les gros mensonges clinquants plaqués sur de trop pâlichonnes réalités. La seconde partie propose un grand test vérité destiné à vous permettre de mesurer le degré de démence de votre entreprise puis donne des pistes pour se sortir de l éventuel bourbier. Quant à l avenir, un «système d alerte

5 12 Je travaille dans une maison de fous précoce» devrait vous éviter de retomber sur une entreprise-maison de fous. Ce que vous allez lire est fou, complètement fou. Ces échos du monde du travail sont pour certains d une telle bêtise qu on en pleurerait, pour d autres si absurdes qu on ne peut s empêcher d en rire. Pourtant, à chaque page, vous risquez de retrouver une vieille connaissance : votre propre entreprise. Maintenant, vous êtes prévenu.