GUIDE PERMETTANT DE DETERMINER AU MIEUX UNE INCAPACITÉ TOTALE DE TRAVAIL EN MEDECINE GENERALE

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1 GUIDE PERMETTANT DE DETERMINER AU MIEUX UNE INCAPACITÉ TOTALE DE TRAVAIL EN MEDECINE GENERALE L'objectif de ce guide est d'orienter le médecin généraliste dans la détermination de la durée d'une incapacité totale de travail, il ne s'agit donc pas d'un barème. Il ne s'agit pas non plus de revenir sur les règles de rédaction d'un certificat de coups et blessures, ou sur la définition des différentes lésions mais il est entendu que leur respect et leur bon usage sont indispensables à une détermination correcte. Nous sommes dans la situation où le médecin généraliste vient d'examiner un patient victime de coups et blessures, il a rédigé son certificat et doit désormais déterminer la durée de l'incapacité totale de travail. Voici les éléments qui d'après la littérature et l'enquête semblent importants à avoir en tête pour déterminer une incapacité totale de travail. I) Ce qu'il faut savoir : 1) L'utilisation du sigle ITT est à proscrire car source d'ambiguïté, il convient de rédiger en toutes lettres sa signification : Incapacité Totale de Travail. 2) C'est une notion pénale sans définition légale ni médicale, utilisée dans le code pénal et définie dans la jurisprudence. 3) C'est un des éléments utilisé par le magistrat pour qualifier l'infraction, de cette qualification dépend le tribunal compétent pour juger l'affaire et l'éventail des peines pour l'auteur des violences selon un seuil de 8 jours en cas d'atteintes volontaires, 3 mois en cas d'atteintes involontaires, elle n'a pas d'autre intérêt. 4) L'infraction est un délit jugé par le tribunal correctionnel pour une incapacité totale de travail supérieure à huit jours en cas d'atteintes volontaires et trois mois en cas d'atteintes involontaires. Une incapacité totale de travail inférieure ou égale à ces seuils constitue une contravention, le tribunal compétent est le tribunal de police. 5) Il convient de rester le plus objectif possible, le médecin doit seulement aider la justice, le code pénal prévoit des circonstances aggravantes qui qu'elle que soit la durée de l'incapacité totale de travail majorent les peines pour l'auteur. Le médecin n'est ni le juge, ni l'enquêteur. 6) L'incapacité n'est qu'une diminution, une amputation de la capacité. Le mot «totale» fait référence aux capacités normales d'une victime, lorsqu'elle était en possession de l'ensemble de ses capacités avant les faits. L'incapacité n'est donc pas totale au sens où elle n'implique pas pour la victime l'impossibilité de se livrer au moindre effort.

2 7) Le travail ne correspond pas au travail professionnel mais à un travail personnel aussi bien physique que psychique, l'incapacité totale de travail n'est donc pas l'arrêt de travail et elle en est indépendante. 8) L'incapacité totale de travail s'applique donc à tous : enfants, retraités, femmes au foyer, chômeurs, la loi étant la même pour tous. 9) L'incapacité totale de travail n'est pas définitive, elle peut être réévaluée et peut nécessiter l'aide d'examens complémentaires, d'avis spécialisés. 10) Comme pour chaque consultation, il est important d'expliquer notre démarche au patient. Dans cette situation, il semble logique de lui expliquer ce qu'est l'incapacité totale de travail, son intérêt, comment la déterminer et sa différence avec un éventuel arrêt de travail. 11) L'évaluation de l'incapacité totale de travail ne doit dépendre ni du courage ni de la situation sociale de la victime. 12) Malgré les pressions, ne pas évaluer la durée de l'incapacité totale de travail selon les conséquences souhaitées mais uniquement selon le retentissement des lésions constatées. 13) Comme dans toute autre spécialité, le médecin généraliste peut demander l'aide ou adresser son patient vers un médecin spécialisé, ici le médecin légiste. 14) L'incapacité totale de travail que vous déterminez n'est qu'une proposition, en théorie, le juge porte une appréciation souveraine. II) Eléments à prendre en compte :, 1) La durée estimée de la gêne physique et/ou psychique pour la victime d'effectuer un des gestes de la vie courante : se déplacer, s'habiller, manger seul, faire sa toilette, préparer ses repas... 2) Les conséquences fonctionnelles des lésions constatées, et les éléments concernant l'état antérieur de la victime s'ils interfèrent avec les conséquences des lésions constatées. 3) L'éventuelle durée d'hospitalisation, y compris les hospitalisations en centre de rééducation (sauf hospitalisation pour des raisons de fonctionnement de l'hôpital : attente d'examens complémentaires ou d'un placement en maison de retraite). L'incapacité totale de travail sera alors au moins égale à cette durée. 4) La durée d'immobilisation d'un membre, l'incapacité totale de travail sera au moins égale à cette durée.

3 5) Un important retentissement psychologique sur la vie courante. S'il existe une prostration marquée et un confinement au domicile du fait d'une anxiété ou d'une dépression, sa durée peut être celle de l'incapacité totale de travail. Si le retentissement psychologique a nécessité une prise en charge spécialisée (hospitalisation en psychiatrie), la durée de l'incapacité totale de travail sera celle de l'hospitalisation. En cas de difficultés importantes, l'avis d'un psychiatre pourra être demandé. III) Détermination des gestes de la vie courante : Devant l'absence de critères précis sur les gestes de la vie courante à prendre en compte, voici une proposition personnelle, non évaluée, ni validée mais connue et déjà utilisée par le médecin généraliste : la grille AGGIR, instrument utilisé pour évaluer la perte d'autonomie physique et psychique des personnes âgées selon différents actes dont nous pourrions nous inspirer pour déterminer une Incapacité Totale de Travail. VARIABLES DISCRIMINATIVES GRILLE AGGIR : COHERENCE : converser et /ou se comporter de façon sensée ORIENTATION : se repérer dans le temps, les moments de la journée et dans les lieux TOILETTE : concerne l'hygiène corporelle HABILLAGE : s'habiller, se déshabiller, se présenter ALIMENTATION : manger les aliments préparés ELIMINATION : assumer l'hygiène de l'élimination urinaire et fécale TRANSFERTS : se lever, se coucher, s'asseoir DEPLACEMENT A L'INTERIEUR : avec ou sans canne, déambulateur, fauteuil roulant DEPLACEMENT A L'EXTERIEUR : à partir de la porte d'entrée sans moyen de transport COMMUNICATION A DISTANCE : utiliser les moyens de communication téléphone

4 VARIABLES ILLUSTRATIVES DE LA DEPENDANCE DOMESTIQUE ET SOCIALE GESTION : gérer ses propres affaires, son budget, ses biens CUISINE : préparer ses repas et les conditionner pour être servis MENAGE : effectuer l'ensemble des travaux ménagers TRANSPORT : prendre et /ou commander un moyen de transport ACHATS : acquisition directe ou par correspondance SUIVI DU TRAITEMENT : se conformer à l'ordonnance du médecin ACTIVITE DE TEMPS LIBRES : activités sportives, culturelles, sociales, de loisir ou de passe-temps Il est important de ne pas oublier de comparer ces différents actes par rapport à ce que pouvait réaliser la victime avant les faits, et souvent le seul médecin pouvant répondre à cette question est le médecin traitant. IV) Quelques exemples pratiques : a) Personne présentant une contusion costale sans fracture gênant l'habillage pour une durée supposée de 3 jours : l'incapacité Totale de Travail est de 3 jours. b) Personne présentant une fracture des os propres du nez avec une douleur et des difficultés pour se moucher pendant 5 jours :1'Incapacité Totale de Travail est de 5 jours. Une autre personne présentant la même lésion, ayant auparavant un déficit visuel important l'obligeant à porter des lunettes mais qui ne peut les porter du fait de la douleur occasionnée par la fracture du nez aura une Incapacité Totale de Travail plus élevée correspondant à la période pendant laquelle elle ne pourra porter ses lunettes. On remarque ainsi l'importance de mentionner les éléments concernant l'état antérieur de la victime s'ils interfèrent avec les conséquences des lésions constatées ce qui démontre par ailleurs que l'établissement d'un barème fonction des lésions est impossible. c) Personne présentant des lésions dentaires l'obligeant à manger serai liquide ou liquide pendant 5 jours, l'incapacité Totale de Travail est de 5 jours.

5 d) Immobilisation de l'index droit par une attelle métallique avec pansement de toute la main chez un patient droitier, l'incapacité Totale de Travail correspond à la durée d'immobilisation puisqu'elle entraînera des difficultés pour s'habiller, manger. Que la victime soit travailleur manuel ou chef d'entreprise, cette durée sera la même par contre l'arrêt de travail pourra être différent. e) Lombalgies rendant la marche difficile pendant 5 jours, Incapacité Totale de Travail de 5 jours. Une personne âgée est victime d'un vol à l'arraché dans la rue. Elle ne présente aucune blessure physique. Il semble logique de donner une Incapacité Totale de Travail de 0 jours. Mais cette personne est revue ultérieurement et révèle qu'elle est restée enfermée chez elle pendant 10 jours par crainte d'une nouvelle agression. Nous pouvons considérer que cette période correspond au retentissement psychologique de l'agression et réévaluer l'incapacité Totale de Travail à 10 jours.