Henry Pefferkorn. Souvenirs d outre rideau de fer

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Lucie Marois
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3 J avais dix ans le 8 mai 1945 lorsque la guerre prit fin, du moins ce que l on appelle la deuxième guerre mondiale, car une nouvelle guerre, la guerre froide commençait. Mon instituteur de l école de Gaillard, M. Baz, était un grand communiste et il avait une certaine allergie à tout ce qui était américain alors que nous, les élèves, en étions fans : le chewing-gum, les blousons bariolés, les voitures nous faisaient rêver. Mon père qui pendant toute la guerre avait été dans les mouvements de Résistance et avait une haine viscérale des Nazis avait choisi le camp occidental. Il n avait jamais pardonné aux communistes leurs alliance tacite avec les Nazis du temps du pacte germano-russe et les considérait comme des traîtres à la France dans notre Lorraine natale. Il suivait l actualité et parlait beaucoup à table des événements politiques de cet après-guerre. C est ainsi que j appris la division de l Allemagne en 3 parties, la première annexée par la Pologne, la deuxième regroupant les 3 zones d occupation occidentale (USA, Grande- Bretagne et France) et enfin la troisième constituée de 2 3

4 la zone russe d occupation qui deviendra la DDR (République démocratique allemande, RDA). Puis ce fut toute l Europe qui fut séparée en deux zone d influence séparée par ce que Churchill a appelé «Le rideau de fer». À quinze ans, j étais à Sarrebruck où mon père avait été nommé à la Direction des Douanes françaises. L activité politique était intense dans cette Sarre enjeu européen entre la France et l Allemagne. Je m intéressais aux événements politiques et l inaccessibilité des pays outre rideau de fer attisait ma curiosité. On racontait tant de choses! Mais que se passait-il vraiment là-bas, derrière ce rideau infranchissable? En 1956 il y eut le soulèvement de Budapest et la répression brutale par les Russes. J étais alors étudiant à l Université de Sarrebruck. Nous avons vu arriver des étudiants hongrois qui ont raconté des choses horribles sur ce qui s était passé à Budapest. Ces étudiants étaient révoltés, mais aussi très déçus. Ils reprochaient aux Occidentaux de les avoir laissé tomber après les avoirs encouragés à se révolter contre les Russes. «Seul l Autriche nous a aidés lorsque nous avons été poursuivis et obligés de prendre la fuite. Les puissants Etats Unis nous ont laissés tomber. Ils s arrangent avec les Russes pour se partager le monde Les Hongrois n intéressent personne!» Ce discours m avait interpellé. Que se passait-il vraiment là-bas? 24

5 Plus tard, lorsque je me rendis en Autriche dans le cadre des échanges de jumelage, on nous invita à voir «la frontière». Les amis de Trumau nous ont emmené au Neusiedlersee, lac à cheval sur la frontière austrohongroise. Les barbelés et les miradors hongrois allaient jusque dans le lac! Ce qui se passe derrière la ligne, c est le mystère. À Alberndorf, village dont une des limite est la frontière du pays avec la Tchécoslovaquie, les Autrichiens ont construit une petite tour d observation d où l on peut observer au-delà de la frontière. On vous invite à y monter. La vue s étend sur de vastes espaces vides. Des champs, pratiquement déserts, mais des barbelés et de nombreux miradors. À L horizon on aperçoit la ville de Znojmo. Le rideau de fer est devenu une attraction touristique! J ai eu plusieurs occasions de me rendre au delà du rideau de fer dans diverses circonstances dont je vais raconter, histoire de rapporter des «impressions». 2 5

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7 Prologue Qui se souvient aujourd hui de ce qu était cette barrière de barbelés infranchissable qui coupait l Europe en deux partie et que Churchill avait baptisé «rideau de fer? Les deux cartes ci après montrent quel en était le tracé. La première montre toute l Europe. La deuxième est plus détaillée. J y ai reporté les villes de Trumau et Alberdorf dont il est question plus loin. Ces cartes permettront à ceux qui n ont pas connu cette époque, de voir ce que représentait le» rideau de fer. Les événements rapportés sont tous authentique. J ai volontairement changé les noms des personnes dont il est question dans ce livre. Peut-être certains se reconnaîtront à la lecture. 2 7

8 28 Le rideau de fer

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11 1 Autriche juillet 1955 Maman s était inscrite pour une cure à Bad Hall en Haute-Autriche. Papa avait décidé de l y conduire en voiture avec mon frère Marcel, ma sœur Annelise et moi. Pendant que Maman faisait sa cure, Papa et moi irions faire une tournée en Autriche pour visiter les lacs du Salzkammergut et la Haute-Autriche. Nous avions projeté aussi d aller à Vienne. L évacuation de l Autriche par les troupes d occupation avait été signée au printemps, mais l évacuation devait se faire progressivement jusqu en octobre. En juillet, nous pouvions déjà circuler librement dans tout le pays, même si à l Est, les Russes étaient encore là. Le voyage à Vienne présentait pour moi un intérêt tout particulier : Vienne, comme Berlin était divisé en 4 secteurs. Un film «4 dans une jeep» montrait un représentant de chaque puissance occupante parcourant la ville dans la même jeep pour 2 11

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