R E C O U R S E T M É M O I R E
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- Abel St-Amand
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1 TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS R E C O U R S E T M É M O I R E POUR : L Association Solidarité Des Français (S.D.F.), association loi 1901, dont le siège social est xxxxxxxxxxxxxxxxx, agissant par la voix de son président, CONTRE : Une décision administrative verbale de refus de distribuer une soupe sur le parvis de la gare Montparnasse en date du jeudi 29 décembre 2005 (prod. n 1)
2 FAITS L Association Solidarité des Français est une association loi 1901 dont les statuts, régulièrement déposés à la Préfecture de Paris, prévoient qu elle a pour objet de «venir en aide aux personnes en difficulté, de les réconforter et de les aider à trouver les moyens de rebondir vers une nouvelle situation» (article 2). Entre autres activités, cette association organise, tous les jeudi soirs de la saison d hiver, des distributions de vêtements et une distribution d un repas composé d une soupe au lard accompagnée de saucisson, salade, fruit, café, etc Les distributions ont débuté lors de l hiver 2003/2004 près de la gare de l est. Elles se sont poursuivies au cours de l hiver 2004/2005 et se sont déplacées pour des raisons de commodités près de la gare Montparnasse. Ces distributions se sont toujours déroulées sans le moindre incident et ont repris normalement le 8 décembre Cependant, en raison d une campagne médiatique diffamatoire accusant cette distribution de soupe d être discriminatoire car la soupe distribuée contenait du lard, les forces de l ordre ont empêché, une première fois, la distribution de soupe du 15 décembre 2005 laissant toutefois la distribution de vêtements se dérouler sans incident. Le 29 décembre 2005, alors que la distribution de vêtements avait lieu normalement sur le parvis de la gare Montparnasse vers 20 heures, la voiture d un des responsables de l association (Madame Odile Bonnivard) contenant de petites rations de soupe, des friandises diverses et des colis de Noël, a été arrêtée par de nombreuses forces de l ordre en haut de la rue de l Arrivée (devant le n 2). Après vérification des papiers d identité, un commissaire de police a d abord autorisé le départ du véhicule lorsque un commissaire divisionnaire (Monsieur Olivier Paquette) est intervenu et a donné l ordre, verbalement, à Madame Bonnivard de ne pas distribuer cette soupe. Le motif avancé a été celui : «du caractère discriminatoire de la soupe» elle-même (et non de la méthode de distribution)
3 Ce refus, constaté en présence d un huissier (production 1), constitue une décision administrative faisant grief. Il est déféré à la censure du Tribunal administratif par la voie du présent recours pour excès de pouvoir. DISCUSSION I - Sur la compétence du Tribunal administratif de Paris Une décision administrative peut être verbale (voir en ce sens C.E. Section, 9 janvier 1931, Abbé Cadel, rec. p. 11 ; TA Pau, 4 janvier 1956, Clavel, p. 501 ; voir également R. Chapus, Droit du contentieux administratif, 9 ème édition, n 644). En l espèce, la décision verbale de refus opposée le 29 décembre 2005 constitue clairement une décision administrative dans la mesure où elle a été prise dans le cadre des missions de police administrative dévolues à la Préfecture de Police de Paris. En l absence de tout trouble, l interdiction opposée le 29 décembre revêtait un caractère préventif caractéristique de l opération de police administrative (Jurisclasseur administratif, fascicule 200, n 40 et s.) et visait à assurer le service public du maintien de l ordre public (même si celui-ci, en l espèce, comme nous le démontrerons plus loin, n était en rien menacé) (voir en ce sens R. Chapus, Droit administratif général, Tome 1, n 901). Aucune infraction n ayant été commise ou étant sur le point d être commise, le refus opposé le 29 décembre a été pris dans le cadre d une opération de police administrative et seul le Tribunal administratif de Paris est compétent pour en connaître
4 II - Sur la légalité externe 1 ) la décision prise l a été par une personne incompétente Le refus du 29 décembre 2005 a été opposé par le Commissaire divisionnaire Olivier Paquette, lequel ne disposait pas d une délégation régulière de Monsieur le Préfet de Police de Paris pour opposer un tel refus, ce jour là, dans le 15 ème arrondissement de Paris. De plus, il ressort du constat d huissier produit que Monsieur Paquette a indiqué «j ai reçu l ordre de ne pas vous laisser procéder à la distribution de votre soupe». La nature, l auteur et l origine d un tel ordre devront être précisés dans le cadre de la présente instance. 2 ) la décision attaquée est insuffisamment motivée Il est évident qu une décision verbale peut se satisfaire d une motivation plus laconique qu une décision administrative écrite. Cependant, l exigence de motivation ne peut rester vaine en présence d une décision individuelle défavorable surtout lorsqu il s agit d une interdiction. Or, en l espèce, le refus opposé le 29 décembre n a tout d abord pas été motivé par Monsieur Paquette. Sur la demande d expliquer son refus formulée par Madame Bonnivard, Monsieur Paquette a tout d abord refusé avant d ajouter, laconiquement : «votre soupe est discriminatoire» sans autre explication. Une telle affirmation, alors même qu aucune urgence n empêchait une motivation plus complète s appuyant sur des considération de fait ou de droit, révèle le caractère non motivé de la décision attaquée. D ores et déjà l annulation s impose
5 III - Sur la légalité interne La décision attaquée est illégale car elle est entachée d erreur de fait, d erreur manifeste d appréciation et d erreur de droit. En effet, la légalité des mesures de police est strictement subordonnée à leur nécessité (R. Chapus, Droit administratif général, Tome 1, n 932 et s.). Ainsi, s il apparaît que les troubles susceptibles d être provoqués par une réunion publique n étaient pas d une gravité telle que l ordre public ne pouvait être maintenu que par son interdiction, ladite interdiction est illégale (voir C.E. 19 mai 1933, Benjamin, rec. p. 541). De même, l interdiction d une publicité par projection lumineuse sur les nuages a été jugée non justifiée par la nécessité d assurer la sécurité de la circulation automobile (C.E. Section, 15 décembre 1961, Chiaretta, rec. p. 709). A également été jugée illégale une interdiction de maintenir des ruches sur un terrain alors que les inconvénients présentés par les abeilles pouvaient être évités par des mesures moins rigoureuses (C.E. 16 novembre 1977, Sevin, rec. p. 436) ou encore la décision de fermeture d un bal public, une mesure aussi absolue n étant pas nécessaire pour assurer la tranquillité du voisinage (C.E. 26 juin 1987, Guyot, AJDA 1987 p. 689). Le Professeur Jacques Moreau apporte une précision intéressante pour la présente espèce sous le paragraphe «ordre public et conformisme politique» (Jurisclasseur administratif, fascicule 200, n 138) : «De cette jurisprudence, il résulte que les autorités locales de police ne peuvent légalement interdire une réunion publique ou la vente d un journal sur la voie publique au motif que la réunion est organisée par un parti non gouvernemental ou que le journal défend des thèses extrémistes. Le pluralisme, base de la conception française de la démocratie, interdit donc l insertion du conformisme politique dans les composantes de l ordre public». En l espèce, l interdiction de distribution du 29 décembre 2005 n est absolument pas justifiée, aucun trouble éventuel à l ordre public n étant susceptible d être invoqué
6 En effet, les distributions de soupe antérieures, devant la gare Montparnasse, n ont jamais donné lieu au moindre incident. Les personnes démunies font la queue, dans le calme, devant un véhicule qui contient un repas comprenant une soupe et plusieurs bénévoles distribuent ces repas. A côté, un autre véhicule contient des vêtements et d autre bénévoles les distribuent. Aucune bousculade n a jamais été signalée. De plus, aucune menace n a été dirigée contre cette distribution. Aucune insulte n a été proférée de la part de passants contre cette distribution et, parallèlement, les personnes démunies font la queue dans le calme Aucun procès-verbal d infraction n a été porté à la connaissance des bénévoles de l association requérante. Le risque de trouble à l ordre public n est donc pas constitué. Concernant le prétendu caractère «discriminatoire de la soupe», il convient tout d abord de relever que n a jamais été constatée une éventuelle discrimination dans la distribution des vêtements et des repas. Personne n a eu à se plaindre d un éventuel refus de la part des bénévoles qui distribuent les repas et vêtements à toutes les personnes en faisant la demande, quelle que soient leurs opinions, leur religion, leur origine géographique, sociale ou culturelle. Il est d ailleurs essentiel de souligner que le refus du 29 décembre 2005 a porté sur la seule distribution des repas et de colis de Noël et non sur la distribution des vêtements. Sur le parvis de la gare Montparnasse, ce jour là, le véhicule contenant les vêtements était libre d accès et les personnes démunies pouvait obtenir ces vêtements alors qu à proximité, le véhicule (une petite voiture twingo 3 portes) contenant les repas était encerclé par de nombreuses forces de l ordre qui en interdisait l accès! Une telle situation, aussi paradoxale que surréaliste, démontre l absence totale de risque de trouble à l ordre public comme d ailleurs de tout caractère discriminatoire des distributions effectuées
7 Il convient d ailleurs de relever que le mercredi soir, une association d obédience royaliste organise une soupe intitulée «la soupe du roi» qui contient également du porc et qui n entraîne pas plus de trouble à l ordre public. La distribution de cette soupe n a d ailleurs jamais été inquiétée par les forces de l ordre et/ou les autorités préfectorales. Par ailleurs, l association SDF est une association dont les statuts ont été régulièrement déposés à la Préfecture de Paris et qui n a jamais fait l objet de poursuites judiciaires ni même, a fortiori, de procédure de dissolution. Les différents articles des statuts de cette association n ont aucun caractère discriminatoire, l objet étant ainsi défini à l article 2 : «Cette association a pour objet de venir en aide aux personnes en difficulté, de les réconforter et de les aider à trouver les moyens de rebondir vers une nouvelle situation en les responsabilisant dans leurs recherches pour mieux les respecter dans leur dignité individuelle.» En réalité, il semble que le refus opposé le 29 décembre soit justifié par le seul caractère prétendument discriminatoire de la soupe distribuée, c est-à-dire par la seule nature du produit alimentaire distribué. Un tel prétexte encourt inévitablement l annulation. En effet, un produit alimentaire ne peut revêtir pas un caractère discriminatoire surtout que seuls ceux qui le demandent peuvent bénéficier de cette soupe au lard et qu elle n est imposée à personne. Le choix du lard dans la soupe et des produits à base de cochon (rillettes, jambon ) s explique tout à la fois par la relative modicité du prix de ce produit (l association requérante ne bénéficie pas encore de subventions importantes en raison de sa création récente) et par ses propriétés énergétiques
8 L association caritative chrétienne Aide à l Eglise en Détresse (AED) a ainsi été fondée par le Père Werenfried, un prêtre qui avait été surnommé le «Père au Lard» car il récoltait des tonnes de lard pour soulager la faim des réfugiés dans l Europe dévastée des années 1945/1948 (voir sur ce point le site de l AED : De surcroît, les quelques médias qui ont relevé que les personnes de confession musulmane ne pourraient pas bénéficier de cette soupe au lard ignorent que l état de nécessité découlant du froid et de la faim permet de s affranchir des préceptes religieux relatifs aux interdits alimentaires dans toutes les religions, y compris la religion musulmane. Il est ainsi révélateur de relever que les autorités musulmanes n ont pas protesté contre cette distribution. Le seul produit qui revête un caractère intrinsèquement discriminatoire est le sang dont la distinction entre 4 groupes entraîne certaines incompatibilités entre donneurs et receveurs les collectes de sang sur la voie publique n en sont pas pour autant interdites Dans ces conditions, il apparaît clairement que la mesure d interdiction prise ne repose sur aucun fondement juridique et est entachée d excès de pouvoir puisqu elle n était pas justifiée au regard de la nécessité d assurer l ordre public. Le juge administratif ne pourra que prononcer l annulation de la décision du 29 décembre
9 PAR CES MOTIFS L Association SDF conclut qu il plaise au Tribunal administratif de Paris : - ANNULER la décision d interdiction du 29 décembre 2005, Avec toutes conséquences de droit BORDEREAU DE PIECES 1- Constat d huissier réalisé le 29 décembre 2005 et prenant acte du refus de distribution attaqué (décision attaquée) - 9 -
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