L église Sainte-Croix de Sauveterre

Transcription

1 L église Sainte-Croix de Sauveterre Fig. 1. Vue générale de l église depuis le sud-ouest (au fond, l une des tours du château). L église se situe à l ouest du château, sur le même alignement que le bâtiment d entrée de ce dernier, ouvert par un grand portail de style néoclassique. L église et le château ouvrent au sud sur une place triangulaire. Au nord, les dépendances du château (aujourd hui en ruine) s appuient contre l église. L église n est pas orientée, le chevet ouvre en direction de l ouest. Il est probable que la présence à l est de la porte du château ait interdit d orienter correctement l église qui n aurait pas pu bénéficier d un éclairage direct dans le chœur. 1

2 Fig. 2. Localisation de l église sur le plan du village. Fig. 3. Vue aérienne de l église (tirée de Châteaux, logis, manoirs, le Tarn, 1999). Présentation de l église 2

3 L église présente une nef à trois travées voûtée d arêtes et scandée par des arcs doubleaux qui retombent sur de simples piliers engagés. Le vaisseau est éclairé par des fenêtres hautes et prolongé par une abside semi-circulaire. Au nord et au sud, se développent quatre chapelles latérales, elles aussi voûtées d arêtes et pourvues d autels. La première travée est en partie occupée par la sacristie, surmontée d une tribune qui communiquait avec le château par une porte murée à la fin du XXe siècle. Le portail d entrée est ouvert dans la première travée, au sud. Il est précédé par un porche qui s aligne strictement sur les chapelles et sur le clocher implanté au sud-ouest du chevet. Le mur ouest du clocher adopte un tracé curviligne. Fig. 4. Plan de l église Sainte-Croix (dessin, Marie-Amélie Tek). Les maçonneries sont faites de moellons éclatés de schiste auxquels s'ajoutent des blocs de molasse. Les encadrements des baies sont en grès. Toutes les ouvertures sont couvertes par un arc au tracé surbaissé et l encadrement est marqué sur tout le pourtour par un large chanfrein. Le chevet et le mur ouest du clocher sont en partie recouverts d un essentage d ardoise caractéristique de l architecture du versant nord de la Montagne Noire. Les plaques, disposées par lits horizontaux se recouvrent de quelques centimètres d un rang sur l autre et sont fixées au moyen de clous forgés. L essentage se retrouve aussi sur les contreforts de la nef et sur le mur extérieur des chapelles, au nord. Le débord du toit est supporté par une génoise à trois rangs et l église est couverte de tuile canal. 3

4 Fig. 5. Elévation sud de l église s alignant avec le bâtiment d entrée du château, à droite (dessin M.-A. Tek). Fig. 6. L élévation sud. 4

5 Fig. 7. Le portail, ouvert au sud, sous un porche. L encadrement de la porte n a pas été complètement achevé. Fig. 8. L église vue depuis l ouest. Fig. 9. Élévation nord de l église, en blanc le départ des dépendances du château qui s appuient contre l église (dessin M.-A. Tek). À l intérieur, la voûte en cul-de-four du chœur et les chapelles latérales sont recouvertes de peintures murales. Les représentations de la voûte du chœur relatent des épisodes de la découverte de la Sainte Croix à travers trois scènes occupant chacune une partition de la voûte. Les scènes sont séparées par des frises géométriques de style néoroman1. 1 Les peintures murales et le mobilier ne sont pas détaillés ici, n étant pas pris en compte dans le cadre de l inventaire de la mission du CAUE. 5

6 Fig. 10. Vue de l abside. Fig. 11. Peinture murale du chœur, détail de la scène au sud. Fig. 12. Peinture murale du chœur, détail de la scène centrale. Fig. 13. peinture murale du chœur, détail de la scène au nord. Fig. 14. peinture murale du chœur, vue de détail de la scène au sud. Dans les chapelles latérales, les peintures soulignent essentiellement l architecture. Elles représentent principalement des décors de faux-joints, de fleurs de lys et de bandeaux marquant l arête des voûtes. Les peintures sont en mauvais état. Le chœur renferme un retable en bois polychrome flanqué de deux pilastres à chapiteaux ioniques et surmonté par un fronton semi-circulaire. La date de 1713 (à moins qu il ne s agisse de 1793?) est inscrite dans un décor de nuage d où sortent des rayons dorés. 6

7 L autel en marbre, rouge, blanc et vert, semble plus tardif et pourrait dater du XIXe siècle. Fig. 15. L autel et le retable. Fig. 16. La date de 1713 inscrite sur le retable. Fig. 17. Les initiales P.C. sont peintes sur l un des piliers. Éléments d historique 7

8 Selon Yvette Haber2, la première mention dans les textes de l église Sainte-Croix ne date que de 1494, lorsqu elle est citée comme une annexe de Notre-Dame de Rouairoux. En effet, Sauveterre, Lacabarède et Rouairoux étaient unis dans une même paroisse : Sainte-Marie de Rouairoux. Le premier emplacement de l église n est pas connu. En 1520, les archives du château mentionnent l église comme étant située «hors de la forteresse de Sauveterre, devant le portal» et à proximité du cimetière. En fonction de ces indications, Yvette Haber suppose que le premier emplacement était au sud-ouest du village, là où se trouve aujourd hui un alignement de 4 maisons contiguës3 (parcelles 94 à 91 du cadastre ancien de 1837). Fig. 18. Plan du village dressé par Yvette Haber, d après les informations contenues dans les archives du château. En rouge est pointé l emplacement supposé de l ancienne église. L église semble avoir beaucoup souffert des guerres de Religion. En 1584, «l église doit être rétablie, en partie, par l évêque de Lavaur, suivant la requête du syndic des manants et paroissiens»4. En 1616, le châtelain demande à l évêque de Castres l autorisation de faire dire la messe chez lui jusqu à ce que la chapelle soit «remise»5. En 1638, le bâtiment est toujours dans le même état6. Une requête est faite à l évêque de Castres pour la rétablir. En 1708, la situation n a toujours pas évoluée : l ancien prêtre de Rouairoux, Sauveterre et Lacabarède, Georges Gabriel de Rossignol, assure le service divin depuis au moins 45 ans «dans les 2 Haber (Yvette), Sauveterre, d après les archives privées du château, document dactylographié, 1995, p. 17, d après les archives du château, doc et p Haber, 1995, p Ferrer (Jean-Pierre), Abrégé chronologique d histoire de Sauveterre dans le Tarn, avec des éléments de géographie physique, économique, humaine et touristique, publié par Les cahiers de Minerve, 2004, p Haber, 1995, p. d après les archives du château, lettre de l évêque datée du 11 avril Ferrer, 2004, p

9 masures de la dite église près du château et ayant toujours la pierre sacrée» et par mauvais temps, il célèbre la messe dans la salle du château7. Il ressort des archives que des messes sont régulièrement données dans la salle basse du château. Les archives indiquent aussi que les habitants de Sauveterre sont contraints de se rendre à l église de Rouairoux située à une demi-lieue8. En 1750, les habitants de Sauveterre expriment encore à l évêque de Castres les inconvénients dus à l absence d église au village. Les consuls et syndics demandent à l évêque de Lavaur que l église soit reconstruite aux frais des fruits prenants, c'est-à-dire du chapitre de Lavaur et du commandeur d Homs9. Selon Hippolyte Crozes, l église est reconstruite en 1761, mais l auteur ne donne pas de source précise10. Les archives du château sont muettes à ce sujet, d après Yvette Haber. Datation À la suite d Yvette Haber, on peut s interroger sur l emplacement originel de l église, et sur la proposition de l auteur de placer le premier édifice en dehors du village (voir fig. 18). La sauveté qui serait à l origine du village11 laisserait au contraire à penser que l église se serait trouvée à l origine du développement d un centre villageois, même si celui-ci est resté très modeste. Il faut ajouter que la parcelle 85 du cadastre de 1837 où se serait situé le cimetière, a été décaissée ces dernières années et n a révélé aucun vestige. La mention des «masures de la dite église près du château et ayant toujours la pierre sacrée» dans le texte de 1708 tendrait plutôt à montrer que l église a été reconstruite à son emplacement d origine, près du château, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. L église présente un plan cohérent et une architecture homogène qui militent pour une construction ou plus exactement une reconstruction menée à l occasion d une seule campagne de travaux. Le style des encadrements des ouvertures, similaires sur l ensemble du bâtiment, semble indiquer une datation dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. La date de construction de 1761 avancée par Hippolyte Crozes dans son ouvrage du siècle dernier est tout à fait vraisemblable. Ainsi, au terme de près de deux siècles de réclamation de la part des habitants, l église aurait finalement été 7 Ferrer, 2004, p. 19. Ferrer, 2004, p Ferrer, 2004, p. 20, d après les archives du château, doc Crozes, (Hippolyte), Répertoire archéologique du département du Tarn, 1865, p Voir le dossier portant sur le village. 8 9

10 reconstruite. L ensemble qu elle constitue avec le château fait dire à Nelly Pousthomis que : «leur "remise" en œuvre semble avoir fait l objet d une réflexion de caractère «urbanistique», rarement représenté en milieu rural». L église aurait connu quelques travaux de réfection en 1861, toujours selon Hippolyte Crozes, notamment la reprise des voûtes. Les peintures murales ne sont pas datées par les sources, mais leur style laisse penser qu elles ont été peintes dans la seconde moitié du XIXe siècle. La sacristie, aménagée à l entrée de la nef, date de La petite fenêtre, qui ouvre au sud à droite de la porte d entrée de l église, a été aménagée à cette occasion. Fig. 19. La sacristie surmontée de la tribune, à l est. Sonia Servant, chargée de l inventaire du patrimoine Octobre 2008 CAUE du Tarn Région Midi-Pyrénées/Inventaire général 12 A.D. Tarn, 2 O 278/1 Le 14 février 1897, le Conseil municipal approuve le devis de la construction de la sacristie et la réparation de la voûte du plafond de l église. 10

11 Bibliographie CROZES (Hippolyte), Répertoire archéologique du département du Tarn, 1865, p. 48. FERRER (Jean-Pierre), Abrégé chronologique d histoire de Sauveterre dans le Tarn, avec des éléments de géographie physique, économique, humaine et touristique, publié par Les cahiers de Minerve, 2004, 149 p. La partie de l ouvrage qui concerne l église est réalisée essentiellement à partir des sources fournies par Yvette Haber. Jean-Pierre Ferrer a eu accès à des archives retrouvées après qu Yvette Haber ait réalisé l inventaire du fonds du château. HABER (Yvette), Sauveterre, d après les archives privées du château, document dactylographié, 1995, 73 p. Le mémoire historique dactylographié a été réalisé à l occasion du classement des archives du château par Yvette Haber. L auteur livre de larges extraits des sources qui intéressent directement l histoire de Sauveterre et fournit une analyse de l évolution du village dans laquelle l église est inclue. POUSTHOMIS (Nelly), Dossier de protection de l église, Service des monuments historiques, document dactylographié, Sources graphiques TEK (Marie-Amélie) Plans, coupe et élévations de l église de Sauveterre, 2007, relevés réalisés à l occasion du mémoire de fin d étude de la formation d architecte du patrimoine de l École de Chaillot. 11