thématique Le rejet aigu est considéré avant tout D OSSIER Place de la médiation humorale dans le rejet de transplantation d organe
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- Robin Girard
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1 Place de la médiation humorale dans le rejet de transplantation d organe Coordinateur : J. Dantal, INSERM, CHU Hôtel-Dieu de Nantes, Nantes Cedex 1 " Diagnostic anatomopathologique du rejet humoral d allogreffe K. Renaudin & Anticorps anti-hla en transplantation rénale - J.M. Rebibou (page 192) & Rejet vasculaire en transplantation cardiaque Ph. Despins (page 201) & Rejet humoral en transplantation cardiaque - R. Guillemain (page 202) & Rejet humoral en transplantation hépatique - R. Lorho (page 211) Diagnostic anatomopathologique du rejet humoral d allogreffe " K. Renaudin* Le rejet aigu est considéré avant tout comme un processus à médiation cellulaire T. Si l importance des mécanismes humoraux est reconnue dans le cadre d un rejet hyperaigu, d une incompatibilité ABO ou en xénotransplantation, elle l est moins dans les rejets aigus d allogreffes. L incidence des rejets aigus humoraux est en augmentation dans les séries récentes de transplantation rénale, estimée entre 0 et 8% des cas de rejets aigus (1, 2). Cette augmentation est la conséquence de plusieurs phénomènes : la meilleure définition des lésions histologiques, les meilleures techniques de détection des anticorps antidonneurs, l augmentation des retransplantations, l augmentation des transplantations ABO ou HLA incompatibles pour pallier le manque d organes. * Service d anatomie pathologique, CHU Hôtel- Dieu, Nantes. La difficulté du diagnostic de rejet humoral est liée aux multiples aspects morphologiques qu il peut prendre et au manque de spécificité des lésions qu il entraîne. C est pourquoi il a certainement été longtemps méconnu et sous-estimé, car inclassable selon les classifications habituellement utilisées. L émergence du C4d comme marqueur relativement sensible et spécifique de rejet humoral a permis, notamment en transplantation rénale, de décrire des critères de diagnostic morphologique plus rigoureux. Ces critères histologiques de rejet humoral n ont été que récemment intégrés dans les différentes classifications anatomopathologiques, spécifiques à chaque type de transplant. Le greffon rénal est actuellement l organe pour lequel ces critères sont le mieux définis. Dans la classification de Banff 1997 (3), utilisée internationalement pour l évaluation histologique des biop- 187
2 sies de transplants rénaux, les rejets à médiation humorale étaient répertoriés de façon très imprécise selon leur mode de présentation clinique : hyperaigu ou aigu accéléré, sans précision histologique. Dans la version actualisée de 2001 de cette classification (tableau I) (4), les critères diagnostiques du rejet aigu humoral ont été redéfinis et reposent sur trois items : " L existence de signes histologiques d agression tissulaire aiguë, tels que : une nécrose tubulaire aiguë, la présence de cellules mononucléées et/ou de polynucléaires neutrophiles (PNN) dans la lumière des capillaires péritubulaires (CPT) (figure 1) et/ou des capillaires glomérulaires (figure 2) et/ou des thrombus capillaires, une panartérite et/ou une artérite avec nécrose fibrinoïde de la média (v3) (figure 3). " La mise en évidence par immunofluorescence de l intervention d anticorps sur le tissu, telle que : la fixation de C4d (figure 4) et/ou (plus rarement) d immunoglobulines (Ig) au niveau des CPT, la fixation d immunoglobulines et de complément au niveau des lésions artérielles de nécrose fibrinoïde. " La détection d anticorps circulants anti-hla du donneur ou d anticorps dirigés contre tout autre antigène exprimé par les cellules endothéliales du donneur. Figure 1. Œdème interstitiel avec capillarite caractérisée par la présence d éléments mononucléés et de PNN dans la lumière des CPT (Trichrome de Masson x 40). Tableau I. Classification de Banff 1997, actualisée en 2002, pour le diagnostic des biopsies de transplant rénal (4). ' Normal ( Rejet à médiation humorale Rejet dû, au moins en partie, à des anticorps antidonneur (utiliser le terme suspicion de en l absence d anticorps détectés) Type (grade) I. Nécrose tubulaire aiguë, fixation de C4d au niveau des CPT, infiltrat interstitiel minime II. Capillarite péritubulaire et/ou thromboses, fixation de C4d et ou d Ig au niveau des CPT III. Atteinte artérielle v3, fixation de C4d au niveau des CPT ) Lésions borderline suspicion de rejet aigu cellulaire Cette catégorie est utilisée quand il existe une tubulite mineure (1 à 4 lymphocytes en exocytose par section tubulaire) et un infiltrat lymphocytaire > 10 % du cortex, en l absence d artérite intimale Ces lésions peuvent être associées aux lésions de type 2 ou 5 * Rejet aigu Rejet à médiation cellulaire (lymphocytes T). Peut être associé aux lésions de type 2 ou 5 Type (grade) IA. Infiltrat interstitiel significatif (> 25 % du cortex) et tubulite modérée plurifocale (> 4 lymphocytes en exocytose par section tubulaire) IB. Infiltrat interstitiel significatif (> 25 % du cortex) et tubulite marquée plurifocale (> 10 lymphocytes en exocytose par section tubulaire) IIA. Artérite intimale légère ou modérée, sans nécrose intimale (v1) IIB. Artérite sévère avec nécrose intimale et diminution > 25 % de la lumière vasculaire (v2) III. Artérite transmurale et/ou nécrose fibrinoïde de la média avec infiltration lymphocytaire de la paroi vasculaire (v3) + Néphropathie chronique d allogreffe Lésions non spécifiques de fibrose interstitielle et d atrophie tubulaire, sans (a) ou avec (b) des signes de rejet chronique témoignant d une agression allo-immune vraie (c est-à-dire glomérulopathie d allogreffe et/ou endartérite fibroproliférative). Ces lésions peuvent être associées aux lésions de type 2, 3 ou 4. Grade I. Légère fibrose interstitielle et atrophie tubulaire sans (a) ou avec (b) des lésions spécifiques de rejet chronique II. Fibrose interstitielle et atrophie tubulaire modérée (a) ou (b) III. Fibrose interstitielle et atrophie tubulaire sévère (a) ou (b), Autres lésions n étant pas considérées comme des lésions de rejet Figure 2. Glomérulite caractérisée par la présence d éléments mononucléés et de PNN dans la lumière des capillaires glomérulaires (PAS x 40). Figure 3.Artérite intimale avec nécrose des cellules musculaires de la média (v3) (HPS x 20). Figure 4. Fixation diffuse de C4d au niveau des CPT (Immunofluorescence avec un anticorps anti-c4d [Biogenesis]). 188
3 Le C4d est un produit inactif, issu de la dégradation catalytique du C4 activé par la voie classique du complément. Cette activation est induite par la fixation d un anticorps sur sa cible spécifique. Le C4d a la particularité de se fixer de façon covalente à la surface des cellules endothéliales et aux composants de la membrane basale des capillaires à proximité du site où il a été formé (5, 6). C est un marqueur dynamique, à demi-vie longue, qui peut s accumuler et disparaître en quelques jours (4 à 8 jours), voire plusieurs mois, dégradé par les enzymes tissulaires (7, 8). Le C4 peut également être activé par un mécanisme indépendant des anticorps mettant en jeu la voie des lectines (9), mais il n a pas été démontré que cette voie joue un rôle physiopathologique quelconque en transplantation. Le C4d est donc un marqueur durable de l activation du complément par la voie classique, interprété comme l empreinte tissulaire d une fixation d anticorps et corrélé dans 43 à 93 % des cas à l existence d anticorps antidonneurs circulants (anti-hla I > anti-hla II > anti-hla I et II) (1, 2, 7, 10, 11). Il est actuellement considéré comme un signe indirect spécifique de rejet humoral (1, 4, 7, 10, 11). Sa sensibilité est variable selon les études (31 à 100 %), mais supérieure à celle des autres marqueurs potentiels de rejet humoral (C3 ou Ig) (1, 10, 11). En effet, des dépôts vasculaires d Ig sont rarement observés, celles-ci étant rapidement éliminées par détachement ou internalisation dans les cellules endothéliales. Quant au C3d, qui se fixe également de façon covalente au tissu, il présente le désavantage d être beaucoup plus présent que le C4d dans le rein normal et d être moins spécifique d une activation par la voie classique. En effet, il peut résulter d une boucle d amplification liée à la formation d une C3 convertase alternative formée par l association du C3b avec le facteur B de la voie alternative (12). D un point de vue pratique, le C4d peut être détecté par immunomarquage sur le greffon avec un anticorps spécifique, soit par immunofluorescence sur coupe congelée, soit par immunoperoxydase sur coupe en paraffine. Seule une fixation linéaire et diffuse au niveau de la membrane basale de plus de la moitié des CPT a une signification diagnostique (4). Ce type de fixation n est pratiquement jamais observé dans d autres circonstances pathologiques hormis dans les lupus, les vascularites à ANCA et le syndrome de Goodpasture (8). Le marquage des capillaires glomérulaires, de l intima artériolaire ou artérielle et des membranes tubulaires peut être observé dans un rein normal, et n est donc pas spécifique (1). L identification d une composante humorale au cours d un épisode de rejet aigu a un intérêt plus que théorique, puisqu elle induit une prise en charge thérapeutique particulière à type de plasmaphérèse ou d Ig intraveineuse (13). Une positivité du C4d au niveau des CPT est retrouvée dans 30 à 50 % des rejets indépendamment de la nature des lésions histologiques, et est toujours corrélée à un pronostic péjoratif et à une résistance aux traitements du rejet conventionnel (1, 7, 10, 14, 15). Dans 43 à 60 % des cas, les signes de rejet humoral sont associés à des signes de rejet aigu cellulaire (1, 7). Ce type de rejet, associant une composante à médiation cellulaire et une composante à médiation humorale, semble devoir évoluer de façon similaire au rejet humoral et relever d un traitement plus agressif qu un rejet cellulaire simple (8). Il est donc recommandé d effectuer un immunomarquage systématique avec l anti-c4d de toutes les biopsies de rejet aigu (4). Le rejet humoral n est pas l apanage du greffon rénal. En transplantation cardiaque, sa fréquence est difficile à évaluer, allant de 11 (16) à 59 % (17) compte tenu de l absence de critères diagnostiques précis. Il doit être suspecté lorsqu il existe une discordance entre une dysfonction du greffon et une absence d argument histologique pour un rejet cellulaire. Les critères jusqu ici répertoriés dans la classification de la Société internationale de transplantation cardiaque de 1990 comprennent des dépôts d Ig et de complément en immunofluorescence, des lésions de vascularite et un œdème sévère en l absence d infiltrat interstitiel, sans préciser si un de ces critères ou tous doivent être présents (18). Cette classification a été revue lors de la conférence de Banff en 2001 afin d établir des critères plus définis (tableau II) (19). Comme pour Tableau II. Définition du rejet humoral en transplantation cardiaque (18). ' Critères en microscopie optique a. Présence d éléments polymorphes (lymphocytes, PNN, macrophages) dans les lumières vasculaires, associée ou non à une turgescence des cellules endothéliales b. Infiltrat périvasculaire pauvre en lymphocytes c. Altération des myocytes avec foyer de nécrose autour des vaisseaux comprenant des éléments circulants ( Critères en immunofluorescence : présence d immunoglobuline, de complément et éventuellement de fibrine et de HLA-DR au niveau du tissu. Deux types de fixation au moins peuvent être observés a. Le plus souvent : présence de dépôts au niveau des capillaires interstitiels, des artérioles et des artères de petit calibre b. Dépôts périmyocytaires ) Critères en immunohistochimie : possibilité d utiliser les anticorps anti-cd68 et anti-cd31 pour distinguer les cellules endothéliales turgescentes de macrophages circulants un peu allongés * Critères biologiques : détection d anticorps antidonneurs dans le sang 189
4 le greffon rénal, les critères diagnostiques associent des signes histologiques d agression tissulaire, des dépôts vasculaires et/ou tissulaires d immunoglobulines et de complément, et la détection d anticorps antidonneurs circulants. L expression tissulaire de HLA-DR et une fixation vasculaire de fibrine ont parfois été décrites, mais il n y a pas de consensus quant à leur utilisation pour le diagnostic (19). Les dépôts de C4d au niveau des capillaires interstitiels sont corrélés à une diminution significative de la survie du greffon (20). Cependant, à la différence du greffon rénal, il existe dans le greffon cardiaque une activation du complément secondaire aux phénomènes d ischémie (21, 22). C est pourquoi le diagnostic de rejet humoral ne peut pas reposer uniquement sur une fixation de complément, en particulier en post-transplantation immédiate. En transplantation pulmonaire, les critères histologiques de rejet aigu humoral sont encore peu décrits mais ils semblent, là encore, centrés sur la microcirculation, avec un aspect de nécrose des capillaires septaux (23). Ces lésions s accompagnent de dépôts d Ig et de complément, notamment de C4d au niveau des capillaires (23). Le degré de positivité du C4d est corrélé avec le degré d agression tissulaire et avec l atteinte clinique (24). Dans la plupart des cas décrits, il n était pas retrouvé d anticorps anti-hla du donneur, mais des anticorps anti-cellules endothéliales (23-25). Tableau III. Proposition de définition du rejet humoral chronique. ' Signes cliniques de dysfonction chronique du greffon ( Signes histologiques de rejet chronique ( 3) - Endartérite fibroproliférative - Glomérulopathie d allogreffe - Fibrose/atrophie tubulaire - Duplication de la basale des CPT ) C4d+ au niveau des CPT * Anticorps anti-hla circulants Le transplant hépatique bénéficie d un environnement immunologique favorable le préservant du rejet comparativement aux autres transplants d organes (26). Le rejet humoral semble donc extrêmement rare en transplantation hépatique, et n est décrit que dans des cas de transplantation ABO incompatible (27). Néanmoins, un titre élevé d anticorps réagissant avec le panel et/ou un cross-match positif sont le plus souvent associés à une diminution de la survie (28). Outre le rejet aigu humoral, la notion de rejet humoral chronique est en train d émerger. En effet, en transplantation rénale, la glomérulopathie d allogreffe et/ou les lésions de rejet vasculaire chronique, caractérisant le rejet chronique, sont associées dans 53 à 61 % des cas à la présence de C4d au niveau des CPT, ce qui est significativement plus élevé que dans les autres causes de néphropathie chronique du transplant (29, 30). Cette fixation de C4d est corrélée à la présence d anticorps antidonneur circulants dans 88 % des cas, ce qui pourrait témoigner d une agression allo-immune active persistante (29). À l issue de la conférence sur le rejet humoral organisée à Bethesda en avril 2003, une définition du rejet humoral chronique d allogreffe rénale a été proposée (tableau III). La part de l immunité humorale reste controversée en ce qui concerne le développement de l artériopathie chronique du transplant cardiaque (19, 31). En revanche, elle pourrait jouer un rôle dans la pathogénie des lésions de bronchiolite oblitérante dans les greffons pulmonaires (32). Finalement, beaucoup de questions restent en suspens quant à la signification des anticorps antidonneur et du marqueur C4d. Hormis la situation idéale où l ensemble des éléments diagnostiques est réuni (c est-à-dire lésions histologiques, fixation de C4d au niveau des CPT et présence d anticorps antidonneur circulants) et pour laquelle il semble exister un consensus autour du diagnostic de rejet humoral aigu, la signification clinique des dépôts de C4d est encore incomplètement comprise. Toutefois, il est admis qu une fixation de C4d au cours d un rejet cellulaire ou d un épisode de dysfonction marquée du greffon prédit un pronostic péjoratif (6, 7). En revanche, la signification du C4d dans les greffons sans signes histologiques de rejet ou présentant peu ou pas d altération de la fonction rénale reste incertaine. La détection de C4d au niveau des CPT dans environ 15 % des biopsies systématiques, sans autres anomalies histologiques, pose le problème de l existence d éventuels rejets infracliniques et de leur prise en charge thérapeutique (7, 8). D autant plus que, dans 46 % des cas, la positivité du C4d sur des biopsies précoces serait un élément prédictif du développement ultérieur d une glomérulopathie d allogreffe (30). De même, la signification de la persistance du C4d plusieurs mois après un épisode de rejet traité est mal comprise. Une telle fixation peut être observée sur des greffons stables, après transplantation ABO-incompatible (33). Cette observation pose, là encore, le problème d un éventuel rejet humoral infraclinique potentiellement délétère sur le greffon à long terme, ou pourrait témoigner d un phénomène d accommodation, qui reste à démontrer. $ 190
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