La Normandie et le Boulonnais sont des régions connues depuis longtemps pour leurs richesses paléontologiques.

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1 Les débuts de la paléoichthyologie en Normandie et dans le Boulonnais Arnaud BRIGNON (a) La Normandie et le Boulonnais sont des régions connues depuis longtemps pour leurs richesses paléontologiques. L exposition de couches fossilifères dans les nombreuses falaises qui bordent la côte maritime et l exploitation intensive de carrières pour la pierre de taille, les matériaux de construction et l amendement des sols ont été des facteurs propices à la collecte de fossiles, particulièrement à partir du 18 e siècle. Des restes de poissons (Chondrichthyes, Actinopterygii), correspondant à des formes jusqu alors inconnues, commencèrent à y être signalés. L objet de cet article est de retracer l histoire de ces premières découvertes faites avant Les premières découvertes paléontologiques en Normandie sont attestées à la fin du Moyen-Âge. Les historiens normands Gervais de la Rue ( ) et Frédéric luquet ( ) évoquaient qu en 1482, Berthold, professeur de médecine à Caen, né à Angers, avait découvert une ammonite lors d une fouille. La précieuse relique prise pour un serpent pétrifié fut déposée dans la cathédrale de Bayeux où elle était admirée comme un prodige (de la Rue, 1824:160 ; luquet, 1829:69-70). Une inscription en latin gravée sur un linteau se lit encore dans cette cathédrale : «Credite mira Dei, serpens fuit hic lapis extans ; Sic transformatum Bartolus attulit huc» (Croyez aux miracles de Dieu, cette pierre fut un serpent vivant ; Berthold l apporta ici ainsi transformée). En 1702, Joseph itton de Tournefort ( ) annonçait que les «cornes d Ammon» étaient «assez communes» en Normandie (Tournefort, 1704:224). Antoine de Jussieu ( ) signalait la présence d ammonites dans «les environs de Boulogne en icardie, & les falaises de Dive en Normandie» ainsi que dans les carrières de «S. te Catherine près Rouen» (Jussieu, 1724). Dans son article, Jussieu donnait en outre une des plus anciennes représentations de fossiles des falaises de Dive [sic] correspondant aux falaises des Vaches Noires, entre Dives et Villers-sur-Mer (Tolmer, 1935) (fig. 1). Antoine-Joseph Dezallier d Argenville ( ), dans son Enumération des fossiles des provinces de France (fig. 2) puis dans son Oryctologie, donna une longue liste de localités normandes et picardes dans lesquelles des fossiles avaient été collectés (Dezallier d Argenville, 1751:9-22, 1755: ). Un négociant du Havre, Michel-Joseph Dubocage de Bléville ( ), passionné d histoire naturelle, décrivit, en 1753, les couches fossilifères du Kimméridgien du cap de la Hève (Dubocage, 1753 [2 e partie]:1-22 ; Lennier, 1870:iii). Dans une lettre à Jean-François Séguier ( ), célèbre pour avoir étudié les fossiles de la région de Vérone en Italie (Gaudant, 2005), le naturaliste René-Antoine Ferchault de Réaumur ( ) écrivait en 1751 qu un certain M. Basst travaillait à l histoire des «pétrifications du Boulonais [sic]» [a] 5 villa Jeanne d Arc, Bourg-la-Reine arnaud.brignon@yahoo.com Fig. 2 - age de titre d un ouvrage d Antoine-Joseph Dezallier d Argenville ( ) paru en 1751 dans lequel il recense les localités françaises qui ont livré des pétrifications. Il signale, entre autres, de nombreux fossiles, principalement des ammonites, découverts à Sainte-Catherine à Rouen, aux Vaches Noires et à Caen. Source : bibliothèque numérique patrimoniale du Service Commun de la Documentation de l Université de Strasbourg. Fig. 1 - lanche publiée en 1724 représentant des Corne[s] d Ammon pétrifiée[s] et métallique[s] trouvées dans les «falaises de Dive [sic] en Normandie». Cette planche, qui accompagne un article d Antoine de Jussieu ( ) communiqué à l Académie royale des sciences en 1722, est une des plus anciennes représentations de fossiles de Normandie. (Musset, 1886:82 ; Aspes & Cordier, 2005). Dezallier d Argenville (1755:399) soulignait également que «les environs de la Ville de Boulogne sur Mer fournissent des Cornes d Ammon, des Fossiles de toute espèce». La riche The beginning of palaeoichthyology in Normandy and the Boulonnais (North-West France). Abstract: Unpublished documents found in the archives of Georges Cuvier, Louis Agassiz and Charles-Alexandre Lesueur shed light on the first paleoichthyological discoveries (Chondrichthyes, Actinopterygii) made before 1850 in the Mesozoic Formations of Normandy and Boulonnais. Several drawings reveal poorly known specimens such as an actinopterygian from the Callovian of the Vaches Noires cliffs in the collection of the geologist Constant révost, for which Agassiz created the species achycormus macropomus. While a great majority of specimens were lost during World War II, after the destruction of palaeontological collections housed in Caen and Le Havre, searches through the collections of the Museum national d Histoire naturelle, aris, the Museum d Histoire naturelle de Rouen and The Natural History Museum, London made it possible to find several plaster casts and original fossils from this early period. The following specimens have been found: the plastotypes of Dapedium magnevillei (AGASSIZ 1833) offered to Cuvier by the Academy of Caen and Henry de Magneville in 1821, the types of Ischyodus tessoni (BUCKLAND in AGASSIZ 1838) and Scheenstia palliatus (AGASSIZ 1837), one of the first specimens of ristacanthus securis AGASSIZ 1837, discovered in 1824, from the collection of Tesson, and one of the first known teeth of Squalicorax falcatus from France collected by révost in This study establishes an inventory of the first "ichthyolites" discovered in some twenty localities that later became famous fossiliferous sites, such as La Caine- Curcy (Toarcian), the Caen area (Bathonian), Marquise (Bathonian), the cliffs of the Vaches Noires (Callovian/Oxfordian), (Kimmeridgian and Cenomanian), Boulogne-sur-Mer (Kimmeridgian/Tithonian) and Côte Sainte-Catherine in Rouen (Cenomanian/ Turonian). Keywords: History of palaeontology, Normandy, Boulonnais, Georges Cuvier, Jacques-Amand Eudes-Deslongchamps, Louis Agassiz, Constant révost, Charles-Alexandre Lesueur, palaeoichthyology, Mesozoic. 43

2 Fig. 3 - Localisation des premiers gisements dans lesquels des poissons fossiles furent découverts avant Entre parenthèses sont indiquées les dates les plus anciennes de ces découvertes. 1 : La Caine- Curcy, Toarcien (avant janvier 1821) ; 2 : Amayé-sur- Orne, Toarcien (avant 1833) ; 3 : Sully, Bajocien (avant 1839) ; 4 : Ecouché, Bathonien Inférieur ou Moyen (avant 1840) ; 5 : Allemagne (Fleury-sur-Orne), Bathonien Moyen (avant 1820) ; 6 : La Maladrerie, Bathonien Moyen (avant 1839) ; 7 : Marquise, Bathonien (avant août 1839) ; 8 : Maresquet, près de Ouistreham, Bathonien Moyen ou Supérieur (avant juillet 1849) ; 9 : Ranville, Bathonien Supérieur (avant 1838) ; 10 : Villers-sur-Mer, Callovien/Oxfordien (avant juin 1822) ; 11 : Boulogne-sur-Mer, Kimméridgien (avant 1827) et Tithonien (avant 1829) ; 12 : cap de la Hève, Kimméridgien (avant décembre 1841) ; 13 : Courcelles- Rançon, Tithonien (avant 1832) ; 14 : Vaches-Noires, Villers-sur-Mer, formation crétacée indéterminée (Cénomanien?) (avant 1833) ; 15 : cap de la Hève, formations du Crétacé indéterminées (1814 & 1830) ; 16 : côte Sainte-Catherine à Rouen, Cénomanien ou Turonien (avant 1755) ; 17 : Belbeuf, Cénomanien ou Turonien (avant 1832) ; 18 : cap Blanc-Nez, Cénomanien/Turonien (avant mars 1834) ; 19 : Thuit- Simer, Turonien (1807) ; 20 : Dieppe, Turonien/Coniacien (avant septembre 1821) ; 21 : région de Saint-Sauveurle-Vicomte, Maastrichtien (avant octobre 1813). collection de minéraux et de fossiles de edro Franco Davila ( ), un espagnol né au érou, qui résida un temps à aris, comptait, en 1767, environ 250 fossiles de Normandie, principalement des invertébrés du Jurassique et du Crétacé (Romé de l Isle & Davila, 1767). Christophe-François Nicolau de Montribloud ( ), trésorier de la ville de Lyon fit l acquisition d une grande partie des cabinets de Davila et de Dezallier d Argenville. On retrouve dans la collection de Montribloud (1782) de nombreux fossiles de Normandie et de icardie. Cette collection fut à son tour mise en vente en février 1784 (Laroque, 1999). De nombreux autres cabinets d histoire naturelle riches en pétrifications avaient également été constitués en Normandie durant le 18 e siècle (Dezallier d Argenville, 1742:214, 1757: , 1780: ). L histoire de la paléontologie en Normandie a surtout été illustrée au travers des premières recherches sur les thalattosuchiens et les dinosauriens du Jurassique (Buffetaut, 1983, 2008, 2011 ; Taquet, 1994 ; Brignon, 2013, 2014a, 2014b, 2014d). Excepté quelques rares travaux (Lepage, 1996), les premières découvertes paléoichthyologiques en Normandie et dans le Boulonnais n ont en revanche jamais fait l objet d une étude détaillée. Son intérêt est renforcé par le fait que de nombreux spécimens ont été perdus lors des bombardements de 1944 qui entrainèrent la destruction des riches collections paléontologiques du alais des Facultés de Caen et du Muséum d Histoire naturelle du Havre (Bigot, 1945 ; Cousin & Breton, 1994). Des recherches dans les archives personnelles de Georges Cuvier conservées à la bibliothèque centrale du Muséum national d Histoire naturelle, de aris, celles de Louis Agassiz à Neuchâtel et à la Geological Society, de Londres, ainsi que celles de Charles-Alexandre Lesueur au Muséum d histoire naturelle du Havre ont permis de retrouver des documents iconographiques et manuscrits sur ces découvertes. Les renseignements apportés par ces documents, inédits pour la plupart, la littérature scientifique antérieure à 1850 et l ouvrage d Agassiz, Recherches sur les poissons fossiles, permettent de dresser l inventaire des premiers spécimens de poissons fossiles de Normandie et du Boulonnais. En outre, plusieurs fossiles originaux ou leur(s) modèle(s) en plâtre ont pu être retrouvés dans différentes collections publiques et sont présentés dans cet article. Fig. 4 - ortrait lithographié de Henry de Magneville ( ). Il est un des fondateurs du Cabinet d Histoire naturelle de Caen en Ce portrait fut dessiné par son petit-fils, le vicomte Théodose du Moncel ( ) et imprimé par Auguste Bry, 134 rue du Bac, aris (source : Musée de Normandie, ville de Caen). Toarcien de La Caine-Curcy Les Argiles à oissons du Toarcien Inférieur étaient exposées dans plusieurs carrières aux alentours des communes de La Caine et Curcy-sur-Orne dans le Calvados (Rioult, 1980a) (fig. 3). Ces couches argileuses contiennent des concrétions calcaires, appelés miches, renfermant des fossiles remarquablement conservés (E. Eudes-Deslongchamps, 1864). La faune comprend notamment des céphalopodes teuthoïdes, des ammonites, des sélaciens (Euselachii, Hybodontiformes), des actinopterygiens, des restes d ichthyosaures et de crocodyliformes thalattosuchiens (J.-A. Eudes- Deslongchamps, 1863 ; E. Eudes-Deslongchamps, 1864 ; Lehman, 1949 ; Wenz, 1967). La correspondance entre Georges Cuvier et Henry de Magneville permet de trouver la première mention aux poissons de La Caine-Curcy. Henry de Magneville ( ), botaniste et géologue fut un des créateurs du Cabinet d Histoire naturelle de la ville de Caen en 1820 (de Caumont, 1848 ; Bigot, 1945) (fig. 4). Cuvier avait été, dans sa jeunesse, précepteur des enfants du comte d Héricy, cousin de Henry de Magneville. Dans une lettre du 17 janvier 1821, de Magneville indiquait à Cuvier qu un modèle en plâtre d un poisson de La Caine-Curcy avait été réalisé et qu il lui serait donné prochainement (BCM Ms 629/ [*] ; Brignon, 2014b). Un premier modèle fut envoyé à Cuvier quelques jours plus tard, [*] Abréviations > AEN : Archives de l Etat de Neuchâtel, BCM : Bibliothèque centrale du Muséum national d Histoire naturelle, aris ; BIF : Bibliothèque de l Institut de France, aris ; MCGL : Musée cantonal de Géologie, Lausanne ; MHNH : Muséum d Histoire naturelle, Le Havre ; MHNL : Muséum d Histoire naturelle de Lille ; MHNR : Muséum d Histoire naturelle de Rouen ; MNHN : Muséum national d Histoire naturelle, aris ; MNHN.F : Collection de aléontologie, MNHN ; MNHN.GG : Collection de Géologie, MNHN ; NHMUK : Natural History Museum, Londres. 44

3 A Fig. 5 - Modèles en plâtre de Dapedium magnevillei (AGASSIZ 1833) envoyés à Georges Cuvier par Henry de Magneville ( ) et l Académie de Caen. Le spécimen original avait été collecté par de Magneville. Il l avait déposé au Musée d Histoire naturelle de Caen qui venait tout juste d être créé sous son impulsion. C est sur ce spécimen qu Agassiz créa le taxon Tetragonolepis magneville (= Dapedium magnevillei) en Le spécimen original a été détruit lors des bombardements de Caen en A : plâtre MNHN.F.JRE248A, juste coloré uniformément au brou de noix, fut reçu par Cuvier entre le 17 et le 26 janvier B : plâtre peint MNHN.F.JRE248B envoyé à Cuvier en 1821 (après le 27 janvier 1821). Barre d echelle : 5 cm (photos : L. Cazes/ MNHN/CNRS). B qui fut lue le 26 janvier 1821 durant une de ses séances (Membres de l Institut, 1821:236). Cuvier promit d «en fixer l espèce» dès qu il aurait «terminé les comparaisons nécessaires». Le 27 janvier 1821, de Magneville écrivit à Cuvier qu il lui enverrait un autre modèle en plâtre du poisson, coloré cette fois-ci, ainsi qu une autre copie pour le Cabinet du Roi (BCM Ms 629/ ; Brignon, 2014b). Un de ces plâtres peints est également conservé au Muséum national d Histoire naturelle (MNHN.F.JRE248B ; fig. 5-B). En avril 1821, de Magneville envoya aussi à Cuvier le dessin de ce poisson qui a pu être retrouvé à la bibliothèque centrale du Muséum national d Histoire naturelle, aris (fig. 6). Une note manuscrite de la main de Cuvier est visible en bas du dessin : «oisson fossile trouvé à Caen & communiqué par M. de Magneville. Avril 1821». Outre les deux modèles en en même temps que les plâtres du premier spécimen du thalattosuchien Teleosaurus cadomensis GEOFFROY 1825 (Mesoeucrocodylia, Thalattosuchia) découvert en novembre 1817 (Brignon, 2014b). Les plâtres du reptile furent exécutés par Odelli, professeur de sculpture et d architecture de la ville Caen. Il est vraisemblable que ce dernier réalisa également le modèle en plâtre du poisson. Ce plâtre est aujourd hui conservé dans la Collection de aléontologie du Muséum national d Histoire naturelle (MNHN.F.JRE248A ; fig. 5-A) et correspond à l espèce Dapedium magnevillei (AGASSIZ 1833) (Actinopterygii, Neopterygii, Dapediidae). Cuvier remercia de Magneville et l Académie de Caen dans une lettre Fig. 6 - Dessin original inédit (BCM Ms 540) du type de Dapedium magnevillei (AGASSIZ 1833). Ce dessin fut envoyé à Cuvier par Henry de Magneville en avril L inscription est de la main de Cuvier. Dimension totale de la feuille (marges coupées sur la figure) : environ 42,6 cm x 28,9 cm ( Bibliothèque centrale du Muséum national d Histoire naturelle, aris). Fig. 7 - Document manuscrit inédit envoyé par Henry de Magneville à Cuvier, probablement en janvier 1821, dans lequel est indiquée la succession des couches géologiques dans la région de Caen (BCM Ms629/344). La colonne de gauche indique les fossiles remarquables qui venaient d être découvert. Le crocodile correspond au premier spécimen de Teleosaurus cadomensis découvert dans les carrières près du village d Allemagne (Fleury-sur-Orne) en novembre Le poisson correspond au Dapedium magnevillei présenté sur les figures 5 et 6 ( Bibliothèque centrale du Muséum National d Histoire Naturelle, aris). 45

4 Fig. 8 - Les premières livraisons (volumes de texte) des Recherches sur les poissons fossiles de Louis Agassiz. Cette œuvre monumentale, publiée entre 1833 et 1844, pose les bases de la paléoichthyologie et valut une renommée internationale au naturaliste suisse. Dès la première livraison achevée en juillet 1833 (fascicule de gauche sur la photographie), Agassiz signalait plusieurs poissons fossiles de Normandie qu il avait vus lors d un séjour effectué à Caen en plâtre de la figure 2, un troisième est conservé au Muséum d Histoire naturelle de Rouen (AL ). L étiquette apposée au dos de ce plâtre mentionne le «Cabinet d Histoire naturelle de Caen». De Magneville adressa à Cuvier, probablement avec sa lettre du 17 janvier 1821, une notice de deux pages sur la géologie de la région de Caen (BCM Ms 629/344 ; Brignon, 2014b) (fig. 7). Sous le Calcaire de Caen du Bathonien Moyen dans lequel fut découvert en novembre 1817 les restes du Teleosaurus cadomensis et sous le Banc bleu du Bathonien Inférieur, de Magneville indique la présence de «Calcaire avec oolites brunes dans lequel a été trouvé le poisson fossile». Il précise : «Ce calcaire occupe un très grand espace dans le département. C est lui qui fournit presque toute la pierre de chaux. Ses bancs sont horizontaux, de différentes épaisseurs séparés par de la glaise. Ils contiennent tous plus ou moins d oolites, de belemnites, de nautiles, de peignes, de moules, de térébratules, de coquilles en spiral &c des encrinites étoilées, des bois, des portions de vertèbres &c. Les dernières couches inférieures sont très minces et contiennent des galets siliceux roulés. Toute cette masse est peut être susceptible d être divisée en plusieurs formations. Elle repose sur [le] grès rouge ancien». Sur ce qui peut être considéré comme la plus ancienne coupe géologique du Calvados connue à ce jour, de Magneville désignait également cet ensemble stratigraphique le Calcaire d Evrecy (Brignon, 2014b). Ce terme vague, de l aveu même de H. de Magneville (1824), semblait englober de nombreuses formations telles que le Calcaire à spongiaires (Bajocien Supérieur), l Oolithe ferrugineuse et Conglomérat de Bayeux (Bajocien Moyen à Supérieur), les Calcaires à Ammonites et les Argiles à oissons (Toarcien) d où provient le poisson fossile dont il est question ici. Dans son Essai sur la topographie géognostique du département du Calvados, Arcisse de Caumont (1828:242) indiqua la présence, dans le Lias du Calvados, d une couche contenant des Ichthyolithes. Eugène Eudes-Deslonchamps (1864: ), dans son étude sur le Jurassique de Normandie, décrivit avec précision la nature de ces argiles à poissons contenant des concrétions calcaires riches en restes de vertébrés. A partir des renseignements communiqués par Henry de Magneville, Alexandre Brongniart établit, certainement en 1821, une coupe géologique de la région de Caen (Brignon, 2014b). Dans ce document (BCM Ms 629/333), il fait allusion au poisson de Henry de Magneville. Brongniart estimait que ce poisson remarquable présentait «quelque ressemblance avec les chaetodons». Une observation superficielle des plâtres du poisson qui étaient conservés au Jardin du Roi, avait ainsi conduit Brongniart à rapprocher ce poisson du genre Chaetodon LINNAEUS 1758 (Teleostei, erciformes). Félix Lamouroux ( ), professeur de Sciences naturelles à Caen, mentionna également la découverte de ce poisson (Lamouroux, 1821:358). Il indiqua que ce spécimen avait été découvert à La Caine (orthographié Lachène ), village d Ouffière, canton d Evrecy et qu il était conservé dans le cabinet d histoire naturelle de la ville de Caen. Il fut le premier à reconnaitre que ce poisson n avait pas d équivalent actuel en écrivant à son sujet : «C est un genre entièrement nouveau et très-singulier par la forme des écailles. Si aucun naturaliste ne l a décrit, je propose de le dédier au célèbre alissy, le premier physicien qui se soit occupé de géologie depuis la renaissance des sciences et des lettres. Ce genre serait nommé alissya». Avant la publication de l article de Henry De la Beche (1822a) dans lequel William Elford Leach ( ) introduisit le genre Dapedium et l espèce type Dapedium politum LEACH 1822, Lamouroux avait ainsi proposé le nouveau genre alissya pour le poisson fossile trouvé en Normandie. D un point de vue historique, le genre Dapedium LEACH 1822 est donc plus récent que le genre alissya LAMOUROUX Mais en absence de nom spécifique, de description ou de dessins publiés du spécimen, le genre alissya ne peut être considéré comme valide. Dans le chapitre consacré aux crocodiles fossiles de Caen de la deuxième édition des Recherches sur les ossemens fossiles, Cuvier (1824:128) rapprocha le poisson de Henry de Magneville du Dapedium politum. Le poisson de Henry de Magneville fut mentionné sous ce nom dans plusieurs autres publications (Defrance, 1826:250, de Caumont, 1828:247). A partir de ce spécimen, Agassiz (1833[vol. 2]:7) créa le taxon Tetragonolepis magneville AG dans la première livraison de son œuvre monumentale Recherches sur les poissons fossiles (fig. 8). Néanmoins, Agassiz utilisait ce nom dès juin 1832 comme le montre un manuscrit dans lequel il donne la liste des dessins de poissons fossiles des archives de Cuvier (AEN 123/1). Agassiz vit ce spécimen lors d un voyage en Normandie en mars 1832 accompagné de son futur beaufrère Alexander Karl Heinrich Braun ( ), botaniste, Joseph Dinkel (? ), son dessinateur, et hilippe- Louis Voltz ( ), ingénieur des mines à Strasbourg (de Caumont, 1833:135 ; J.-A. Eudes-Deslongchamps, 1835:70 ; E. C. Agassiz, 1887:142), voyage au cours duquel il rencontra, à Caen, Jacques-Amand Eudes-Deslongchamps ( ) et Henry de Magneville. Ce dernier lui permit de faire dessiner le fossile (Agassiz, 1834c:6). La planche figurant ce poisson parut dans la 3 e livraison des Recherches sur les poissons fossiles (Agassiz, 1834b[vol. 2]:pl. 24). Cette livraison fut publiée en août 1834 d après un avis aux souscripteurs paru avec la 12 e livraison (Agassiz, 1839b ; Brignon, 2014c). Ce n est qu en 1836 que la description détaillée du poisson fut publiée dans la 6 e livraison de cet ouvrage (Agassiz, 1836a[vol. 2(1)]: ). Woodward (1895: 151) associa cette espèce au genre Dapedius dont l orthographe originale Dapedium doit être retenue (Thies, 1988 ; Thies & Hauff, 2011). Ce spécimen, type de l espèce Dapedium magnevillei, était conservé dans les collections du Cabinet d Histoire naturelle de la ville de Caen qui furent réunies avec les collections géologiques de la Faculté des Sciences de Caen à partir de 1840 (Bigot, 1935:15). Il fut détruit lors des bombardements du 7 juillet 1944 (Bigot, 1945:24). Il ne reste aujourd hui que les plastotypes conservés au Muséum national d Histoire naturelle, aris (fig. 5) et au Muséum d Histoire naturelle de 46

5 Fig. 9 - Jacques-Amand Eudes-Deslongchamps ( ) fut une des figures les plus marquantes de la paléontologie normande au 19 e siècle. Sa collection, continuée et accrue par son fils, Eugène ( ), était la plus importante collection particulière de fossiles de Normandie (Bigot, 1945:10). La famille Eudes- Deslongchamps en fit don à la Faculté de Caen où elle fut détruite en juillet ortrait à l huile antérieur à D après une reproduction figurée par Alexandre Bigot (1835:pl. 3). Rouen. Le dessin inédit du type de l espèce présenté sur la figure 6 est d autant plus important qu il présente l ornementation des os dermiques du crâne, détail absent sur le plastotype (Wenz, 1967) ou peu visible sur la planche d Agassiz (1834b[vol. 2]:pl. 24). D autres poissons des carrières de Curcy et de Croisilles furent signalés par Jules Desnoyers (1823:200) dans une communication lue le 12 avril 1822 durant une séance de la Société d Histoire naturelle de aris. La carrière de Curcy fut décrite en détail par Hérault (1832:110) dans son Tableau des Terrains du département du Calvados. Dans la Revue Normande, Arcisse de Caumont écrivait en 1833 (de Caumont, 1833:137) : «lusieurs poissons fossiles, d une belle conservation, ont été trouvés par M. H. Bunel, membre de la société Linnéenne de Normandie, dans les carrières de Curcy (Calvados), qui avaient déjà, à plusieurs reprises, fournies des ictiolithes forts intéressants». François-Hippolyte Bunel (né en 1790) était officier de marine en retraite. Il était également membre de la Société géologique de France, de l Académie royale des Sciences Arts et Belles Lettres de Caen, de la Société royale d Agriculture de Caen, de la Société des Antiquaires de Normandie, de la Société linnéenne de Normandie et auteur de plusieurs Mémoires relatifs aux sciences et aux beaux-arts (Guyot de Fère, :57). Bunel avait communiqué à Agassiz un dessin et une description d un de ces poissons de La Caine-Curcy (Anonyme, 1833:40-41). Agassiz (1833[vol. 2]:13, 1843b[vol. 2(2)]:133) mentionna, sans figurer le spécimen, la présence de Leptolepis bronni, synonyme plus récent de Leptolepis coryphaenoides (BRONN 1830) (Wenz, 1967), à Amayé-sur- Orne, commune située à une dizaine de kilomètres de Curcy. De Caumont (1835:27) signala également des restes de poissons cartilagineux provenant de cette localité. Calcaires du Bathonien La ierre de Caen (Bathonien Moyen) a été extraite, principalement à ciel ouvert, jusqu au 17 e siècle mais l épuisement des gisements conduisit à son exploitation dans des carrières souterraines, notamment près du village d Allemagne (renommé Fleury-sur-Orne en 1917), la Maladrerie et Quilly (entre Bretteville-sur-Laize et les Cintheaux) (fig. 3) (Dugué et al., 2010). La découverte de thalattosuchiens dans cette formation connut un grand retentissement au début du 19 e siècle. D autres restes de vertébrés furent ensuite découverts, comme des sauroptérygiens, des ichthyosauriens et des dinosauriens (de Caumont, 1828: ; révost, 1830:169). La présence de poissons dans le Calcaire de Caen est signalée dès 1820 par Lamouroux (1820:162). Desnoyers (1824:387) y indiquait des «dents ou palais triturans de poissons marins». Jacques- Amand Eudes-Deslongchamps (fig. 9) possédait «plusieurs de ces dents curieuses par leur grande taille et leur assemblage régulier». Dans un article publié en 1825, ce dernier précise qu il possède deux échantillons provenant des carrières d Allemagne «qui présentent une vingtaine de [ ] dents restées voisines les unes des autres et dans les rapports qu elles se trouvaient sur la mâchoire». Eudes-Deslongchamps voyait des similitudes entre ces dents et celle que James arkinson (1811:261, pl. 19:15) avait figurée en Il s agit de dents d Asteracanthus (Euselachii, Hybodontiformes, Acrodontidae). De telles dents sont connues depuis le 17 e siècle. Le naturaliste anglais Edward Lhuyd ( ) en avait figuré dans un article de 1693 et dans son livre consacré aux fossiles provenant principalement de la région d Oxford (Lhuyd, 1693:figs 1-2, 1699:pl. 16). Eudes- Deslongchamps (1825:280, 1837:35) se proposait de publier un article accompagné de figures sur ces dents découvertes dans la ierre de Caen mais Agassiz (1837[vol. 3]:pl. 16) le devança. C est en 1832, lors de son séjour à Caen accompagné de son dessinateur, Joseph Dinkel, qu Agassiz vit ces restes de poissons conservés dans le Cabinet de la ville de Caen et dans la collection de Jacques-Amand Eudes-Deslongchamps (AEN 124/1). Néanmoins, Agassiz (1838[vol. 3]:118) reconnaissait que, pressé par le temps, Dinkel n avait pas pu reproduire les détails des réseaux de rides qui ornent la couronne de ces dents (fig. 10). Agassiz (1837[vol. 3]:pl. 16) créa pour ces fossiles le taxon sammodus longidens. lus tard, il proposa un nouveau genre pour cette espèce qui fut renommée Strophodus longidens (Agassiz, 1838[vol. 3]: ). Le genre Strophodus fut créé pour des dents. Il a été prouvé depuis que ces dents et les aiguillons de nageoires dorsales désignés sous le nom Asteracanthus par Agassiz (1836b[vol. 3]:pl. 8) appartenaient en réalité au même genre. En conséquence, le nom Asteracanthus a priorité sur Strophodus (Cappetta, 2012: 63). Les dents découvertes par Eudes-Deslongchamps dans le Bathonien Moyen de la région de Caen sont donc aujourd hui assignées à l espèce Asteracanthus longidens (AGASSIZ 1837). La série type de cette espèce, figurée par Agassiz, faisait partie à l origine de la Fig lanche 16, volume 3 des Recherches sur les poissons fossiles de Louis Agassiz, d après un dessin de Joseph Dinkel réalisé à Caen probablement en mars arue en 1837, cette planche représente des dents et des dentitions d Asteracanthus découvertes dans la ierre de Caen (Bathonien). 47

6 A B C Fig Aiguillons de ristacanthus securis AGASSIZ 1837 du Calcaire de Caen (Bathonien). Figures 3 (A) et 1 (B), planche 21 de l atlas des Mémoires de la Société linnéenne du Calvados de l année Les restes représentés sont décrits par Eudes-Deslongchamps (1825) comme des «fragments de l armure caudale d une mourine fossile». Le spécimen de la figure 1 (B), découvert en novembre 1824 dans une des carrières d Allemagne (Fleury-sur-Orne), faisait partie de la collection Tesson et fut acheté par le British Museum en 1857 où il est encore conservé aujourd hui (C, NHMUK V OR32727). C : photographie Natural History Museum, London. Barre d échelle : 2 cm. collection du Cabinet d Histoire naturelle de la ville de Caen et celles d Eudes-Deslongchamps. Ces spécimens furent ensuite déposés dans les collections géologiques de la Faculté de Caen où ils furent détruits lors des bombardements de 1944 (Bigot, 1945:24 ; Rees & Underwood, 2008:133). Les formations du Bathonien Supérieur visibles à Ranville (Rioult et al., 1989) avaient également livré des dents d Asteracanthus magnus (AGASSIZ 1838) qu Eudes-Deslongchamps signala à Agassiz (1838[vol. 3]:126). Au Masqueret, sur les bords de l Orne, à 2 km au sud d Ouistreham, le fils de Jacques-Amand Eudes- Deslongchamps, Eugène ( ), découvrit dans la Grande oolithe (Bathonien Moyen ou Supérieur) un grand ichthyodorulite (J.-A. Eudes-Deslongchamps, 1849:xxxii). Ce terme désignait généralement à cette époque des aiguillons de nageoires de chondrichtyens. Jacques-Amand Eudes-Deslongchamps (1825:280 ; 1836:24 ; de Caumont, 1830:331 ; Omalius d Halloy, 1831: 227) indiqua la présence d autres dents de squale dans la ierre de Caen. Il figura l une d elles, provenant des carrières de la Maladrerie, en 1837 (J.-A. Eudes-Deslongchamps, 1837:pl. 1: 6 ; Bigot, 1896:8). Il s agit de dents d hybodontes A (Euselachii, Hybodontidae). Quelques années plus tard, Agassiz figura et décrivit deux espèces d Hybodus de la collection Eudes-Deslongchamps provenant du Calcaire de Caen (Bigot, 1896) : Hybodus grossiconus (Agassiz, 1839a[vol. 3]: pl. 23:35-36, 1843a[vol. 3]: ) et Hybodus obtusus (Agassiz, 1839a[vol. 3]:pl. 23:43-44, 1843a[vol. 3]: 186). Hybodus grossiconus a été récemment assigné au genre lanohybodus par Rees & Underwood (2008:128). our une dent trouvée à Sully (Calvados), localité célèbre pour ses carrières ouvertes dans les formations du Bajocien, Agassiz créa l espèce Hybodus inflatus (Agassiz, 1839a[vol. 3]:pl. 23:42, 1843a[vol. 3]: ; Bigot, 1896:8). La dent représentée par Agassiz appartient bien à un hybodontiforme mais son attribution au genre Hybodus semble douteuse. Eudes-Deslongchamps décrivit en 1825 des fragments d aiguillons qu il attribua à une espèce inconnue de mourine ou raie-aigle (fig. 11-A,B). Ces spécimens proviennent du Calcaire de Caen (Bathonien Moyen). Le plus grand fragment d environ 14 cm de long (fig. 11-B) fut découvert en novembre 1824 dans les carrières du village d Allemagne (Fleury-sur- Orne) et appartenait à la collection Tesson. Une grande partie de cette collection fut acquise par le British Museum (1904:331) en Richard Owen ( ) fit le voyage à Caen pour assurer en personne le transfert des spécimens du Jurassique de Normandie qui avaient été achetés (Owen, 1860 ; J.-A. Eudes-Deslongchamps, 1863:133). C est ainsi que le fragment représenté sur la figure 11-B est encore aujourd hui conservé au Natural History Museum à Londres (NHMUK V OR32727, fig. 11-C) (Woodward, 1891: ). Le deuxième fragment (fig. 11-A) appartenait à M. Lavigne, professeur de dessin à Caen et avait été trouvé dans un tas de pierres qui servaient à construire un mur. Agassiz (1837[vol. 3]:35-36, 1838[vol. 3]:pl. 8a:11-13) créa l espèce ristacanthus securis pour ces restes qui se rencontrent également dans le Bathonien Moyen de Stonesfield en Angleterre (hillips, 1871:178) et qui furent considérés comme des aiguillons d un sélacien indéterminé par Alexandre Bigot (1896). Ces éléments ont des affinités avec les aiguillons de nageoires dorsales de certaines chimères fossiles (Chondrichthyes, Holocephali, Chimaeriformes) (Dineley & Metcalf, 1999:385). D autres restes de chimères furent d ailleurs découverts dans le Calcaire de Caen. Tesson possédait une dentition mandibulaire d un de ces chondrichthyens qui avait été découverte dans les carrières d Allemagne (Fleury-sur-Orne). Eudes-Deslongchamps envoya un dessin de cette pièce à Agassiz qui la fit figurer dans ses Recherches sur les poissons fossiles (Agassiz, 1838[vol. 3]: pl. 40:19, 1838 [feuilleton additionnel]:116, 1843a[vol. 3]:342) (fig. 12-A). Ce spécimen est aujourd hui conservé au Natural History Museum, London (NHMUK V OR32545 ; Stahl, 1999:fig. 138J) et constitue l holotype d Ischyodus tessoni (BUCKLAND in AGASSIZ 1838) (fig. 12-B). Contrairement à l opinion communément admise (Woodward, 1891:60-61 ; B Fig A : figure 19, planche 40 du 3 e volume des Recherches sur les poissons fossiles de Louis Agassiz, publiée en A partir de cette dentition mandibulaire droite conservée dans la collection Tesson, William Buckland créa l espèce Ischyodus tessoni (BUCKLAND in AGASSIZ 1838). Cette pièce provient du Calcaire de Caen (Bathonien). B : exemplaire original conservé au Natural History Museum, London (NHMUK V OR32545), Barre d échelle : 2 cm. (photo : Natural History Museum, London). 48

7 Fig Aquarelle originale (LDGSL/613/3/59/15) de Joseph Dinkel qui servit à la réalisation des figures de la planche 72a parue en 1839 dans l ouvrage de Louis Agassiz, Recherches sur les poissons fossiles. Dent et dentitions de ycnodus Bucklandi [= Macromesodon bucklandi] découverts dans le Calcaire de Caen. Ces pièces étaient conservées dans le Musée d Histoire naturelle de la ville de Caen ( The Geological Society, London). Fig Dent de Macromesodon sp. (ycnodontidae) du Bathonien de Marquise dans le Boulonnais. Cette pièce, de la collection Monck, fut donnée au Muséum national d Histoire naturelle, aris, en août 1839 (MNHN.GG.2004/11324). Barre d échelle : 2 cm. Bigot, 1896 ; Stahl, 1999:134), Ischyodus emarginatus (EGERTON 1843) est un synonyme plus récent d Ischyodus tessoni et non l inverse. Un autre type d aiguillon du Calcaire de Caen fut décrit par Agassiz (1837[vol. 3]:29-30, 1838[vol. 3]:pl. 1a:14-18) sous le nom de Leptacanthus longissimus que Woodward (1891:70) assigna de manière spéculative à des épines dorsales d Ischyodus emarginatus (= Ischyodus tessoni) (Stahl, 1999:134). Eudes-Deslongchamps (1825:280 ; Omalius d Halloy 1831:227) signala également des dents de spare dans le Calcaire de Caen. Ce terme générique désigne certainement des dents broyeuses de ycnodontiformes (Actinopterygii). Agassiz (1833[vol. 2]:16, 1839a[vol. 2]:pl. 72a:16-18, 1843b[vol. 2(2)]:193) assigna à l espèce ycnodus bucklandi [= Mesodon bucklandi = Macromesodon bucklandi (Woodward, 1895 ; Schultz & aunovic, 1997)] (Actinopterygii, ycnodontiformes, ycnodontidae) une dent et des dentitions provenant du Calcaire de Caen. Ces spécimens étaient conservés dans le Musée de Caen (fig. 13). Il mentionna également deux autres ycnodontiformes d origines inconnues qu il supposa provenir du Calcaire de Caen (Agassiz, 1833[vol. 2]:16, 1839a[vol. 2]:pl. 69a:20, 1843b[vol. 2(2)]: , ). Ces fossiles étaient conservés dans la collection de François Théophile Marie Régley ( ), aide-naturaliste au Muséum de aris qui possédait une importante collection de poissons fossiles (Brignon, 2014c). Dès 1832, lors de sa visite à Caen, Agassiz avait reconnu à juste titre la grande similitude entre les poissons du Calcaire de Caen et ceux de Stonesfield dont il avait vu quelques échantillons dans les collections de l Ecole des Mines à aris (AEN 124/1). Les calcaires du Bathonien affleurent également aux environs d Ecouché dans le département de l Orne (fig. 3). De nombreuses carrières étaient exploitées pour la fabrication de la chaux et l extraction de pierres de taille. Le Calcaire d Ecouché rappelle le Calcaire de Caen et constitue l extension la plus méridionale de ce faciès en Normandie (Kuntz et al., 1989). A partir de la deuxième moitié du 19 e siècle, cette formation était connue pour livrer des restes de vertébrés (Bigot, 1896 ; riem, 1908:21-23). Une importante collection de fossiles du Bathonien d Ecouché avait été notamment constituée par le rouennais Raoul Fortin ( ). Une grande partie de cette collection est aujourd hui conservée au MHNR. Edouard Blavier ( ), ingénieur des mines, est un des premiers à avoir signalé «une dent de poisson ayant encore son émail noir» et des fragments d ossements dans le Calcaire d Ecouché (Blavier, 1840:50). La collection de Géologie du Muséum national d Histoire naturelle de aris possède un morceau de calcaire portant une dent de pycnodontiforme (fig. 14). Cette pièce fut donnée en août 1839 par un certain Mr. de Monck. Le catalogue des collections (Catalogue I, carré, collections 1 à 302) et l étiquette accompagnant le spécimen indiquent : «calcaire compacte, en partie oolitique, blanchâtre, contenant une dent palatale de poisson. Oolite inférieure des environs de Marquise (as de Calais)». Le donateur de cette pièce pourrait être Antoine de Monck (né en 1772). Il tenait de son père une propriété à Ergny dans le as-de-calais qu il vendit en 1825 pour s installer à Abbeville. Le 18 novembre 1836, la Société d Emulation d Abbeville fit l acquisition pour son musée d une grande partie de la collection d Antoine de Monck qui contenait des coquillages, des minéraux, des fossiles et des antiquités (Lefebvre de Villers, 1890:256). Le spécimen de la figure 14 provient vraisemblablement des calcaires bathoniens de Marquise-Rinxent (Mansy et al., 2007) qui étaient alors exploités de manière intensive dans cette région du Bas- Boulonnais (Dufrénoy & Elie de Beaumont, 1848:553). Il faudra attendre la deuxième moitié du 19 e siècle pour que la faune ichthyologique des calcaires bathoniens de la région de Marquise fasse l objet d une étude détaillée (Sauvage, 1868). La dent de la figure 14 rappelle par sa morphologie les dents de la rangée principale des dentitions préarticulaires ou vomériennes du genre Macromesodon BLAKE Henri- Emile Sauvage décrivit d ailleurs l espèce Macromesodon bathonicus (SAUVAGE 1880) à partir d un spécimen du Bathonien de Marquise (Sauvage, 1868, 1880b ; Blake, 1905). Jurassique de Villers-Sur-Mer La collection de Davila contenait semble-t-il plusieurs poissons fossiles de Normandie (Romé de l Isle & Davila, 1767: ) (fig. 15). armi ces ichthyolites, sont signalés des restes de cétacés qui, à cette époque, étaient classés parmi les poissons. Ces restes proviennent de Dives dans le Calvados et compte tenu du lieu de leur découverte, il s agirait de la plus ancienne mention de restes de reptiles dans les marnes de Dives ou de Villers (Callovien Supérieur/Oxfordien Inférieur) (Brignon, 2014b). Il s agit d une portion de mâchoire avec des dents de grandes dimensions, coniques et un peu comprimées 49

8 Fig age de titre du catalogue du Cabinet de curiosités de edro Franco Davila ( ), citoyen espagnol qui vécut à aris. Cette collection comptait environ 250 fossiles de Normandie dont les premiers restes de vertébrés des Vaches Noires. Une partie importante du tome 3 de ce catalogue est consacré aux pétrifications. Fig Constant révost ( ). Il étudia en 1821 les formations géologiques des falaises de Normandie. Il rapporta de ses excursions de nombreux échantillons de roches et de fossiles qu il déposa au Muséum à aris et qui sont encore conservés dans les collections de géologie du MNHN (lithographie de Thiery frères - collection des naturalistes français du Bulletin d Histoire naturelle de France ). (lot 284) attribuable à un sauroptérygien ou un grand crocodilien, une autre portion de mâchoire avec ses alvéoles (lot 294), plusieurs os séparés dont des portions d omoplate (lot 295), plusieurs vertèbres isolées (lot 292), un groupe de quatre vertèbres et un morceau contenant un amas de côtes (lot 293). Cette collection contenait certainement des restes de poissons fossiles de Normandie. On peut citer notamment le lot 291 : «un fragment de oisson pyriteux ; une petite Machoire agatifiée, de Normandie, de forme triangulaire, aux deux côtés de laquelle on remarque les alvéoles des dents», sans que soit précisé le lieu de ces découvertes. Au printemps 1821, le géologue anglais Henry Thomas De la Beche ( ) se rendit en Normandie pour étudier la géologie des départements de la Seine- Inférieure, de l Eure, du Calvados et de la Manche (Brignon, 2014b). Les résultats de cette étude furent présentés le 2 novembre 1821 devant la Société géologique de Londres et furent publiés en juin De la Beche (1822b:78) signala la présence de restes de poissons dans la Blue clay des falaises des Vaches-Noires (fig. 3). Dans un autre article, De la Beche (1822a:44) indiqua la présence dans cette même localité d aiguillons («defensive radii of some fishes») pouvant se rapporter à des Hybodontiformes. Durant la séance du 3 avril 1824 de la Société philomatique de aris, le géologue Constant révost (1824a, 1824b) (fig. 16) présenta une tête de poisson provenant des marnes bleuâtres situées au pied des falaises des Vaches-Noires dans le Calvados correspondant aux Marnes de Dives du Callovien Supérieur (Defrance, 1826:250 ; Huot, 1828:52 ; idgeon, 1830:392 ; Gosselet, 1896:82). révost ( ) avait identifié ce spécimen comme appartenant à l espèce Elops macropterus [= achycormus macropterus] que de Blainville (1818:324) avait créée pour un poisson du Lias de Beaune en Bourgogne, figuré par Dezallier d Argenville (1755: pl. 18:1) et conservé dans les collections du MNHN (Wenz, 1967). révost avait étudié les falaises de Normandie en 1821 (Gosselet, 1896:78-87). Ses travaux furent rapportés à l Académie des Sciences le 24 juin 1822 (Brongniart, 1824:300 ; Institut, 1916: ). révost pensait à tort que les «Marnes argilleuses, bleuâtre [ ] qu on voit à Dives» était plus anciennes que le Calcaire de Caen du Bathonien (Humboldt, 1822: ; 1823: Fig Dessins inédits (crayon et aquarelle) de Joseph Dinkel représentant le crâne d un actinoptérygien trouvé dans le Callovien Supérieur des Vaches-Noires (LDGSL/614/2/97). En haut : vue ventrale ; en bas : vue latérale droite. Ce fossile, découvert avant avril 1824, faisait partie de la collection de Constant révost. C est sur ce spécimen qu Agassiz créa l espèce achycormus macropomus AGASSIZ 1843 (nomen dubium). Longueur du spécimen sur le dessin original : 16,6 cm. Les marges de la feuille sont coupées sur la figure ( The Geological Society, London). 50

9 285 ; BIF Ms 3244/41bis). De la Beche avait quant à lui correctement placé la Blue clay des Vaches Noires au-dessus des Caen Freestones (De la Beche, 1822b ; Brignon, 2014b). Le poisson signalé par révost était conservé dans sa collection personnelle. Il en envoya un dessin à Agassiz (1835a[feuilleton additionnel]:57, 1843c[vol. 1]:24). Le naturaliste suisse créa pour ce fossile l espèce achycormus macropomus (Agassiz, 1843b[vol. 2(2):114) en ne donnant que la description succincte suivante : «espèce à tête très haute, à dents proportionnellement petites, à opercule énorme». Un dessin inédit de ce fossile a pu être retrouvé dans la collection de dessins de Louis Agassiz conservée à la Geological Society de Londres (fig. 17). Cette collection regroupe près de dessins et aquarelles de poissons fossiles sur plus de feuilles. La majorité de ces illustrations furent réalisées par l artiste d origine autrichienne Joseph Dinkel bien que plusieurs autres artistes, comme Jean- Charles Werner ( ) par exemple, aient également contribué à cette œuvre. Une grande partie de ces dessins furent utilisés pour les Recherches sur les poissons fossiles publiés sous forme de livraisons entre 1833 et 1844 (Brignon, 2014c). A cause des dépenses engagées pour ce projet, le naturaliste suisse se trouva rapidement dans une situation financière délicate (E. C. Agassiz, 1887). Les célèbres collectionneurs britanniques de poissons fossiles, Lord William Willoughby Cole ( ), qui devint comte d Enniskillen, et Sir hilip de Malpas Grey Egerton ( ) aidèrent Agassiz en finançant eux-mêmes les dessins des fossiles de leur collection. Malgré cela, Agassiz fut contraint de mettre en vente l ensemble des peintures et des dessins originaux qu il avait utilisé pour son ouvrage. Egerton convainquit son frère, Lord Francis Egerton ( ), qui deviendra plus tard comte d Ellesmere, d acheter cette collection iconographique pour la somme de 500 livres sterling. Francis Egerton fit don de ces dessins à la Geological Society en L ouvrage d Agassiz qui devait initialement comprendre 12 livraisons publiées tous les 4 mois (Agassiz, 1834a[couverture imprimée]), prenait un retard considérable car un nombre toujours croissant de nouvelles espèces lui étaient communiquées. our ne pas mécontenter ses souscripteurs, Agassiz dut se résigner à terminer son livre avec la 18 e livraison. Il promit de poursuivre son travail sous forme de suppléments dont seul sa Monographie des poissons fossiles du Vieux Grès Rouge ( ) vit le jour. Son départ pour les Etats-Unis en 1846 mit un terme à ce projet. Cependant, Agassiz possédait encore un grand nombre de dessins inédits représentant des espèces dont les noms étaient juste évoqués dans ses Recherches sur les poissons fossiles. En 1858, il fit don de ses dessins inédits, au nombre de 568, à la Geological Society (2011). Le dessin de achycormus macropomus provient de cette donation. Il fut réalisé par Dinkel. Il comporte deux inscriptions (coupées sur la figure 17). La première, vraisemblablement de la main de Dinkel, indique «Tête de poisson du Mont Vache Noire dans la Normandie, collection de Mr Constant révost». La deuxième, de la main de Louis Agassiz, indique «achycormus macropomus AGASS (Vaches Noires) (collect. de Mr Constant révost)». Le faible nombre relatif des rayons branchiostèges et la forme de l opercule permettent cependant d éloigner ce spécimen du genre achycormus. Sans que l on sache s il avait vu ou non ce dessin, Woodward (1895:350) supposa que cette tête appartenait à un poisson du genre Caturus. Cependant le manque de caractères diagnostiques ne permet pas de préciser la position systématique de cet actinoptérygien. Le fossile original étant aujourd hui perdu, achycormus macropomus doit être considéré comme un nomen dubium (Vullo, 2014). Arcisse de Caumont (1828:190 ; Omalius d Halloy, 1831:223) signala également un poisson fossile provenant des falaises de Villers-sur-Mer qui lui paraissait être semblable au Dapedium politum du Lias anglais. Cette identification est erronée, les formations les plus anciennes exposées dans cette localité appartenant au Callovien. Le poisson mentionné par de Caumont faisait partie de la collection de Bourienne, docteur en médecine et un des membres fondateur de la Société linnéenne de Normandie. C est Bourienne qui avait signalé en 1835 à Jacques-Amand Eudes-Deslongchamps (1837:8) la présence d ossements dans un bloc de ierre de Caen. Ces ossements s avèreront être les restes d un dinosaure théropode qu Eudes- Deslongchamps (1836) nomma oekilopleuron bucklandii. Kimméridgien du cap de la Hève Les formations kimméridgiennes du cap de la Hève dans la région du Havre sont célèbres pour avoir livré une riche faune de vertébrés incluant des sélaciens, des actinoptérygiens, des ichthyosauriens, des chéloniens, des sauroptérygiens, des Fig Charles-Alexandre Lesueur ( ) en einture à l huile sur toile par le naturaliste et artiste américain Charles Willson eale ( ). Dimension du tableau : 61x51 cm (Ewell Sale Stewart Library, The Academy of Natural Sciences of hiladelphia). Fig lanche dessinée par Charles-Alexandre Lesueur (BCM Ms 1715) en 1814 représentant des fossiles du cap de la Hève. La figure 4 de cette planche présente une dent de squale. C est le plus ancien dessin connu à ce jour représentant des restes de poisson du cap de la Hève. Vue linguale (à gauche), de profil (au milieu) et vue labiale (à droite). Dimensions de la dent sur le dessin original : hauteur = 15 mm, largeur = 8 mm ( Bibliothèque centrale du Muséum national d Histoire naturelle, aris). 51

10 Fig Vues & Coupes du cap de la Hève : planche dessinée et lithographiée par Charles- Alexandre Lesueur. ubliée en 1843, cette œuvre présente la succession des formations géologiques, des vues artistiques de la baie et des éboulements, ainsi que les principaux fossiles rencontrés dans chaque niveau. Les restes de poissons sont représentés par un vomer de ycnodontidae du Kimméridgien, décrit par Lesueur sous le nom Gyrodus wannerius [= Gyrodus wanneri], et par une dent d un grand lamniforme du Cénomanien attribuable à l espèce Dwardius woodwardi (HERMAN 1977). crocodiliens, des dinosauriens et des ptérosauriens (Lennier, 1870, 1887, 1892 ; Maréchal et al., 1999). Les restes de reptiles y ont été signalés dès la fin du 18 e siècle (Dicquemare, 1776 ; Cuvier, 1808a). Charles-Alexandre Lesueur ( ) est le premier naturaliste à s être intéressé de manière méthodique aux fossiles du cap de la Hève (fig. 18). Lesueur naquit et fit ses études au Havre. En octobre 1800, il participa à l expédition scientifique conduite par Nicolas Baudin ( ) aux Terres Australes. N ayant obtenu au départ qu une place d aide artilleur, il se fit remarquer par ses talents de dessinateur et endossa la fonction de naturaliste avec François éron ( ). De retour en France en mars 1804, Lesueur travailla avec éron à aris, puis au Havre, à la rédaction de plusieurs mémoires sur leurs découvertes zoologiques. A partir de 1808, il explore les falaises du cap de la Hève où il commence à collecter des fossiles. En 1814, il entreprend une étude sur la constitution de ces falaises. Dans un manuscrit de 45 pages intitulé Historique et notes pour la description des falaises depuis le jusqu au Cap d Antifer, il présente la première étude géologique détaillée de cette région (MHNH 32114). Mettant ses talents de dessinateur au service de son projet, il dépeint les fossiles qu il collecte. Sur une planche dessinée en 1814, représentant des fossiles du cap de la Hève, Lesueur figura une dent de squale (fig. 19). Cette dent est décrite dans une notice datée 1814 et intitulée «4 ème terrain, couche d argille [sic] et de pierres supérieures et inférieures aux eaux de la haute mer» (MHNH 33011). Lesueur écrit à son sujet : «Elle est très lisse sans aucune dentelure sur le côté. Elle est représentée sur trois côtés 1 de face, 2 de profil, 3 de l arrière pour que l on puisse aisément distinguer un petit denticule qui se trouve à la base. L autre côté ayant été brisé, je ne puis dire s il y en existoit une». L inscription sur la planche indiquant «Argille [sic] grise» pourrait laisser penser que les fossiles représentés proviennent des argiles du Fig Détail de la planche de Lesueur (1843), Vues & Coupes du, montrant des fossiles du Kimméridgien. La figure en bas à gauche représente un vomer de ycnodontidae pour lequel le naturaliste havrais créa le taxon Gyrodus Wannerius. Fig Dessin inédit (MHNH 33205) de Charles-Alexandre Lesueur représentant un vomer de roscinetes sp. (ycnodontiformes) du Kimméridgien du cap de la Hève. C est vraisemblablement sur ce spécimen que Lesueur créa en 1843 l espèce Gyrodus wannerius [= Gyrodus wanneri] (nomen dubium). A gauche : vue de dessus agrandie (x 2), à droite : vue de dessous agrandie (x 2), au milieu en bas : vue de profil agrandie (x 2), au milieu en haut : vue de dessus grandeur naturelle (longueur du vomer sur le dessin : environ 30 mm) ( Muséum d histoire naturelle, Le Havre).

11 Fig Dessin inédit (MHNH 33207) de Charles-Alexandre Lesueur représentant une dentition préarticulaire droite de roscinetes sp. (ycnodontiformes) du Kimméridgien du cap de la Hève. Longueur du spécimen sur le dessin : environ 37 mm ( Muséum d histoire naturelle, Le Havre). Fig Dessin inédit (MHNH 33208) de Charles-Alexandre Lesueur représentant un fragment d aiguillon dorsal d Asteracanthus sp. du Kimméridgien du cap de la Hève daté de 1844 (longueur du fragment sur le dessin original : 113 mm) ( Muséum d histoire naturelle, Le Havre). Kimméridgien Inférieur exposées au pied de ces falaises. Mais cette dent présentant des affinités avec les Lamniformes provient vraisemblablement d une des formations du Crétacé (Aptien à Cénomanien) exposées au cap de la Hève (Doré et al., 1977: ; Maréchal et al., 1999). Les recherches de Lesueur seront interrompues par son départ pour un voyage en Amérique (Bonnemains & Breton, 1996 ; Baglione & Manneville, 2008). Rentré en France en 1837, il s intéressa de nouveau à la géologie et la paléontologie des falaises havraises et publia, en 1843, une grande lithographie intitulée Vues et Coupes du Cap de la Hève qui comporte les figures des principaux fossiles regroupés par unités stratigraphiques (Lesueur, 1843) (fig. 20). Une des figures présente le vomer d un pycnodontiforme pour lequel il créa le taxon Gyrodus wannerius [= Gyrodus wanneri] (fig. 21). Ce vomer présente plutôt des affinités avec les roscinetinae, bien que la petitesse des dents et l écartement entre ces dernières soient inhabituellement très prononcés. Il est néanmoins probable que cette figure ne soit qu un croquis schématique d un dessin original conservé au Muséum d Histoire naturelle du Havre (fig. 22). Ce dessin, signalé par Lennier (1892) et Maury (1961), représente un vomer de roscinetes sp. Dans son catalogue des poissons fossiles du cap de la Hève, Lennier (1892:34-35) indiqua que le spécimen original était perdu. Selon lui, cette pièce devait être restée en possession de Friedrich Wanner ( ), négociant, ancien consul de Suisse au Havre, qui était membre de la Société géologique de Normandie. Wanner possédait une collection de fossiles et était un des premiers souscripteurs de l ouvrage d Agassiz sur les oissons fossiles (Agassiz, 1834a[liste des souscripteurs]). Ce vomer avait déjà été signalé dans l édition du 19 décembre 1841 de la Revue du Havre (Morlent, 1841) où le nom de son découvreur, Wanner (orthographié Vanner ), était également mentionné. Il est à noter qu un vomer très similaire à celui représenté sur le dessin de la figure 22 est conservé dans la Collection de aléontologie du Muséum national d Histoire naturelle de aris (MNHN.F.JRE336). Cette pièce provient de la collection Jean-Louis Hardouin Michelin ( ) qui fut achetée par le Muséum en 1868 (Alloiteau, 1941). L espèce Gyrodus wanneri LESUEUR 1843, fondée sur une figure manifestement inexacte, dont le spécimen original est perdu, ou tout au moins ne peut être reconnu avec certitude, doit être considéré comme un nomen dubium. Le Muséum d Histoire naturelle du Havre possède d autres dessins de Lesueur représentant des poissons fossiles du Kimméridgien du cap de la Hève (Lepage, 1996). Deux dentitions préarticulaires de ycnodontiformes sont présentés sur les dessins MHNH (Lepage, 1996:fig. 6) et MHNH (fig. 23). La pièce représentée sur ce dernier dessin appartient au genre roscinetes et provient, d après Lesueur, du lit aux ptérocères, formation du Kimméridgien, également appelée Marnes de Bléville, sus-jacentes aux Bancs de lomb (Rioult, 1980c). Un fragment d aiguillon d Ischyodus sp. est représenté sur le dessin MHNH (Lepage, 1996:fig. 1). Deux dessins datés de 1844 montrent des aiguillons dorsaux d Asteracanthus sp. (MHNH ; Lepage, 1996:fig. 5) (fig. 24). Des dents d Asteracanthus sont également représentées sur le dessin MHNH (Lepage, 1996:fig. 4). Un dessin daté de 1844 (MHNH ; Lepage, 1996:fig. 3), figure un aiguillon d Hybodus sp. La pièce représentée sur le dessin (fig. 25) est indiquée par Lesueur comme provenant de la 1 ère couche aux huitres correspondant vraisemblablement aux Calcaires et argiles de Sainte- Adresse de la base du Kimméridgien comprenant les Calcaires coquilliers, les Argiles à Deltoideum delta et le Banc de lomb (Rioult, 1980b, 1980d, 1980e, 1980f ; Maréchal et al., 1999). La forme générale de cet aiguillon rappelle celle des hybodontes bien qu aucune ornementation ne soit visible sur sa face latérale. Les spécimens représentés sur les dessins MHNH 33191, 33192, 33202, 33206, et avaient été récoltés par Nicolas oulain ( ), un pasteur qui fut nommé à l Eglise réformée du Havre en Jusqu à son départ pour la Suisse en 1856, il constitua une importante collection de fossiles qu il récoltait au pied des falaises havraises et notamment au cap de la Hève. Il fit don d une partie de sa collection au Musée de Lausanne en Après son décès en 1886, le reste de sa collection fut vendue à ce même musée. La plupart des spécimens de la collection oulain figurés par Lesueur sont encore conservés au Musée cantonal de Géologie de Lausanne (Lepage, 1996). Comme en témoigne ses notes et ses dessins (MHNH dossier 33), Charles-Alexandre Lesueur avait étudié les poissons fossiles à partir des renseignements fournis par l ancien ouvrage de James arkinson (1811) et celui de William Buckland (1836). Malgré ses descriptions détaillées et précises, Lesueur commit cependant quelques erreurs d interprétations sur les restes de poissons qu il étudia. Il avait, 53

12 Fig Dessin inédit (MHNH 33210) de Charles-Alexandre Lesueur représentant un fragment d aiguillon dorsal d hybodonte du Kimméridgien du cap de la Hève daté 1842 (longueur du fragment sur le dessin original : 52 mm) ( Muséum d histoire naturelle, Le Havre). par exemple, d abord identifié les aiguillons d Asteracanthus (Chondrichthyes, Hybodontiformes) comme étant des restes de crustacés (MHNH 33191). Il estimait par ailleurs que les aiguillons dorsaux d Hybodus et d Ischyodus, pourvus de denticules, étaient des mâchoires garnies de dents dirigées en arrière pour attraper des proies (MHNH 33209, 33216). L interprétation, selon laquelle les aiguillons dorsaux d hybodontes étaient des mâchoires de poissons, était répandue parmi les anciens auteurs (Baker, 1754 ; Townsend, 1813:447, pl. 18). En 1822, Henry De la Beche (1822a:43-44, pl. 4) révéla la vraie nature de ces prétendues mâchoires comme étant des rayons défensifs de nageoire de poissons, une interprétation qui s imposa dès lors en Grande-Bretagne (Webster, 1826:35, pl. 6:9). Jurassique Supérieur du Boulonnais et du ays de Bray Des poissons fossiles furent signalés dans le Boulonnais par ierre-jean-baptiste Bertrand ( ), pharmacien et médecin boulonnais. Bertrand publia en 1828 et 1829 un récis de l Histoire de Boulogne-sur-Mer en deux tomes. Il donne dans cet ouvrage une liste de quelques fossiles dans laquelle il mentionne «des restes d Ichtyolites en quantité» trouvés «au pied de la tour Croï, dans un banc de tuf calcaire» (Bertrand, 1829:447). Il s agit de la formation des Argiles et calcaires de la Tour de Croï du Tithonien Supérieur (Mansy et al., 2007). Agassiz (1837[vol. 2]:255, 1843c[vol. 2]:pl. 29c:2-3) signala d autres restes de poissons fossiles dans les formations kimméridgiennes exposées sur la plage entre la Tour d Ordre et le Moulin Hubert. Egalement connue sous le nom de Moulin Wibert, cette ancienne fortification est située au nord de la ville de Boulogne-sur-Mer. Ces restes de poissons étaient constitués de deux écailles pour lesquels Agassiz créa l espèce Lepidotes palliatus. Ces écailles, attribuables au genre Scheenstia LÓEZ- ARBARELLO & SFERCO 2011 (Actinopterygii, Neopterygii, Lepisosteiformes) (López-Arbarello, 2012), étaient conservées dans la célèbre collection de poissons fossiles de William Willoughby Cole. Cette collection fut acquise en 1882 et 1883 par le British Museum (aujourd hui The Natural History Museum, de Londres) où ces deux écailles sont encore conservées (NHMUK V 3520 et 3521 ; Woodward, 1895:105) (fig. 26). Ces fossiles sont mentionnés dès 1836 dans le catalogue des poissons fossiles des collections de Lord Cole et de Sir hilip Egerton (1836:370). Les écailles de Scheenstia palliatus sont très similaires à celles de Scheenstia maximus A B (WAGNER 1863) (Adriana López-Arbarello, communication personnelle). Une révision de ces espèces s impose pour établir leur validité ou une éventuelle synonymie. Les archives de Cuvier conservées à la bibliothèque centrale du Muséum contiennent un dessin réalisé en 1827 qui serait donc le plus ancien document sur les poissons fossiles du Boulonnais (fig. 27-A). Ce dessin au crayon représente une dentition préarticulaire droite de Gyrodus cuvieri AGASSIZ 1833 de Boulogne-sur-Mer. Ce dessin est mentionné par Agassiz (AEN 123/1) dans sa liste des dessins de poissons fossiles de la bibliothèque de Cuvier. En 1832, Agassiz nomma ce fossile Gyrodus sans nom spécifique. Le dessin porte une mention datée de 1827 : «deux ont été trouvées au fort de la tour d ordre de Boulogne sur Mer à la marée basse, sur un rocher qui se découvre que dans les basses marées et par le vent d est». Le fort de la Tour d Ordre, orthographié également Tour d Odre, était un des forts qui défendait le port de Boulogne. Il fut construit à côté d une tour érigée dès l époque romaine. A cet endroit la marée basse expose les formations kimméridgiennes (Bonte et al., 1985). Agassiz créa l espèce Gyrodus cuvieri à partir d un préarticulaire de la collection de Miss Benett. Cette pièce avait été trouvée par «le Dr. Sutton Aspley, à Landford près de Weymouth, en Angleterre». Sur la figure d Agassiz (1839a[vol. 2]:pl. 69a:21-23) représentant ce préarticulaire, il est cependant C D Fig Spécimens types de Lepidotes palliatus AGASSIZ 1837 [= Scheenstia palliatus (AGASSIZ 1837)] découverts dans le Kimméridgien de Boulogne-sur-Mer. Ces deux écailles faisaient partie de la collection de William Willoughby Cole et sont aujourd hui conservées au Natural History Museum, London. A, écaille de la partie antérieure du tronc (NHMUK V 3520) figurée par Agassiz (1843c[vol. 2]:pl. 29c:3) (B). C, écaille de la partie postérieure du tronc (NHMUK V 3521) figurée par Agassiz (1843c[vol. 2]:pl. 29c:2) (D) (A & C : The Natural History Museum, Londres). Barre d échelle : 2 cm. 54

13 B Fig A, dessin inédit au crayon qui fait partie des archives de Georges Cuvier (BCM Ms540). Il représente un préarticulaire droit de Gyrodus cuvieri AGASSIZ 1833 provenant des formations kimméridgiennes de Boulogne-sur-Mer. Longueur du spécimen sur le dessin original : environ 8,9 cm. L inscription sous le dessin est datée 1827 ( Bibliothèque centrale du Muséum national d Histoire naturelle, aris). Ce spécimen faisait partie de la collection de Nicolas-Robert Bouchard. Après sa mort cette collection fut achetée par Auguste Dollfus qui en fit don au Musée du Havre. Henri-Emile Sauvage (1902b:pl. 12:1) figura ce spécimen pour la première fois en 1902 dans un article sur les pycnodontes du Jurassique Supérieur du Boulonnais. A Cette pièce fut détruite avec les collections du Musée du Havre lors des bombardements de Cinq modèles en plâtre de cette pièce sont conservés dans les collections de paléontologie du Muséum national d Histoire naturelle, aris. B, un des modèles en plâtre du spécimen (MNHN.F.JRE358A) (photos : L. Cazes/ MNHN/CNRS). Barre d échelle : 2 cm. mentionné qu il provient de Boulogne. Cette erreur jette un doute sur l origine exacte du type de l espèce. Agassiz mentionne également des spécimens de cette espèce dans la collection de Bouchard à Boulogne-sur-Mer. Agassiz (1843b[vol. 2(2)]:231) précise à ce sujet : «Ce sont deux branches de la mâchoire inférieure, une droite et une gauche, qui ont conservé à-peu-près toutes leurs dents, et qui probablement appartenaient au même animal. Elles proviennent de l argile de Kimmeridge». Ces éléments provenant de Boulogne-sur-Mer étaient manifestement les premiers qu Agassiz (1833[vol. 2]:16) avait vus puisque dès la première livraison publiée en 1833 des Recherches sur les poissons fossiles, il nommait déjà l espèce Gyrodus cuvieri en précisant qu elle provenait de Boulogne-sur-Mer. Comme il ne se rendit en Angleterre qu à partir d août 1834 (Agassiz, 1835a[feuilleton additionnel]:39), il ne pouvait en effet pas encore avoir eu connaissance des spécimens anglais. Nicolas-Robert Bouchard ( ) fut le collecteur de fossiles boulonnais le plus célèbre du début et du milieu du 19 e siècle. Egalement connu sous le nom de Bouchard- Chantereaux, ce commerçant de Boulogne-sur-Mer s était passionné très jeune pour l histoire naturelle (Haigneré, 1873). Il établit la liste des poissons et invertébrés vivants du Boulonnais (Bertrand, 1829: ), travail qui fut suivi par plusieurs articles sur les crustacés et les mollusques publiés en 1832 et Ce naturaliste amateur était également passionné par les fossiles. D après Agassiz (1843c[vol. 1]:38), il avait constitué une collection importante de poissons fossiles dont il possédait en 1843 «un nombre assez considérable de dents et d écailles des environs de Boulogne-sur-Mer». Il projetait de réaliser un catalogue des poissons fossiles du Boulonnais mais ce travail ne vit jamais le jour. Ce projet fut accompli en 1866 par Henri-Emile Sauvage ( ), étudiant à la Faculté de Médecine de aris, ce qui lui valut d être récompensé par la Commission des sciences de la Société académique de Boulogne-sur-Mer (Cazin, 1868). Agassiz (1843a[vol. 3]:271, 1843b[vol. 2(2)]:251) décrivit plusieurs spécimens appartenant à Bouchard. A la mort de ce dernier, une grande partie de sa collection de fossiles fut achetée par Auguste Dollfus ( ) et intégra le Musée du Havre où elle fut détruite durant la Seconde Guerre mondiale (Vadet, 1985). Le reste de sa collection fut donné par son fils au Musée de Boulogne-sur- Mer. Dans son catalogue des poissons fossiles du Boulonnais, Sauvage (1868:97, note 2) indiquait que le musée de Boulogne ne possédait pas de spléniaux (préarticulaires) de Gyrodus cuvieri et que le seul splénial de cette espèce provenant de cette localité était détenu par le British Museum. D après le catalogue des poissons fossiles de ce musée établi par Arthur Smith Woodward (1895:241), il doit certainement s agir du modèle en plâtre de l ancienne collection d Egerton qui est encore aujourd hui conservé au Natural History Museum de Londres (NHMUK V 1618). lus tard, Gustave Lennier ( ) confia à Sauvage l étude des reptiles et des poissons du Jurassique Supérieur du Boulonnais conservés au Musée du Havre (Sauvage, 1905: ). Les deux préarticulaires d un même individu du Gyrodus cuvieri de l ancienne collection Bouchard mentionnés par Agassiz (1843b[vol. 2(2)]:231) furent ainsi enfin retrouvés (Sauvage, 1902a:17, 1902b: ) et figurés par Sauvage (1902b:pl. 12:1). La pièce droite correspond au spécimen représenté sur le dessin des archives de Cuvier (fig. 27-A). Les «deux branches de la mâchoire inférieure» (préarticulaires) dont parlait Agassiz correspondent donc bien aux deux préarticulaires représentés par Sauvage et aux deux pièces mentionnées dans la note accompagnant le dessin de la figure 27-A. Elles furent détruites lors du bombardement du Havre le 5 septembre 1944 (Cousin & Breton, 1994:7). La Collection de aléontologie du MNHN possède 5 copies en plâtres du préarticulaire droit (fig. 27-B) représenté sur le dessin de la figure 27-A (MNHN.F.JRE358A, 358B, 358C, 366A, 366B) et 5 copies en plâtre du préarticulaire gauche du même individu (respectivement MNHN.F.JRE357A, 357B, 357C, 365A, 365B). Avec Bouchard, ierre Nicolas Dutertre ( ) était également connu pour avoir constitué une importante collection de poissons fossiles du Boulonnais (Cazin, 1868:37 ; Sauvage, 1868:53). Connu sous le patronyme Dutertre- Delporte après son mariage avec Julie Delporte, il devient, après des études de Droit, commissaire-priseur et adjoint au maire de Boulogne-sur-Mer. Après sa mort en 1864, sa famille fit don de sa collection au musée de la ville. Egerton décrivit trois nouvelles espèces de Chimaeriformes (Chondrichthyes, Holocephali) de Boulogne-sur-Mer provenant de la collection Dutertre-Delporte (Egerton, 1843 ; Agassiz, 1843a[vol. 3]: ) : Ischyodus dutertrei, Ischyodus dufrenoyi et Ischyodus beaumonti (Stahl, 1999:132, 134). D après Sauvage (1896), les spécimens types provenaient de l argile kimméridgienne et des couches argileuses du Tithonien. Ces pièces n ayant pas été figurées par Egerton ni par Sauvage, il est difficile de les retrouver parmi les spécimens ayant été achetés par le British Museum en 1857 (Woodward, 1891:63-64) et ceux de l ancienne collection Dutertre-Delporte qui a été transférée en 2003 de Boulogne-sur-Mer au Musée d Histoire naturelle de Lille. Les espèces Ischyodus dufrenoyi EGERTON 1843 et Ischyodus beaumonti EGERTON 1843 sont aujourd hui considérées comme des variations morphologiques d Ischyodus egertoni (BUCKLAND 1835) (opov et al., 2009 ; Kriwet & Klug, 2011). Enfin, une dent attribuable au genre Scheenstia (Actinopterygii, Neopterygii, Lepisosteiformes) fut signalée dans les Grès glauconieux de Courcelles Rançon dans le ays de Bray (assy, 1832:pl. 15:11). Dans cette localité, affleurent des 55

14 formations du Tithonien comprenant des argiles et lumachelles à exogyres, des sables, des grès calcaires, des marnes et des calcaires (Blondeau et al., 1978). Crétacé Dans son Oryctologie, Dezallier d Argenville signalait dès 1755 des poissons fossiles en Normandie. Il écrivait (Dezallier d Argenville, 1755:400 ; Buc hoz, 1774:339) : «Les carrières de la montagne Sainte-Catherine, aux portes de la Ville de Rouen dominée au Sud- Ouest par une chaîne de montagnes, sont remplie de Cornes d Ammon, de etuncles, de Cames, de oulettes, de grands Nautiles, & d Oursins adhérens à des cailloux dans des ierres blanches marneuses. On y a aussi trouvé des poissons pétrifiés, de la limaille de Fer & des Marcassites cuivreuses». La côte Sainte-Catherine près de Rouen exposait la craie du Cénomanien Moyen à Supérieur (Craie de Rouen) (Juignet, 1980b) et la craie turonienne (fig. 3). Ce gisement est connu depuis longtemps pour la richesse de ces fossiles (Dénys de Montfort, 1802:405, 410 ; Faujas de Saint-Fond, 1803:67 ; Brongniart, 1822:82 ; d Orbigny, 1841). Il faudra ensuite attendre de nombreuses années pour que soient à nouveau mentionnés des restes de poissons dans le Crétacé de Normandie. Laurent-Joseph Traullé ( ) envoya à Cuvier le 16 août 1807, une dent fossile que Cuvier attribua à «un palais de diodon». Traullé est né et mort à Abbeville. Sous la Révolution, il fut magistrat de Sûreté (fig. 28). Il devint ensuite procureur impérial puis procureur du Roi, au début de la Restauration. Il se montra un précieux auxiliaire de Cuvier en lui envoyant de nombreux ossements de mammifères trouvés dans les sables quaternaires de la vallée de la Somme (Cuvier, 1808b:359, 370, 385). Il avait également constitué un important cabinet formé de pièces archéologiques, néolithiques et paléontologiques. Laurent Traullé est considéré comme un des premiers préhistoriens abbevillois et l initiateur des études géologiques du Quaternaire en icardie (Aufrère, 1936, 2007). Dans la lettre qui accompagnait son Fig Laurent-Joseph Traullé ( ). Considéré comme un des premiers préhistoriens abbevillois et l initiateur des études géologiques du quaternaire en icardie, il se montra un précieux auxiliaire de Georges Cuvier en lui envoyant des fossiles. Lithographie imprimée par Lemercier, Bernard et Cie d après un dessin de Gabriel-Louis Lestudier-Lacour ( ), graveur en taille-douce, né à Abbeville (source : Bibliothèque municipale d Abbeville - or.t27). envoi (BCM Ms 627/539, fig. 29), Traullé présenta les circonstances de la découverte de cette dent : «J ai l honneur de vous adresser une dent qui a été trouvée en Normandie Département Seine Inférieure à Thuitsimer dans la craie à 80 pieds de profondeur en creusant un puit pour marner. Il y en avait une autre à côté semblable mais beaucoup plus grande. Celle qui vous parvient a été déshonorée par une personne qui a creusé avec un couteau la racine et en a extrait une portion. Mr. Curmer se charge de vous remettre ce morceau d histoire naturelle qu un de nos amis commun a trouvé, M. Godes d Elbeuf, la découverte de la 2 dent prouve que l animal entier est gisant dans la craie à cette place. Les ouvriers n ont distingué que les dents qui les ont frappés, mais ce que j ai recueilli d ailleurs indique que la mâchoire s y trouvait aussi.» Le Thuit-Simer est une commune de l Eure située à environ 7 km à l ouest d Elbeuf (fig. 3). Les sols acides de cette région nécessitent des amendements calcaires. A 1,5 km à l ouest de Thuit-Simer un puits d extraction abandonné, appelé marnière, exploitait la craie du Turonien dans ce but. Au 19 e siècle, l extraction se faisait à partir de la surface du sol par des puits de plusieurs dizaines de mètres de profondeur (Bassompière & Monciardini, 1972). Il est donc probable que les dents mentionnées par Traullé proviennent du Turonien. Traullé donne ensuite son interprétation sur ces restes en estimant qu ils appartiennent soit à un morse, Odobenus rosmarus (LINNAEUS 1758) (Mammalia, Carnivora), soit à un lamantin, Trichechus manatus LINNAEUS 1758 (Mammalia, Sirenia). Traullé, prudent, laisse à Cuvier le soin de se prononcer sur l origine de ces dents : «Je crois que cette dent est celle d un amphibie, soit cheval marin soit vache marin, Trichechus rosmarus, ou Manatus de Linnée. Les dents molaires de ce genre sont ridées, Molares ex osse rugoso utrinque, ces dents s emboitent l une dans l autre [ ] Ce serait un beau morceau d histoire naturelle que le poisson entier [ ]. Je vous prie de me dire à quel individu cette dent appartient. Vous avez tant de pièces de comparaison que vous le trouverez sur champ, ce qui m est difficile à moi qui en ait très peu. [ ]» Ces dents molaires ridées provenant de la craie correspondent sans aucun doute à des dents de tychodus (Chondrichthyes, Hybodontiformes). Agassiz (1835a[feuilleton additionnel]:54) introduisit ce genre en janvier 1835 dans le feuilleton additionnel paru avec la 4 e livraison des Recherches sur les poissons fossiles. Agassiz révéla la véritable position systématique du genre tychodus dont les dents étaient jusqu alors considérées comme des palais de téléostéens proche des diodons (Tetraodontiformes, Diodontidae). C est un médecin allemand, Franz Ernst Brückmann ( ) qui semble avoir été à l origine de cette hypothèse erronée (Brückmann, 1752) qui fut largement reprise tout au long du 18 e siècle et au début du 19 e. Cuvier en 1807 partageait également cette opinion comme en atteste la note manuscrite Fig Lettre inédite de Laurent Traullé à Georges Cuvier écrite le 16 août 1807 (BCM Ms 627/539). Traullé envoie à Cuvier une dent molaire ridée trouvée dans la craie à Thuit-Simer en Normandie. Ces dents sont attribuables au genre tychodus AGASSIZ 1835 (Chondrichthyes, Hybodontiformes). Cuvier pensait qu il s agissait de palais de Diodon, opinion communément admise à l époque ( Bibliothèque centrale du Muséum national d Histoire naturelle, aris). 56

15 Fig Squalicorax falcatus collecté par Constant révost en 1821 dans le Crétacé (Turonien ou Coniacien) des environs de Dieppe (MNHN.GG.2004/22142). Barre d échelle : 1 cm. de sa main écrite dans la marge de la lettre de Traullé, note qui indique : «c était un palais de diodon». Dès 1805, Cuvier faisait déjà allusion à des restes de ce type qui étaient mentionnés dans des ouvrages et des articles anciens sur les pétrifications. Un élève qui avait suivi le cours de Cuvier au collège de France écrivait qu «on trouve encore des dents de Diodoxe [sic] ou hérisson de mer. Ces dents ne sont autre chose que des mâchoires elles-mêmes qui forment un corps osseux» (BCM Ms 52). D autres restes de poissons du Crétacé de Normandie furent ensuite signalés dans les années 1810 par Charles de Gerville ( ). Il fut un des premiers à avoir distingué, dans la partie occidentale de la Normandie, différents bancs caractérisés par leurs fossiles (Gaudant, 1990 ; Cleevely, 2012). Il mentionna, dans des lettres à Jacques-Louis-Marin Defrance ( ) datée du 27 octobre 1813 et du 1 er juin 1816, la présence de glossopètres et de crapaudines dans le banc des Baculites (Gerville, 1814:28 ; 1817:206) de la région de Saint-Sauveur-le-Vicomte dans le département de la Manche (fig. 3). Le Calcaire à Baculites correspond à une formation du Maastrichtien (Juignet, 1980a). Les glossopètres et les crapaudines, termes empruntés au vocabulaire des oryctographes du 18 e siècle, désignaient les dents de requins et les dents broyeuses de poissons osseux. Des dents de Lamniformes furent également signalées plus tard dans le Calcaire à Baculites par Fernand riem (1908:67 ; 1911:20-21). Au cours de ses recherches sur la géologie des falaises de Normandie en 1821, Constant révost récolta de nombreux échantillons de roches et de fossiles qu il déposa en septembre 1821 dans la Collection de Géologie du Muséum d Histoire naturelle, à aris. Le catalogue (côte 14A) qui répertorie ces échantillons est intitulée Roches de la Manche, de la Seine Inférieure et du Calvados, recueillies et données par Mr. Constant révost, en septembre Au numéro d entrée 137, deux dents de poissons de Dieppe sont mentionnées. Une de ces dents a pu être retrouvée (MNHN.GG.2004/ 22142, fig. 30). Il s agit d une dent de Squalicorax falcatus (AGASSIZ 1843) (Neoselachii, Lamniformes, Anacoracidae). Les falaises à proximité immédiate de Dieppe exposent une succession de formations crayeuses allant du Turonien au Coniacien Moyen (Lasseur et al., 2008). Les plus anciennes figurations de dents pouvant se rapporter à cette espèce se rencontrent dans l ouvrage de Gideon Mantell ( ) sur les fossiles du Sussex (Mantell, 1822:pl. 32:12-16 ; Woodward, 1889:424) publié en mai 1822 (Dean, 1998:51). Ces figures furent dessinées en 1818 par son épouse, Mary Ann Mantell ( ), née Woodhouse. Mantell estimait que ces dents de la craie turonienne du Sussex présentaient des affinités avec celles de l espèce actuelle Squalus galeus [= Galeorhinus galeus (LINNAEUS 1758) (Neoselachii, Carcharhiniformes, Triakidae)]. Avec les quelques spécimens de la collection Mantell encore conservés au Natural History Museum de Londres (Woodward, 1889:425), l exemplaire de la figure 30 collecté par Constant révost serait donc un des plus anciens restes connus, historiquement parlant, de l espèce Squalicorax falcatus. Au début de l année 1826, l Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen lança un concours sur l étude de la géologie de la Seine-Maritime, alors appelé Seine- Inférieure (Le révost, 1829). Dès 1827, Antoine assy ( ) soumis les résultats de ses recherches sur ce sujet. assy, qui occupa différentes fonctions politiques et administratives dans le département de l Eure à partir de 1830, était avant tout passionné par la botanique et la géologie (Cosson, 1874). Le manuscrit de assy fut néanmoins jugé trop incomplet par la commission chargée d évaluer les travaux soumis au concours. Le jury décida alors de prolonger d un an et demi la date limite de soumission pour permettre à l auteur de perfectionner son travail et à d autres concurrents de se présenter. assy soumis une version corrigée et remaniée en 1829 qui lui permit cette fois-ci de remporter le prix. L impression de l ouvrage fut votée par l Académie de Rouen avec le soutien du Conseil général. Un des membres de la commission du concours, Auguste Le révost ( ), homme politique, archéologue et historien normand, donna un rapport sur le travail de assy, dans lequel des restes de poissons fossiles, comprenant «des écailles de poisson ; des dents de squale et de diodon», étaient mentionnés dans la liste des fossiles recueillis dans la Seine-Inférieure (Le révost, 1829:70). L ouvrage de assy fut publié en 1832 sous le titre Description géologique du département de la Seine-Inférieure (fig. 31). assy (1832:pl. 15) figura plusieurs restes de poissons fossiles de Sainte-Catherine (fig. 32). Il est possible de reconnaître des dents de tychodus (Chondrichthyes, Hybodontiformes) appartenant aux espèces tychodus decurrens, tychodus latissimus et tychodus mammillaris. assy identifie ces dents comme des appareils dentaires de poissons. Une dent de Cretolamna appendiculata (Chondrichthyes, Lamniformes, Otodontidae) est également représentée. Comme Gideon Mantell ( ) dans son ouvrage sur les fossiles du Sussex (Mantell, 1822), assy (1832:340) attribue ces dents au Squalus mustelus qui désigne l espèce actuelle Mustelus mustelus (LINNAEUS 1758) (Neoselachii, Carcharhiniformes, Triakidae). Agassiz (1843a[vol. 3]:271) indiqua la présence de Cretolamna appendiculata dans la craie de Normandie en 1843 à partir d une dent que lui avait communiquée Nicolas-Robert Bouchard. Enfin, assy (1832:pl. 15:1) présente une dentition préarticulaire droite qui pourrait appartenir à Coelodus fimbriatus WOOD- WARD 1893 (Actinopterygii, ycnodontidae), espèce dont l holotype (NHMUK 43090) provient du Cénomanien du Kent (Zone à Holaster subglobosus) (Woodward, 1893:491, pl. 17:6 ; Woodward, 1909: ; Schultz & aunovic, 1997). Cette espèce est proche de Coelodus carentonensis (COQUAND 1859) dont la validité est douteuse et pour laquelle Sauvage (1879, 1880a) créa le genre Cosmodus (Woodward, 1895 ; Kriwet & Schmitz, 2005 ; Vullo, 2007 ; Vullo et al., 2009). Le spécimen figuré par assy fut découvert Fig age de titre de l ouvrage de assy, Description géologique du département de la Seine-Inférieure, achevé en 1829 et publié en

16 Fig. 32 Extrait de la planche XV de l ouvrage d Antoine assy (1832), Description géologique du département de la Seine-Inférieure. Les figures 1 à 7 montrent des restes de poissons découverts à la côte Sainte- Catherine qui exposaient la craie de Rouen (Cénomanien Moyen à Supérieur) et la craie turonienne : Coelodus fimbriatus (1), tychodus mammillaris (2, 3), tychodus decurrens (4), tychodus latissimus (5), Cretolamna appendiculata (6), lamniforme indéterminé (7). Le spécimen repéré par le chiffre 11 représente une dent de Scheenstia sp. découverte dans le Tithonien de Courcelles-Rançon dans le ays de Bray. par Auguste Le révost dans la partie inférieure de l affleurement. Antoine assy signale également des écailles de poissons trouvés dans la Craie supérieure de Belbeuf, localité située à quelques kilomètres au Sud de Rouen où affleurent des formations crayeuses du Cénomanien et du Turonien. Les fossiles décrits par assy dans son ouvrage avaient été remis à la commission chargée d évaluer son travail (Le révost, 1829:49, 70-73). Ils devaient ensuite être déposés dans le Musée d Histoire naturelle de Rouen qui venait d être créé en 1828 sous l impulsion d un jeune médecin et naturaliste, Félix-Archimède ouchet ( ) (Cantor, 1996). Les restes de poissons figurés par assy n ont malheureusement pas été retrouvés dans ce musée. En 1830, le géologue britannique John hillips ( ) étudia la géologie des falaises du cap de la Hève près du Havre. Ces observations furent consignées dans un court article publié la même année (hillips, 1830). hillips signala avoir découvert des dents de squales dans une couche riche en fossiles située, d après le schéma qu il donna, au-dessus des argiles noires du Gault de l Albien Supérieur ( Dark clay ). Ces dépôts pourraient correspondre à la partie inférieure du Cénomanien (Doré et al., 1977: ). Les dents de Lamniformes sont en effet fréquentes dans le Cénomanien du cap de la Hève (Lennier, 1870:158 ; Maury, 1960). Outre la dent signalée en 1814 présentée précédemment (fig. 19), Lesueur présenta une autre dent de squale qu il figura sur sa lithographie intitulée Vues et Coupes du (Lesueur, 1843 ; Anonyme, 1884 ; fig. 20). Le dessin original de cette figure a pu être retrouvé dans les archives de Lesueur conservées au Muséum d Histoire naturelle du Havre (fig. 33, à droite). Cette dent semble appartenir à l espèce Dwardius woodwardi (HERMAN 1977) (Lamniformes, famille incertae sedis) (Siverson, 1999). La deuxième dent figurée sur ce dessin (fig. 33, à gauche) pourrait appartenir au genre Cretodus SOKOLOV 1965 (Lamniformes, famille incertae sedis). Lesueur indiqua que ces dents provenaient de la Glauconie verte, formation qui représente au cap de la Hève la base du Cénomanien. Durant la séance du 4 mars 1834 de la Société géologique de France, sous la présidence de Constant révost, Eugène Robert donna la lecture d un mémoire sur la géologie du Boulonnais (Robert, 1834). Il indiqua avoir trouvé deux dents de squales dans la craie entre le cap Blanc-Nez et Wissant. Enfin, Agassiz (1833[vol. 2]:9, 1843b[vol. 2]:268, 1843c[vol. 2]:pl. 34a:4) figura et décrivit sous le nom de Lepidotes striatus les restes d un actinoptérygien constitués d un groupe d écailles du Grès vert ou de la Craie (Albien ou Cénomanien) des Vaches- Noires, entre Villers-sur-Mer et Dives-sur-Mer. Cette pièce faisait partie de la collection de Régley et fut donnée au Muséum d Histoire naturelle, aris. Les recherches effectuées dans les collections de aléontologie et de Géologie du MNHN n ont cependant pas permis de la retrouver. Conclusion Cette étude permet de dresser l inventaire des premières découvertes paléoichthyologiques faites avant 1850 dans les formations mésozoïques de Normandie et du Boulonnais (tabl. 1). Alors que ces découvertes restent anecdotiques avant les années 1810, leur nombre va s accélérer à partir des années 1820, grâce au zèle d amateurs locaux qui commencent à constituer, Fig Dessin inédit de Charles-Alexandre Lesueur représentant des dents de grands Lamniformes du Cénomanien du cap de la Hève (MHNH 33213). À gauche :? Cretodus sp., dent latérale inférieure, vue labiale (hauteur de la dent sur le dessin : environ 27 mm). Au milieu et à droite : Dwardius woodwardi, dent latéroantérieure, vue de profil et vue labiale (hauteur de la dent sur le dessin : environ 30 mm). Dimension totale de la feuille (marges coupées sur la figure) : environ 10 cm x 7,6 cm ( Muséum d histoire naturelle, Le Havre). 58

17 F21-07-Brigonalichtyo:F21-07-Brigonalichtyo 15/01/15 17:00 age59 Tableau 1 - Liste des poissons fossiles (Chondrichthyes, Actinopterygii) découverts en Normandie et dans le Boulonnais avant C : spécimens détruits dont il existe des modèles en plâtre (collections indiquées entre parenthèses) ; D : spécimens détruits ; : spécimens perdus. our les autres spécimens, sont indiqués les noms des collections dans lesquelles ils sont conservés. Localité Date de la découverte Statut Référence La Caine-Curcy Avant janv C (MNHN.FF ; MHNR) La Caine-Curcy Amayé-sur-Orne La Caine-Curcy Avant 1833 Avant 1833 Avant 1835 BCM Ms 629/342 à 347; (Membres de l Institut 1821:236 ; Brignon 2014b) (de Caumont, 1833:137 ; Anonyme, 1833) (Agassiz, 1833[vol. 2]:13) (de Caumont, 1835:27) Bajocien Supérieur Hybodus inflatus AGASSIZ 1839 Sully Avant 1839 D (Agassiz, 1839a[vol. 3]:pl. 23:42) Calcaire d Ecouché (Bathonien Inférieur et Moyen) oisson indéterminé Ecouché Avant 1840 (Blavier, 1840:50) Calcaire de Caen (Bathonien Moyen) oisson indéterminé Ischyodus tessoni (BUCKLAND in AGASSIZ 1838) ristacanthus securis AGASSIZ 1837 Leptacanthus longissimus AGASSIZ 1837 Asteracanthus longidens (AGASSIZ 1837) lanohybodus grossiconus (AGASSIZ 1839) Hybodus obtusus AGASSIZ 1839 Hybodontiforme indéterminé ycnodontiforme Allemagne [1] Allemagne [1] Allemagne [1]? Allemagne [1] Allemagne [1]? La Maladrerie? Avant 1820 Avant 1838 Novembre 1824 Avant 1837 Avant 1824 Avant 1839 Avant 1839 Avant 1837 Avant 1825 NHMUK NHMUK D D D D D D (Lamouroux, 1820) (Agassiz, 1838[vol. 3]:pl. 40:19 ; feuilleton additionnel, 116) (J.-A. Eudes-Deslongchamps, 1825) (Agassiz, 1837[vol. 3]:29-30) (Desnoyers, 1824:387 ; J.-A. Eudes-Deslongchamps, 1825) (Agassiz, 1839a[vol. 3]:pl. 23:35-36 ; Bigot, 1896:8) (Agassiz, 1839a[vol. 3]:pl. 23:43-44) (J.-A. Eudes-Deslongchamps, 1837:pl. 1:6) (J.-A. Eudes-Deslongchamps, 1825:280) Calcaires de Marquise-Rinxent (Bathonien) Macromesodon sp. Marquise Avant août 1839 MNHN.GG MNHN.GG Catalogue I, collection 150 Grande oolithe (Bathonien Moyen à Supérieur) Asteracanthus magnus (AGASSIZ 1838) Ichthyodorulite Ranville Maresquet [2] Avant 1838 Avant juillet 1849 D D (Agassiz, 1838[vol. 3]:126) (J.-A. Eudes-Deslongchamps, 1849) Avant juin 1822 Avant juin 1822 Avant juin 1824 (De la Beche, 1822a:44) (De la Beche, 1822b:78) (révost, 1824a, 1824b) GSL LDGSL/614/2/9 Boulogne-sur-Mer Boulogne-sur-Mer Avant 1843 Avant 1843 Avant 1846 MHNL? MHNL? (Egerton, 1843) (Egerton, 1843) MHNH (Lepage, 1996:fig. 1) Boulogne-sur-Mer Avant 1846 Avant 1844 Avant 1842 Avant 1827 Avant 1846 MCGL MCGL C (MNHN.F & NHMUK) MCGL MHNH (Lepage, 1996:fig. 4) MHNH & (Lepage, 1996:fig. 5) MHNH BCM Ms540 MHNH (Lepage, 1996:fig. 6) Boulogne-sur-Mer Avant déc Avant 1846 Avant 1836 NHMUK (Morlent, 1841 ; Lesueur, 1843) MHNH (Egerton, 1836:370 ; Agassiz, 1837:vol. 2, 255) Boulogne-sur-Mer Courcelles-Rançon Avant 1829 Avant 1832 (Bertrand, 1829:447) (assy, 1832:pl. 15:11) Avant 1814 Avant 1833 BCM Ms1715/5 ; MHNH (Agassiz, 1833[vol. 2]:9) Sainte-Catherine [3] Sainte-Catherine Sainte-Catherine Thuit-Simmer Dieppe Sainte-Catherine Cap Blanc-Nez Sainte-Catherine Belbeuf Avant 1832 Avant 1832 Avant Avant sept Avant 1832 Avant 1843 Avant 1843 Avant mars Avant 1832 Avant 1832 MNHN.GG (assy, 1832:pl. 15: 5) (assy, 1832:pl. 15:4) (assy, 1832:pl. 15:2-3) BCM Ms627/539 MNHN.GG, catalogue 14A (assy, 1832:pl. 15:6) (Lesueur, 1843) MHNH MHNH (Robert, 1834) (hillips, 1830) (assy, 1832:pl. 15:1) (assy, 1832:340) Région de SaintSauveur-le-Vicomte Avant octobre 1813 Argiles à poissons (Toarcien) Dapedium magnevillei (AGASSIZ 1833) Autres actinopterygiens Leptolepis coryphaenoides (BRONN 1830) Sélaciens? Marnes de Dives et de Villers (Callovien Supérieur/Oxfordien Inférieur)? Hybodontiformes (aiguillons dorsaux) Vaches Noires oisson indéterminé Vaches Noires Actinoptérygien indéterminé Vaches Noires [ achycormus macropomus AGASSIZ 1843] Formations du Kimméridgien Ischyodus dutertrei EGERTON 1843 Ischyodus egertoni (BUCKLAND 1835) Ischyodus sp. (aiguillon de nageoire dorsale) Asteracanthus sp. Dents Aiguillon de nageoire dorsale Hybodus sp. (aiguillon de nageoire dorsale) Gyrodus cuvieri AGASSIZ 1833 ycnodontiforme indéterminé roscinetes sp. Vomer [ Gyrodus wanneri LESUEUR 1843] réarticulaire Scheenstia palliatus (AGASSIZ 1837) Formations du Tithonien oissons indéterminés Scheenstia sp. Formations crétacées indéterminées (? Albien à? Cénomanien) Lamniforme indéterminé Actinoptérygien indéterminé Vaches-Noires ( Lepidotes striatus AGASSIZ 1843) Craie (Cénomanien, Turonien, Coniacien) tychodus latissimus AGASSIZ 1835 tychodus decurrens AGASSIZ 1835 tychodus mammillaris AGASSIZ 1835 tychodus indéterminé Squalicorax falcatus (AGASSIZ 1843) Cretolamna appendiculata AGASSIZ 1835 Dwardius woodwardi (HERMAN 1977)?Cretodus sp. Dents de sélaciens Dents de sélaciens Coelodus fimbriatus WOODWARD 1893 Actinoptérygien indéterminé Calcaire à Baculites (Maastrichtien) Dents de sélaciens et d actinoptérygiens [1] (Gerville, 1814:28 ; 1817:206) village renommé Fleury-sur-Orne en 1917 ; [2] à 2 km de Ouistreham ; [3] à Rouen. 59