Fondamentaux géométriques de l hallux valgus et options chirurgicales
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- Lucien St-Amour
- il y a 6 ans
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1 Fondamentaux géométriques de l hallux valgus et options chirurgicales 4 Y. Stiglitz, C. Cazeau INTRODUCTION Par définition le terme d hallux valgus désigne la déformation, observée cliniquement, où l hallux est dévié en valgus. Pourtant, contrairement à cette appellation, le gros orteil ne porte dans la majorité des cas qu une responsabilité faible dans la déformation. Les anomalies architecturales impliquent en effet le plus souvent le premier métatarsien : metatarsus varus (angle M1-M2), metatarsus elevatus, excès de longueur de M1 (index plus), et, dans certains cas, une rotation latérale de la surface articulaire (DMAA ou DM2A). Dans une moindre mesure, l hallux peut être le siège : d une pronation, dont une partie revient à M 1 ; d un valgus interphalangien, c est-à-dire une perte de parallélisme entre l articulation MTP1 et l IP, cette dernière se trouvant déviée latéralement. Au total, le tableau clinique d un patient peut associer tout ou partie de chacune de ces déformations élémentaires, pour constituer la déformation qui lui est propre. C est celle-ci qui pourra faire l objet de la correction chirurgicale. Pour ce faire, de multiples options sont à disposition, des plus classiques aux plus récentes, parmi lesquelles les techniques percutanées qui sont souvent mises en avant par le chirurgien tout autant que réclamées par le patient. La prétendue simplicité de leur mise en œuvre et de leurs suites opératoires ne doit toutefois pas faire oublier l essentiel : le résultat clinique à long terme dépend des gestes peropératoires et de leur aptitude à apporter les corrections appropriées dans les trois plans de l espace. L absence de prise en compte d une ou de plusieurs déformations élémentaires, abandonnées au profit d une technique séduisante fait ainsi porter le risque d un échec annoncé. Le choix de la technique doit donc intervenir après celui de la planification préopératoire et s y soumettre. 43 Livre 1.indb 43 07/10/ :19
2 Chirurgie mini-invasive et percutanée du pied L ostéotomie de soustraction médiale de P1 (ostéotomie de Akin) peut répondre simplement aux objectifs relatifs à l hallux. Le raisonnement géométrique rudimentaire ne pose aucun problème de planification. Il s appuie sur une varisation par soustraction cunéenne médiale et éventuellement une suppression de la pronation par dérotation. Il en va différemment pour M1 où la correction des déformations doit se faire dans les trois dimensions. L opérateur se donne pour but une position idéale postopératoire de la tête de M1, en gardant à l esprit que les déplacements dans un plan peuvent avoir des implications dans les autres plans. Le moyen d y parvenir est la réalisation d une ostéotomie dont on ne discute pas ici la nature. Néanmoins, la technique choisie doit permettre d atteindre ce véritable cahier des charges défini en préopératoire. Ce qui suit a donc pour but de décrire géométriquement les corrections élémentaires à apporter dans chaque dimension, et surtout comprendre les implications respectives d une dimension sur l autre. GÉOMÉTRIE Pour atteindre sa position postopératoire idéale, la tête de M1 fait l objet d un déplacement pendant l intervention, que nous appelons par convention Translation. Cette translation est la résultante tri-dimensionnelle complexe de trois déplacements élémentaires : latéralisation, recul, et abaissement. D un point de vue géométrique, une formule trigonométrique simple permet de calculer la Translation :, où T désigne la Translation, A l Abaissement, L la Latéralisation, R le Recul. Or, c est justement le travail de planification préopératoire qui permet au chirurgien de définir a priori les quantités d abaissement, latéralisation et recul qu il souhaite apporter. Ce sont ces trois paramètres qui constituent le cahier des charges chirurgical évoqué plus haut. Planification sur cliché de face Dans ce plan (fig. 1), le déplacement de la tête de M 1 vise à corriger l angle M 1 -M 2 (metatarsus varus) et éventuellement à raccourcir le premier métatarsien. 44 Livre 1.indb 44 07/10/ :19
3 Fondamentaux géométriques de l hallux valgus et options chirurgicales 4 Géométriquement, la latéralisation s obtient par la relation suivante : Fig. 1 : Schéma géométrique d un cliché radiographique d avant-pied de face en charge. T 1 : centre de la surface articulaire de la tête du premier métatarsien avant ostéotomie ; : centre de la surface articulaire de la tête du premier métatarsien après ostéotomie ; B 1 : centre de la surface articulaire de la base du premier métatarsien ; m 1 : longueur du premier métatarsien ; : centre de la surface articulaire de la tête du deuxième métatarsien ; B 2 : centre de la surface articulaire de la base du deuxième métatarsien ; I : intersection entre la droite parallèle à (B 2 ) passant par B 1, et la droite perpendiculaire à (B 2 ) passant par T 1 ; S : intersection entre T 1 I et la parallèle à (B 2 ) passant par. Y : intersection entre les droites (B 1 ) et (T 1 I) ; Angle M 1 M 2 : angle formé entre les droites (B 1 T 1 ) et (B 2 ) ; Angle M 1 M 2 : angle formé entre les droites (B 1 ) et (B 2 ). Planification sur cliché de profil Dans ce plan (fig. 2), deux déplacements élémentaires sont représentés : le recul et l abaissement, où le recul est identique à celui déjà défini de face. 45 Livre 1.indb 45 07/10/ :19
4 Chirurgie mini-invasive et percutanée du pied Fig. 2 : Schéma géométrique d un cliché radiographique d avant-pied de profil en charge. T 1 : centre de la surface articulaire de la tête du premier métatarsien avant ostéotomie ; : centre de la surface articulaire de la tête du premier métatarsien après ostéotomie ; B 1 : centre de la surface articulaire de la base du premier métatarsien. En raison de l obliquité de M 1 de profil, tout recul de sa tête induit aussi une élévation. Cela impose de prévoir un abaissement de compensation pour neutraliser cette élévation induite. L opérateur peut également décider en fonction du tableau clinique d ajouter un abaissement supplémentaire, par exemple pour remettre en charge le premier rayon en cas de transfert de charge vers les rayons latéraux. Cela s ajoute à l effet de réaxation qui permet de restaurer la longueur utile de M1, par augmentation du cosinus de l angle M 1 -M 2. Au total, la somme des abaissements de compensation et supplémentaire donne la relation : A = R. sin (Sol-M 1 ) + A suppl. 46 Livre 1.indb 46 07/10/ :19
5 Fondamentaux géométriques de l hallux valgus et options chirurgicales 4 Planification dans le plan frontal Dans ce plan, le déplacement de l extrémité de M 1 se décompose en abaissement et latéralisation, tels que définis plus haut (fig. 1 et 2). Aucun calcul supplémentaire n est donc nécessaire pour planifier ces paramètres. APPLICATION CHIRURGICALE Pour un patient donné, la planification préopératoire impose donc de définir avant l intervention des valeurs de latéralisation, de recul, et d abaissement de la tête de M 1. L étape chirurgicale consiste ensuite à traduire ces objectifs dans l orientation des traits d ostéotomies. Nous prenons pour exemple dans ce qui suit l application à l ostéotomie en chevron, étant entendu que la même démarche de planification et d adaptation de la technique à cette planification est possible (et nécessaire) pour toute ostéotomie de M 1. Caractérisation géométrique de l ostéotomie en chevron L ostéotomie épiphysométaphysaire distale en chevron (fig. 3) se caractérise par deux traits de scies orientés à 60 l un de l autre de profil, et se rejoignant au centre de la tête de M 1 : un trait inférieur quasi horizontal et l autre supérieur quasi vertical. Fig. 3 : Schéma d une ostéotomie en chevron. 47 Livre 1.indb 47 07/10/ :19
6 Chirurgie mini-invasive et percutanée du pied Trait supérieur Il se dirige de médial vers latéral, et éventuellement de distal à proximal si un recul est souhaité. Ce trait contrôle donc le recul et la latéralisation, qui sont ainsi liés par l orientation de la scie sur l os lors de l ostéotomie. Pour aboutir le raisonnement géométrique, on démontre que si α désigne l angle formé par la scie et la perpendiculaire à l axe de M 2 (fig. 4), on peut écrire : tan α = R/L. Fig. 4 : Effet géométrique du trait supérieur du chevron. Le schéma est identique à celui de la figure 1. T 1 : centre de la surface articulaire de la tête du premier métatarsien avant ostéotomie ; : centre de la surface articulaire de la tête du premier métatarsien après ostéotomie ; B 1 : centre de la surface articulaire de la base du premier métatarsien ; m 1 : longueur du premier métatarsien ; : centre de la surface articulaire de la tête du deuxième métatarsien ; B 2 : centre de la surface articulaire de la base du deuxième métatarsien ; I : intersection entre la droite parallèle à (B 2 ) passant par B 1, et la droite perpendiculaire à (B 2 ) passant par T 1 ; S : intersection entre T 1 I et la parallèle à (B 2 ) passant par. Y : intersection entre les droites (B 1 ) et (T 1 I) ; Angle M 1 M 2 : angle formé entre les droites (B 1 T 1 ) et (B 2 ) ; Angle M 1 M 2 : angle formé entre les droites (B 1 ) et (B 2 ). L : latéralisation ; R : recul ; D face : déplacement de face. Angle α : angle formé par l axe de la scie et la perpendiculaire à l axe de M2. Angle Δ : angle formé par les droites (B 1 T 1 ) et (B 1 ). 48 Livre 1.indb 48 07/10/ :19
7 Fondamentaux géométriques de l hallux valgus et options chirurgicales 4 Trait inférieur Il est orienté de médial vers latéral, associant éventuellement une direction plantaire si un abaissement est souhaité. Ici encore, le couple latéralisation abaissement est lié par l orientation de la scie lors de l ostéotomie. Comme précédemment, la formule tan β = A/L se vérifie (où β est l angle formé par la scie et la plante du pied). Déplacement relatif des pièces osseuses Une fois les ostéotomies réalisées conformément à la planification, c est finalement par la translation de la tête du premier métatarsien le long des deux plans de coupe que les corrections sont apportées. Géométriquement, la translation T combine les déplacements élémentaires étudiés précédemment dans les trois plans de l espace. On démontre ainsi la formule énoncée plus haut : Au total, la réalisation technique du chevron est donc gouvernée par un groupe de trois paramètres : l angle α, l angle β, la translation T. CONSÉQUENCES PRATIQUES Le but de cette démonstration géométrique est de mettre en évidence les liens entre les coupes osseuses effectuées et les corrections finalement obtenues, et cela dans les trois plans de l espace. Les traits de coupes ne peuvent se concevoir sans tenir compte de leurs conséquences nécessairement induites dans d autres dimensions. La figure 5 montre un effet de raccourcissement lié à l orientation en arrière et latérale du trait d ostéotomie du chevron. La figure 6 illustre la possibilité d abaissement de la tête de M 1 par obliquité en bas et en latéral du trait d ostéotomie inférieur. En particulier, un lien est clairement établi entre le recul planifié et l elevatus de M 1, et par conséquent la nécessité d un abaissement de compensation pour le neutraliser. 49 Livre 1.indb 49 07/10/ :19
8 Chirurgie mini-invasive et percutanée du pied Fig. 5 Fig Livre 1.indb 50 07/10/ :19
9 Fondamentaux géométriques de l hallux valgus et options chirurgicales 4 Certaines métatarsalgies trouvent par exemple leur origine dans un transfert de charge par insuffisance fonctionnelle du premier rayon. C est le cas de l hallux valgus avec composante de metatarsus elevatus ; c est également le cas des douleurs iatrogènes après chirurgie de l hallux valgus. La compréhension géométrique des coupes osseuses et de leurs effets tridimensionnels est donc fondamentale pour une réalisation la plus précise possible, en particulier pour prévenir l apparition de métatarsalgies postopératoires dès le stade de la planification. Dans un ouvrage dédié à la chirurgie mini-invasive et percutanée du pied, une question se pose naturellement à la lecture de ce chapitre. Les procédures décrites dans les prochaines pages permettent-elles de répondre à cette problématique de planification par une mise en œuvre précise des corrections planifiées? L étape de planification est toujours possible, réflexion théorique indispensable menée avant toute mise en œuvre technique. Elle ne se déduit que du raisonnement, nourri d un examen clinique et d une analyse radiographique minutieuse. Le choix d une procédure est alors acceptable, si elle répond favorablement aux deux prérequis indispensables : elle est théoriquement capable de répondre au cahier des charges chirurgical ; sa mise en œuvre technique est maîtrisée par l opérateur. Les techniques mini-invasives et percutanées sont soumises comme les autres à ces conditions. Il revient alors au chirurgien de faire son choix et opter pour une procédure qu il maîtrise et apte à apporter avec fiabilité toutes les corrections planifiées. CONCLUSION La chirurgie de l hallux valgus répond à des fondamentaux géométriques tridimensionnels complexes. La planification préopératoire est l étape capitale qui permet d y répondre. Le choix de l ostéotomie n intervient qu après cette planification et doit s y soumettre, y compris pour les ostéotomies mini-invasives et percutanées. 51 Livre 1.indb 51 07/10/ :19
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