BENEVOLAT ET TRAVAIL EN FAMILLE
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- Joseph Lavallée
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1 1 / 5 BENEVOLAT ET TRAVAIL EN FAMILLE 18/05/2016 Cette forme d entraide, courante dans les petites entreprises (de type familiale) ou au cours des phases de lancement d une affaire, soulève un certain nombre de questions au regard d une possible requalification en contrat de travail, mais également au regard des principes d affiliation aux régimes d assurances sociales obligatoires, et enfin en matière de responsabilité du collaborateur. Nous ne traiterons pas du cas particulier de l entraide entre conjoints, laquelle est traitée de façon particulière par les lois du 10 juillet 1982 et du 2 août 2005, qui fait l objet d une note d information juridique spécifique (voir note «conjoint collaborateur»). Nous ne traiterons pas non plus de l entraide professionnelle dans le secteur agricole, laquelle est régie par la loi du 8 août I. ENTRAIDE ET DROIT DU TRAVAIL II. ENTRAIDE ET ASSUJETTISSEMENT A LA SECURITE SOCIALE III. ENTRAIDE ET PROBLEME DE RESPONSABILITE
2 2 / 5 I. ENTRAIDE ET DROIT DU TRAVAIL L entraide en tant que prestation gratuite de travail est en principe exclusive de toute notion de contrat de travail. Mais il peut arriver que la personne qui a effectué le travail conteste l avoir fait à titre bénévole et cherche à se voir reconnaître un véritable contrat de travail. Les raisons pouvant motiver cette démarche peuvent être diverses : reconnaissance en tant qu accident de travail d un accident survenu à l occasion de l entraide (l entraide n est pas couverte par la législation sur les accidents du travail), demande en paiement de salaires pour le travail effectué, bénéfice d une procédure de licenciement en cas de rupture de l entraide. En l absence de définition légale de l entraide et du travail bénévole, il convient de retenir les critères dégagés par la jurisprudence pour délimiter la frontière entre une relation de travail salariée et l entraide bénévole. Pour qualifier la nature juridique des liens unissant l entreprise bénéficiaire et la personne bénévole, les juges apprécient souverainement en tenant compte des conditions dans lesquelles la prestation a été effectuée (les juges n étant pas liés par la qualification donnée par les parties elles-mêmes à leur relation). Par ailleurs, le contrat de travail peut être reconnu même en l absence d écrit. A. Critères retenus par la jurisprudence en faveur de l existence d un contrat de travail Le contrat de travail, qui permet de délimiter l entraide bénévole du salariat, n est pas défini par la loi. Cependant, la jurisprudence estime de manière constante qu il résulte de la réunion de trois critères : la prestation de travail, la rémunération, le lien de subordination, qui est le critère déterminant. 1. La prestation de travail Le contrat de travail suppose nécessairement l existence d une prestation de travail. Si aucune prestation de travail n est fournie, il ne peut pas y avoir de contrat de travail. En revanche, cette prestation peut être effectuée dans tous les secteurs professionnels et consister en l exécution de toute tâche.
3 3 / 5 2. La rémunération La rémunération n est pas un critère suffisant pour déterminer l existence d un contrat de travail. Cependant, c est ce critère qui permet, principalement, de le distinguer du bénévolat et de l entraide familiale. Il s agit de la contrepartie de la prestation de travail. Elle peut être versée en argent ou en nature, et calculée par rapport au temps passé à exécuter la prestation de travail, aux pièces ou à la commission. La rémunération peut se trouver soit dans la réciprocité des services (dans le cas d une entraide suivie), soit dans des avantages en nature (dans le cas d une aide intéressée). 3. Le lien de subordination Aux termes de l arrêt rendu le 13 novembre 1996 par la Chambre sociale de la Cour de Cassation, «le lien de subordination est caractérisé par l exécution d un travail sous l autorité d un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d en contrôler l exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné». Ainsi, le lien de subordination se caractérise par : l exécution de la prestation de travail sous le contrôle et en se conformant aux directives de l employeur (Cour de Cassation, chambre sociale, 4 février 2004), les contraintes imposées par l employeur quant aux conditions matérielles d exécution de la prestation de travail : lieu de travail (Cour de cassation, chambre sociale, 12 juin 1974), l horaire (Cour de cassation, chambre sociale, 30 juin 1988), fourniture du matériel ou des outils (Cour de cassation, chambre sociale,16 juillet 1987), l intégration à un service organisé, qui «peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l employeur détermine unilatéralement les conditions d exécution du travail» (Cour de cassation, chambre sociale, 1er décembre 2005). Exemple : Un étudiant brésilien, associé d une société exploitant un restaurant de spécialités brésiliennes, travaillait dans la salle de restaurant, préparait les repas en cuisine, servait la clientèle et organisait des banquets pour le compte des clients. Malgré l absence de lien de subordination du fait des relations amicales entre les associés, les juges ont considéré que cet associé de société devait bénéficier d un contrat de travail car son emploi s inscrivait dans un ensemble structuré, qu il était intégré au fonctionnement du restaurant, et qu avec une autre personne, il formait une des deux équipes de travail se relayant par roulement en salle et en cuisine (Cour d Appel de Toulouse, 17 octobre 1985). B. Critères retenus pour écarter la notion de contrat de travail Indépendance dans le travail de la personne qui aide. Non-remplacement de la personne en son absence. Exemple : La personne qui exerce occasionnellement des activités diverses dans une pizzeria, en raison des liens d amitié avec les propriétaires et d une participation financière dans l affaire, ne peut prétendre à l existence d un contrat de travail (Cour d Appel Paris, 18è chambre, 24 mai 1982).
4 4 / 5 C. Le cas de l infraction pénale de travail dissimulé Au-delà de la simple requalification des relations en contrat de travail, une pseudo entraide peut en outre constituer l infraction pénale de travail dissimulé. En effet, la loi interdit la dissimulation d activité et la dissimulation d emploi salarié. Or le délit de travail dissimulé peut être caractérisé en cas d emploi irrégulier de personnes, même à titre occasionnel (Cour de cassation, chambre criminelle, 30 mai 1995 : retient l infraction de travail dissimulé à propos de l occupation occasionnelle d une personne par une société de location de voitures, compte tenu de son caractère répétitif et des avantages accordés en contrepartie, comme l utilisation gratuite d un téléphone et d un véhicule). Cependant, les sanctions pénales appliquées à la dissimulation d activité et à la dissimulation d emploi salarié, ne s applique pas à l entraide et au bénévolat. II. ENTRAIDE ET ASSUJETTISSEMENT A LA SECURITE SOCIALE «Sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat» (article L du Code de la sécurité sociale). En matière d assujettissement obligatoire à la sécurité sociale, la jurisprudence retient sensiblement les mêmes critères que ceux exposés précédemment, à savoir : Durée du travail : l assujettissement peut découler d un travail accidentel («coup de main»non bénévole), occasionnel ou de faible importance, car aucune durée minimum de travail n est prévue par le texte pour être assujetti. Existence d un lien de subordination, Rémunération : le montant, la nature, la qualification de la rémunération sont indifférents. Seule la participation aux pertes exclura le caractère salarial de l activité déployée. Mais la participation aux pertes pourra être par ailleurs un indice permettant d établir une société de fait, laquelle implique l affiliation des associés au régime des travailleurs non-salariés. En revanche, en l absence de lien de subordination, un simple échange de services ou une entraide, même si leur contrepartie est susceptible d évaluation pécuniaire, ne suffisent pas à entraîner un assujettissement au régime de la sécurité sociale (services réciproques entre amis ou voisins, Cour de Cassation, chambre sociale, 20 mars 1980). Exemples : Doit être affiliée au régime général de la sécurité sociale la personne qui travaille dans l hôtel restaurant du concubin de sa fille (à la cuisine, à la plonge ou à la lingerie) et perçoit des pourboires ainsi qu une rémunération mensuelle variable selon la saison. De telles constatations excluent une activité limitée à une entraide bénévole (Cour de Cassation, Chambre sociale, 11 juillet 1975).
5 5 / 5 N a pas à être affilié au régime général de la sécurité sociale, le fils d un boucher qui exerce une activité dans le commerce de son père, dès lors qu il ne ressort d aucun des éléments du dossier qu il était lié par un contrat de travail et qu il était placé sous la subordination de son père. Il a été retenu que le père ne donnait pas d ordres à son fils, mais des instructions pour le préparer au métier de boucher. Par ailleurs, il n était pas démontré que l entretien du fils par le père jusqu à ce que le jeune soit en mesure de gagner personnellement sa vie, soit la contrepartie d un travail imposé qui aurait pu constituer un salaire (Cour de Cassation, Chambre sociale, 27 avril 1972). III. ENTRAIDE ET PROBLEME DE RESPONSABILITE Si les contrats de responsabilité civile d exploitation garantissent généralement les dommages causés par les salariés, qu en est-il des dommages occasionnés par des aides bénévoles de l entreprise? Le bénévolat réel n est pas, sauf clause expresse contraire, couvert par la responsabilité civile d exploitation de l entreprise. C est donc le bénévole qui doit réparer le dommage éventuellement causé à l occasion de l entraide. En effet, l article 1384 al. 5, qui prévoit la responsabilité du commettant du fait de ses préposés, repose sur le lien de subordination liant le commettant à son préposé (Cour de Cassation, Chambre criminelle, 7 novembre 1968). Or, l entraide exclut l existence d un lien de subordination. En revanche, si la relation devait être requalifiée en contrat de travail selon les critères jurisprudentiels énoncés plus haut, notamment le critère de la subordination, la responsabilité civile d exploitation jouera. A retenir : Les liens de parenté ou d amitié ne sont nullement incompatibles avec l existence d un contrat de travail. A partir du moment où la collaboration répond aux critères d un contrat de travail (définis ci-dessus), il y a lieu de se placer dans ce cadre.
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