LES GLUCIDES, QUELLE COMPLEXITE?
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- Charlotte Lafontaine
- il y a 6 ans
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1 LES GLUCIDES, QUELLE COMPLEXITE? Agnès NARCY, Delphine LIOGER et Christian REMESY Unité des Maladies Métaboliques et Micronutriments, INRA Clermont-Ferrand/Theix St Genès Champanelle L homme a un besoin particulièrement élevé en glucose pour satisfaire ses dépenses énergétiques. Son cerveau, en particulier, en consomme environ 120g /jour. C est aussi le carburant énergétique de nombreux tissus (érythrocytes, intestin, cœur, poumons, muscles de posture, peau). Par conséquent, bien que les acides gras issus des lipides soient préférentiellement utilisés par les muscles et le cœur, le glucose reste la source majeure d énergie pour notre organisme. Le besoin en glucides est donc très élevé, plus proche de 60% de l énergie totale ingérée que du chiffre de 50% souvent cité. Ceci représente, pour une dépense calorique moyenne, une ingestion de glucides de plus de 300g par jour exprimés en matière sèche. Or, dans beaucoup de cas, les aliments riches en glucides ne sont pas perçus comme des aliments essentiels ( la consommation de pain a fortement diminué, elle est seulement de 160g/jour et celle des légumes secs est devenue très faible). A la différence des autres composants énergétiques (lipides, protéines) nous ne disposons pas de réserves notables de glucides dans l organisme : seulement 200 à 300g de glycogène contre environ 8kg de protéines et des quantités souvent très élevées de graisse. Les réserves du glucose constituées par le glycogène sont rarement épuisées et les glucides ingérés sont destinés majoritairement à être brûlés. Ceci signifie que notre organisme a besoin d un apport de glucides très étalé dans le temps de façon à éviter les situations d hyperglycémie après un repas dont l inconvénient est de provoquer à la longue, une insensibilité des tissus à l insuline. Pour satisfaire ses besoins en glucides, l homme dispose d une grande diversité de produits végétaux de composition très variable (plus particulièrement du pain, des céréales, des fruits et légumes et de nombreux produits transformés). Non seulement ces sources de glucides constituent les éléments énergétiques majeurs de notre alimentation, mais elles ont aussi un rôle essentiel dans l apport de protéines, de fibres, de minéraux et de divers microconstituants. Il faut donc s interroger sur la meilleure façon de satisfaire nos besoins en glucides en tenant compte des interactions métaboliques avec les autres éléments énergétiques, mais aussi de la nécessité d apporter un optimum de micronutriments. Une composition très variable La composition des aliments glucidiques peut être très variable, qu il s agisse de la fraction glucidique ou des autres composantes. Les glucides simples ( glucose, fructose) ou les disaccharides solubles (saccharose) sont retrouvés surtout dans les fruits, le miel ou certains légumes (le lait ou le yaourt apportent du lactose). Cependant, dans nos sociétés, la consommation de sucre de canne ou de betterave constitue une part très importante de l apport glucidique total, à laquelle il faut ajouter une forte production industrielle de glucose et de fructose. La source majeure de glucose, la plus adaptée à notre physiologie digestive est constituée par l amidon présent dans les céréales et légumineuses, mais aussi dans les 13
2 tubercules et les racines, ou dans certains fruits (bananes). Les amidons sont plus ou moins riches en chaînes linéaires (amylose) ou ramifiées (amylopectine). De plus, leur digestibilité varie en fonction de la structure physico-chimique du grain d amidon, de son environnement dans l aliment, de la cuisson ou de divers traitements. Les amidons non dégradés dans l intestin grêle sont qualifiés d amidon résistant et constituent une source intéressante de glucides fermentescibles. Par ailleurs, les produits végétaux comportent tous une proportion significative de glucides non digérés dans l intestin grêle (fibres alimentaires, oligosaccharides, hydrocolloïdes, qui vont parvenir dans le gros intestin et qui serviront à l entretien d une flore symbiotique). La part de ces glucides complexes peut être très variable selon le type de produits, faible dans les farines purifiées, et relativement élevée (de 10 à 20 % de la matière sèche) dans les produits bruts (céréales 10 %, légumes sec 20 %). Un élément important qui différencie les divers aliments glucidiques entre eux est leur composition en protéines qui peut varier à la fois au niveau quantitatif et qualitatif (10 % de protéines dans le pain, 14 % dans les pâtes, plus de 20 % dans les légumes secs). Les protéines végétales ont toutes des carences relatives en certains acides aminés essentiels et, dans la plupart des modes alimentaires, la consommation de produits animaux permet d équilibrer l apport protéique. Cependant, les protéines végétales pourraient avoir un intérêt nutritionnel dans le cadre de la prévention des maladies cardiovasculaires pour leur effet hypocholestérolémiant ou par le biais des diverses substances qui leur sont associés dans les produits végétaux (par exemple l acide folique). De plus, leur composition en acides aminés est souvent assez différente de celle des protéines animales; leur pauvreté en acides aminés soufrés et leur richesse en arginine auraient un impact favorable pour la prévention de l athérosclérose. Alors que les céréales et les légumes secs ont une bonne densité énergétique, la plupart des fruits et légumes ont un apport calorique très modeste (environ 30 à 50 Kcal/100 g) mais leur densité en micronutriments est très élevée. L apport minéral des aliments glucidiques complexes est caractérisé par sa richesse en potassium, phosphore, magnésium et oligoéléments, les quantités de calcium et surtout de sodium étant souvent relativement faible. Le rôle des produits végétaux pour l apport de potassium, de magnésium et d oligoéléments est essentiel. Ces minéraux exercent de nombreux effets bénéfiques par leur impact alcalinisant, par leur effet antioxydant dans le cas des oligoéléments ou par divers mécanismes de protection cardiovasculaire. L apport de vitamines est très variable, il faut noter le rôle fondamental des céréales et des légumes pour l apport de l ensemble des vitamines B. La nature et la teneur en de nombreux microconstituants des divers produits végétaux sont très spécifiques des variétés et des espèces botaniques. Ces composés jouent un rôle dans leurs qualités organoleptiques, de plus ils peuvent être utilisés par l organisme comme facteurs de protection. Il peut s agir d antioxydants très divers (tocophérols, tocotriènols, caroténoïdes, flavonoïdes) ou de molécules qui exercent des effets spécifiques au même titre que des substances pharmacologiques mais avec des impacts très modérés à court terme. Cependant, il semble important de mettre à la disposition de l organisme la plus large gamme possible de micronutriments par le biais d aliments qui ont l avantage de l inocuité. 14
3 Intérêt des aliments à faible index glycémique A la différence des autres composants énergétiques (lipides, protéines), il n existe pas de réserves notables de glucides dans l organisme : seulement 200 à 300 g de glycogène contre 8 kg de protéines et des quantités souvent très élevées de graisse. Les réserves de glucose constituées par le glycogène sont rarement épuisées et les glucides ingérés sont destinés majoritairement à être brûlés. Notre organisme a donc besoin d un apport en glucides étalé dans le temps notamment grâce à l ingestion d aliments dits de faible index glycémique. Cette notion d index glycémique ou de charge glycémique définit en fait la capacité d un aliment à augmenter la concentration de glucose dans la circulation générale au cours des heures qui suivent l ingestion. L index glycémique est représenté par l aire d hyperglycémie provoquée par un aliment comparée à celle d un glucide standard : glucose ou pain blanc très aéré. Actuellement, la consommation de sucres simples (glucose, fructose, saccharose, lactose) sous des formes très diverses, est beaucoup trop élevée. Ces sucres simples ont été qualifiés de sucres rapides. Cette qualification est trop imprécise. Le saccharose et le glucose sont effectivement très vite absorbés, alors que l absorption du fructose seul est plus lente et celle du lactose variable selon les sujets. Au niveau métabolique, la consommation de glucose est très hyperglycémiante alors que celle du saccharose, du fructose et du lactose élève plus faiblement la glycémie. Les sucres simples sont donc plus ou moins rapidement absorbés et ont un pouvoir hyperglycémiant très différent en fonction de leur métabolisme hépatique ; leur qualification de glucides rapides est donc trop imprécise. En fait ce qui différencie le plus les diverses sources de glucides simples provient de leur environnement en fibres, minéraux et micronutriments. Ceci explique que les glucides simples des fruits n ont pas d effets prooxydants à la différence du saccharose ou du fructose purifiés. L amidon, en provenance d une très grande diversité de produits végétaux, est plus ou moins vite digéré selon sa nature, ses traitements technologiques et l environnement alimentaire. Cette variabilité est à l origine du concept d index glycémique. L ingestion de glucides complexes de faible index glycémique entraîne une moindre hyperglycémie et par conséquent une moindre hyperinsulinémie. On voit donc tout l intérêt de consommer des aliments d index glycémique faible pour prévenir la survenue d un état de résistance à l insuline et donc d un diabète de type 2 consécutive à des hyperglycémies et des hyperinsulinémies prononcées et répétées. Notons que la valeur de l index glycémique dépend de nombreux paramètres. La nature de l amidon, appréciée par le ratio amylose/amylopectine, a un effet considérable sur les réponses à l insuline et au glucose : l amylose est très difficilement dégradé par l amylase pancréatique par rapport à l amylopectine. Il existe ainsi des variétés de céréales d index glycémique très différents selon les proportions d amylose et d amylopectine. Par ailleurs, la matrice fibreuse ou protéique d un produit végétal peut plus ou moins influencer la vitesse de digestion de l amidon soit en le protégeant des attaques pancréatiques (amidon de légumes secs), soit par le biais de liaisons fortes amidon/protéines (blé dur), soit par un effet viscosant des fibres solubles. De plus, la valeur de l index glycémique est dépendante de la cuisson et des procédés de transformation utilisés. Certains amidons peuvent rétrograder (pommes de terre conservées au frigo). Les amidons résistants aux attaques pancréatiques sont considérés comme des fibres alimentaires et se retrouvent dans le colon où ils seront en partie métabolisés par la flore. L index glycémique des différents aliments est très variable. Les légumes secs et la plupart des fruits et légumes ainsi que les produits à base de blé dur ont d excellents index glycémiques. La présence de galactose ou de fructose contribue à diminuer l index glycémique puisque ces oses sont fortement captés par le foie après leur absorption. La nature 15
4 et l heure du repas influencent très fortement l index glycémique. L index glycémique des aliments a tendance à être très élevé le matin à jeun et beaucoup plus faible dans un repas complexe, d où l importance de maîtriser la qualité des produits céréaliers consommés au petit déjeuner. Le rôle clé du métabolisme hépatique Le fructose et le galactose sont entièrement captés par le foie dès leur premier passage hépatique puis convertis principalement en glucose ou glycogène dans les hépatocytes. Seule une partie du glucose absorbé est captée par le foie, ce glucide est donc largement distribué directement aux tissus périphériques. Le sang systémique véhicule presque exclusivement du glucose en phase post-prandiale, cette augmentation de la glycémie stimulant la sécrétion d insuline au niveau des cellules du pancréas. Le foie est particulièrement important pour maintenir une glycémie normale, stockant du glucose lorsque la concentration sanguine est élevée et en libérant lorsque le taux diminue. Par ailleurs, le foie peut en permanence utiliser des substrats glucoformateurs (acide lactique, acide propionique, glycérol, acides aminés) pour fabriquer du glucose. Cette néoglucogenèse est particulièrement exacerbée avec des régimes pauvres en glucides et riches en protéines mais aussi chez le diabétique. En situation de jeûne court, soit 12 h après le dernier repas, le foie est capable de produire du glucose pour maintenir la glycémie, essentiellement par glycogénolyse mais aussi par néoglucogenèse à partir de composés glucoformateurs. Une fois les réserves de glycogène épuisées, le glucose produit provient exclusivement de la néoglucogenèse. En cas d apports excessifs en glucides et en particulier en fructose, le métabolisme peut s orienter vers la production de lipides et plus spécifiquement de triglycérides ce qui provoque une hypertriglycéridémie chez certains sujets. Le contrôle de la production hépatique de glucose est facilité par la consommation de glucides lentement absorbés. Il est important que la très grande majorité des glucides alimentaires (au moins 75%) soit sous forme d amidon pour générer du glucose qui échappera au métabolisme hépatique. Les régimes riches en protéines et en lipides ont tendance à exacerber la néoglucogénèse hépatique. Durant le diabète de type 2, la perte de sensibilité à l insuline des tissus périphériques mais aussi du foie est largement responsable du mauvais contrôle de la glycémie. L utilisation hépatique du glucose devient déficiente alors que la néoglucogénèse est exacerbée. Utilisation du glucose par les tissus périphériques Le matin à jeun, à l état post-absorptif, la majorité du glucose est utilisé par des tissus noninsulino-dépendants tels que le cerveau, les reins et les globules rouges qui l utilisent pour produire de l énergie par la voie de la glycolyse. Au cours de l ingestion de glucides, l augmentation de la glycémie est responsable de la sécrétion d insuline, cette élévation de l insulinémie stimulant l entrée du glucose dans les tissus périphériques insulino-dépendants (muscles squelettiques, tissu adipeux). Dans le diabète de type 2, le mauvais contrôle de la glycémie après les repas et même à jeun maintient une imprégnation trop forte des tissus par le glucose, entretient un processus de glucotoxicité aboutissant ainsi à une glucosylation anormale de nombreuses protéines et à une production excessive de radicaux libres. Les excès d apport lipidiques particulièrement chez les sujets en surcharge pondérale créent une forte compétition entre glucose et acides gras pour leur utilisation énergétique ; cette compétition est d autant plus grave que l absorption glucidique est rapide, nécessitant 16
5 une intervention très puissante de l insuline pour assurer le maintien de la glycémie. L effet bénéfique de l exercice physique est largement lié à la stimulation de l utilisation des acides gras par le muscle, ce qui permet de lever la compétition métabolique de ces acides avec le glucose. A l inverse, les hypoglycémies, les régimes hypocaloriques entraînent une épargne de glucose grâce à la mobilisation des acides gras qui augmentent le recyclage du glucose en lactate. L optimisation de l impact physiologique des glucides alimentaires L index glycémique ne suffit pas à prédire l effet santé des glucides, il faut tenir compte aussi de leur densité nutritionnelle. La plupart des sources de glucides comprennent une très grande diversité d autres composés qui jouent un rôle dans leur impact physiologique. La compréhension du rôle des autres constituants aurait du mettre un frein dans le monde à la production de glucides purifiés, ce qui n a pas été le cas. Pour que l absorption et le métabolisme du glucose ou du fructose soient optimisés, il faut que les glucides soient accompagnés d éléments complémentaires ou synergiques tels que des protéines, des fibres alimentaires, des minéraux et des micronutriments. Ce sont les céréales complètes, les légumes secs et la plupart des fruits et légumes qui apportent ces éléments qui sont perdus dans les glucides purifiés ou retrouvés en quantité insuffisante dans les produits raffinés. Il existe en particulier une complémentarité essentielle entre glucides et protéines : les glucides ont un moindre effet hyperglycémiant lorsqu ils sont accompagnés d un taux normal de protéines et réciproquement l apport glucidique facilite l assimilation des acides aminés. De plus, lorsque les céréales et les légumes secs sont consommés en quantité suffisante, ces produits couvrent à eux seuls la majorité des besoins protéiques tout en apportant des acides aminés qui peuvent jouer un rôle important pour d autres fonctions physiologiques que la croissance. De même que les glucides doivent être environnés de protéines, il est important qu ils soient inclus dans une matrice alimentaire constituée par des fibres ou des glucides non digérés dans l intestin grêle. Ceci permet d étaler l absorption des glucides particulièrement lorsque les fibres enchâssent les grains d amidon ou ont une viscosité suffisante pour ralentir la vitesse d absorption du glucose. La présence de fibres permet également d entretenir des fermentations symbiotiques dans le côlon, de régulariser le transit digestif, d accroître l effet satiétogène du repas. L apport de glucides devrait être également accompagné d une teneur suffisante de minéraux, de potassium en particulier qui joue un rôle important dans l anabolisme cellulaire. On sait à quel point la consommation excessive de glucides purifiés s effectue sans la présence de ce potassium, or ce minéral accompagne toujours les sucres des fruits. De plus les sels organiques de potassium ont un effet alcalinisant et l accompagnement des viandes à caractère acidifiant par des légumes est particulièrement justifié. Des travaux récents ont bien mis en évidence le caractère pro-oxydant des glucides purifiés, en particulier du saccharose et du fructose. On comprend tout l intérêt de l environnement antioxydant potentiellement présent dans de nombreux produits végétaux,. non seulement la vitamine C et les caroténoïdes, mais également une très grande diversité de polyphénols, afin d augmenter la tolérance métabolique de l organisme aux glucides. Il est évident que si le développement des transformations agro-alimentaires, à l origine de la transition nutritionnelle que nous avons connue, se mettait en place maintenant, il y aurait une forte incitation à purifier le moins possible les sources de glucides. 17
6 Conclusion Qu il s agisse du bon fonctionnement de l organisme, de la maîtrise des dépenses de santé, du développement de l agriculture et du secteur agroalimentaire, il est nécessaire de s appuyer sur les connaissances actuelles montrant l importance majeure des aliments glucidiques complexes dans une démarche de prévention. Ces aliments devraient rester la base de tous les modes alimentaires humains pour éviter que les besoins en énergie ne soient comblés par des aliments très énergétiques purifiés, sources de «calories vides». La nature des aliments glucidiques a longtemps été peu considérée dans la mesure ou l on méconnaissait l importance des besoins en glucose mais aussi la richesse des produits végétaux en micronutriments protecteurs. Ceci est à souligner car lorsque l alimentation comprend une proportion trop importante de calories vides (celles des glucides mais aussi celles des lipides trop purifiés), il est difficile de disposer en abondance des facteurs de protection d origine végétale. Dans cette situation, pour pallier les carences de la chaîne alimentaire, on assistera à l utilisation intensive de suppléments minéraux et vitaminiques. Cependant il est peu probable que l on soit capable de reproduire la complexité d action des aliments par l addition de quelques uns de ces éléments. Les recherches concernant la physiologie du sportif ont largement contribué à réhabiliter l usage des glucides lents apportés par les pâtes alimentaires par exemple ; il est maintenant souhaitable de dépasser cette notion au profit de celle des aliments glucidiques complexes afin que ces derniers soient utilisés de façon plus rationnelle dans l alimentation. 18
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