Estimation des coûts du décrochage scolaire au Canada SOMMAIRE
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- Gaspard Bédard
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1 Estimation des coûts du décrochage scolaire au Canada SOMMAIRE Olena Hankivsky Simon Fraser University Décembre
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3 Sommaire Au Canada ainsi que dans d autres territoires, on considère généralement que, pour posséder une éducation «appropriée», il faut au minimum avoir un diplôme d études secondaires. Depuis les années 1990, accroître le taux de diplomation au secondaire constitue une des plus importantes priorités politiques, essentielle à la productivité future de l économie canadienne. En général, il est reconnu que l obtention du diplôme d études secondaires est avantageuse pour les Canadiens à titre individuel et comme société (Conseil canadien sur l apprentissage, 2007). De même, le document de l OCDE, Regards sur l éducation 2006, indique que «les signes montrant les bénéfices d ordre privé et public de l éducation se multiplient» (2006a :4). Les diverses répercussions négatives d un faible degré de scolarisation sont également de plus en plus reconnues. Le décrochage au secondaire est de plus en plus reconnu comme un grave problème social dont les effets peuvent être dévastateurs. En effet, comme l affirme Oreopoulos, «la vie est beaucoup plus difficile pour les personnes qui ne terminent pas leurs études secondaires que pour celles qui atteignent un niveau de scolarité plus élevé» (2005, p. 1). Malgré l avancement des connaissances de nos jours, peu nombreux sont ceux qui admettent aujourd hui à quel point un faible degré de scolarisation nuit à la société. Les inégalités en matière d éducation touchent des questions de justice et d équité. Cependant, elles représentent également des coûts considérables pour l État en raison du rétrécissement des possibilités pour les personnes n ayant pas obtenu leur diplôme d études secondaires. Directement ou indirectement, l abandon des études secondaires comporte des implications fiscales énormes en matière de dépenses pour la santé, les services et les programmes sociaux, l éducation, l emploi et la lutte contre la criminalité, sans compter la baisse de productivité économique. Comme Levin et ses collaborateurs le font observer, «le niveau de scolarité d une personne est l un des principaux facteurs qui définiront ses chances dans la vie pour ce qui est de l emploi, du revenu, de l état de santé, du logement et de bien d autres commodités» (Levin, Belfield, Meunnig & Rouse, 2007, p. 2). L objectif de cette étude est de présenter un portrait des coûts économiques, autant pour l État que pour les particuliers, qui découlent de l abandon des études secondaires au Canada. En conséquence, une seule variable, à savoir la non obtention du diplôme d études secondaires, est étudiée dans divers secteurs de politique pertinents. Méthodologie Cette recherche s appuie sur une méthodologie employée dans diverses études menées aux États Unis sur les coûts financiers de l abandon des études secondaires pour la société (Levin et coll., 2007; Levin, 2005). Dans cette étude, on présente les coûts concrets sur une et sur toute la durée de vie (coûts globaux), pour les particuliers et pour l État, que génère l abandon des études secondaires dans les domaines de la santé, de l aide sociale, de la criminalité, du travail et de l emploi. Cependant, il est à noter que toutes les catégories de coûts 3
4 ne figurent pas dans tous les secteurs. En outre, l étude présente les coûts non visibles, c est àdire les effets non commerciaux de la scolarisation comme la douleur, la souffrance et la diminution de la qualité de vie, selon les méthodes éprouvées de Haveman et Wolfe (1984). Toutes les estimations de coûts sont exprimées en dollars de Si les coûts et les retombées publics (État) et privés (particuliers) des études secondaires ont déjà été calculés sous certains aspects au Canada, les nouvelles données et celles révisées qui sont contenues dans la présente étude sont le fruit de nombreuses avancées de la recherche. Tout d abord, on comprend mieux le lien entre l éducation et diverses retombées sociales. Pour ne donner qu un exemple, au Canada et ailleurs, on concluait dans de récentes études que les répercussions du niveau de scolarité sur le revenu pourraient être plus vastes qu on ne le croyait auparavant (Riddell, 2006). Ensuite, les estimations des taux de décrochage au secondaire sont maintenant plus précises. Enfin, les méthodes d établissement des coûts ont évolué, surtout dans le contexte américain, ce qui a accru la fiabilité de l interprétation des données et des calculs économiques connexes. Limites Comme la plupart des données provenant de l administration publique utilisées dans les études d établissement des coûts ne sont pas spécialement destinées à ces fins et comme il existe toujours des lacunes quant aux résultats de recherche dont on dispose, il a fallu formuler un certain nombre d hypothèses pour les calculs finaux des coûts. Ces aspects sont clairement exposés pour chaque secteur de politique abordé dans le rapport. Il est particulièrement important de noter que des coûts non négligeables ont été exclus des catégories présentées dans le domaine de la santé et de la criminalité en raison de limites touchant la recherche et les données. Par exemple, en ce qui concerne la santé, il a été impossible de calculer les coûts annuels publics directs en santé. De plus, nous n avons pu utiliser la méthodologie de Moretti et Lochner (2004) dans le domaine de la criminalité. Ainsi, les coûts n ont pas été calculés pour la population féminine. L établissement des coûts pose également la difficulté de «déterminer le lien de cause à effet entre l'éducation et divers résultats.» (DRHC, 2000, p. 43). La question de la causalité est prise en compte par l analyse d une vaste documentaire et de preuves scientifiques rigoureuses ainsi que par l utilisation de méthodologies d établissement des coûts d avant garde dans le domaine de la scolarisation. Quand c était possible, les coûts ont été calculés à l aide des données du dernier recensement (2001) et de l Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (2004); cependant, dans les cas où c était possible, les calculs finaux ont été fondés sur les données tirées du recensement. Nous avons fait appel à des études de premier plan pour déterminer, à des fins de comparaison, le taux de rendement en matière de travail et d emploi. Cependant, pour tous les calculs finaux, seuls les calculs de coûts les plus prudents ont été utilisés. 4
5 23,8 milliards $ 10,3 milliards $ 307 milliards $ c Tableau 1. Estimations des coûts concrets de l abandon des études secondaires au Canada (en dollars de 2008) Estimation du coût par Coût global au Canada décrocheur viagère viagère Coûts concrets Santé (privé a ) $ $ b 623 milliards $ b Aide sociale $ 969 millions $ Criminalité 224 $ 350 millions $ Travail et emploi Perte de revenu (privé) $ $ c Perte de recettes fiscales 226 $ $ 378 millions $ 11,5 milliards $ Perte de revenu en 68 $ $ 201 millions $ 6,1 milliards $ cotisations d assuranceemploi Coût en assuranceemploi $ 1,1 milliard $ a Aucune donnée disponible quant aux coûts publics. b Les coûts sur «une viagère» en matière de santé traduisent les coûts sur une période de 35 ans. c Les coûts sur «une viagère» en matière de revenu traduisent les coûts sur une période de 35 ans (en supposant que l on gagne un revenu d emploi de 20 à 54 ans). Dans l ensemble du rapport, dans les cas où c était possible, les coûts ont été ventilés par province, par sexe et pour les Autochtones par rapport aux non Autochtones. L idéal aurait été de présenter une ventilation des coûts associés à d autres populations (par exemple, les personnes vivant en milieu rural, les personnes ayant des besoins particuliers et les immigrants) afin de déterminer dans quels secteurs les interventions en matière d éducation seraient les plus efficaces, mais les limites touchant les données ne l ont pas permis. ESTIMATIONS DES ÉCONOMIES QUI SERAIENT GÉNÉRÉES SI LA POPULATION CANADIENNE COMPTAIT 1 % DE PLUS DE DIPLÔMÉS DU SECONDAIRE L objectif politique ultime serait que tous les Canadiens, même les plus à risque, obtiennent leur diplôme d études secondaires. Cependant, même une hausse du nombre de Canadiens diplômés du secondaire équivalant à 1 % de la population canadienne permettrait des 5
6 économies de coûts considérables, tant pour l État que pour les particuliers. S ajouteraient ainsi diplômés du secondaire (0,01 * = ,33). Comme le montre le tableau 2, et en prenant pour seul exemple les soins de santé, l abandon des études secondaires entraîne des coûts en santé estimés à $ par décrocheur sur toute la durée de vie. Selon cette estimation, une hausse du nombre de Canadiens diplômés du secondaire équivalant à 1 % de la population canadienne, en 2008, permettrait à l État de réaliser des économies globales de plus de 70 milliards de dollars en soins de santé. En bref, ces calculs donnent à penser que les coûts du décrochage sont considérables tant à titre individuel que pour la société et que des économies notables pourraient être générées si le nombre de diplômés du secondaire augmentait, même dans une faible proportion, au Canada. Les économies de coûts dans les autres catégories sont estimées de manière semblable, et elles figurent dans la deuxième colonne du tableau ci dessous. Tableau 2. Estimations des économies qui seraient générées si la population canadienne comptait 1 % de plus de diplômés du secondaire (en dollars de 2008) Estimation du coût par décrocheur viagère Estimation des économies qui seraient générées si la population canadienne comptait 1 % de plus de diplômés du secondaire (en dollars de 2008) viagère Coûts concrets Santé (privé a ) $ $ 2,3 milliards $ 70 milliards $ Aide sociale $ 1,4 milliard $ Criminalité 224 $ 74 millions $ Travail et emploi Perte de revenu (privé) $ $ 1,2 milliard $ 34 milliards $ Perte de recettes fiscales Perte de revenu en cotisations d assuranceemploi Coût en assurance emploi 226 $ $ 75 millions $ 2,3 milliards $ 68 $ $ 22 millions $ 686 milliards $ $ 921 millions $ 1 En 2008, la population canadienne était de (CANSIM, V Canada). 6
7 Une hausse de 1 % du taux de diplomation parmi les Canadiens permettrait des économies de coûts globales qui peuvent être estimées en 2008 en additionnant seulement les économies de coûts dans lesquelles les coûts «par décrocheur» sont annuels (c est à dire l aide sociale, la criminalité, la perte de revenu annuel, la perte de recettes fiscales, la perte de revenu en cotisations d assurance emploi, le coût en assurance emploi ainsi que les coûts invisibles). En fait, elles sont estimées à plus de 7,7 milliards de dollars au Canada en Les résultats présentés dans ce rapport constituent les estimations les plus exactes et à jour qui puissent être faites. Malgré les lacunes admises dans les données, ces résultats révèlent les répercussions économiques, sociales et civiques négatives qui découlent d un niveau de scolarité insuffisant au pays. Cette recherche alimente donc le corpus de connaissances à deux égards. D abord, elle dépasse les études antérieures du fait qu elle établit un calcul plus exhaustif des coûts d ordre public et privé. Ensuite, la portée de l étude est plus vaste que celle des précédents travaux, puisqu elle prend en compte les coûts dans divers secteurs de politique. La plupart des études effectuées dans le contexte canadien se sont jusqu ici concentrées principalement sur les revenus d emploi (DRHC, 2000). La façon dont les répercussions de l abandon des études secondaires sont perçues, définies, mesurées et quantifiées entraîne des conséquences directes sur les politiques en matière d éducation ainsi que sur les politiques publiques. 7
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