CIGI 2013 Méthode et modèle d interaction pour la spécification des systèmes d information dans les Très Petites Entreprises.

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1 CIGI 2013 Méthode et modèle d interaction pour la spécification des systèmes d information dans les Très Petites Entreprises. CLEMENT LACOMBE 1, 2, SAID TAZI 3, YVES DUCQ 1 1 Univ. Bordeaux IMS UMR 5218 CNRS 351 cours de la Libération Talence cedex, France clement.lacombe@ims-bordeaux.fr, yves.ducq@ims-bordeaux.fr 2 Sarl Atelier du Piment Elizaldeko Bidea, Espelette, France si@atelierdupiment.com 3 UFR Sciences et techniques de la côte basque - Univ. Pau et des Pays de l Adour Allée du Parc Montaury Anglet, France said.tazi@univ-pau.fr Résumé - Les Petites Entreprises, tout comme les entreprises de taille supérieure se doivent de posséder un système d information leur permettant de pouvoir piloter et mesurer leur performance. Jusqu à présent réservé aux grandes entreprises, le marché des Progiciels de Gestion Intégrés s intéresse de plus en plus aux petites entreprises. Or, peu de méthodes et outils existent pour guider ces petites entreprises dans la mise en œuvre de ces systèmes d information. C est pourquoi nous proposons dans nos travaux, une démarche de modélisation permettant la mise en adéquation de l organisation de l entreprise avec le système d information sélectionné. Ainsi, nous proposons un modèle d interaction pour représenter les interactions et mettre en évidence les échanges d informations entre le système décisionnel et le système opérant afin de définir les activités dites «spécifiques» de l entreprise. Abstract - Small companies like their larger counterparts need information systems to enable them to drive and measure their performance. Until now, only large firms had access to this technology but the market for ERP (Enterprise Resource Planning) is attracting more and more attention from small businesses. However, few methods and tools exist to support these small companies in the implementation of the integrated ERP system. This is why we propose a modeling approach that is most appropriate to these enterprises for the selected information system. Thus, we propose an interaction model that represents the interactions and information exchanges between the decision system and operating system to identify the specific activities of the company. Mots clés - Très Petites Entreprises, Modélisation d entreprise, Progiciel de Gestion Intégré Keywords - Very Small Companies, Enterprise Modeling, Enterprise Resource Planning 1 INTRODUCTION Les travaux de recherche présentés dans cet article sont réalisés dans le cadre d une convention Cifre. Ils sont le fruit de la collaboration entre le laboratoire IMS de l Université Bordeaux 1 et l entreprise «Atelier du piment». Implantée historiquement à Espelette au cœur du pays basque, l Atelier du Piment, produit, transforme et commercialise du piment d Espelette AOP. Elle possède donc deux cœurs de métier, la production agricole et la transformation agroalimentaire de produits dérivés. Créé en 2007, l Atelier du Piment a connu un essor rapide et important. En 2013, elle emploie une dizaine de salariés pour couvrir les deux activités. A cheval entre le secteur agricole et le secteur agroalimentaire l Atelier du Piment possède toutes les caractéristiques propres aux Très Petites Entreprises (TPE) [Ferrier, 2002]. Elles s appuient sur une main d'œuvre familiale, de 0 à quelques salariés. Les centres de décisions se concentrent sur quelques personnes. De plus, leurs niveaux organisationnels sont quasi inexistants. Enfin leur système d'information est historiquement peu formalisé et le mode de communication privilégié est l'oral. Ces petites entreprises ont également la particularité de focaliser la plupart de leurs efforts sur la production de valeur ajoutée, tant les ressources disponibles doivent être optimisées afin de réaliser des activités permettant d assurer la pérennité de l entreprise. Ainsi, les managers de ces entreprises focalisent leurs efforts sur le pilotage de cette production et sur la mise en place de solutions alternatives et souvent empiriques, permettant d assurer un taux de service maximum pour les clients. Les managers ont alors peu de temps à consacrer à la mise en œuvre d actions d amélioration continue, voire à la définition et l implantation d un système d information cohérent et fiable.

2 Dans ce contexte, le système d information a tendance à être composé de modules disparates mis en place à des moments différents de la vie de l entreprise et de son développement. Ces modules ont tendance à avoir des difficultés pour échanger des données et donc pour fournir des états (stock, commandes) pertinents pouvant servir à la prise de décision et au respect des commandes. Pourtant aujourd hui, les petites entreprises présentent les mêmes besoins et obligations que les entreprises de taille supérieure. Il devient de plus en plus vital pour ces entreprises de disposer d un système d information leur permettant de pouvoir maîtriser leurs performances en terme de coûts, de délais, de stocks, d en-cours mais également de qualité de service. Selon [Deixonne, 2006], la mise en place d un système d information de type ERP (Enterprise Resource Planning) également appelé PGI (Progiciel de Gestion Intégré) va permettre de : - Diminuer les temps de cycle; - Accroître la productivité ; - Augmenter l efficience; - Accroître le revenu et la marge de l entreprise. Cependant, ces projets de système d information sont très complexes à mettre œuvre tant les risques et les enjeux sont importants. Les difficultés rencontrées dans ces projets encouragent les spécialistes à identifier les facteurs clés de succès. [Holland et Light, 1999] précisent que les projets de système d information sont avant tout des projets d entreprise et identifient cinq facteurs clés stratégiques : - «Legacy systems» afin de prendre en compte l existant de l entreprise en termes de processus, d organisation et de système d information. - «Business Process Change and Software configuration» ou l adéquation entre l organisation et le système d information se joue dans la capacité à définir les bonnes pratiques pertinentes pour l entreprise et configurables dans l ERP. - «Business Vision» dont la maîtrise par l équipe projet conditionne les processus de prise de décision. - «Top Management support» sans lequel le projet ne peut être que vu comme un projet technique qui ne nécessite pas d engagement de l encadrement pour la conduite du changement. - «Project Schedule and plans» qui suppose une connaissance préalable des spécificités des projets ERP. D autre part, les petites entreprises ne disposent que de peu d outils les guidant dans la définition et l implantation d un système d information. C est pourquoi nous travaillons sur l élaboration d une démarche de spécification des besoins basée sur l utilisation de la modélisation d entreprise. Cette démarche et ces modèles devront être accessibles et faciles à appréhender pour les managers de l entreprise. Pour les concevoir nous nous appuierons sur les méthodes et outils déjà existants dans le domaine du génie industriel. Dans la première partie, nous venons de décrire le contexte des petites entreprises, leurs caractéristiques d organisation ainsi que leurs difficultés à mesurer et piloter leur performance. Dans la deuxième partie un état de l art sera présenté. Tout d abord, nous présenterons les principaux travaux réalisés sur le thème de la conduite de projets ERP. Nous y détaillerons les grandes étapes permettant leur mise en œuvre. Ensuite, nous nous intéresserons au domaine de la modélisation d entreprise. Pour cela, différentes méthodes et travaux sur le sujet seront présentés et illustrés. Puis, nous proposerons une méthodologie et des modèles pour la spécification et la sélection d un système d information en adéquation avec les caractéristiques des petites entreprises. 2 ETAT DE L ART Dans cette partie, nous présenterons les travaux réalisés sur les domaines des projets ERP et de la modélisation d entreprise. 2.1 Les projets ERP : Le phasage Le découpage des projets ERP a fait l objet de nombreux travaux de recherche. On distingue deux grandes phases : la phase de sélection et la phase d implantation de la solution. Nous nous concentrerons sur la phase de sélection de l ERP. En effet, c est dans cette étape que sont traitées les problématiques organisationnelles des petites entreprises. [Botta et al., 2001] présente une décomposition de cette phase en trois étapes : La première étape est une optimisation des processus. Cette phase peut être réalisée en amont du projet avec le risque de concevoir des processus optimisés en théorie sans tenir compte de l ERP. Cependant, elle peut se situer après le choix de la solution en amont ou en aval de la formation des acteurs pour leur permettre d y participer. C est pour cela que cette optimisation des processus intervient souvent à la fois en amont et pendant le projet. Ensuite, une analyse du système et de l organisation existante est réalisée. Cette analyse n a pas pour objectif de «décrire une solution», mais au contraire d identifier les critères de sélection et de décision nécessaires sur les priorités du projet. Enfin, la dernière étape consiste à choisir le système ERP et contractualiser les relations avec l éditeur. [Darras, 2004] présente un découpage en quatre étapes : - une étude d opportunité décrivant l existant, les objectifs du projet, les bénéfices attendus, les enjeux et les facteurs-clés de succès, les risques et les contraintes ; - une expression du besoin se traduisant par un cahier des charges fonctionnel qui explique le périmètre fonctionnel, fournit la cartographie des flux, les règles de gestion et décrit les processus ; - la constitution d une liste d éditeurs, qualifiés par rapport à leurs références et au degré d adéquation avec le besoin, qui sont soumis à des jeux de tests ; - le classement de ces éditeurs en fonction de leurs réponses et d une liste de critères techniques et financiers, puis négociation de la solution choisie avec la tête de liste pour préparer le déploiement.

3 Dans les travaux proposés par [Boutin, 2001], la modélisation d entreprise est placée au centre de la démarche de sélection de l ERP. Il propose quatre étapes : - une modélisation de l existant (AS IS), qui permet de représenter les principaux processus de l entreprise sans trop les détailler. Ces modèles doivent permettent de cibler les premiers dysfonctionnements ; - une expression des besoins qui tient compte de l analyse des modèles (AS IS) et de la couverture fonctionnelle de l ERP souhaités. Tous les besoins exprimés sont ensuite formalisés dans le cahier des charges fonctionnel ; - la choix de l ERP ; - la définition des modèles de l organisation future (TO BE) réalisée à partir de l expression des besoins et de l ERP sélectionné. Historiquement, les ERP ont été développés pour être intégrés dans les grandes entreprises. Les démarches de mise en œuvre élaborées ont été adaptées pour cette typologie d entreprise. Les trois démarches de sélection d un ERP présentées possèdent différents niveaux de détails. Nous pourrions les synthétiser pour obtenir une démarche générique en deux étapes : l analyse de l existant et le choix de la solution. Ceci est applicable aux grandes entreprises qui possèdent une organisation structurée et des solutions de gestion déjà en place. Or dans les petites entreprises, où la structure de l organisation n est pas clairement définie, la sélection de l ERP ne peut pas s appuyer sur une simple analyse de l existant. Dans la démarche proposée par Valérie Botta-Genoulaz, la phase d optimisation des processus est une étape importante pour le projet et l intégration réussie de l ERP. Dans le cadre d une petite entreprise, cette étape devra être mise en œuvre après le choix de l ERP dans le but de prendre en compte les contraintes d exploitation de celui-ci. Parmi les trois démarches présentées seule celle de Pascal Boutin intègre les étapes de modélisation. Il est très intéressant de situer et d identifier la modélisation d entreprise dans la démarche. Cependant, nous trouvons important de placer également le modèle de la future organisation (TO BE) avant le choix de l ERP. Cela permettrait d illustrer graphiquement les besoins de l entreprise lors de la rédaction du cahier des charges. Enfin, Pascal Boutin ne stipule pas que les modèles (AS IS) et (TO BE) doivent utiliser les mêmes formalismes. Toutefois, unifier les modèles permettrait de réduire la charge de travail et de faciliter leur compréhension lors de leur analyse. 2.2 La modélisation d entreprise Tout d abord, nous présenterons les principes de base de la modélisation. Ensuite, nous décrirons la méthode GIM sur laquelle nous nous appuierons dans nos travaux. Pour finir,, nous exposerons deux projets de recherche sur les mêmes thématiques Les apports La complexité et les enjeux stratégiques des projets de systèmes d information justifient la définition d un modèle d entreprise. Dans ce cadre là, [Vernadat, 1999] propose une liste des apports et des objectifs de celle-ci : - comprendre et analyser la structure et le fonctionnement de l entreprise ; - prévoir le comportement et les performances des processus opérationnels avant leur implantation ; - choisir la meilleure alternative pour l implantation ; - identifier les risques d implantation à gérer ; - justifier les choix d implantation sur des critères liés aux ressources et aux coûts ; - bâtir une vision commune du fonctionnement de l entreprise et la communiquer le plus clairement possible à ensemble du personnel. Nous rajouterons à cela, la mesure et le pilotage de la performance avec la mise en place d indicateurs Approche systémique La modélisation d entreprise est étroitement liée à celle de système. L analyse des systèmes complexes fait appel au concept de la représentation systémique. L objectif de la représentation systémique est de faciliter la compréhension et l analyse d un système complexe. D après [Le Moigne, 1990], la démarche systémique admet la complexité, la réduit pour la rendre intelligible tout en conservant ses caractéristiques essentielles, locales et globales, partielles et totales. Pour représenter l organisation du système complexe «entreprise» [Le Moigne, 1977], propose la décomposition suivante (Figure 1) : - un système de décision, siège des centres de décision; - un système d information ; - un système opérant, siège des centres de charge. Dans la partie présentant nos travaux, nous proposerons une méthode de mise en œuvre s inspirant des démarches que nous venons de présenter. La modélisation d entreprise fera partie intégrante de la démarche et en sera un élément fédérateur. La démarche comportera trois grandes phases : une phase d analyse de l existant, une phase de conception de la nouvelle organisation et une phase de sélection de l ERP. En effet, la modélisation d entreprise est un outil que nous retrouvons dans la plupart des projets ERP [Botta-Genoulaz 2005]. C est pour cela que dans la suite de notre état de l art nous vous présenterons les enjeux de la modélisation d entreprise ainsi que sa mise en application au travers de la présentation de plusieurs études. Figure 1. Approche systémique d une entreprise [Le Moigne, 1977]

4 2.3 La méthode GIM La méthode GIM (GRAI Integrated Methodology) développée dans les années 1990, s appuie sur la méthode GRAI (Graphe de Résultats et Activités Interreliés). L objectif de la méthode GIM est de fournir les outils permettant l analyse et la conception de système complexe de type gestion de production dans le génie industriel [Chen et al., 1997]. Enfin, les formalismes utilisés pour représenter les processus physiques et de gestion sont les actigrammes issus de la méthode IDEF0. Les actigrammes (Figure 4) pour la description des flux physiques et les actigrammes étendus (Figure 5) pour les processus de gestion. Cette méthode s appuie sur 4 modèles graphiques pour modéliser les quatre vues de modélisation (décision, information, processus, physique). Tout d abord, la méthode GRAI permet la représentation du système décisionnel. La grille GRAI (Figure 2) permet de représenter la structure et l organisation du système étudié. Elle positionne les centres de décision selon leur appartenance fonctionnelle et leur niveau décisionnel. Les centres de décision sont reliés par des cadres de décision. Le cadre de décision fournit au centre de décision son contexte mais également les informations lui permettent de prendre une décision. Figure 4 : Actigrammes - Processus Physique Figure 2 : Représentation de la grille GRAI Ensuite, le diagramme de classe (Figure 3) est utilisé pour la représentation de la structure des informations et des objets qui composent le système d information. Ce formalisme fait partie des 9 diagrammes proposés par le langage UML. Figure 3 : Diagramme de classe UML Exemple de classe : Nom de la classe : Ordre de Fabrication (OF) Attributs : - N OF - Date OF - Référence produit / Quantité Figure 5 : Actigrammes Etendus - Processus de Gestion 2.4 Les travaux autour de la modélisation D autres travaux de recherche ont été effectués sur l utilisation de la modélisation dans les projets de système d information. Nous allons nous attarder sur deux projets en particulier Le cadre méthodologique CEMAgriM Le premier travail de recherche, réalisé par Vincent ABT [Abt, 2010], et intitulé «Une approche méthodologique et de modélisation des exploitations agricoles dans une perspective d'ingénierie d'entreprise et de système d'information» s intéresse spécifiquement à la place du système d information dans les entreprises agricoles de grande culture et d élevage. Il se positionne plutôt du côté client vis-à-vis d un projet de développement d un système d information. Ce travail nous intéresse particulièrement car comme nous le verrons dans la partie applicative, nos travaux seront à appliquer dans le contexte d une entreprise agricole et de transformation Le cadre méthodologique CEMAgriM (Cemagref Entreprise Modeling in Agriculture Integrated Methodology) est construit sur la base d un cadre de modélisation, un cadre conceptuel, un jeu de modèle, plusieurs langages graphiques, et une démarche de mise en œuvre. Pour représenter les différents aspects de l entreprise et intégrer ses spécificités, le cadre méthodologique CEMAgriM s appuie sur 45 modèles. Ces modèles sont établis à partir de formalismes graphiques issus des secteurs industriels et agricoles, et notamment du cadre méthodologique ARIS. Pour représenter les 45 modèles, 39 formalismes graphiques différents ont été utilisés. La démarche générique de modélisation (Figure 6) proposée décrit l ordre générique dans lequel doivent être établis les différents modèles ainsi que le cycle de vie générique d un projet (Phase analyse/phase Conception).

5 La méthode GIM conçue pour l analyse et la conception de systèmes de production dans le milieu industriel a été élaborée à partir de la méthode GRAI. Celle-ci est une des rares méthodes à représenter le point de vue décisionnel des entreprises. En outre, dans les petites entreprises, il est culturellement difficile de dissocier le processus décisionnel, du processus opérationnel. En effet, la plupart des managers dans ces petites entreprises sont également très impliqués dans les activités opérationnelles. C est pourquoi, en nous appuyant sur la méthode GIM, nous allons fournir un modèle d interaction permettant de visualiser les liens entre le système décisionnel et le système opérant. Figure 6 : Exemple démarche de modélisation La proposition d un cadre de référence Franck DARRAS [Darras, 2004], se positionne plutôt du côté de l éditeur pour spécifier les besoins d entreprises de taille moyenne dans le cadre de son projet intitulé «Proposition d un cadre de référence pour la conception et l exploitation d un progiciel de gestion intégré». Les travaux présentés dans cette thèse portent sur la proposition d un cadre de référence afin d accompagner la gestion de projet lors de la conception et le déploiement d un ERP pour les PME/PMI. La modélisation d entreprise proposée s appuie sur la base d un formalisme unique. Le langage UML (Unified Modeling Language) et ses 9 diagrammes permettent de représenter les points de vue physique, logique ou fonctionnel de ces systèmes. La vue décisionnelle est modélisée à l aide d un usage détourné de la grille GRAI avec les cas d utilisation du langage UML. 3 DEMARCHE ET MODELE D INTERACTION Après avoir présenté et commenté un état de l art dans le domaine de la conduite de projet ERP ainsi que dans le domaine de la modélisation d entreprise, nous détaillerons la démarche et les modèles proposés pour répondre aux problématiques des petites entreprises. 3.1 La démarche Pour mettre en œuvre un système d information dit «intégré», la prise en compte de l organisation de l entreprise est très importante. Elle en devient un facteur-clé de succès [Millet, 2008]. Comme énoncé dans l introduction, les petites entreprises ont une organisation très peu structurée reposant sur un manager unique qui centralise l information. Pour accueillir une solution de type ERP l organisation va devoir se structurer et être repensée sans perdre de vue ses spécificités. Dans ce contexte, nous proposons une démarche en 6 étapes s inspirant des travaux précédemment réalisés sur la conduite des projets ERP [Botta et al., 2001], [Boutin, 2001], [Darras, 2004]. Enfin, le cadre de référence et les mécanismes définis permettent de modifier et de mettre en correspondance les modèles d entreprise et de référence de l ERP dans le but d obtenir le «bon» paramétrage de la solution logicielle. Pour conclure, les outils de modélisation que nous allons proposer seront adaptés aux petites entreprises et ne seront pas limités à un secteur d activité en particulier. Ils devront être applicables aux entreprises industrielles et agricoles. Cependant, dans le domaine agricole nous nous limiterons aux exploitations dont l organisation et le fonctionnement s apparentent davantage aux entreprises industrielles. Parmi ces exploitations, nous retrouvons celles spécialisées dans la culture maraichère mais également dans la viticulture. En effet, comme le démontre le cadre méthodologique proposé par Vincent ABT, les outils de modélisation issus du génie industriel montrent leurs limites dans la représentation des besoins métiers des exploitations agricoles polyculture et d élevage. Ces exploitations font appel à des concepts qui leurs sont propres. Figure 7. Représentation de la démarche Un projet ERP se déroule en deux grandes étapes. Une phase de sélection de l outil suivie d une phase d implantation. Nous nous intéresserons plus particulièrement à la phase de sélection de l outil. En effet, les problématiques d organisation et d intégration du système d information seront traitées dans cette étape. Dans la démarche représentée (Figure 7), la modélisation joue un rôle crucial.

6 Tous les modèles réalisés au cours de la démarche seront élaborés sur la base d un travail de groupe et d entretiens individuels pour collecter une connaissance profonde. Tout d abord, la première étape de la «démarche» consiste à modéliser l intégralité de l organisation existante de l entreprise. Le modèle de l existant (AS IS) s appuiera en partie sur la méthode GIM pour la description des décisions, des informations et des processus. Nous proposons d y rajouter un modèle appelé «modèle d interaction», permettant de représenter l interaction entre le système de décision, le système d information et le système physique. Ainsi, ce modèle d interaction doit permettre d identifier les différentes incohérences de la structure de l organisation lors de la réalisation du diagnostic. En effet, le diagnostic doit permettre d identifier les points forts et les points à améliorer de l organisation. Il sera élaboré sur l analyse du modèle AS IS, mais pas seulement. Une approche ERP devra permettre la prise en compte des apports et contraintes d exploitation des ERP. D autre part, le diagnostic devra également intégrer les règles de fonctionnement générique et spécifique à ce type d entreprise. Ces règles seront discutées avec la direction de l entreprise et tiendront compte de la stratégie de l entreprise. Ensuite, une première version du modèle du fonctionnement futur de l entreprise (TO BE Version 1), sera réalisée en tenant compte du diagnostic et donc de la stratégie de développement de l entreprise. Le modèle (TO BE Version 1) utilisera les mêmes formalismes que le modèle (AS IS), à savoir les éléments de la méthode GIM et le modèle d interaction proposé dans nos travaux. L étape suivante consiste à dériver un cahier des charges du futur système d information sur la base des modèles (TO BE Version 1) et plus particulièrement sur le modèle d interaction. Ce dernier contiendra toutes les informations nécessaires à l élaboration du cahier des charges et il sera intégré pour une illustration graphique des besoins l entreprise. Figure 8. La couverture du modèle d interaction Pour construire ce modèle, nous proposons des concepts de modélisation inspirés des actigrammes étendus (Figure 9-10). On y retrouve les activités, les données d entrée, de sortie, de contrôle et les ressources. A cela s ajoutent les classes du diagramme de classe UML et les centres de décision de la grille GRAI. Figure 9. Représentation des concepts de modélisation Puis, la sélection de l ERP se fera en trois étapes. La première consiste à élaborer une liste d éditeurs à qui le cahier de charges et une grille de sélection seront destinés. Ensuite, un classement sera établi en fonction des réponses. Pour finir, l éditeur de la solution la plus adaptée aux besoins de l entreprise sera sélectionné. Enfin, la dernière étape de la démarche consiste à mettre en correspondance les modèles (TO BE Version1) et le modèle de référence fourni par la solution sélectionnée. Cela permettra d élaborer la deuxième version du modèle TO BE [Darras, 2004]. Cette deuxième version du modèle représentera la future structure de l organisation à mettre en œuvre avant la phase d implantation de l ERP. 3.2 Les modèles La méthode GIM et le modèle d interaction Comme nous l avons présenté dans l état de l art, la méthode GIM permet de modéliser les trois sous-systèmes de l entreprise. Le modèle d interaction présenté dans son contexte (Figure 8), n est pas destiné à modéliser un système en particulier. L intérêt de ce modèle réside dans la représentation des interactions entre le système de décision, le système d information et le système physique. Figure 10. Formalisme d une activité et ses interactions Le modèle d interaction est basé sur les modèles du système de décision, du système d information et du système physique pour être élaboré. Il centralise les informations présentent dans les différents modèles cités ci-dessus ce qui permet de simplifier la lecture et l analyse de l activité représenté. Toutes les informations, toutes les décisions et toutes les ressources ayant un impact sur l activité sont ainsi détaillés sur le même modèle. De plus cela évite de surcharger et de rendre incompréhensible les modèles de la méthode GIM. Cependant, il n est pas nécessaire de représenter toutes les activités à l aide du modèle d interaction. En effet seules les plus critiques seront modélisées.

7 Figure 11. Grille GRAI Entreprise Figure 12. Grille GRAI - Production Agricole Figure 13. Grille GRAI - Transformation 4 APPLICATION DES MODELES Pour illustrer et mettre en situation les modèles de la méthode GIM et le modèle d interaction, nous vous proposons dans cette partie deux exemples d application. Les modèles présentés ci-dessous sont issus de la phase de modélisation de l existant effectuée au sein de l entreprise «Atelier du piment». Pour rappel, l Atelier du piment produit et transforme du piment d Espelette AOP. Au travers de ces deux exemples nous montrons que les modèles GIM et le modèle d interaction sont applicables au secteur agroalimentaire comme au secteur agricole. La grille GRAI «Entreprise» (Figure 11), a pour objectif de mettre en évidence le lien entre l activité de production agricole et l activité de transformation. Cette grille synchronise également les plannings des opérations agricoles et de transformation. 4.1 L application au domaine industriel Dans cet exemple d application, nous nous intéressons au processus de gestion des commandes. Pour représenter cette activité, nous avons modélisé le système décisionnel avec la grille GRAI (Figure 13) et les processus (Figure 14-15). Figure 15. Actigramme Activité d expédition des commandes (Processus physique) Sur la base des modèles GIM précédemment réalisés, nous élaborons un modèle d interaction sur les activités que nous souhaitons étudier et détailler. Le modèle d interaction présenté (Figure 16) est appliqué à l activité d «Enregistrement de la commande». Il nous permet de représenter les informations traitées par l activité mais également les moyens et les outils de gestion qui la supportent. Figure 14. Processus de gestion commerciale Figure 16. Modèle d interaction - Gérer la commande

8 4.2 L application au domaine agricole Dans le deuxième exemple, nous modélisons l activité de gestion du cahier de culture propre au domaine agricole. Les actigrammes (Figure 16-17) représentent le processus de gestion et le processus physique de la culture sur la parcelle. Figure 17. Actigramme étendu - Processus de gestion de la culture sur parcelle (Processus de gestion) Figure 18. Actigramme - Activité de traitement des parcelles (Processus physique) Pour illustrer le modèle d interaction dans un contexte agricole, nous nous intéressons à l activité d «Enregistrement de la feuille de travail» (Figure 19). Ce modèle d interaction, nous permet de visualiser les différentes étapes de la procédure d enregistrement de la feuille de travail. De plus toutes les informations présentes dans le document y sont représentées (Date, produits, dosage, Surface à traiter, EPI). Cette activité est pilotée par le centre de charge (Planning des opérations) de la grille GRAI (Figure 12). Figure 19. Modèle d interaction - Gérer le traitement des parcelles - «Enregistrement de la feuille de travail» 5 CONCLUSION En conclusion, nous avons détaillé dans un premier temps le contexte des petites entreprises et leur nécessité de disposer d un système d information leur permettant de mesurer et de piloter leur performance. La prise en compte de l organisation de l entreprise est un facteur clé de succès des projets ERP. C est pourquoi, nous avons ensuite présenté la modélisation d entreprise comme un outil permettant la mise en adéquation de l organisation en vue de l intégration du système d information. De ce fait, nous avons proposé une démarche et un modèle d interaction pour mettre en évidence les spécificités de l entreprise dans le but de sélectionner la solution de gestion en adéquation avec ses activités. Dans le futur, nous allons continuer à améliorer notre modèle d interaction en vérifiant qu il permet de modéliser tout type d information puis nous allons relier la modélisation à l élaboration d un cahier des charges de progiciel dédié à ce contexte industriel. 6 REFERENCES Abt, V., (2010). Une approche méthodologique et de modélisation des exploitations agricoles dans une perspective d'ingénierie d'entreprise et de système d'information. Paris, Dauphine Université: 665 pages Botta-Genoulaz, V., Millet, P.-A., et Neubert, G., (2001) The role of enterprise modeling in ERP implementation. Industrial Engineering and Production Management, volume 1, pages Boutin, P., (2001) Contribution à la mise en place d un ERP. Thèse, École Nationale Supérieure des mines de StEtienne. Chen D., Vallespir B., Doumeingts G., (1997) GRAI integrated methodology and its mapping onto generic enterprise reference architecture and methodology, Computers in Industry, vol. 33, n 2-3, p Darras F., (2004) Proposition d'un cadre de référence pour la conception et l'exploitation d'un progiciel de gestion intégré. Thèse de doctorat, Institut National Polytechnique de Toulouse. Systèmes industriels. 230 pages. Deixonne, J. L Piloter un projet ERP: transformer et dynamiser l'entreprise par un système d'information intégré et orienté métier. Dunod. 2e édition.paris.ferrier O., (2002) Les très petites entreprises, De Boeck Université, Bruxelles, 354 p. Holland, C.R., Light, B.,(1999) A critical success factors model for ERP implementation. Software,IEEE 16, no. 3- pp Le Moigne, J.-L., (1977) La théorie du système général, Paris : presse universitaire de France. 258 pages. Le Moigne J.-L., (1990) La modélisation des systèmes complexes. Bordas, 178 pages. Millet, P.-A., (2008) Une étude de l intégration organisationnelle et informationnelle Application aux systèmes d informations de type ERP. Thèse de doctorat. Institut National des Sciences Appliquées de Lyon. (303 Pages) Papy F., (2000) Farm Models and Decision Support: A Summary Review, in Colin J.-P.,Crawford E.W. (dir.), Research on Agricultural Systems: Accomplishments, Perspectives and Issues, Nova Science Publishers, Inc, New York, p. Vernadat, F., (1999). Techniques de modélisation en entreprise : Applications aux processus opérationnels. Economica. 130 pages.

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